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15/09/2010 | FRANCE | N°08/02815

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 15 septembre 2010, 08/02815


RN/NL



Numéro 3761/10





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 15/09/10







Dossier : 08/02815





Nature affaire :



Demande en nullité de la

vente ou d'une clause de la

vente















Affaire :



[M] [O] épouse

[G],

[E] [O] épouse [AT],

[N] [O],

[SS] [TE]



C/



[VC] [L], [R] [B] [Y] épouse [L]



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 septembre 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions pré...

RN/NL

Numéro 3761/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 15/09/10

Dossier : 08/02815

Nature affaire :

Demande en nullité de la

vente ou d'une clause de la

vente

Affaire :

[M] [O] épouse

[G],

[E] [O] épouse [AT],

[N] [O],

[SS] [TE]

C/

[VC] [L], [R] [B] [Y] épouse [L]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 septembre 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Mai 2010, devant :

Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BELIN, Conseiller

assistés de Madame PICQ, faisant fonction de Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [M] [O] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [E] [O] épouse [AT]

[Adresse 11]

[Localité 8]

Monsieur [N] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Monsieur [SS] [TE]

[Adresse 15]

[Localité 7]

représentés par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

INTIMES :

Monsieur [VC] [L]

[Adresse 14]

[Localité 8]

Madame [R] [B] [Y] épouse [L]

[Adresse 14]

[Localité 8]

représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistés de Me HALSOUET, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 17 DECEMBRE 2007

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte reçu par Maître [A], notaire à SAINT-[P]-DE-LUZ, le 21 juillet 1999, Monsieur [U] [O], alors âgé de 58 ans pour être né le [Date naissance 5] 1940, a vendu aux époux [L] la maison 'Lau Haizeak' sise à [Localité 8] (Pyrénées Atlantiques), le sol de la construction et le terrain en dépendant figurant au plan cadastral de cette commune sous le n° [Cadastre 3] de la section B pour une contenance de 9 ares et 61 centiares, moyennant versement comptant de 100.000 francs (soit15.244,90 €) et constitution d'une rente viagère annuelle de 24.000 francs (soit 3.658,78 €) indexée, payable par mensualités de 2.000 francs (soit 304,90 €).

L'acte de vente comportait une réserve de droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur, sa vie durant, sur une partie des biens vendus qui comprenait l'appartement formant la totalité du premier étage, l'escalier y menant, les combles au-dessus et le garage au rez-de-chaussé, le droit à la cour avec les autres occupants ou propriétaires de l'immeuble, étant précisé que pour le cas où avec l'accord du vendeur 'désormais acquis', l'acquéreur venait à édifier sur une partie du jardin une construction à usage de garage pouvant être utilisée en totalité ou partiellement par le vendeur, celui-ci s'engageait à libérer de son droit le garage de son droit le garage se trouvant au rez-de-chaussée du bâtiment 'actuel'. La rente devait être augmentée de 40 % dans l'hypothèse où le vendeur abandonnerait son droit d'usage et d'habitation.

La valeur vénale du bien vendu compte tenu de la réserve du droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur était estimée, pour le calcul des droits, à 500.000 francs, soit 76.224,51 € ;

Monsieur [U] [O] est décédé le [Date décès 4] 2004, laissant pour lui succéder, selon certificat d'hérédité du 5 avril 2004, Madame [M] [O] épouse [G], Madame [E] [O] épouse [AT], Monsieur [N] [O] et Monsieur [SS] [TE].

Selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 novembre 2003, Monsieur [U] [O] avait invité infructueusement le notaire, Maître [A], à obtenir l'annulation amiable de l'acte de vente pour défaut de cause ou d'aléa.

