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06/12/2010 | FRANCE | N°07/02796

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 06 décembre 2010, 07/02796


JLL/NL



Numéro 5160/10





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 06/12/10







Dossier : 07/02796





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale















Affaire :



[V] [W]



C/



CPAM Pau Pyrénées,

[C] [A],

Madame [I],

[F] [K]

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 6 décembre 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième...

JLL/NL

Numéro 5160/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 06/12/10

Dossier : 07/02796

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Affaire :

[V] [W]

C/

CPAM Pau Pyrénées,

[C] [A],

Madame [I],

[F] [K]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 6 décembre 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Octobre 2010, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur LESAINT, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Monsieur DEFIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [V] [W] prise en son nom et es qualités de représentante légale de son fils mineur [S] [K] né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 9]

[Adresse 12]

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/4635 du 29/08/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour

assistée de Me DUCRUC-NIOX, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU PYRENEES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour

assistée de Me BARNABA, avocat au barreau de PAU

Monsieur [C] [A]

[Adresse 11]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Madame [I]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistés de Me EVADE, avocat au barreau de PAU

Monsieur [F] [K] pris en son nom personnel et es qualités de représentant légal de son fils mineur [S] [K]

[Adresse 12]

[Adresse 3]

[Localité 5]

sur appel de la décision

en date du 20 JUIN 2007

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE :

L'enfant [S] [K] est né le [Date naissance 1] 1999. Le 2 février 2000, sa mère, Mme [V] [W], qui dit avoir constaté une forte fièvre la veille au soir, a fait appel au docteur [E] [I], médecin généraliste, lequel a visité l'enfant au domicile vers 11 heures 30. Plus tard, toujours sur l'appel de Mme [W], le docteur [C] [A], lui aussi médecin généraliste, a visité l'enfant dans la nuit du 2 au 3 février 2000, vers 1 heure 30. Le 3 février au matin, l'enfant, selon sa mère, a présenté des convulsions. Elle a à nouveau appelé le docteur [A] en début de matinée. Celui-ci a vu l'enfant à 14 heures 30 et l'a alors fait hospitaliser au centre hospitalier d'[Localité 9] (Pyrénées Atlantiques). Le médecin hospitalier, sur un choc infectieux et une ponction lombaire qui a mis en évidence une méningite, a fait transférer l'enfant au contre hospitalier de [Localité 10] ;

[S] [K] conserve d'importantes séquelles de cette maladie ; une carte d'invalidité de 80 % lui a été délivrée.

Les parents de l'enfant, Mme [V] [W] et M. [F] [K], agissant tant en leur nom personnel qu'es-qualités de représentants légaux de leur fils mineur, ont agi en responsabilité contre les docteurs [I] et [A].

Par jugement avant dire droit du 18 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Pau a ordonné une expertise. L'expert finalement désigné, le Professeur [U] [Z] a déposé son rapport le 3 juillet 2006. Il a noté que lors des deux premières visites des médecins, il n'a pas été relevé de caractère de gravité de l'état de l'enfant et que seule la visite du 3 février en début d'après-midi a mis en évidence des signes de gravité qui ont conduit à son hospitalisation. Il a estimé que l'ensemble des visites médicales avait été mené dans les règles de l'art sur les examens et la conduite à tenir et a conclu que les conduites médicales avaient été conformes aux données acquises de la science.

Par jugement du 20 juin 2007, le tribunal de grande instance, considérant que les consorts [W] - [K] n'établissaient pas de faute imputable aux médecins [I] et [A], les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation, sans qu'il y ait lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 août 2007, Mme [V] [W] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit du 21 octobre 2008, la cour, après avoir observé que les docteurs [I] et [A] n'étaient pas les médecins traitants de l'enfant et que la relation des événements faite par l'expert ne correspondait pas aux déclarations des parties, s'est interrogée sur l'absence de prises de température par les médecins, qui avaient néanmoins indiqué à la mère un traitement habituellement réservé aux fortes fièvres, sur l'absence de prise en compte de l'inquiétude de la mère, sur le fait que le docteur [A] n'avait conservé aucun compte-rendu de ses consultations et enfin sur la contradiction de l'observation du médecin hospitalier d'[Localité 9] d'un liquide céphalo-rachidien clair alors que le laboratoire avait indiqué un liquide d'aspect trouble. Une expertise complémentaire a été alors ordonnée. Par ailleurs, Mme [W] a été invitée à appeler en la cause la CPAM et à chiffrer ses demandes selon la nouvelle nomenclature des préjudices corporels.

