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03/05/2010 | FRANCE | N°09/02121

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 mai 2010, 09/02121


MP/CD



Numéro 1912 /10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/05/2010







Dossier : 09/02121





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution









Affaire :





[D] [I]





C/





Association SEASKA


















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 3 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civ...

MP/CD

Numéro 1912 /10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/05/2010

Dossier : 09/02121

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[D] [I]

C/

Association SEASKA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 3 mai 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 Février 2010, devant :

Madame de PEYRECAVE, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,

Madame [Y], en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame de PEYRECAVE, Présidente

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [D] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparante et assistée de Maître HADIDI, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉE :

ASSOCIATION SEASKA

Le Forum

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ETCHEVERRY, avocats au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 29 MAI 2009

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BAYONNE

L'association SEASKA « a pour but d'assurer la promotion de la langue et de la culture basque chez les enfants et les adolescents, de soutenir et encourager les pratiques éducatives et culturelles fondées sur l'Euskara comme langue véhiculaire, y compris dans les centres gérés par elle et où des actions d'enseignement sont assurées par des instituteurs, agents contractuels... Outre les actions que seule elle engage, l'association SEASKA entend aussi coopérer avec tout autre groupement, organisme ou institution de nature publique ou privée, dans la mesure où les activités correspondantes servent les buts fixés par les... statuts. Entre dans ce cadre la coopération avec les ikastola.

Madame [I] a exercé des fonctions d'enseignante puis de directrice d'école de 1977 à 1998, dans des ikastola de [Localité 3] et de [Localité 4].

L'association SEASKA ayant signé un contrat d'association avec l'éducation nationale, Madame [I] a exercé ses fonctions d'enseignante et de directrice d'école comme agent titulaire de la fonction publique.

L'association SEASKA, fédération des ikastola du Pays Basque Nord, a engagé Madame [D] [I] par contrat de droit privé à durée indéterminée le 1er septembre 1999, pour exercer les fonctions de conseillère pédagogique « en qualité de Personnel d'encadrement Pédagogique, catégorie Animateur - Formateur », indice 514.

Le contrat précise que la salariée exercera pour le compte de l'association « compte tenu des directives générales ou particulières qui lui seront données par le directeur de la fédération SEASKA ».

Le domaine d'intervention de la salariée était ainsi défini :

- animation de groupes d'étude, de recherche, de réflexion et d'équipes enseignantes autour du projet éducatif de SEASKA ou des projets d'établissement des ikastola,

- conseil pédagogique auprès des enseignants sur leur pratique,

- coordination des actions de soutien scolaire (conseil aux enseignants pour le diagnostic, les médiations mises en oeuvre...).

Au mois de juin 2001, Madame [I] a été nommée responsable pédagogique, étant précisé que l'association SEASKA regroupe 25 ikastola, (22 écoles primaires, 2 collèges, 1 lycée), comprenant 2500 élèves.

Elle était à la date de son licenciement à l'échelon 7, coefficient 530.

Un document intitulé « Définition des fonctions de l'équipe pédagogique » du 21 mars 2001 précise les fonctions du responsable pédagogique :

A) la responsable pédagogique :

- coordination de l'équipe pédagogique : assurer le maintien de la cohérence pédagogique entre tous les membres de l'équipe,

B) travail à mener avec la directrice :

a) SEASKA / IKASTOLA : conseil, accompagnement, contrôle :

- renforcer le lien SEASKA-IKASTOLA au niveau pédagogique et institutionnel,

- en situation de conflit intra-ikastola et suite à une demande d'intervention formulée par les parents ou les enseignants, proposition de rencontre selon la méthode d'intervention choisie après analyse du dysfonctionnement,

- aider les enseignants dans leur pratique professionnelle... « Analyse des situations (difficultés pédagogiques et / ou institutionnelle) et déterminer les stratégies d'actions à mener,

b) les remplacements :

- assurer les sélections selon la procédure définie...