Par acte du 25 mai 2004, les consorts [O] [TE] (les consorts [O]) ont assigné les époux [L] devant le tribunal de grande instance de Bayonne aux fins de voir prononcer la nullité de la vente pour absence d'aléa, déclarer nuls et de nul effet tous baux et droits constitués par les époux [L] sur l'immeuble, dire que les arrérages payés seront acquis à la succession de Monsieur [U] [O] à titre d'indemnité d'occupation, condamner les époux [L] au paiement d'une indemnité d'occupation et condamner ces derniers au paiement de dommages et intérêts à compenser pour partie avec le bouquet payé comptant au jour de la vente.

Après avoir noté qu'au jour du décès de [U] [O], le service de la rente avait été régulièrement effectué, que l'appartement du rez-de-chaussée avec jouissance commune de la cour et du jardin était loué depuis juillet 1999 et qu'une construction à usage de garage de 30 m² avait été édifiée, ils exposaient qu'en novembre 2003, [U] [O], qui occupait l'étage, avait été amené, à la suite de différends successifs avec les locataires de l'appartement du rez-de-chaussée au sujet de la jouissance commune du jardin, à consulter pour connaître la teneur exacte de ses droits et obligations au regard de l'acte de vente du 21 juillet 1999 et que découvrant la complexité de la convention de vente moyennant constitution de rente viagère et les incidences des concessions et facilités consenties à l'acquéreur, il avait constaté qu'il avait été dupé, le contrat étant dépourvu de tout aléa.

Se référant aux articles 1104, 1964 et 1131 du code civil, ils invoquaient en l'espèce un double défaut d'aléa, pour absence de prix et concernant la personne du crédirentier, en faisaient valoir,

- que d'une part, la valeur locative de l'appartement de 60 m² dont la jouissance avait été attribuée aux débirentiers était supérieure au montant de la rente viagère mensuelle servie et que dès lors, de par leur seule volonté, puisqu'en ayant la jouissance immédiate, ces derniers avaient la possibilité de dégager un revenu supérieur au montant de ladite rente,

- et que d'autre part, Monsieur [U] [O] était gravement malade à l'époque de la vente, ce que ne pouvait ignorer l'acquéreur dont le frère était un des premiers voisins, et que s'ils n'entendaient pas se prévaloir 'de l'existence de l'aléa objectif requis par la jurisprudence pour l'application de l'article 1975 du code civil', ils entendaient cependant relever que les époux [L] avaient manifestement profité de la souffrance de celui-ci, invalide à 80 % et de son désarroi consécutif à sa maladie.

Par jugement du 17 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Bayonne a débouté les consorts [O] de leur demande d'annulation de la vente ainsi que de leur demande subsidiaire d'expertise et les a condamnés solidairement aux dépens ainsi qu'à verser aux époux [L] la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré, aux motifs de sa décision,

- que dans la mesure où il ne ressortait pas des débats que les époux [L] aient possédé des connaissances spécifiques en matière médicale leur permettant d'apprécier précisément l'espérance de vie d'un homme de 58 ans correctement traité et qu'au jour de la vente, la date du décès de [U] [O] était particulièrement prévisible, il n'y avait pas lieu de dire qu'au jour de la vente, l'aléa dû à la durée de la vie du vendeur était inexistant, observant d'autre part que l'examen des deux courriers adressés par lui à Maître [A] en novembre 2003 et août 2004 ne démontrait pas l'existence chez le vendeur d'un particulier état de faiblesse,

- et au visa de l'article 1976 du code civil, que s'il est acquis que la vente doit être annulée si la rente est inférieure à l'intérêt du capital représentant la valeur des biens vendus, que pour le cas où le crédirentier se réserve la jouissance d'une partie du bien, l'appréciation du caractère sérieux du prix se fait par comparaison entre le montant de la rente et l'intérêt que procurerait le capital représenté par la propriété grevée de cette réserve et que le juge devant rechercher dans l'ensemble des conditions de la vente si le prix convenu était vil, en l'espèce, il n'y avait pas en la cause d'éléments suffisants permettant d'établir que la valeur locative du bien était très nettement supérieure à la rente servie et compte tenu de l'économie générale du contrat, notamment l'importante réserve de jouissance au profit du vendeur, il n'y avait pas lieu de dire que la vente avait été conclue à vil prix.