L'expert désigné, le Professeur [R] [N] a déposé son rapport le 28 février 2009.

Après avoir retracé le début des événements et les visites des médecins, l'expert a indiqué l'état de l'enfant à son arrivée à l'hôpital de [Localité 10] : infection méningée à méningocoque, absence de purpura fulminans, quelques pétéchies isolées, un état septique sévère mais pas de choc septique et des convulsions subintrantes. Il a encore indiqué que, à sa sortie de l'hôpital, l'enfant présentait une tétra parésie spastique prédominant aux membres inférieurs, un risque convulsif important et une hydrocéphalie post atrophie cérébrale. Il est, depuis l'année 2000, pris en charge par un établissement spécialisé, a un comportement neuro-psychique sévèrement dégradé, est déficient mental profond et sa dépendance totale nécessite un nursing important. L'expert a enfin noté que la mère de l'enfant avait déménagé pour être plus près de son fils, que le père avait décompensé sur le plan psychiatrique, plusieurs fois hospitalisé, et était incapable de s'occuper de son enfant.

En réponse aux questions posées, l'expert, observant que l'examen de l'enfant par deux praticiens différents avait nui à l'appréciation de l'évolution de la pathologie, a estimé que les médecins concernés n'avaient pas commis de négligence clinique ou d'insuffisance thérapeutique, ni d'erreur de diagnostic, celui-ci étant impossible à effectuer, et que leur conduite avait été conforme aux données acquises de la science, en l'absence de signes permettant d'évoquer, avant l'hospitalisation à [Localité 9], une méningococcémie. Il a cependant indiqué que la prudence, malgré le bon aspect de l'enfant, aurait consisté à le faire hospitaliser, car un enfant fébrile âgé de moins de trois mois, non vacciné, et dont la fièvre résistait aux traitements devait bénéficier d'une hospitalisation pour une mise en observation ou des examens complémentaires. Il a donc conclu qu'il y avait eu un retard à faire hospitaliser l'enfant, contrairement aux recommandations universitaires consensuelles, en vigueur en 2000 mais non encore officiellement édictées, ajoutant dans la lettre de transmission de l'expertise qu'il ne s'agissait pas à l'époque d'une recommandation de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).

Il a ainsi évalué la perte de chance due au retard du pronostic dans la diffusion méningée de l'infection sanguine à 50 % et un peu moins dans le retard du pronostic de méningite constituée, précisant qu'il y avait de 50 à 88 % de risque que le méningocoque évolue vers une méningite constituée.

L'expert a ajouté que la différence notée par les examinateurs dans l'aspect du liquide céphalo-rachidien n'était pas significatif, étant entendu que le liquide n'était pas franchement purulent, ce qui aurait alors laissé supposer une méningite évoluant depuis un certain temps, ce qui n'était pas la cas.

Enfin, l'expert a défini les conséquences fonctionnelles de la maladie, l'enfant étant handicapé à 80 %. Il a relevé la présence d'un préjudice moral des parents doublé d'un préjudice financier et professionnel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 septembre 2009, Mme [V] [W], es-qualités de représentante légale de son fils [S] [K] et en son nom personnel, appelante, fait valoir que :

* pour le préjudice subi par l'enfant, elle fonde son action sur l'article 1147 du code civil, la définition jurisprudentielle de la faute du médecin, tenu à une obligation de moyens, dans l'exécution du contrat conclu avec le client, et sur le code de déontologie médicale qui oblige personnellement le médecin à des soins consciencieux, dévoués et conformes aux données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à des tiers compétents.

* la faute des médecins [I] et [A] est avérée par la légèreté avec laquelle ils ont examiné l'enfant alors que son hospitalisation aurait dû être prescrite dès le 2 février au matin. Ils ont ainsi commis des imprudences et négligences, entraînant une erreur de diagnostic dès le 2 février alors qu'un traitement antibiotique adapté mis en oeuvre précocement permet le plus souvent de guérir la méningite à méningocoque. L'expert [N] a bien indiqué la prudence qu'il y aurait eu à faire hospitaliser l'enfant.

