PB/NL
Numéro 4272/10
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 11/10/10
Dossier : 09/01928
Nature affaire :
Demande en nullité d'une assemblée générale ou d'une délibération de cette assemblée
Affaire :
[T] [Z], [P] [S] épouse [Z]
C/
[H] [L],
[V] [C] épouse [L],
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de l'immeuble [Adresse 3]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 octobre 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Juin 2010, devant :
Monsieur NEGRE, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BELIN, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [P] [S] épouse [Z]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistés de Me SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
Monsieur [H] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [V] [C] épouse [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour
assistés de Me BLAZY-ANDRIEU, avocat au barreau de BAYONNE
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
pris en la personne de son syndic en exercice la SA ARBEL IMMOBILIER dont le siège social est [Adresse 7] elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représenté par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assisté de Me BONNET-GESTAS, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 04 MAI 2009
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Les époux [H] [L] et [V] [C] sont propriétaires du lot n°12 de la résidence située [Adresse 6], leur appartement donne sur une courette intérieure de 5,6 m² qu'ils veulent couvrir, s'estimant propriétaires de celle-ci selon les énonciations contenues dans un arrêt la cour de cassation du 2 octobre 2006 intervenu dans le cadre d'un précédent litige. L'autorisation qu'ils ont sollicitée de la copropriété leur a été refusée par délibération de l'assemblée générale du 12 février 2007. Ils ont contesté de cette décision devant le tribunal de grande instance de Bayonne, leurs voisins, les époux [T] [Z] et [P] [S], propriétaires d'une maison attenante à la copropriété et à la courette, sont intervenus volontairement à cette procédure : bénéficiant d'une servitude de vue sur la courette par la fenêtre donnant sur le patio, ils s'opposent au projet, craignant des nuisances et troubles à leur jouissance.
Par jugement du 4 mai 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne a prononcé l'annulation de la délibération de l'assemblée générale litigieuse, considérant que c'est à tort que le syndicat des copropriétaires persiste à contester le droit de propriété exclusive des époux [L] sur la courette. Rejetant la fin de non recevoir opposée à l'intervention des époux [Z], le tribunal de grande instance a décidé que les travaux doivent permettre l'ouverture directe et intégrale vers l'atmosphère extérieure de la fenêtre des époux [Z] et l'ouverture complète de leurs contrevents vers l'atmosphère extérieure. Une indemnité de 1.000 € pour frais irrépétibles a été mise à la charge du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES au profit des époux [L] et pareille somme à la charge de ces derniers au profit des époux [Z]. Le premier juge se fonde sur le règlement de copropriété qui consacre le principe d'une couverture translucide, retient que le projet ne nécessite aucun appui sur les parties communes mais estime qu'il ne doit pas porter atteinte à la luminosité et l'aération du bien des époux [Z].
Les époux [Z] ont interjeté appel de cette décision le 29 mai 2009.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 3 septembre 2009, les époux [Z] demandent qu'il soit dit que les époux [L] sont dépourvus de tout droit tendant à faire obstacle à leur servitude de vue, ne peuvent être autorisés à réaliser les travaux de couverture du puits de jour. Ils demandent leur condamnation à leur payer une somme de 3.000 € pour résistance abusive et 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils estiment que le premier juge s'est laissé abuser par une impropriété de terme employée par la cour de cassation sur les droits des époux [L] sur le puits de jour, dans une instance à laquelle le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES n'était pas partie.
Ils ajoutent que la couverture envisagée ne leur permettra plus de bénéficier d'aération, sera de nature à générer un excès de chaleur l'été, du bruit en cas de pluie, et une perte de luminosité, qu'enfin le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude ne peut édifier de construction dans un rayon de 19 dm de la limite séparative.
Par conclusions du 1er décembre 2009, les époux [L] invoquent l'irrecevabilité de l'intervention des époux [Z], subsidiairement, ils sollicitent le rejet de leurs demandes et réclament à leur encontre une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts et 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils rappellent que leur demande porte sur une contestation d'une délibération de la copropriété à laquelle les époux [Z] n'appartiennent pas, qu' ils n'avaient donc pas qualité à intervenir. Se référant aux précédentes décisions, ils relèvent que le droit de propriété a été reconnu à Monsieur [L], et estiment que leur projet de couverture par une véranda en verre démontable parfaitement translucide à 87 % ne donne pas lieu à craindre de désordre.
