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10/05/2010 | FRANCE | N°04/00313

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 10 mai 2010, 04/00313


RN/NL



Numéro 2005/10





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 10/05/10







Dossier : 04/00313





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice















Affaire :



S.C.P. [W] [Y]



C/



S.C.I. AMARINE,

[C] [W] épouse [R],

[J] [R]

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième al...

RN/NL

Numéro 2005/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 10/05/10

Dossier : 04/00313

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

S.C.P. [W] [Y]

C/

S.C.I. AMARINE,

[C] [W] épouse [R],

[J] [R]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 30 Novembre 2009, devant :

Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Monsieur BILLAUD, Conseiller

Monsieur DEFIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.C.P. COYOLA - CAPDEVILLE

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

S.C.I. AMARINE représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège social sis

[Adresse 7]

[Localité 5]

Madame [C] [G] [W] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistés de la SCP RIVIERE, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 03 DECEMBRE 2003

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêt du 24 avril 2006, auquel il convient de se reporter, la cour a sursis à statuer sur les prétentions des époux [R] et de la SCI AMARINE et avant dire droit, a ordonné une expertise confiée à un expert-comptable.

Monsieur [D] [X], expert commis par ordonnance de remplacement d'expert du 19 mai 2006, a déposé son rapport le 23 mars 2007. Ses réponses aux questions posées font apparaître les éléments suivants :

L'état prévisionnel fait apparaître en net une trésorerie positive dès le mois d'août 1998.

Le terrain a été apporté par Madame [R] au titre de fonds propres.

Les ventes en l'état de futur achèvement devaient permettre d'assurer, selon le schéma présenté le paiement des dépenses au fur et à mesure de leurs échéances. Les encaissements prévisionnels sur les ventes étaient considérées comme compatibles avec les échéances fournisseurs.

'

Les échéances du 15 septembre 1998, d'un montant de 167.551,68 €, ont été finalement réglées le 30 septembre 1998 pour un montant de 136.128,59 € et le 2 octobre 1998 pour un montant de 31.423,10 €.

Les échéances du 30 septembre 1998, d'un montant de 51.033,84 €, ont été finalement réglées les 20 octobre, 5 novembre, 6 novembre et 1er décembre.

'

L'impasse de trésorerie, telle que décrite par la SCI AMARINE, s'élevait à la somme de 1.433.827,95 francs. L'acceptation début septembre 1998 du crédit d'accompagnement d'un montant de 2.500.000 francs aurait permis à la SCI, sous réserve que ce crédit soit accordé sans garantie hypothécaire, le temps de finaliser les cessions en cours.

Sur le chef de mission consistant à faire préciser par le CREDIT AGRICOLE quels obstacles, compte tenu des contraintes bancaires ou réglementaires, lui auraient interdit de transformer sur demande de la SCI ce crédit d'accompagnement en crédit confirmé au sens de l'article R 261-18 b du code de la construction et de l'habitation ainsi que les raisons du refus du prêt de 1.500.000 francs intervenu en octobre 1998, l'expert n'apportait pas de réponse sur le fond.

Sur le chef de mission consistant à donner tous éléments d'information sur le bénéfice retiré de la commercialisation du programme avec une garantie intrinsèque de l'article R 261-18 a du code de la construction et de l'habitation, avec une garantie extrinsèque de l'article R 261-18-b compte tenu entre autres des agios et autres frais liés à l'octroi d'un crédit et à la prise d'une hypothèque sur les immeubles du programme, voire avec une garantie extrinsèque :

'

Avec une garantie intrinsèque 'R 261-18 b', au 15 septembre 1998, dans le cas du scénario correspondant à l'attestation de Maître [W] du 4 septembre 1998 (signature des actes correspondant à 70 % des ventes) et avec l'acceptation d'un crédit d'accompagnement de 2.500.000 francs par le CREDIT AGRICOLE, la trésorerie théorique aurait été de + 5.552.206 francs au lieu de - 2.173.887 francs, soit du fait de l'absence de signature des actes au 15 septembre 1998 et de l'absence de crédit d'accompagnement, un écart de trésorerie s'élevant à 7.726.093 francs, étant précisé que ce calcul ne tient pas compte de la TVA résiduelle et des frais d'hypothèque du crédit.