Le premier juge a enfin motivé le rejet de la demande subsidiaire d'expertise en relevant que les demandeurs avaient produit aux débats différents éléments qu'ils estimaient de nature à prouver leurs allégations et sur lesquels ils avaient fondé de manière complète leur argumentation et que le litige avait trouvé sa solution avec les éléments déjà en la cause.

Par déclaration du 4 février 2008, les consorts [O] ont interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions du 29 octobre 2009, auxquelles il est fait référence, ils demandent à la cour, au visa des articles 1104, 1131, 1964 et 1976 du code civil et 9, 143, 144 et 263 du code de procédure civile,

- de débouter les époux [L] de toutes leurs demandes,

- de prononcer la nullité de la vente consentie le 21 juillet 1999 par feu [U] [O] aux époux [L] moyennant constitution de rente viagère pour défaut d'aléa et absence de prix réel et sérieux,

- de déclarer nuls et de nul effet tous baux, tous droits constitués par les époux [L] sur l'immeuble,

- d'ordonner, sous astreinte, aux époux [L] de vider les lieux et leur remettre les clefs lors d'un constat d'état des lieux dressé, à leurs frais, par huissier désigné par eux-mêmes dans les trente jours de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner les époux [L] au paiement d'une indemnité d'occupation de 42.763,73 €, déduction faite des sommes versées au crédirentier au titre du versement comptant des arrérages, pour la période du 22 juillet 1999 au 30 mai 2009, et de 1.055,59 € postérieurement, jusqu'à entière libération des lieux et remise des clefs,

- de condamner les époux [L] au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts,

- de les condamner au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais de transcription au registre foncier.

A titre subsidiaire, ils sollicitent une mesure d'expertise.

Suivant conclusions du 22 septembre 2009, auxquelles il est également fait référence, les époux [L] demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions, à l'exclusion de celles relatives au rejet de leur demande reconventionnelle,

- de condamner les appelants, conjointement et solidairement entre eux, à leur régler à chacun la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure, abus de droit et préjudice moral,

- de les condamner, conjointement et solidairement entre eux, à une indemnité complémentaire de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 16 mars 2010.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que les dispositions de l'article 1975 du code civil, auquel se réfèrent les époux [L], n'interdisent pas de constater, pour des motifs tirés du droit commun des contrats, la nullité d'une vente consentie moyennant le versement d'une rente viagère même quand le décès du crédirentier survient plus de vingt jours après la conclusion de la vente ; que s'agissant d'un contrat aléatoire, le décès du vendeur doit constituer pour les acquéreurs un événement incertain au moment de la conclusion de la vente, ce qui exclut la connaissance par eux de son caractère imminent ;

Que par ailleurs, l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet, l'existence de la cause devant s'apprécier à la date à laquelle l'obligation est souscrite et l'erreur sur l'existence de la cause justifiant l'annulation de l'engagement par défaut de cause ;

Attendu qu'au demeurant, les époux [L] ne contestent pas l'exigence d'un aléa objectif mais que faisant valoir que ceux-ci n'ont pu ignorer l'état de santé du vendeur, les consorts [O] soutiennent qu'ils ont manifestement profité du mauvais état de santé physique et psychique de [U] [O], qui de surcroît était sans emploi et privé de revenus, ses droits à la retraite n'étant pas encore ouverts ; que compte tenu de la rapidité de l'opération, l'acte ayant été signé devant le notaire moins de quinze jours après que [U] [O] eût chargé Monsieur [SF] de rechercher un acquéreur moyennant le versement comptant de 100.000 francs et le service d'une rente mensuelle de 2.000 francs, selon eux sans discussion complémentaire entre les parties ni entretien préalable avec le praticien pour lui expliquer la teneur du contrat, dont l'économie se trouvait bouleversée car le privant des revenus de la location de l'appartement du rez-de-chaussée qu'il louait habituellement et qui étaient de même niveau que la rente prévue, Monsieur [O] aurait été dupé par les 'machinations' des acquéreurs ;

