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14/06/2010 | FRANCE | N°09/03577

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 14 juin 2010, 09/03577


SG/NG



Numéro 2722/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 14/06/2010







Dossier : 09/03577





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution







Affaire :



FONDATION E.H.P.A.D. [4]



C/



[P] [Y]

























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 JUIN 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civi...

SG/NG

Numéro 2722/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 14/06/2010

Dossier : 09/03577

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

FONDATION E.H.P.A.D. [4]

C/

[P] [Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 JUIN 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Avril 2010, devant :

Monsieur GAUTHIER, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Monsieur GAUTHIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame de PEYRECAVE, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

FONDATION E.H.P.A.D. [4], Oeuvre Notre Dame de l'Espérance, gestionnaire de la maison de retraite '[4]'

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Maître BAQUE, avocat au barreau de TARBES

INTIMEE :

Madame [P] [Y]

Au village

[Localité 2]

représentée par Maître PARGALA, avocat, loco Maître PICART- PARRAS, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 21 SEPTEMBRE 2009

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TARBES

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Mme [P] [Y] a été engagée par la Fondation E.H.P.A.D [4] à compter du 19 avril 1984 en qualité d'agent d'accompagnement.

En arrêt de travail à compter du 9 mars 2004, pour maladie prise en charge comme maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance-maladie, elle a été déclarée «  inapte définitive à son poste de travail et à tous les postes de l'entreprise », le 16 septembre 2008 par le médecin du travail à l'issue de la deuxième visite de reprise.

Convoquée le 18 septembre 2008 à un entretien préalable fixé au 24 septembre, elle a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception du 27 septembre 2008 pour inaptitude physique.

Contestant la régularité de son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes, par requête en date du 14 novembre 2008 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : qu'il soit dit que son licenciement correspond à une rupture abusive du contrat de travail en l'absence de tentative de reclassement, au visa de l'article L. 1226-4 du code du travail ; que l'employeur soit condamné à lui verser : 34 560,48 € à titre de dommages-intérêts (24 mois de salaire) ; 1 440,02 € pour procédure irrégulière, sur le fondement de l'article L. 1232-2 alinéa 3 du code du travail ; qu'il soit dit que l'ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2008 avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans ; 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 1er décembre 2008, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu le 21 septembre 2009, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, le Conseil de Prud'hommes de Tarbes ( section activités diverses) :

- a dit que la rupture du contrat de travail est intervenue sans recherche de reclassement,

- a condamné la Fondation E.H.P.A.D [4] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 34 560,48 € à titre de dommages-intérêts,

- a dit que cette somme portera intérêts légaux à compter du 28 septembre 2008 avec capitalisation au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,

- a condamné la Fondation E.H.P.A.D [4] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté Mme [P] [Y] du surplus de ses demandes,

- a condamné la Fondation E.H.P.A.D [4] aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 octobre 2009 la Fondation E.H.P.A.D [4], représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 24 septembre 2009.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La Fondation E.H.P.A.D [4], par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- réformer le jugement prononcé le 21 septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de Tarbes,

- dire Mme [P] [Y] infondée en sa demande de dommages-intérêts compensatoires de rupture abusive du contrat de travail,

- la dire infondée en sa demande de règlement de somme pour procédure irrégulière de licenciement,

- en conséquence, débouter Mme [P] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et la condamner aux entiers dépens.

La Fondation E.H.P.A.D [4] soutient qu'elle a fait état dans la lettre de licenciement de son impossibilité de reclasser la salariée en reprenant la conclusion du médecin du travail qui a indiqué qu'étant donné le problème de santé de la salariée pour lequel intervenait l'inaptitude, aucun poste au sein de l'entreprise n'était susceptible de lui convenir. Elle considère que dans ces conditions le reclassement ressortait de l'obligation impossible, aucun poste à l'intérieur de son seul et unique établissement n'étant susceptible de lui convenir, tous les espaces intérieurs de la maison de retraite étant constamment désinfectés et désodorisés avec des produits dont les émanations la mettaient en danger.

Elle fait observer que la salariée ne peut pas cumuler les dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour irrégularité de procédure.

Mme [P] [Y], par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- confirmer les dispositions du jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Tarbes du 21 septembre en ce qu'il a reconnu que l'employeur avait failli à son obligation de reclassement,

- dire que son licenciement correspond à une rupture abusive du contrat de travail en l'absence de tentative de reclassement, au visa de l'article L. 1226-4 du code du travail,

- à ce titre, condamner la Fondation E.H.P.A.D [4] à lui verser la somme de 34 560,48 € (1445 02 € x 24) à titre de dommages-intérêts,

- condamner la Fondation E.H.P.A.D [4] à lui verser la somme de 1 440,02 € pour procédure irrégulière de licenciement sur le fondement de l'article L. 1232-2 alinéa 3 du code du travail,

- dire que l'ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2008, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,

- condamner la Fondation E.H.P.A.D [4] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Mme [P] [Y] soutient que la lettre de licenciement est totalement muette sur l'obligation de reclassement.

Elle fait observer que le licenciement est intervenu quelques jours seulement après la seconde visite, soit dans un laps de temps insuffisant pour rechercher des solutions de reclassement.

Elle considère que l'employeur n'a pas sollicité de proposition précise de reclassement auprès du médecin du travail après la seconde visite, n'a pas fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à un reclassement, ne peut pas établir l'existence d'une recherche sérieuse d'un poste de reclassement au sein de l'entreprise et ne démontre pas l'impossibilité d'un reclassement.

