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31/05/2010 | FRANCE | N°10/00974

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 31 mai 2010, 10/00974


RN/NL



Numéro 2399/10





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 31/05/10







Dossier : 10/00974





Nature affaire :



Demande tendant à la suspension de la procédure de saisie immobilière, l'annulation ou la péremption du commandement ou tendant à la vente amiable

















Affaire :



[J] [T]



C/



CAISSE MEDITERRANENNE DE FINANCEMENT


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Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avi...

RN/NL

Numéro 2399/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 31/05/10

Dossier : 10/00974

Nature affaire :

Demande tendant à la suspension de la procédure de saisie immobilière, l'annulation ou la péremption du commandement ou tendant à la vente amiable

Affaire :

[J] [T]

C/

CAISSE MEDITERRANENNE DE FINANCEMENT

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Mai 2010, devant :

Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BELIN, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [J] [T]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Me FOURNIÉ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE MEDITERRANENNE DE FINANCEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 17]

représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour

assistée de Me ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

sur appel de la décision

en date du 19 FEVRIER 2010

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

FAITS ET PROCEDURE

Suivant jugement d'orientation du 19 février 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dax, statuant au visa des poursuites exercées par la CAISSE MEDITERRANEEENNE DE FINANCEMENT (ci-après, la CAMEFI) à l'encontre de Madame [J] [T] sur commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 23 avril 2009 et publié le 2 juin 2009 à la conservation des hypothèques de Dax, volume 2009 S n° 11, a notamment :

- débouté Madame [T] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des actes de poursuite et de la saisie immobilière,

- débouté Madame [T] de sa demande de délai de grâce,

- ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi,

- a mentionné le montant de la créance de la CAMEFI arrêtée au 7 septembre 2009 pour un montant total de 124.261,63 €,

- dit que la vente forcée interviendrait le 17 juin 2010 à 11 heures 30 selon les modalités et conditions du cahier des conditions de vente déposées au greffe le 23 juillet 2009,

- dit que les frais de poursuite dûment justifiés seraient taxés avant l'audience de vente,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 5 mars 2010, Madame [T] a déclaré interjeter appel de ce jugement.

Autorisée par ordonnance rendue à sa requête le 16 mars 2010 au visa des articles 52 du décret du 27 juillet 2006 et 917 du code de procédure civile, elle a assigné, par acte du 31 mars 2010, la CAMEFI d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience du 4 mai 2010.

Suivant conclusions du 12 mars 2010, elle demande à la cour, au visa des articles 2191 et suivants du code civil, des articles 9 et 10 du décret du 26 novembre 1971, de l'article 8 devenu 21 du décret du 26 novembre 1971, des articles 1317 et 1318 du code civil, de l'ordonnance du 21 avril 2006, des articles 510 du code de procédure civile et 213-6 du code de l'organisation judiciaire, des articles 1244-1 et suivants du code civil, de l'arrêt de la cour de cassation du 18 juin 2009 et du principe général du droit 'la fraude corrompt tout',

- de constater que l'acte de prêt a été signé par une personne dépourvue de pouvoir,

- de dire et juger que les conditions de la confirmation ne sont pas réunies,

- de dire et juger que l'inscription d'hypothèque conventionnelle est nulle pour avoir été consentie par une personne dépourvue de pouvoir,

- de dire et juger que la procuration notariée contient un faux, décelable à la simple inspection oculaire,

- de constater que le titre de la CAMEFI a été obtenu par la fraude,

- d'ordonner la nullité des actes de poursuite et de la saisie immobilière portant sur le bien immobilier dépendant d'un ensemble immobilier dénommé '[Adresse 16]' édifié sur un terrain sis commune de [Localité 14] d'une contenance totale de 3 ha, 92 a 79 ca cadastré section B n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] et formant les lots n° 1066 et les 166/10.000èmes portant sur le n° 201 du bâtiment A et n° 1019 et les 10/10.000 èmes portant le n° 19 sur le plan de masse,

- de condamner la CAMEFI au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Suivant conclusions du 22 avril 2010, la CAISSE MEDITERRANÉENNE DE FINACEMENT (CAMEFI) demande à la cour :