- assurer les demandes de remplacements dans les ikastola,

c) projet éducatif :

Objectif : Mettre à jour et poursuivre le travail autour du projet éducatif :

- avec la directrice :

- mise en place de la méthode de travail,

- assurer l'élaboration du projet dans toutes ses étapes,

- évaluation de la méthode et ajustements si nécessaire.

- sous la seule responsabilité de la responsable pédagogique :

- le suivi de toutes les démarches,

- l'animation des groupes de travail,

- la formalisation du travail...

d) projet pédagogique :

Objectifs : présentation des projets et évaluations des possibilités de leur mise en place...

Le rapport d'orientations 2005 - 2006 prévoyait dans son article 1 intitulé « définir les missions pédagogiques de la fédération :

La pédagogie est le coeur de métier des ikastola et de SEASKA. Il est indispensable, suite aux nombreuses évolutions de ces dernières années que nous fassions une mise à plat dans ce domaine pour nous donner les moyens d'améliorer nos performances.

Une étude globale sera menée par l'équipe professionnelle portant sur les points suivants :

- faire le point sur les évolutions en matière de pédagogie à SEASKA sur les cinq dernières années,

- étudier les missions de SEASKA en matière de pédagogie et de formation,

- décliner, à partir de cette étude, les missions de l'équipe professionnelle,

- étudier l'opportunité de créer un CFP autonome,

- faire des propositions pour élaborer la politique de SEASKA concernant les enfants en difficulté et améliorer le dispositif mis en place pour la scolarisation des enfants handicapés,

- définir les besoins correspondants ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 mars 2007, la Fédération des ikastola SEASKA convoquait Madame [I] à un entretien préalable fixé au 20 avril 2007.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 mai 2007, l'employeur informait la salariée de son licenciement pour les motifs suivants :

« - vous n'avez pas mis en oeuvre le point 1 du rapport d'orientation de l'année scolaire 2005-2006 que SEASKA avait défini avec vous et qui avait été voté lors du conseil des ikastola (assemblée générale) de juin 2005,

- vous avez commis des erreurs dans le suivi d'une enseignante de l'ikastola d'[Localité 5] dont vous aviez la responsabilité, vous avez par conséquent compromis la réussite du suivi de cette enseignante,

- vous avez fait preuve d'insuffisance professionnelle, notamment dans l'élaboration du suivi pédagogique des enseignants suppléants des ikastola primaires, dans la conduite du projet plurilingue de l'ikastola d'Izura et dans le traitement des résultats des évaluations de sixième des élèves provenant de l'ikastola d'Izura.

- d'une manière générale vous avez adopté une attitude négative, génératrice de blocages, rendant les entretiens de résolutions de problèmes entre vous et les responsables de l'association difficiles, par votre refus absolu de reconnaître vos erreurs et par votre volonté de rechercher d'autres responsables dans les situations difficiles que vous avez créées,

- vous avez enfin accusé publiquement de harcèlement la présidente, vice-président et la directrice de l'association... Ce qui est absolument contraire à la vérité et constitue un reproche inadmissible.

Ces faits ne permettent pas à l'association... de continuer une collaboration avec vous, c'est la raison pour laquelle je vous notifie votre licenciement qui prendra effet à l'expiration d'une période de deux mois qui commencera à courir à la première présentation de cette lettre. À ce sujet l'association vous dispense d'exécuter votre travail pendant la période de préavis... ».

Madame [D] [I] par déclaration en date du 5 octobre 2007, a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne afin de voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de demander la condamnation de l'employeur au paiement de différentes sommes.

Par jugement en date du 29 mai 2009, auquel il est fait référence pour les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :

- dit que le licenciement de Madame [D] [I], repose sur une cause réelle et sérieuse,

- pris acte de ce qu'elle avait perçu une somme de 11.335,38 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- dit que les intérêts au taux légal couraient du jour de la saisine soit à compter du 5 octobre 2007 jusqu'au 29 avril 2009,

- débouté la salariée de ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- partagé les dépenses par moitié.