Par conclusions du 15 février 2010, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 3] s'en remet à la cour quant aux travaux, et dans le cas où le jugement serait confirmé en ce qu'il a retenu que la courette est une partie privative, il demande qu'une expertise soit ordonnée aux frais des époux [L] pour permettre d'établir le nouvel état descriptif de division et la répartition des tantièmes, de le décharger de toute somme au titre des dépens et frais irrépétibles. Il relève que selon les actes de copropriété, le règlement de copropriété la courette était considérée comme partie commune, et que si elle devait être tenue comme propriété de Monsieur [L], l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 impose une nouvelle répartition des charges. Il conteste devoir être considéré comme « perdant » à la procédure puisque la demande de complément d'ordre du jour des époux [L] emportant cession de propriété requérait une majorité qualifiée de l'article 26 de la loi et que le premier juge a apporté des restrictions et exigences aux travaux envisagés.
Les époux [L] ont déposé de nouvelles conclusions le 21 juin 2010 sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 16 mars 2010.
DISCUSSION
* sur la révocation de l'ordonnance de clôture
Il n'est justifié d'aucune cause grave postérieure à l'ordonnance de clôture du 16 mars 2010 de nature à en justifier la révocation au sens de l'article 784 du code de procédure civile, elle n'est en effet motivée selon conclusions des époux [L] que par la nécessité de répliquer aux demandes subsidiaires du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES selon conclusions signifiées le 15 février 2010 soit un mois avant l'ordonnance de clôture. En outre ces conclusions et cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture ont été signifiées la veille de l'audience des plaidoiries dans des conditions portant atteinte au principe de la contradiction. La demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera donc rejetée et les conclusions du 21 juin 2010 rejetées comme irrecevables.
* sur la recevabilité de l'intervention des époux [Z]
La demande principale oppose l'un des copropriétaires au syndicat des copropriétaires dont il dépend pour une décision de la copropriété portant sur des travaux. Il n'est pas douteux que cette décision soit susceptible d'avoir une incidence sur les droits de tiers à la copropriété, en l'occurrence des voisins disposant sur la partie immobilière concernée par les dits travaux, d'une servitude de vue. Les époux [Z] ont qualité et intérêt à voir préserver leurs droits face à une action portant sur des travaux qu'ils estiment dommageables.
L'existence d'un lien suffisant entre la demande principale et l'intervention étant ainsi rapportée conformément à l'article 325 du code de procédure civile, l'action des époux [Z] doit comme l'a décidé le premier juge, être déclarée recevable.
* sur le fond
La demande d'annulation de la délibération litigieuse demeure d'actualité puisque si par délibération du 30 juin 2009, la copropriété a décidé de ne pas faire appel du jugement déféré autorisant les travaux dans les conditions qu'il détermine et que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES s'en rapporte sur la demande d'annulation, il n'y a cependant pas d'autorisation expresse des dits travaux par la copropriété, contrairement aux affirmations des époux [L] sur ce point. En outre, il doit être relevé que l'autorisation de couverture de la petite cour intérieure par les époux [L] résultait de leur titre de propriété conforme au règlement de copropriété décrivant leur lot avec droit sur la courette précisé comme suit : 'la jouissance exclusive de la cour à l'extrémité nord-est de la propriété, avec droit d'établir et de remplacer une toiture en matériau translucide...'. En conséquence, au regard de l'ensemble de ces éléments et sans qu'il y ait lieu de se référer à la question de la propriété de cette courette non évoquée dans cette délibération, force est de constater que la délibération n° 12 de l'assemblée générale du 12 février 2007 refusant aux époux [L] l'autorisation de couvrir la courette était contraire aux droits déjà acquis par ceux-ci envers la copropriété. En tout état de cause, le syndicat des copropriétaires, qui s'en remet également quant à la propriété effective de la cour intérieure doit se voir rappeler que la copropriété s'est déjà prononcée sur cette question par délibération du 1er juillet 1989 reconnaissant à Monsieur et Madame [L] la propriété de la cour en les autorisant à faire procéder à la modification du descriptif de propriété. Ce n'est donc pas de l'arrêt de la cour de cassation du 2 octobre 1996 que les époux [L] déduisent leurs droits sur la courette, puisque cet arrêt se limite à évoquer 'une cour intérieure appartenant à Monsieur [L]' dans une instance antérieure opposant Monsieur [L] aux époux [Z] inopposable au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, mais bien des titres de propriété, règlements de copropriétés et décisions définitives de la copropriété. La délibération litigieuse doit donc être annulée en ce que prise au visa d'un article 26 bis de la loi du 10 juillet 1965 (en réalité l'article 26), elle est allée à l'encontre du règlement de copropriété autorisant ces travaux et en statuant sur des mesures portant sur l'administration de biens immobiliers n'affectant pas les parties communes. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la délibération litigieuse.
