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23/09/2010 | FRANCE | N°09/00010

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 23 septembre 2010, 09/00010


CP/NG



Numéro 3944/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRET DU 23/09/2010







Dossier : 09/00010





Nature affaire :



Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable















Affaire :



S.A.R.L. [U] [O]



C/



[L] [T]



CPA

M



SA MAAF ASSURANCES





































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 SEPTEMBRE 2010, les parties en ayant été pr...

CP/NG

Numéro 3944/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRET DU 23/09/2010

Dossier : 09/00010

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

S.A.R.L. [U] [O]

C/

[L] [T]

CPAM

SA MAAF ASSURANCES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 SEPTEMBRE 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 Juin 2010, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. [U] [O]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Maître FERNANDEZ, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [L] [T]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Maître FANDO-COLINA, avocat au barreau de BAYONNE

S.A MAAF ASSURANCES

Chauray

[Localité 4]

représentée par la SCP ETESSE, avocats au barreau de PAU

CPAM

[Adresse 3]

[Localité 1]

Non comparante, ni représentée, qui a fait parvenir un courrier en date du 26/04/2010

sur appel de la décision

en date du 14 DECEMBRE 2007

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE BAYONNE

FAITS PROCEDURE :

Monsieur [L] [T] employé par la SARL [U] [O] en qualité de menuisier charpentier, a été victime d'un accident du travail le 29 juillet 2003 sur un chantier à URRUGNE. Il est tombé du toit sur lequel il travaillait et a été grièvement blessé, un taux d'IPP de 100 % lui a été reconnu.

La tentative de conciliation organisée le 26 mai 2005 en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur a donné lieu à un procès-verbal de non-conciliation. Monsieur [L] [T] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale en application de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale pour voir dire que l'accident du travail dont il a été victime est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, de lui allouer la majoration maximum de la rente et de condamner la SARL [U] [O] à réparer le préjudice corporel ainsi que l'incidence professionnelle consécutifs à l'accident du travail.

Par jugement du 14 décembre 2007, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de BAYONNE a :

- déclaré Monsieur [L] [T] recevable en son recours régulier en la forme,

- a dit que l'accident du travail survenu le 29 juillet 2003 est dû à la faute inexcusable de l'employeur,

- a dit que Monsieur [L] [T] a droit au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale arrêtée à la somme de 15.973,78 € à la date de la consolidation,

- a rappelé que l'indemnité sera payée par la caisse primaire d'assurance maladie de BAYONNE qui en récupérera le montant conformément aux dispositions de l'article L. 452-2 alinéa 6 et 7 du code de la sécurité sociale,

- et avant dire droit sur le montant d'indemnisation des chefs de préjudice a ordonné une expertise,

- a fixé à la somme de 8.000 € le montant de la provision allouée à Monsieur [L] [T] à valoir sur la liquidation de ses préjudices,

- a dit que la caisse primaire d'assurance maladie de BAYONNE devra faire l'avance de cette somme,

- a condamné la SARL [U] [O] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de BAYONNE les sommes dont elle fera l'avance,

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'étendue de la garantie due par la compagnie d'assurances MAAF S.A à la SARL [U] [O],

- a déclaré le jugement commun à la compagnie d'assurances MAAF ASSURANCES et à la caisse primaire d'assurance maladie de BAYONNE,

- a débouté la compagnie d'assurances MAAF S.A de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- et a sursis à statuer sur les demandes faites au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LA SARL [U] [O] a interjeté appel de ce jugement le 6 janvier 2009.

Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leur conseil respectif, sauf la caisse primaire d'assurance de BAYONNE qui a fait savoir qu'elle ne serait ni présente, ni représentée à l'audience et s'en remettait à justice après avoir déposé des conclusions à cette fin le 26 avril 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions développées à l'audience, la SARL [U] [O] demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée l'action de Monsieur [L] [T], de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à verser la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens.