- de constater que les conditions des articles 2191 et 2193 du code civil sont réunies et de constater la validité de la saisie immobilière au regard des textes applicables,

- de confirmer la décision de première instance,

- de débouter Madame [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- d'arrêter le montant de sa créance à la somme de 124.261,63 € au 7 septembre 2009 outre les intérêts produits depuis cette date,

- d'ordonner la vente forcée du bien immobilier désigné au dispositif de ses conclusions,

- d'ordonner l'expulsion du saisi et de tous occupants de son chef- de condamner Madame [T] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'admettre les dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de poursuites.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que Madame [T] poursuit la disqualification de l'acte de prêt passé en la forme authentique que la CAMEFI invoque comme constituant le titre exécutoire en vertu de laquelle celle-ci a diligenté la procédure de saisie immobilière litigieuse, acte qui a été reçu en date du 16 décembre 2004 par Maître [K] [N], notaire associé à [Localité 13] ;

Qu'elle fait valoir que cet acte de prêt, selon lequel elle était, en qualité d'emprunteur, représentée par Madame [P] [I], secrétaire notariale professionnellement domiciliée à l'adresse de l'étude du notaire instrumentaire, est entaché d'un vice de forme en ce que la procuration n'est pas annexée audit acte et qu'il n'est pas fait mention dans celui-ci de son dépôt au rang des minutes du notaire ;

Attendu que le décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires disposait en son article 8 tel que rédigé antérieurement au décret du 10 août 2005 et donc applicable lors de la passation de l'acte litigieux :

'les pièces annexées à l'acte doivent être revêtues d'une mention constatant cette annexe et signées du notaire.

Les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes.'

Que la différence de rédaction entre le 1er alinéa de l'ancien article 8 du décret du 26 novembre 1971, alors applicable, et le 1er alinéa du nouvel article 21 de ce décret, auquel il est fait référence dans le jugement entrepris, ne fait pas obstacle à l'examen de la contestation formulée par Madame [T] devant le juge de l'orientation ;

Attendu que la CAMEFI verse aux débats photocopie de l'acte de prêt à laquelle est jointe photocopie de la procuration authentique litigieuse, laquelle porte mention, signée du notaire instrumentaire, de son annexion à la minute de l'acte reçu le 16 décembre 2004 ; qu'au vu des pièces communiquées, le vice de forme allégué n'est pas constaté ;

Attendu que Madame [T] conteste, d'autre part, la validité même de sa représentation pour défaut de pouvoir, en ce qu'elle avait donné mandat à 'tous clercs de notaire de l'étude de Maître [N]', de sorte que Madame [I], secrétaire juridique, n'était pas habilitée à la représenter ;

Que tout en relevant, en se référant à l'article 1984 du code civil, que l'acte avait été signé par une personne démunie de pouvoir de sorte que Madame [T] avait la possibilité de poursuivre à titre principal la nullité de l'acte litigieux en tant qu'acte authentique, le premier juge, considérant comme étant de principe que l'exécution totale ou partielle d'un acte ne permet plus à celui qui pouvait en invoquer la nullité de s'en prévaloir par voie d'exception pour faire échec à la demande d'exécution forcée de cet acte, le premier juge a retenu que compte tenu du fait que l'acte de prêt litigieux avait été en partie exécuté, puisque la CAMEFI avait débloqué les fonds au profit de Madame [T] et que cette dernière avait remboursé certaines mensualités du prêt, Madame [T] apparaissait mal fondée à se prévaloir de la nullité de l'acte notarié du 16 décembre 2004 tirée du défaut de pouvoir de Madame [I] pour le signer ;

Qu'il est encore noté aux motifs du jugement d'orientation que Madame [T] ne conteste pas avoir reçu copie de l'acte notarié du 16 décembre 2004 avant le début de l'actuelle procédure de saisie immobilière, de sorte que son attention n'a pu qu'être attirée sur l'identité et sur la qualité de la personne qui l'avait représentée lors de la signature de l'acte ;