'

A la même date du 15 septembre 1998, avec un crédit d'accompagnement de 2.500.000 francs et une garantie extrinsèque d'achèvement des travaux de 1.740.000 francs et compte tenu d'un montant de 7.304.422 francs correspondant à 70 % des ventes, le solde théorique s'établit à 7.290.031 francs au lieu de - 2.173.887 francs.

'

Avec une garantie intrinsèque de l'article R 261-18 a (hors d'eau, sans hypothèque) on aboutit à un solde théorique de 3.071.268 francs au lieu de -2.173.887 francs en sorte que du fait de l'absence de signature des actes au 15 septembre  1998, l'écart de trésorerie s'élève à 5.245.155 francs, compte non tenu de la TVA résiduelle.

Sur le chef de mission consistant à se faire remettre si possible par la Banque de France tous éléments d'information sur les cotations successivement attribuées à la SCI MARINE de juillet à décembre 1998 et les raisons de cette cotation, l'expert note que la Banque de France n'a pas à rechercher les raisons pour lesquelles des effets ont été rejetés ni à s'assurer du bien fondé des déclarations qui demeurent sous la responsabilité des établissements de crédit.

Sur le chef de mission concernant le préjudice subi par la SCI et les époux [R], l'expert reprend le détail des éléments de préjudice invoqués.

Le 10 septembre 2008, l'expert a déposé un complément de rapport contenant notamment un courrier de la Banque de France au CREDIT AGRICOLE du 16 décembre 1998, confirmant le rejet de 3 effets pour défaut de provision correspondant à l'échéance du 15 septembre 1998 de la SCI AMARINE et précisant que la régularisation de ces incidents a été effectuée fin septembre 1998 par la remise d'un chèque et qu'aucun autre incident la concernant n'est à signaler.

Suivant conclusions du 23 février 2009, la SCP [W] CAPDEVILLE demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de l'arrêt avant dire droit du 24 avril 2006 et du rapport d'expertise de Monsieur [X],

- de dire et juger que la SCI AMARINE et Monsieur et Madame [R] ne démontrent pas le préjudice certain qui serait directement résulté de la faute retenue à son encontre,

- d'infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à ladite SCI la somme de 104.865,43 € outre les intérêts ainsi que la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le confirmer en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [R] de toutes leurs demandes,

- de condamner in solidum la SCI AMARINE et Monsieur et Madame [R] au paiement de la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ainsi que de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions du 12 mai 2009, Monsieur [J] [R] et Madame [C] [R] née [W] ainsi que la SCI AMARINE demandent à la cour :

- de condamner la SCP [W] CAPDEVILLE à payer :

' à la SCI AMARINE la somme de 344.639,85 €,

' à Madame [W] épouse [R], la somme de 1.169.392,20 € ainsi que celle de 60.000 € au titre du préjudice moral,

' à Monsieur [R], la somme de 221.285,86 € ainsi que celle de 60.000 € au titre du préjudice moral,

- de dire que chacune de ces sommes portera intérêts à compter de l'assignation avec capitalisation par année entière à l'exception du préjudice de Madame [R], calculé sur un prix de vente en valeur 2006,

- de condamner la SCP [W] CAPDEVILLE au paiement de la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Ministère Public s'en rapporte à la décision de la cour.

L'instruction de la procédure a été déclarée clôturée le 30 juin 2009.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que le premier juge a considéré, aux motifs de sa décision,

- que par lettre du 1er juillet 1998, la SCI AMARINE avait écrit à l'office notarial que le bon déroulement de l'opération immobilière supposait que les actes soient notifiés puis signés avant le 15 septembre, sur la base de la garantie intrinsèque convenue, à savoir 'mise hors d'eau et terrain sans hypothèque', et qu'elle lui demandait également de l'informer de toute difficulté éventuelle qu'il rencontrerait dans la réalisation de cet objectif,

- que si Maître [W] avait informé la SCI AMARINE qu'il n'était pas possible ni opportun de notifier les projets d'actes de vente, cette information n'avait été donnée que le 28 août 1998,