Madame [D] [I] a régulièrement interjeté appel de la décision dans les formes et délais prescrits.

Par conclusions reprises, oralement à l'audience, Madame [D] [I] demande à la Cour de :

- réformer le jugement déféré,

- déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'intimée à lui payer :

60.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes la salariée fait valoir que :

- son licenciement est dû à la volonté délibérée de l'employeur de se débarrasser d'elle à la suite de son refus d'accepter une modification affectant son statut,

- au cours d'une réunion du 4 septembre 2006, à laquelle assistaient Madame [K] Présidente de l'association, Madame [J] directrice et Monsieur [H] membre du bureau, une fiche de poste lui a été présentée sur laquelle elle a apposé sa signature sans même lire attentivement le document,

- à sa sortie, elle s'est aperçue que de responsable pédagogique, elle était devenue coordinateur technique de pédagogie et de formation,

- par courrier du 12 septembre 2006 adressé à la présidente de l'association elle lui indiquait refuser de valider le document qu'elle venait de signer,

- ses fonctions n'ont jamais été clairement établies et n'ont pas fait l'objet d'une définition écrite,

- elle n'a jamais été défaillante dans la prise en charge des enseignants suppléants, secteur qui constitue une difficulté réelle et récurrente pour l'association,

- elle a assuré de façon satisfaisante le suivi des enfants en difficulté,

- les attestations qu'elle produit établissent qu'elle a bien conduit un projet plurilingue de l'ikastola d'Oztibarre,

- la problématique de l'enseignante relevant de l'ikastola d'[Localité 5] doit être replacée dans un contexte spécifique à cet ikastola dont le climat ne saurait être imputable à Madame [I],

- elle n'a pas adopté d'attitude négative à l'égard de l'employeur,

- l'audit sur lequel s'est fondé le conseil de prud'hommes a été contesté par l'ensemble des employés ou conseil des ikastola car il ne correspondait pas à l'audit annoncé,

- il ressort des pièces qu'elle verse qu'elle était irréprochable dans ses fonctions pédagogiques.

Sur le préjudice subi :

- elle a été réintégrée dans ses fonctions d'enseignante, ce qui a entraîné un différentiel mensuel d'un peu plus de 300 €,

- cette différence aura aussi une incidence sur le montant de sa retraite.

Par conclusions soutenues oralement à l'audience, l'association SEASKA demande à la Cour de :

- confirmer la décision déférée,

- condamner Madame [D] [I] à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes l'association SEASKA fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient Madame [I], ses fonctions ont toujours été précisées, dans son contrat de travail puis rappelées et mentionnées : le 21 mars 2001 dans un document intitulé « définition des fonctions de l'équipe pédagogique », au début de l'année scolaire 2002/2003 dans un document intitulé « organisation des tâches au sein de l'équipe pédagogique », au mois de janvier 2004 dans le document « projets et services développés par les professionnels de SEASKA pour l'année 2003/2004,

- le fonctionnement du service dont Madame [I] avait la charge s'est avéré très insatisfaisant et il a paru nécessaire de modifier la manière dont elle exerçait ses fonctions,

- la directrice et les responsables de l'association ont fait le constat que les dysfonctionnements du service pédagogique, devenaient de plus en plus importants et qu'il fallait y remédier sans tarder,

- il avait été demandé à Madame [I] de remédier à ces difficultés et de mettre en oeuvre les orientations définies par les structures dirigeantes de la fédération pour l'année 2005-2006,

- les manquements et les insuffisances du service pédagogique ont été révélées et confirmées par un audit demandé à une personne extérieure à l'association au cours de l'année 2006,

- le rapport d'analyse établi au mois de juin 2006 a préconisé de nombreuses modifications dans tous les secteurs pour un meilleur fonctionnement,