Elle considère que le délai de cinq jours ouvrables prévus entre la convocation et l'entretien préalable n'ayant pas été respecté elle peut prétendre à la réparation du préjudice qui en résulte.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant le licenciement :

Sur la motivation de la lettre de licenciement :

Pour constituer l'énoncé d'un motif précis de licenciement d'un salarié déclaré inapte physique, la lettre de licenciement doit contenir la mention de l'impossibilité de reclassement.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 27 septembre 2008 est ainsi rédigée :« à la suite de l'entretien du 24 septembre 2008, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif invoqué au cours de ce dernier, à savoir : à la suite des visites médicales du 28/08/08 et du 16/09/08, et après étude du poste de travail et des conditions de travail dans l'établissement, le médecin du travail vous a déclaré inapte à l'emploi que vous occupiez. Il estime qu'étant donné le problème de santé pour lequel intervient l'inaptitude, aucun poste au sein de l'entreprise n'est susceptible de vous convenir. Compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, nous sommes donc contraints de vous licencier (...) ».

Il y a lieu de dire qu'en mentionnant qu'après une étude du poste de travail et des conditions de travail dans l'établissement le médecin du travail a estimé qu'aucun poste au sein de l'entreprise n'était compatible avec l'état de santé de la salariée et que dès lors l'employeur était contraint de la licencier, la lettre de licenciement est motivée conformément aux dispositions des articles

L. 1232-6 et L. 1226-10 du code du travail (anciens L. 122-14-2 et L. 122-32-5).

Sur le reclassement :

Il résulte des dispositions des articles L. 1226-10, L. 1226-11 et L. 1226-12 (ancien L. 122-32-5) du code du travail , que lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, de chercher à reclasser le salarié sur un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Le

licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.

Il n'est pas contesté que les troubles respiratoires de Mme [P] [Y] survenus en mars 2004, qui ont donné lieu à son arrêt de travail, à la prise en charge de sa maladie au titre des maladies professionnelles, puis à sa déclaration d'inaptitude sont apparus au sein de l'établissement et ont été causés par l'inhalation de produits toxiques utilisés dans le cadre de son activité professionnelle.

Il n'est pas davantage contesté, et la Fondation E.H.P.A.D [4] établit, que s'agissant d'une maison de retraite, l'ensemble de l'établissement, c'est-à-dire tous les espaces intérieurs de l'établissement sont constamment désinfectés et désodorisés avec des produits dont les émanations sont de nature à mettre en danger Mme [P] [Y] qui du fait de sa présence dans l'établissement serait nécessairement amenée à les inhaler.

C'est le sens du courrier adressé le 16 septembre 2008 à l'employeur par le médecin du travail qui écrit :

« j'ai examiné votre salariée ce jour, Mme [P] [Y], dans le cadre de la deuxième visite médicale à 15 jours (R 241-51-1 du code du travail).

Il apparaît que cette salariée est inapte définitif à son poste de travail suite à l'accident de travail du 9 mars 2004.

Étant donné le problème de santé pour lequel intervient l'inaptitude, je ne puis vous proposer aucun poste au sein de l'entreprise susceptible de lui convenir. Je reste évidemment à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire ».

Le médecin du travail, par le renvoi à l'article R 241-51-1, devenu R4624-31 du code du travail, vise le danger immédiat pour la santé ou la sécurité de la salariée si elle était maintenue dans l'établissement.

Ainsi, de l'avis même du médecin du travail, l'impossibilité de reclassement de la salariée au sein de l'entreprise résulte non pas tant d'une incompatibilité entre son état de santé et les conditions d'exercice de son emploi, voire les conditions d'exercice de tout emploi dans l'entreprise, mais d'une incompatibilité entre son état de santé et l'ensemble des locaux de l'établissement qui, compte tenu de la nature de l'activité de celui-ci, nécessitent une désinfection constante à l'aide de produits qui dégagent des émanations dont l'inhalation par Mme [P] [Y] la mettrait en danger, de sorte que l'employeur établit qu'aucun reclassement de la salariée dans son seul et unique établissement n'était possible, y compris par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Par conséquent, il y a lieu de dire que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail est intervenue sans recherche de reclassement et en ce qu'il a condamné la Fondation E.H.P.A.D [4] à verser à Mme [P] [Y] la somme de 34 560,48 € à titre de dommages-intérêts.

Concernant la régularité de la procédure de licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L. 122-14, alinéa 1er, (devenu L.1232-2) du code du travail, que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En application des dispositions de l'article 641 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jour, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

En l'espèce, la lettre de convocation à l'entretien préalable est datée du 18 septembre 2008 pour un entretien fixé au 24 septembre. Le délai a donc commencé à courir le vendredi 19 septembre, de sorte qu'entre le 19 et le 24 septembre il ne s'était écoulé que deux jours ouvrables, les lundi 22 et mardi 23.

Par conséquent, il y a lieu de dire irrégulière la procédure de licenciement et que cette irrégularité cause nécessairement à la salariée un préjudice qu'il convient de réparer.

La Fondation E.H.P.A.D [4] sera condamnée à payer à Mme [P] [Y] la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur les articles 696 et 700 du Code de Procédure Civile :

La Fondation E.H.P.A.D [4], succombant partiellement, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Mme [P] [Y] la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

REÇOIT l'appel principal formé le 12 octobre 2009 par la Fondation E.H.P.A.D [4] à l'encontre du jugement rendu le 21 septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de Tarbes (section activités diverses), notifié le 24 septembre 2009, et l'appel incident formé par Mme [P] [Y],

INFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la Fondation E.H.P.A.D [4] à payer à Mme [P] [Y] la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'irrégularité de la procédure de licenciement,

DÉBOUTE Mme [P] [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la Fondation E.H.P.A.D [4] à payer à Mme [P] [Y] la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Fondation E.H.P.A.D [4] aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Mademoiselle DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/03577
Date de la décision : 14/06/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°09/03577 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-14;09.03577 ?
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