Subsidiairement, et pour le cas où la cour ferait droit aux demandes formulées par ce dernier,

- débouter la MAAF de l'ensemble de ses demandes,

- dire que la compagnie d'assurances MAAF sera tenue de la garantir et relever indemne de toute condamnation éventuelle,

Très subsidiairement,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice concernant l'exception d'incompétence du TASS soulevée par la MAAF, dire que le jugement à intervenir sera déclaré commun à la compagnie d'assurances.

Elle fait valoir qu'elle est une petite entreprise familiale où il n'existe aucun fossé entre employeur et salariés créée depuis plus de 40 ans, que la procédure pénale a été classée sans suite et qu'elle avait conscience du danger, mais qu'elle avait mis à la disposition de ses deux employés expérimentés tout le matériel de sécurité, que dès lors aucun manquement ne peut lui être reproché, elle rappelle les propos de Monsieur [N] lors de l'enquête de police, lequel a déclaré : « nous avons la possibilité dans l'entreprise d'avoir le matériel de sécurité qui se trouve toujours à notre disposition au dépôt et que nous pouvons utiliser librement. Encore une fois, il ne nous a pas semblé impératif de se servir de matériaux spéciaux ce jour-là. » elle indique que l'accident a pour cause déterminante l'inattention de son employé qui a posé le pied sur le lambris dépourvu du chevron qu'il venait d'enlever et donc de support ainsi qu'il l'a indiqué dans ses déclarations, que les salariés n'avaient pas pris de protection individuelle puisque les travaux étaient les travaux habituels qui ne devaient pas dépasser une journée de travail s'agissant de réparer un avant-toit d'environ 50 cm et de remplacer un chevron. Elle ajoute qu'elle s'en remet à la justice sur l'incompétence soulevée par la compagnie d'assurances mais que toutefois le jugement à intervenir doit lui être déclaré commun.

*******

Par conclusions développées à l'audience, Monsieur [L] [T] demande à la Cour de déclarer l'appel de la SARL [U] [O] irrecevable et mal fondé, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner la SARL [U] [O] à payer la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Il fait valoir que la SARL [U] [O] n'a pas vérifié si ses ouvriers disposaient de moyens de protection, que le 29 juillet 2003 dans la matinée alors qu'ils se trouvaient sur un autre chantier à SOCOA, l'employeur les a contactés téléphoniquement pour leur demander de se rendre sur un nouveau chantier à URRUGNE, qu'aucun matériel de sécurité particulier n'avait été prévu et était donc absent du véhicule, qu'ils n'avaient pu prévoir le matériel adéquat puisqu'ils ignoraient lors du départ de l'atelier qu'elle serait la nature des travaux à effectuer puisqu'ils ont même utilisé l'échelle du client, alors qu'il lui appartenait de veiller de façon efficace au port effectif des équipements individuels, de les faire vérifier annuellement, de former ses salariés au port de ces équipements et que cette dernière ne démontre pas qu'elle disposait du matériel de sécurité nécessaire et qu'aucune faute ne peut être mise à sa charge dès lors qu'il ne peut s'agir que d'une faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Il ajoute enfin qu'il ressort du procès-verbal rédigé par le contrôleur du travail que la SARL [U] [O] n'avait pas mis en 'uvre l'évaluation des risques professionnels et qu'aucun moyen de protection collectif ou individuel n'était disponible sur le chantier.

******

La compagnie d'assurances MAAF ASSURANCES S.A demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de l'étendue des garanties susceptibles d'être accordée par elle à la SARL [U] [O], la condamner à payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit quant aux autres prétentions des parties.