- que compte tenu des délais, cette information était trop tardive, qu'en effet, si la SCI AMARINE était devenue propriétaire du terrain les jours suivants et si l'architecte de l'opération avait attesté de la mise hors d'eau des bâtiments le 27 août 1998, le permis de construire modificatif ne pouvait pas être délivré dans un délai aussi court, que Maître [W] était au courant du problème posé par les permis de construire, qu'il était en effet mentionné dans la lettre du 1er juillet 1998 que les plans ne feraient l'objet des deux demandes de permis modificatifs qu'à l'automne, qu'il appartenait donc au notaire d'appeler immédiatement l'attention de la SCI AMARINE sur le fait que les projets d'actes de vente ne pouvaient être notifiés si le modificatif au permis de construire n'avait pas été notifié et qu'il s'ensuivait que Maître [W] n'avait pas rempli son obligation de conseil,

- que le plan de financement prévu par la SCI AMARINE ne pouvait être mené à bien que si l'échéance prévue au 15 septembre était assurée et qu'en l'espèce, la faute du notaire avait empêché la SCI AMARINE d'honorer le 30 septembre 1998 les factures dues au 'commercialisateur' ;

- que cependant, le décompte proposé par la SCI AMARINE ne pouvait être retenu intégralement, qu'en effet, si le différé du début de l'exploitation avait été reporté au 1er mai 2000, ce fait n'avait pu être causé par le retard de 15 jours dans la délivrance des permis de construire modificatifs, que ce retard n'avait pu également causer les rabais importants pratiqués sur les prix de vente de certains appartements et qu'il s'ensuivait que le préjudice de la SCI AMARINE n'était constitué que par l'aggravation du coût financier de l'opération engendré par le retard dans le programme ;

Attendu que la SCP [W] CAPDEVILLE fait valoir au soutien de son appel :

- que Maître [W] ne peut en aucun cas être jugé responsable du préjudice allégué par la SCI AMARINE, lequel trouve directement son origine dans les fautes manifestes de gestion commises par Monsieur [R], gérant de fait de la SCI,

- qu'aucune vente ne pouvait être signée avant la délivrance des permis modificatifs, que cette délivrance ne pouvait intervenir qu'à l'automne pour des motifs qui sont totalement étrangers à la SCP notariale et que les demandes de permis modificatifs établies le 3 septembre n'ont été déposées que le 21 septembre 1998,

- que la SCI AMARINE est directement à l'origine du préjudice qu'elle allègue,

' pour n'avoir pas prévu dans son programme les impondérables,

' pour n'avoir pas respecté les plans au vu desquels les permis de construire lui avaient été délivrés,

' pour avoir réglé, aux lieu et place de Madame [R], le coût de la construction de l'immeuble '[Adresse 6],

' et pour n'avoir pas pris, avant le 15 septembre 1998, les mesures simples qui s'imposaient,

- que Monsieur [R] a commis l'erreur de gestion de ne pas envisager le moindre contretemps dans la réalisation de son programme alors que de son propre fait, un contretemps s'est produit, la SCI AMARINE ayant décidé après obtention des permis de construire, de modifier de manière importante les plans de construction et entrepris les travaux en fonction de ces nouveaux plans, de sorte que la délivrance de permis modificatifs est devenue nécessaire et que de ce fait, la SCP notariale se devait d'attendre, pour recevoir les actes de vente, la délivrance des permis modificatifs,

- que compte tenu de la garantie intrinsèque choisie (article R 261-18 a), la notification des projets ne pouvait être effectuée qu'à compter du jour où les bâtiments étaient hors d'eau et que celle-ci est intervenue le 27 août 1998,

- que la notification des projets d'actes au début du mois de septembre avait seulement pour but de permettre la régularisation rapide des actes authentiques dans l'hypothèse où les permis modificatifs auraient été délivrés, que cette anticipation n'engageait nullement la responsabilité de l'étude puisqu'à défaut de délivrance des permis, les actes n'auraient pas été reçus et que de même, les attestations délivrées à la demande de Monsieur [R] aux différents stades de l'opération étaient uniquement destinées à la banque pour justifier de l'état de la commercialisation,

- que confrontée à ces difficultés, il appartenait à la SCI AMARINE de prendre les mesures qui s'imposaient, lesquelles passaient par un concours bancaire, et que contre toute logique, Monsieur [R] a décidé de refuser le crédit d'accompagnement de 2.500.000 francs accordé le 1er septembre 1998 par le CREDIT AGRICOLE, ne pouvant en fait admettre de diminuer sa marge bénéficiaire et préférant tabler sur la patience de ses créanciers plutôt que de supporter le coût d'un crédit, de sorte que pour faire l'économie d'une somme de 150.000 francs il a pris le risque de supporter un préjudice qu'il évalue aujourd'hui à près d'un million d'euros,