En revanche, il importe de s'assurer que ces travaux ne soient pas de nature à préjudicier aux droits des tiers. La fonction principale de puits de jour de la courette intérieure n'est pas discutée. Il doit être rappelé que dans le cadre d'une précédente instance opposant les parties, la couverture de la cour intérieure par un revêtement en éverite a déjà été déclarée impossible, et que cette décision est revêtue de l'autorité de la chose jugée. L'opposition des époux [Z] à la couverture de la courette par un revêtement en verre est dénuée de tout visa juridique ; elle fait référence non à l'article 1382 du code civil et la notion de troubles de voisinage mais au respect de leur servitude de vue sur la courette, en l'espèce reconnue judiciairement selon arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 septembre 1994 définitif suite au rejet du pourvoi par arrêt de la cour de cassation du 2 octobre 1996. Les époux [L] s'engagent à respecter cette servitude.
Au vu des documents produits, spécialement les plans et devis, les travaux envisagés ne remettent pas en cause la vue : cette servitude de vue reconnue aux époux [Z] ne s'étend pas stricto sensu à la fonction d'aération par ouverture de la fenêtre, seule la luminosité des lieux est garantie dans la décision précitée. Il est en l'occurrence établi que cette luminosité n'est susceptible d'être modifiée que dans une faible proportion (de l'ordre de 13 % puisque le verre employé est translucide à 87 %). La description des travaux envisagés, en l'absence de toute autre preuve produite par les appelants ne démontre nullement que le projet porte atteinte à l'exercice de la servitude de vue, en observant que le caractère démontable des ouvrages ne fera pas plus obstacle à la servitude du tour d'échelle dont il était question dans ce précédent litige où la couverture de la véranda n'avait été remise en cause qu'en raison de l'impossibilité pour les époux [Z] de monter des échafaudages pour procéder à un ravalement de leur mur. La référence formulée par les époux [Z] à l'interdiction de toute construction dans un rayon de 19 dm du mur d'ouverture renvoie aux dispositions de l'article 678 du code civil, elle est inadaptée en ce que la verrière ne crée ni n'aggrave aucune vue, qu'il ne s'agit pas d'une construction indépendante des murs déjà existants. Le jugement devra donc être confirmé en toutes ses dispositions, les époux [L] n'ayant pas formé appel incident des dispositions leur précisant les conditions et limitations apportées au dispositif à leur projet.
* sur la demande subsidiaire du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES
Non formulée en première instance, la demande aux fins d'expertise pour faciliter la modification de l'état descriptif de division doit être rejetée car la présente décision porte non sur la proclamation de droits de propriété mais sur des travaux. Par ailleurs, il appartient à la copropriété d'assumer elle même l'organisation de toutes mesures utiles quant à la modification de l'état descriptif de division et de répartition des charges dans le respect de la consultation préalable des copropriétaires.
Cette demande sera donc rejetée.
* sur les demandes accessoires
Les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées ; une somme supplémentaire de 1.000 € à la charge des appelants sera allouée aux époux [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES ayant admis la position des demandeurs tardivement les dépens de première instance seront à sa charge, ceux de l'appel devant être mis à la charge exclusive des appelants.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 16 mars 2010.
Déclare irrecevables toutes pièces et conclusions postérieures.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 4 mai 2009.
Rejette la demande subsidiaire du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 3].
Y ajoutant, condamne les époux [Z] à payer aux époux [L] une somme de mille euros (1.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 3] aux entiers dépens de première instance et les époux [Z] aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP MARBOT - CRÉPIN, la SCP PIAULT - LACRAMPE - CARRAZE, la SCP De GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués à la cour.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Fabrice AUGEY, Conseiller, par suite de l'empêchement de Monsieur Roger NÈGRE, Président, et par Madame Mireille PEYRON, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,Pour LE PRÉSIDENT empêché
Mireille PEYRON Fabrice AUGEY