Attendu que selon certificat médical du 12 août 2004, [U] [O], qui avait bénéficié d'un séjour de soins et rééducation cardiologique et nutritionnelle au centre médical [9] à [Localité 10] du 16 novembre au 17 décembre 1998, était une personne obèse souffrant de multiples pathologies, notamment cardiaques - il aurait été victime d'un infarctus du myocarde en 1987 - et d'un diabète de type II apparu en 1997, mal équilibré ; qu'il était invalide à 80 % ;

Attendu qu'en date du 9 juin 2004, Monsieur [F] [SF] atteste en ces termes :

'En juillet 1999, j'ai rencontré Monsieur [O] [U] m'a demandé si je connaissais une personne pour prendre en viager sa maison.

J'en ai parlé à plusieurs personnes dont Monsieur [D] [I] intéressé par ce viager, rente 2.000 francs/mois et 100.000 francs de bouquet. [U] m'a dit qu'il préférait que ce soit vendu à quelqu'un du pays. Sa compagne ayant refusé de l'acheter, je le proposais à nouveau à plusieurs personnes d'[Localité 8] notamment Monsieur [L] [P] [X] et Madame [L] [TR].

Ce dernier accepta les propositions de Monsieur [O] [U] lorsque nous nous sommes rencontrés chez Monsieur [O] !

Rente 2.000 francs/mois et [K] 100.000 Francs.

Monsieur [O] [U] ne voulait en aucun cas que sa famille prenne ce bien en viager.

Le jour de la négociation en ma présence Monsieur [O] [U] a vendu la débroussailleuse et la tondeuse pour 5.000 francs, Monsieur [L] l'a réglé en suivant.

Je certifie que Monsieur [O] [U] ne m'a jamais parlé de problèmes de santé.'

Attendu que Monsieur [T] [J] atteste, en date du 16 mai 2006 :

'J'avais été appelé au printemps 1999 par Monsieur [O] pour lui faire un devis chez lui à LAUHAIZEAK pour faire de la faïence d'un petit appartement au rez de chaussée.

Une fois sur les lieux je lui avais fait savoir que dans l'état auquel se trouvait cet appartement il était impossible de le faïencer, il y avait énormément d'humidité et de la moisissure.

C'est alors qu'il m'a dit que personne ne voulait plus lui louer dans l'état. Il m'avait invité gentiment à prendre l'apéritif dans son garage et au fil de la conversation me demanda si je ne serais pas intéressé pour lui acheter sa maison en viager et me donna ces conditions 100.000 Francs de [K] et 2.000 Francs de rente par mois.

Mais surtout il insistait que la remise en état de la maison et l'entretien seraient à la charge de l'acheteur, en regardant la maison, je vis qu'il y avait beaucoup de travaux à faire. Ravalement, volets à changer, portail cassé, pas de grillage en clôture, tout le bas à refaire. J'ajouterai qu'il laisserait l'appartement du bas à l'acheteur, je lui posais la question s'il n'avait pas de la famille, il me répondis que à part sa copine, il était en froid avec toute sa famille et que sa copine ne voulait pas lui acheter.

Après beaucoup de réflexion je décidai de ne pas donner suite à cette offre car il y avait trop de travaux à effectuer.'

Que Monsieur [H] [UD] atteste en date du 27 décembre 2005 :

'Monsieur [O] [U] était venu me voir, à l'agence à [Localité 8] Immobilier... où je travaillais comme Agent commercial... pour m'occuper de louer son appartement situé au rez de chaussée de la Maison Lau Haizeak à [Localité 8]. Lors de ma visite à son domicile j'ai constaté que l'appartement était en mauvais état avec des remontées d'humidité le long des murs avec des formations de moisissures (traces noires). D'autre part les volets et les fenêtres étaient en mauvais état et avaient besoin d'être changés. Je lui ai conseillé de faire des travaux de rénovation avant de mettre son appartement à la location... Je n'ai pas eu depuis lors de ces nouvelles.'