- qu'enfin, au lieu de faire édifier progressivement les constructions et de les financer de la même manière, les époux [R] ont choisi de faire réaliser d'une seule traite l'ensemble du programme et donc de faire édifier immédiatement et aux frais de la SCI non seulement les immeubles revenant à cette société mais aussi et aux frais de la SCI, ceux revenant à Madame [R], aggravant ce faisant l'endettement de la SCI AMARINE ;

Attendu que les intimés font notamment valoir, en réplique, que la libération des fonds le 15 septembre 1998 à concurrence de 70 % du montant des prix de vente devait permettre à la SCI d'assurer son échéance capitale de trésorerie prévue à cette date, que l'attestation notariale du 4 septembre 1998 apparaît sans réserve ni condition, que le notaire savait que les demandes de permis de construire rectificatifs ne devaient être déposées qu'à l'automne 1998, qu'il n'ignorait pas davantage que la garantie légale d'achèvement qui devait être procurée aux acquéreurs était la garantie intrinsèque de l'immeuble hors d'eau et franc de privilège d'hypothèque, ni les impératifs de trésorerie liés aux dates de signature des actes de vente, et que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé qu'il appartenait au notaire d'attirer immédiatement leur attention sur l'impossibilité de régulariser les ventes sans l'obtention des permis de construire modificatifs ;

Attendu que l'attestation délivrée par Maître [W] le 29 juillet 1998 signifiait que compte tenu de la garantie intrinsèque d'achèvement retenue pour le programme dont s'agit et sous la double réserve de la mise de l'immeuble hors d'eau et de la confirmation de l'absence de privilège ou d'hypothèque par la délivrance d'un état hypothécaire lors de la signature des actes de vente, une somme de 3.731.899,50 francs correspondant à 70 % du montant total des prix de vente des 9 lots récapitulés serait exigible lors de la signature de ces actes de vente, dont la signature était prévue à compter de ladite mise hors d'eau, soit fin août 1998 ;

Attendu qu'en réponse au gérant de la SCI AMARINE qui s'inquiétait de l'absence de notification des projets d'actes de vente, Maître [W] objectait, par courrier du 28 août 1998,

- que la société AMARINE n'étant pas propriétaire du terrain, l'acte de cession devait être régularisé sans délai,

- que le modificatif au permis de construire concernant la tranche 1 n'était pas délivré et que la SCI réalisatrice de l'opération n'avait pas encore obtenu le transfert à son profit,

- qu'en ce qui concerne la garantie intrinsèque, les bâtiments devaient être hors d'eau, francs d'hypothèque et de privilège et être viables indépendamment des bâtiments voisins ;

Attendu que l'attestation du maître d'oeuvre du 27 août 1998 versée aux débats était de nature à lever l'objection concernant la mise hors d'eau et la viabilité indépendamment des bâtiments voisins, attestation au vu de laquelle le notaire attestait à nouveau le 4 septembre 1998 que le prix des ventes récapitulées dont la signature était prévue à compter de cette mise hors d'eau serait exigible à hauteur de 70 % et viré à la SCI AMARINE ou à toute autre personne que celle-ci indiquerait ;

Attendu que les 29 août, 31 août et 8 septembre 1998, Maître [W] recevait l'acte de cession, par Madame [W] épouse [R] à la SCI AMARINE, des fractions indivises du terrain sur lequel la résidence AMARINE était en cours d'édification attachées aux lots 15 à 78 de l'état descriptif de division, Madame [R] restant propriétaire des fractions indivises attachées aux 14 premiers lots ;

Attendu qu'en date du 16 septembre 1998, l'étude de Maître [W] faisait savoir à Monsieur [R] qu'elle avait reçu seulement trois accusés de réception de futurs acquéreurs et lui faisait observer qu'il n'était toujours pas titulaire du permis de construire modificatif, lequel relevait aussi de l'agrément du maire au titre d'adaptations mineures bien que le règlement de copropriété à déposer soit conforme aux constructions alors envisagées et qui différaient des permis de construire déjà délivrés, de sorte qu'aucun acte ne pourrait être passé avant le dépôt de pièces constatant la mise en conformité du programme avec le nouveau permis et qu'il était prématuré de solliciter des fonds qui resteraient bloqués en générant pour les acquéreurs des agios que ces derniers pourraient leur imputer à faute ; qu'il était suggéré une intervention du notaire auprès du maire afin de hâter la délivrance du permis ainsi indispensable à toute signature ;