* la faute est constitutive d'une perte de chance de guérison. Elle est en lien de causalité avec le préjudice, puisqu'un traitement antibiotique précoce est capital pour améliorer les chances de guérison, ce que démontre l'accélération de l'apparition des symptômes de la maladie en fin d'après-midi du 3 février.

* l'évaluation du préjudice par l'expert [N] permet d'en chiffrer les différents postes.

* en ce qui concerne le préjudice des parents de l'enfant, elle fonde son action sur les articles 1382 et 1383 du code civil. Elle a été dans l'obligation de déménager pour être plus près de son fils. Elle a subi une modification de sa situation professionnelle et a dû acquérir un véhicule adapté et aménager son logement pour pouvoir parfois accueillir l'enfant. Le père, M. [K], a été régulièrement hospitalisé à l'hôpital psychiatrique. En tant que parents, ils ne peuvent pas établir une relation affective avec leur enfant.

Elle demande :

- la réformation de la décision déférée ;

- la reconnaissance de la faute d'imprudence des docteurs [I] et [A] ;

- l'homologation du rapport d'expertise du professeur [N] quant au préjudice résultant de la perte de chance évaluée à 50 % ;

- le paiement par les docteurs [I] et [A], en réparation du préjudice du jeune [S] [K], des sommes de 330.814 € au titre de l'IPP, 8.000 € au titre des souffrances endurées, 12.000 € au titre du préjudice esthétique et 80.000 € au titre du préjudice d'agrément ;

- le paiement encore par ces médecins, en réparation de son propre préjudice, des sommes de 90.000 € au titre de son préjudice moral et 51.156,96 € au titre de son préjudice économique ;

- le paiement enfin de la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 25 juin 2010, Mme [E] [I] et M. [C] [A], intimés, répliquent que :

- à titre principal :

* leur responsabilité ne peut être engagée que s'ils n'ont pas donné à l'enfant des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date de leur intervention. En l'espèce, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre : ni le professeur [Z], ni le professeur [N] ne mettent en cause la qualité des soins consciencieux et attentifs qu'ils ont prodigués en répondant à chaque appel des parents de l'enfant alors qu'au moment de leur consultation, ils ne pouvaient diagnostiquer une méningococcémie.

* l'avis de l'expert [N] qui apporte une nuance et un complément au rapport du professeur [Z] en évoquant des 'recommandations universitaires consensuelles non encore officiellement édictées' et ajoutant que la prudence aurait consisté à faire hospitaliser l'enfant plus rapidement, ne peut être retenu, alors que, de façon contradictoire, il ne relève aucune négligence ou insuffisance thérapeutique ni erreur de diagnostic et que les recommandations non édictées qu'il n'identifie pas sont étrangères aux données acquises de la science à l'époque des faits. En outre, l'hospitalisation précoce aurait été loin de répondre à une pratique consensuelle en février 2000.

- à titre subsidiaire :

* le préjudice réparable ne résulte pas de l'état dans lequel se trouve l'enfant mais dans une perte de chance d'échapper à la constitution des lésions, ce dont ne tiennent pas compte les conclusions de Mme [W] et de la CPAM. Par ailleurs, l'état végétatif, réparable mais non indemnisable, ne permet aucun calcul sur la probabilité de vie et échappe par nature à la capitalisation.

* il résulte de la fixation des préjudices par l'expert que l'état de l'enfant est désormais consolidé, même s'il est susceptible d'aggravation, et la CPAM ne peut se dispenser de présenter un état définitif. L'organisme social ne présente aucun justificatif de ses dépenses, ni ventilation des sommes demandées. Les postes de préjudices doivent être appréciés à des sommes moindres que celles demandées.