Attendu que Monsieur [U] [Z] atteste, en date du 4 mars 2005, 'avoir été locataire de Monsieur [O] [U] dans un appartement maison 'LAU-HAIZEAK' d'environ 65 m² et payé un loyer mensuel de 1.500 Frs de 1991 à 1992 charge comprise (eau - électricité) avec parking pour voitures et jardin. L'appartement était très humide.'

Que Madame [S] [V] atteste, en date du 8 décembre 2004 : 'J'ai loué à Monsieur [U] [O] l'appartement de 70 m² situé au rez de chaussée de sa maison [Adresse 13], à [Localité 8], du 1er septembre 1994 au 31 septembre 1997. Le loyer mensuel, fixé à 1.800 francs lors de l'entrée dans les lieux, en 1994, n'a pas varié durant mon séjour. Je précise que je ne disposais, sur le jardin, que d'un droit de passage jusqu'à mon appartement.'

Attendu que selon les précisions fournies par les consorts [O] eux-mêmes, il s'agit d'une maison construite en 1963, comportant 270 m² de surface de plancher et 90 m² de combles aménageables, située à 1,5 km du bourg d'[Localité 8], que l'appartement du rez-de-chaussée est de 58 m² habitables et la pièce dénommée garage, comportant wc-douche et coin cuisine, de 40 m² et que l'appartement du 1er étage est de 98 m² ;

Attendu que les consorts [O] se réfèrent à un rapport établi à leur demande par Monsieur [W], expert immobilier et foncier, estimant, au moment de la vente, la valeur vénale d'ensemble des biens à 194.000 €, la valeur vénale des biens réservés à 135.778 €, la valeur du droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur à 43.709 € (pour une espérance de vie de 20,2 ans), la valeur des biens cédés à 194.000  -43.709 = 150.291 €, le revenu locatif net de l'appartement du rez-de-chaussée à 265,84  € x 12 = 3.190 €, l'intérêt que procurerait le capital représenté par la propriété grevée du droit d'usage et d'habitation à 3.012 €, soit un revenu total de 6.202 € par an à comparer avec la rente annuelle de 3.659 €, d'où une rente inférieure de 41 % au revenu potentiel de l'immeuble vendu ;

Attendu que contestant cette évaluation, tout autant que les éléments de comparaison invoqués par les appelants, les époux [L] objectent qu'il s'agit d'une expertise privée réalisée sur un immeuble vendu huit ans auparavant et qui n'a pas été visité, faisant valoir que celui-ci était en très mauvais état et que Monsieur [L] y a réalisé de très importants travaux ;

Attendu que plusieurs attestations concordantes font ressortir qu'en dépit des locations [Z] en 1991-1992 et [V] de 1994 à 1997, l'appartement du rez de chaussée de l'immeuble litigieux était difficilement louable compte tenu de son mauvais état et de son humidité, ce que ne pouvait ignorer Monsieur [O] pour en avoir été informé par des professionnels, et que la vente au prix de 100.000 francs comptant et 2.000 francs mensuels de rente viagère avait déjà été recherchée en vain, dans des conditions de réserve de droit d'usage et d'habitation au demeurant non précisées ;

Que les époux [L] justifient, par la production de l'attestation de Monsieur [P] [C] et de plusieurs factures, de la réalisation de différents travaux concernant notamment les façades, les combles, les aménagements extérieurs ; que Monsieur [O] avait, en tout état de cause, avantage à laisser la jouissance de l'appartement du rez de chaussée à un acquéreur disposé à effectuer des travaux d'entretien et d'amélioration concernant l'immeuble dans son ensemble ;