Attendu que sur demandes déposées le 21 septembre 1998, le maire de [Localité 5] délivrait, le 30 septembre 1998, les permis de construire modificatifs concernant le permis délivré le 2 février 1998 qui avait été transféré le 1er septembre 1998 et celui délivré le 6 juillet 1998 qui avait été transféré le 7 septembre 1998 ;

Attendu qu'il importe de relever que dans son courrier du 1er juillet 1998, dans lequel il était noté que le respect de l'échéance du 15 septembre était essentiel au bon déroulement de l'opération immobilière, Monsieur [R] informait la SCP [B], tout en faisant remarquer que les bâtiments en cours d'édification pour lesquels les premiers actes devaient intervenir n'étaient pas modifiés par rapport au permis de construire obtenu, avoir remis le 25 juin les plans définitifs des immeubles remplaçant, dans le règlement de copropriété, les plans antérieurement remis des permis de construire des deux tranches et qu'à la demande de la ville de CAPBRETON, ces plans ne feraient l'objet, soulignait-il, des deux demandes de permis modificatifs qu'à l'automne, quand les 'remous' suscités par la révision du POS de cette commune seraient 'estompés' ;

Attendu que dans la mesure où l'attestation de mise hors d'eau n'a été délivrée que le 27 août 1998, où le règlement de copropriété comportant l'état descriptif de division était daté du 29 août 1998 et où il était nécessaire d'obtenir un permis de construire modificatif dont il était prévisible qu'il ne serait pas délivré avant l'automne, c'est bien de manière hasardeuse que Maître [W] a délivré l'attestation du 29 juillet 1998 qui laissait prévoir la signature des premiers actes de vente à partir de la fin du mois d'août 1998, dès lors qu'en tout état de cause, tant cette échéance que celle du 15 septembre 1998 étaient impossibles à tenir ne fût-ce qu'en raison du délai d'un mois à observer en application de l'article R 361-30 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que déjà explicité dans l'arrêt du 24 avril 2006 ;

Attendu que même si les consorts [R] n'en étaient pas à leur première opération de promotion immobilière, le manquement de Maître [W] à son devoir de conseil, en délivrant une telle attestation au lieu, à l'inverse, de les alerter sur le caractère illusoire de l'échéance d'une entrée de fonds significative sur laquelle reposait l'équilibre de trésorerie de l'opération, est caractérisé et est de nature à engager sa responsabilité à ce titre ;

Attendu que c'est ainsi qu'en date du 30 novembre 1998, le gérant de la SCI AMARINE se plaignait de ce que malgré la régularisation de plusieurs actes, la reprise de la commercialisation à un rythme satisfaisant, un déroulement normal du chantier et la procuration de signature des baux de location que lui avait donnée le gestionnaire, ladite SCI 'restait prisonnière' de la situation dans laquelle les retards de signature des actes et les incidents bancaires en ayant découlé 'l'avaient plongée' ;

Qu'il expliquait à cet égard que l'offre de crédit de 2,5 millions de francs intervenue au 1er septembre s'était avérée, à la date où elle était intervenue, inadaptée à la situation dans la mesure où la mise en place d'un tel crédit n'aurait fait que retarder la disponibilité des fonds alors que le régime de garantie choisi permettait de percevoir 70 % du prix des ventes dès la première de celles-ci, que le refus de l'étude de signer les premiers de ces actes, pour lesquels les premières procurations étaient arrivées malgré une notification tardive dès le 9 septembre, avait entraîné de sa part la demande de prorogation de plusieurs traites du 15 au 30 septembre et deux inscriptions à la Banque de France, que dès que les traites mises en circulation avaient pu être honorées, il lui avait été proposé de représenter une demande de crédit de 1,5 million de francs sans hypothèque mais avec la caution personnelle de Madame [R] qui l'avait acceptée mais que le comité avait refusé la demande essentiellement en raison des incidents avec la Banque de France et que ses nombreuses démarches pour faire lever cette inscription étaient restées vaines, toute démarche auprès d'une autre banque étant, dans ce contexte, vouée à l'échec, en sorte qu'il sollicitait de Maître [W] lui-même ou de tout autre prêteur ou investisseur de ses relations le prêt de cette somme de 1,5 million de francs au taux à convenir et avec les garanties sur les lots choisis par lui, ce qu'il présentait comme devant 'mettre un point final à tous les problèmes rencontrés ensemble' ;