Ils concluent :

- à titre principal, à la confirmation du jugement entrepris ;

- à titre subsidiaire, fixer l'indemnisation du préjudice réparable en fonction de la perte de chance de 50 % ;

- au paiement par Mme [W] de la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2010, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées, appelée en la cause, observe que l'expertise a eu lieu sans qu'elle lui soit opposable et fait valoir que :

* l'état du jeune [S] [K] n'est pas encore consolidé et est susceptible d'évoluer.

* elle présente l'état de sa créance conformément aux dispositions de la loi du 21 décembre 2006. Elle inclut le forfait journalier qu'elle prend en charge, la victime bénéficiant de la couverture maladie universelle complémentaire.

Elle demande :

- de dire que ses dépenses actuelles s'élèvent à la somme de 830.872,38 € imputables sur le poste des préjudices patrimoniaux temporaires ;

- de condamner au payement de cette somme toute partie désignée comme responsable ;

- de lui donner acte de ce qu'elle présentera un état définitif de ses dépenses après consolidation de l'état de la victime ;

L'arrêt précédent de la cour du 21 octobre 2008 était réputé contradictoire, M. [F] [K], assigné à sa personne, n'ayant pas comparu. A la suite de cet arrêt et après le dépôt du rapport d'expertise, M. [K] n'a pas été assigné de nouveau. Le présent arrêt sera rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 21 septembre 2010.

DISCUSSION :

Mme [V] [W], es-qualités de représentante légale de son fils [S], appelante, fonde son action sur la responsabilité contractuelle des médecins appelés au chevet de l'enfant en application de l'article 1147 du code civil alors seul applicable à la date des soins prodigués.

Dans l'exercice de leur métier, les médecins contractent vis à vis de leur patient l'engagement de donner des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

En l'espèce, pour examiner si les docteurs [I] et [A] ont failli à leur obligation de moyen qui résulte de leur engagement, la cour dispose des deux expertises diligentées successivement et de manière complémentaire par les professeurs [Z] et [N].

Il ressort de la lecture des deux rapports déposés que les deux médecins mis en cause, appelés en raison de poussées de fièvre de l'enfant, ont normalement procédé à son examen. Mme [I], premier médecin intervenu, a déshabillé l'enfant, a regardé sa gorge et ses oreilles selon Mme [W], l'a trouvé vigoureux, a suggéré de lui donner un biberon et, en l'absence de signe clinique, n'a pas même évoqué un diagnostic de varicelle en dépit d'un contexte épidémique au moment de son examen. Le docteur [A], le second médecin à intervenir dans la nuit suivant l'examen par Mme [I], l'a trouvé fébrile mais tonique avec des tympans normaux et sans trace dermatologique.

Les deux experts remarquent qu'il n'y avait alors aucun caractère de gravité, tels que des troubles de la conscience ou des troubles alimentaires ayant pu les alerter et particulièrement, selon le rapport du professeur [N], aucun signe pouvant permettre d'évoquer une méningococcémie et un purpura fulminans, étant précisé que les signes se présentent différemment chez un nourrisson de moins de trois mois par rapport aux adolescents et aux adultes et doivent être recherchés dans l'altération de la conscience, le refus alimentaire et les vomissements.

Le docteur [A] a normalement répondu au second appel de Mme [W], en début d'après-midi compte tenu des visites qu'il effectuait par ailleurs, alors que, selon le rapport du professeur [Z], aucun élément de gravité n'a été retracé lors de la conversation téléphonique ayant pour objet de rappeler ce médecin. C'est alors que devant l'état dégradé et les yeux révulsés, selon le rapport [Z], le médecin a organisé son transfert à l'hôpital qui s'est effectué dans le délai d'une heure.

Selon les rapports d'expertise, le docteur [X], médecin hospitalier à [Localité 9], qui a constaté un état septique sévère, a noté quelques taches pétéchiales sous claviculaires, qui se sont ensuite et très vite étendues aux membres inférieurs selon les observations du médecin à [Localité 10]. L'expert [N] note que les manifestations cutanées qui ont pu être observées par Mme [W] avant l'hospitalisation, peut-être fugaces, étaient en tout cas exclusives d'un purpura fulminans auquel la méningite n'est d'ailleurs pas toujours associée et toujours au second plan.