Attendu qu'il n'apparaît pas que Monsieur [W] ait visité l'immeuble litigieux ; qu'en tout cas, son rapport est imprécis quant à l'état de celui-ci et ne rend pas compte des circonstances évoquées ci-dessus, alors que tant la valeur vénale de l'immeuble que l'intérêt que procurerait le capital représenté par la propriété grevée de la réserve du droit d'usage et d'habitation doivent s'apprécier au moment de la vente ; que d'autre part, le revenu locatif net de l'appartement du rez de chaussée qu'il retient, 265,84 €, correspond, à peu d'euros près, au montant du dernier loyer payé par Madame [V] (274,41 €), alors que celui-ci est nécessairement brut ; qu'en dépit de cela, la rente viagère convenue avec les époux [L] reste sensiblement supérieure à la valeur locative de la partie de l'immeuble dont la jouissance a été laissée aux acquéreurs ;

Et attendu que, quelle qu'ait été la gravité des pathologies de [U] [O] dont il est rendu compte par le certificat médical versé aux débats, lesquelles n'étaient, pour l'essentiel, pas véritablement récentes, il n'est pas pour autant établi que les époux [L] aient été à même de prévoir un décès précoce de leur vendeur, décès qui ne pouvait représenter pour eux, compte tenu de l'âge de ce dernier, qu'un événement incertain ;

Attendu qu'il convient de considérer, dans ces conditions, que le contrat de rente viagère souscrit, avec réserve au profit du vendeur du droit d'usage et d'habitation concernant la plus importante et la meilleure partie du bien, comportait bien un réel caractère aléatoire et un prix sérieux, de sorte que l'action des consorts [O] n'apparaît pas fondée au regard des articles 1968 et suivants du code civil ;

Attendu que les 'machinations' imputées aux époux [L] ne sont en rien caractérisées, étant observé que l'attestation de Monsieur [SF] selon laquelle ils auraient accepté les propositions de Monsieur [O] n'évoque ni la réserve du droit d'usage et d'habitation, ni les travaux à effectuer et qu'une telle acceptation de principe ne pouvait valoir engagement sur les modalités de la vente, lesquelles devaient être définies avec le concours du notaire ;

Attendu enfin qu'aucun élément qui tendrait à établir l'insanité d'esprit de [U] [O] au moment de la vente ne s'évince des pièces produites, pas plus qu'il n'est établi qu'il aurait commis une erreur sur la portée de son engagement, lequel a été recueilli par le notaire instrumentaire dans des termes clairs et précis ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise subsidiairement sollicitée, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [O] de leurs demandes ;

Attendu que les époux [L] produisent des certificats médicaux les concernant, faisant état, pour Madame [L], en date du 18 mai 2004, d'une anxiété généralisée avec insomnies et somatisation, nécessitant la mise en route d'un traitement médicamenteux, et, pour Monsieur [L], en date du 3 juin 2004, d'une anxiodépression réactionnelle nécessitant également la mise en route d'un traitement médicamenteux ;

Attendu que si les troubles présentés par les époux [L] sont contemporains du début du contentieux qui encore aujourd'hui oppose les parties, il n'est pas pour autant établi que les consorts [O] auraient commis un abus en usant de leur droit de s'adresser à justice et d'exercer les voies de recours ; qu'en l'absence de preuve d'une faute des consorts [O] qui serait à l'origine de leur préjudice moral, les époux [L] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

Attendu qu'il échet de condamner les consorts [O] aux dépens d'appel et qu'il est équitable d'allouer aux époux [L], qui ont été amenés à exposer de nouveaux frais irrépétibles, la somme complémentaire de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Dit les consorts [O] recevables mais mal fondés en leur appel,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant, condamne in solidum les consorts [O] à payer aux époux [L] la somme complémentaire de 1.500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne sous le même lien aux dépens d'appel,

Accorde à la SCP MARBOT - CREPIN, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Pascale PICQ, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Pascale PICQRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/02815
Date de la décision : 15/09/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/02815 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-15;08.02815 ?
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