Attendu que l'attestation du 29 juillet 1998 avait été délivrée en considération d'un programme pour lequel la garantie d'achèvement retenue devait être celle de l'article R 261-18 a du code de la construction et de l'habitation, soit une garantie intrinsèque reposant sur la mise de l'immeuble hors d'eau et l'absence de privilège ou d'hypothèque grevant celui-ci ;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que les échéances du 15 septembre 1998 d'un montant de 167.551,68 € ont été finalement réglées le 30 septembre 1998 pour la somme de 136.128,59 € et le 2 octobre 1998 pour un montant de 31.423,10 € et que celles du 30 septembre 1998, d'un montant de 51.033,84 €, ont été finalement réglées les 20 octobre, 5 novembre, 6 novembre et 1er décembre ;

Attendu que la proposition de prêt de 2,5 millions de francs du 1er septembre 1998 n'était, en son principe, pas conforme à la garantie retenue dans la mesure où elle faisait état d'une garantie hypothécaire devant porter sur les lots édifiés ou à édifier, que la SCI AMARINE n'était donc pas tenue de l'accepter et que ce n'est que le 31 décembre 1998 qu'un accord est intervenu pour un financement à hauteur de 1,5 million de franc garanti par une hypothèque sur une partie des biens construits, le CREDIT AGRICOLE ayant précisé à l'expert que ce prêt avait été régularisé suivant acte notarié du 21 janvier 1999 ;

Attendu que la société AMARINE fait valoir que c'est l'édification de l'immeuble Le Bayonnais, dont la situation récapitulative établie par l'entreprise DAUDIGEOS a finalement été réglée le 24 février et le 5 juin 1999, qui a permis d'injecter la somme de 1,5 millions de francs prêtée par le CREDIT AGRICOLE dans la SCI, une deuxième hypothèque pour 1,2 million de francs ayant été prise au profit de la société DAUDIGEOS qui n'était toujours pas payée ; qu'elle justifie de l'acte d'affectation de cet immeuble en cautionnement hypothécaire par Madame [R] en date des 16, 17 et 18 mars 1999, au motif que la SCI AMARINE était en retard dans le règlement des situations présentées par la société DAUDIGEOS en raison d'un manque de trésorerie résultant d'une commercialisation des appartements plus lente que prévue ;

Attendu que la SCI AMARINE ne démontre pas dans quelle mesure les effets de la commercialisation plus lente que prévue des appartements invoquée au mois de mars 1999 seraient imputables à la faute de Maître [W], à qui il était fait grief du non respect de l'échéance du 15 septembre 1998, alors que fin novembre 1998, il avait été noté une reprise de la commercialisation à un rythme satisfaisant ;

Attendu qu'il ne peut être reproché en des termes généraux au gérant de la SCI AMARINE de n'avoir pas pris avant le 15 septembre 1998 'les mesures simples qui s'imposaient' alors que les attestations critiquées, même si elles étaient destinées à la banque, étaient propres à conforter aussi le promoteur dans l'espoir d'un respect de cette échéance de trésorerie mais que le notaire n'en relève pas moins avec justesse que la 'fin août' évoquée dans l'attestation du 29 juillet 1998 correspondait à une simple prévision du point de départ théorique de la programmation des ventes ;

Attendu qu'observant d'autre part que 'l'impasse de trésorerie' de 1.433.827,95 francs évoquée par l'expert, représentant le total des dettes exigibles au cours du mois de septembre 1998, a été en quasi-totalité couverte par les ventes reçues le 30 septembre et que dans la mesure où l'entreprise DAUDIGEOS avait accepté de différer le règlement de ce qui lui était dû à cette date et où parallèlement, les commissions dues aux commerciaux n'étaient dues qu'à la signature des actes correspondants, la SCP [W] CAPDEVILLE estime que la SCI AMARINE pouvait éviter d'avoir recours au crédit en négociant avec ses créanciers, ce qui est une simple affirmation, tout en faisant valoir, de manière plus pertinente, en se référant à un courrier de Monsieur [R] du 25 août 1998 versé aux débats, que le manque à gagner par lequel se serait traduit le coût du financement bancaire proposé par le CREDIT AGRICOLE pour une somme largement supérieure au montant de la dette, manque à gagner chiffré par l'intéressé à 150.000 francs, était pourtant sans commune mesure avec le préjudice aujourd'hui allégué ;