Au regard des constatations concordantes des deux experts, leurs conclusions quant à l'absence de négligence clinique, d'insuffisance thérapeutique ou d'erreur de diagnostic imputables aux médecins ne peuvent qu'être reprises. En dépit de la méningococcémie qui a été ensuite rapidement décelée à l'hôpital d'[Localité 9], la cour rechercherait en vain les imprudences et négligences pouvant leur être reprochées lors des deux premières visites au domicile en l'absence de signe clinique et du bon état de l'enfant même fébrile et de l'impossibilité, relevée par l'expert [N], de faire alors le diagnostic. Aucune faute d'imprudence ou de négligence imputable au docteur [A] ne peut encore être établie lors de sa seconde visite puisque, précisément, au vu de l'état détérioré de l'enfant, il a pris la décision adaptée de l'hospitalisation.

Pour contester cette analyse et ces conclusions et persister dans le reproche de fautes commises par les praticiens, Mme [W] s'appuie sur l'observation de l'expert [N] qui estime qu'en raison de l'âge du nourrisson, moins de trois mois, même en l'absence clinique de gravité, une fièvre persistante et résistante aux traitements suffit pour décider d'une hospitalisation aux fins de mise en observation ou d'examens complémentaires.

Pour donner cet avis et nuancer sa conclusion quant à l'absence de négligence, l'expert fait état de recommandations universitaires consensuelles non officiellement édictées.

Cependant ces recommandations ne peuvent être prises en considération dans le présent débat.

Tout d'abord, comme l'observent à juste titre les intimés, en 2000, à l'époque des soins prodigués, ces recommandations, n'ayant pas été officiellement édictées et ne figurant pas parmi celles diffusées par l'ANAES, n'étaient pas connues de l'ensemble des médecins et il n'est dès lors pas possible de faire le reproche de ne pas les avoir suivies.

Ensuite, il ressort de la note du professeur [Y], médecin hospitalier en service de néonatalogie, certes faite à titre de consultant à la demande des intimés mais qui mérite néanmoins considération, que l'intérêt et le bénéfice d'une hospitalisation systématique était à l'époque discutée, faisant l'objet d'appréciations différentes par les médecins hospitaliers et libéraux, certains mettant en avant la morbidité pouvant en résulter, et que la seule conférence de consensus abordant ce sujet était largement postérieure puisque datant seulement de l'année 2009.

Enfin, dans le cas de l'espèce, alors que Mme [W] avance l'argument qu'une hospitalisation immédiate aurait permis de mettre précocement en place un traitement anti-infectieux pouvant arrêter le processus inflammatoire, l'expert [N] indique lui-même dans son rapport que l'intérêt d'un diagnostic précoce n'est pas unanime car l'expérience clinique montre que les traitements précoces entraînent une stérilisation rapide du liquide céphalorachidien et possiblement des évolutions catastrophiques, alors qu'à l'inverse des traitements retardés peuvent de façon surprenante avoir des suites favorables, en raison du caractère multifactoriel de l'évolution des méningites bactériennes dont l'hôte est un élément impondérable.

Il en résulte que, à la date des soins, d'une part, lors de leur première visite, aucun élément ne pouvait s'imposer aux docteurs [I] et [A] devant les amener à décider d'une hospitalisation, ce qui confirme la conclusion des experts quant à leur attitude médicale exempte de faute de négligence et conforme aux données acquises de la science et que, d'autre part, les soins dispensés par le docteur [A] lors de sa seconde visite, le conduisant à décider l'hospitalisation en fonction de son observation, ont été consciencieux et là encore, conformes aux données alors acquises de la science et exempts de faute reprochable.

Le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions, les demandes de Mme [W] ne pouvant qu'être rejetées.

Les demandes présentées par la CPAM de PAU-PYRENEES seront elles aussi rejetées.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut, et en dernier ressort ;

Vu l'arrêt du 21 octobre 2008 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Rejette les demandes présentées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit les dépens à la charge de Mme [V] [W], avec autorisation donnée à la SCP Longin - Longin-Dupeyron - Mariol et la SCP Marbot - Crepin, avoués, qui l'ont demandé, de faire application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Françoise Pons, Président, et par Madame Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

[J] [M]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07/02796
Date de la décision : 06/12/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°07/02796 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-06;07.02796 ?
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