Attendu qu'observant que la confirmation d'un acte nul suppose la connaissance du vice l'affectant, Madame [T] fait valoir qu'elle n'a reçu copie des procurations que suite à la demande qu'elle en a faite le 10 mars 2009 à Maître [N], la personne, s'étant présentée comme un notaire, qui était venue la lui faire signer étant repartie avec sans lui en laisser aucune copie ;

Attendu qu'il apparaît que c'est selon acte reçu le 1er octobre 2004 par Maître [F] [R], notaire associé à [Localité 17], que Madame [T] a constitué pour mandataire 'tous clercs de notaire de l'étude de Maître [N] [K], notaire à [Localité 13]', à l'effet d'acquérir de la société EQUILAND différents biens et droits immobiliers désignés, d'emprunter de tout établissement financier choisi par le mandant jusqu'à concurrence de 414.038 € en une ou plusieurs fois et de consentir toute garantie à la sûreté de cet emprunt, notamment d'affecter et hypothéquer lesdits biens immobiliers ;

Attendu que la CAMEFI prétend que 'l'expression clerc de notaire d'une étude correspond à tout salarié d'une étude notariale' ; que toutefois, une telle assimilation ne peut être admise au regard des dispositions d'une part, de la loi du 25 ventôse an XI, permettant l'habilitation des clercs assermentés, et d'autre part, du décret du 26 novembre 1971 prévoyant en son article 11 modifié par le décret du 28 décembre 1973 que :

'Les actes sont signés par les parties, les témoins et le notaire.

Lorsque, dans les conditions prévues à l'article 10 de la lois susvisée du 25 ventôse an XI, les signatures des parties sont recueillies par un clerc habilité, l'acte doit, en outre, être signé par ce clerc et porter mention de son identité, de son assermentation et de l'habilitation reçue.'

Qu'en l'espèce, ces exigences ont été méconnues à l'endroit de Madame [T] ;

Que d'ailleurs la CAMEFI était, en ce qui la concerne, explicitement représentée par Madame [V], 'clerc de notaire', ce qui signifie que le rédacteur de l'acte a parfaitement su faire la distinction ;

Que Madame [T] n'a pas, contrairement aux prévisions de la procuration obtenue dans des conditions critiquées, bénéficié en tout cas des garanties inhérentes à l'intervention d'un clerc de notaire lors de la passation de l'acte du 16 décembre 2004 ;

Attendu que le commandement de payer valant saisie immobilière ayant initié la procédure fait état d'une créance de 123.417,37 € arrêtée au 13 février 2009 ; qu'il n'est pas établi que Madame [T] ait eu connaissance, antérieurement à sa défaillance, du défaut de pouvoir de Madame [I], de sorte qu'il ne peut être considéré qu'elle aurait a posteriori, en poursuivant les remboursements, implicitement mais sciemment ratifié les engagements souscrits par cette dernière ;

Attendu qu'il doit donc être retenu que Madame [T] n'était pas valablement représentée lors de la passation de l'acte stipulant l'affectation hypothécaire du bien saisi en garantie du prêt consenti par la CAMEFI et qu'il n'est pas justifié de ce qu'elle aurait dûment ratifié cette constitution de garantie ;

Attendu qu'il s'ensuit que le titre exécutoire opposable à Madame [T], sur lequel est censée reposer la procédure de saisie immobilière diligentée par la CAMEFI, fait défaut et que par voie de conséquence, les actes de poursuite de ladite procédure sont entachés de nullité ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner la CAMEFI aux dépens et qu'il est équitable d'allouer à Madame [T] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Dit Madame [T] recevable et fondée en son appel,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Déclare nuls les actes de la procédure de saisie immobilière diligentés par la CAISSE MEDITERRANEENNE DE FINANCEMENT (CAMEFI) à l'encontre de Madame [T] et concernant le bien immobilier désigné dans le commandement à elle délivré le 23 avril 2009 et publié à la conservation des hypothèques de Dax, volume 2009 S n° 11,

Condamne la CAISSE MEDITERRANEENNE DE FINANCEMENT (CAMEFI) aux dépens ainsi qu'à payer à Madame [T] la somme de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Accorde à la SCP De GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Mireille PEYRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/00974
Date de la décision : 31/05/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/00974 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-31;10.00974 ?
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