Attendu, en effet, que l'importance du préjudice doit être appréciée au regard d'une possible solution alternative qui eût permis d'en limiter l'ampleur, même si elle aurait supposé soit la modification du régime de garantie d'achèvement, soit l'engagement d'un bien extérieur à l'opération, ce qui devait finalement advenir ; qu'il sera ici observé qu'une garantie extrinsèque avait été envisagée mais qu'elle n'avait pas, au mois d'août 1998, paru nécessaire au CREDIT AGRICOLE eu égard au niveau des fonds propres de la société ;

Attendu que le manque à gagner par lequel se serait traduit le coût du financement bancaire, effectivement proposé par le CREDIT AGRICOLE et qui eût alors permis d'honorer les échéances de trésorerie que Maître [W] n'avait pas pris la précaution de dissuader ou de tenter de dissuader la SCI AMARINE de se fixer à elle-même, peut être évalué à la somme de 150.000 francs, soit 22.867,35 € ; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à la SCI AMARINE en l'assortissant, à titre indemnitaire, des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2002 ;

Qu'en ce qui concerne les autres chefs de préjudice de nature financière qui sont invoqués, notamment les pertes locatives ou les manques à gagner sur les ventes, leur lien direct de causalité avec la faute du notaire n'est pas démontré ;

Attendu qu'il en va de même en ce qui concerne le préjudice qu'invoque Madame [R] à titre de manque à gagner sur la vente de l'immeuble Le Bayonnais intervenue postérieurement au 31 août 1999, date d'expiration du dispositif d'amortissement fiscal dit 'Périssol' ;

Ou encore en ce qui concerne les difficultés financières rencontrées à la même époque par Monsieur [R], à travers une SCI JOFFRE, dans le cadre d'une autre opération immobilière à LA ROCHELLE qui s'est soldée par une adjudication sur surenchère ;

Attendu que Monsieur et Madame [R] ont néanmoins subi, en raison de la remise en cause du mode de financement de l'opération AMARINE et de la situation particulièrement déstabilisante à laquelle ils ont dû faire face de ce fait, un préjudice moral important, justifiant indemnisation à hauteur de 50.000 € pour Madame [R], qui devait envisager l'engagement de son propre bien, et de 30.000 € à Monsieur [R], qui devait assumer sa fonction de gérant dans des conditions devenues délicates ;

Attendu que la SCI AMARINE et les époux [R] seront déboutés du surplus de leur demande en raison de leur carence probatoire telle qu'elle subsiste après expertise ;

Attendu que ne démontrant pas en quoi l'exercice par la SCI AMARINE et par les époux [R] de leur droit d'agir en justice et de défendre en cause d'appel aurait dégénéré en abus, la SCP [W] CAPDEVILLE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il échet de condamner la SCP [W] CAPDEVILLE aux dépens d'appel, en ce compris les frais de l'expertise que les intimés étaient cependant légitimes à solliciter ;

Attendu qu'il est équitable d'allouer aux intimés ensemble la somme complémentaire de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et dernier ressort ;

Vu son arrêt du 24 avril 2006,

Reçoit en la forme l'appel de la SCP COYOLA CAPDEVILLE,

Infirme le jugement entrepris sur le montant de la somme allouée à la SCI AMARINE et sur le débouté des époux [R] et statuant à nouveau,

Condamne la SCP [W] CAPDEVILLE à payer, à titre de dommages et intérêts,

- à la SCI AMARINE, la somme de 22.867,35 € (vingt deux mille huit cent soixante sept euros et trente cinq centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2002,

- à Madame [W] épouse [R], la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- à Monsieur [R], la somme de 30.000 € (trente mille euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Déboute la SCP [W] CAPDEVILLE de sa demande de dommages et intérêts,

La condamne aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SCI AMARINE et aux époux [R] ensemble la somme complémentaire de 3.000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Accorde à la SCP de GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Mireille PEYRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 04/00313
Date de la décision : 10/05/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°04/00313 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-10;04.00313 ?
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