Elle fait valoir qu'une instance civile a déjà donné lieu à jugement du tribunal de grande instance de BAYONNE confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de PAU qui a été cassé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 novembre 2009 qui a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de BORDEAUX, que la SARL [U] [O] est l'initiatrice de ce contentieux qu'elle ne saurait ignorer, que pour cette raison, elle devra être condamnée à payer une juste indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Sur la faute inexcusable

Monsieur [L] [T], employé par la SARL [U] [O] en qualité de menuisier charpentier a été victime d'un accident du travail le 29 juillet 2003 sur un chantier à URRUGNE, il est tombé du toit sur lequel il travaillait en posant le pied sur le lambris de l'avant toit qui s'est effondré car il n'était plus soutenu par le chevron qui venait d'être enlevé.

L'absence de condamnation pénale du responsable de l'entreprise, en l'état d'une enquête classée sans suite, n'exclut pas l'existence d'une faute inexcusable de ce dernier en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et accidents du travail soit du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou d'un manquement aux règles d'hygiène ou de sécurité de sorte que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient donc à la victime de démontrer la conscience du danger que devait avoir l'employeur, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été ou non est la cause déterminante de la maladie professionnelle affectant le salarié, il suffit qu'elle ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

La SARL [U] [O] ne conteste pas avoir eu conscience du danger d'une telle intervention et Monsieur [L] [T] qui était un ouvrier expérimenté a certes commis une faute d'inattention mais qui ne saurait être qualifiée de faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité de nature à exonérer la responsabilité de l'employeur.

Par ailleurs, il résulte des déclarations de l'employeur lors de l'enquête menée par la direction départementale du travail de l'emploi ,qu'aucun moyen de protection collectif ou individuel n'était disponible sur le chantier en infraction aux alinéa 1 et 4 de l'article R. 233-1 du code du travail en contradiction avec ses déclarations à la police selon lesquelles les moyens de protection se trouvaient à leur disposition dans le véhicule ce qu'il ne démontre pas et le collègue de chantier de la victime a déclaré qu'ils se trouvaient au dépôt.

Or, il appartient à l'employeur, à raison de l'obligation de sécurité de résultat mise à sa charge, de veiller à la mise en oeuvre des dispositifs de sécurité appropriée, mise en oeuvre obligatoire et qui ne doit pas être laissée à la libre appréciation des salariés, il appartenait à la SARL [U] [O] qui connaissait la nature des travaux à réaliser pour les avoirs évalués avec le client de veiller à ce que ses salariés se munissent des équipements de sécurité appropriés et obligatoires.

La SARL [U] [O] a donc commis une faute inexcusable au sens de l'article 452-1 du code de la sécurité sociale en ne veillant pas à ce que ses ouvriers qui travaillaient à une hauteur de plus de 3 mètres emportent et utilisent les dispositifs obligatoires de sécurité sur le chantier dont il connaissait les risques.

Sur la mise en cause de la MAAF assureur de responsabilité de la SARL [U] [O]

Il convient de constater qu'une autre juridiction est saisie de la question de la garantie de la compagnie d'assurances à l'égard de la SARL [U] [O], il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour fixer l'étendue de la garantie dont est redevable la compagnie d'assurances et de le réformer en ce qu'il a déclaré le jugement commun à cette dernière.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [L] [T] les frais par lui exposés et non compris dans les dépens, la Cour lui alloue à ce titre la somme de 1.500 €.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la compagnie d'assurances SA MAAF ASSURANCES les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, la Cour lui alloue à ce titre la somme de 500 €.

La procédure devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale est indemne de tout dépens par application de l'article L 144-5 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré le jugement commun à la compagnie d'assurances MAAF SA,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Renvoie les parties devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de BAYONNE pour qu'il soit statué en lecture de rapport d'expertise sur les différents chefs de préjudice subis par la victime,

Condamne la SARL [U] [O] à payer à Monsieur [L] [T] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SARL [U] [O] à payer à la compagnie d'assurances SA MAAF ASSURANCES la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens par application de l'article

L 144-5 du code de la sécurité sociale.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00010
Date de la décision : 23/09/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°09/00010 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-23;09.00010 ?
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