- les conclusions de l'audit qui ne concernaient pas seulement le service pédagogique, ont entraîné dans tous les secteurs des remises en cause qui ont été mal acceptées par Madame [I], affirmant qu'elle n'avait aucun avis sur la manière dont elle pouvait assurer sa fonction de façon plus adaptée aux nécessités,

- les responsables de l'association ont alors décidé de fixer les attributions de Madame [I], en fonction de ce qu'elle disait pouvoir exercer et construire,

- Madame [I] n'a tenu aucun compte des aspirations des enseignants suppléants, de l'ensemble des remarques formulées par les directeurs d'écoles au cours des dernières années ce qui était à l'origine de tensions importantes,

- elle a laissé se développer pendant plusieurs mois, sans intervenir, une tension importante au sein de la communauté des parents de l'ikastola d'Ostabat, au sujet des résultats des élèves de sixième jugés insuffisants,

- parallèlement le projet qui avait été présenté par cette école tendant à introduire une nouvelle langue vivante a été remis en question par les parents, les élèves ne semblant pas avoir acquis les connaissances minimales dans les matières principales or, Madame [I] n'a apporté aucune attention à leurs craintes, ce qui a été à l'origine de tensions importantes et de mécontentement exprimés par les parents auprès des responsables de l'association,

- à la suite de l'audit les responsables n'ont pas voulu exclure la responsable pédagogique mais faire le point avec elle pour tenter de définir à nouveau les conditions d'efficacité de son action,

- l'idée de la fédération était de construire un service à partir des compétences des salariés qui la composaient,

- alors qu'elle avait accepté la définition des actions qui étaient attendues d'elle au cours d'une réunion qui s'est tenue le 4 septembre 2006, elle a dénoncé sa signature le 16 septembre, au motif que dans le document il n'était pas fait mention de sa qualité de responsable pédagogique mais de coordinatrice technique du service, alors que dans tous les documents la concernant ces termes avaient toujours été indifféremment employés sans qu'il ait jamais été porté atteinte aux fonctions de Madame [I],

- en raison des insuffisances professionnelles de cette dernière et de son absence de volonté d'y remédier, l'association n'a pu qu'avoir recours au licenciement,

- sa défaillance dans l'élaboration du suivi psychologique des enseignants suppléants a conduit les responsables de l'association à établir et à retenir un autre projet,

- elle a soutenu qu'elle avait conduit le projet d'un enseignement plurilingue dans une école, l'ikastola d'[Localité 6], alors que les parents s'interrogeaient sur l'opportunité de ce programme.

SUR CE :

Madame [I] fait valoir que la cause invoquée pour son licenciement n'est pas réelle. Elle soutient que son licenciement est dû à une volonté délibérée de l'employeur de se séparer d'elle car elle a refusé une modification affectant son statut le 12 septembre 2006.

La modification des conditions du contrat de travail n'est pas établie. Il apparaît des pièces produites que la définition du poste de travail de Madame [I] n'était pas modifiée dans la proposition du 4 septembre 2006 et dans les faits elle conservait un rôle de responsable pédagogique. La seule modification de l'intitulé de son poste : « coordinateur technique de pédagogie et de formation » au lieu de « responsable pédagogique » ne suffit pas à établir qu'on lui imposait un changement de statut alors que ses responsabilités, son échelon, son coefficient et son salaire demeuraient inchangés.

Il n'apparaît pas des pièces produites que la cause réelle du licenciement soit autre que celle invoquée par l'employeur : une insuffisance professionnelle.

L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement à la condition que l'insuffisance alléguée repose sur des éléments concrets et n'est pas fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. Il faut que cette insuffisance professionnelle entraîne des répercussions sur la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.

L'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal. Le juge ne peut se substituer à son appréciation.

L'association SEASKA reproche à Madame [D] [I] :

L'« absence de mise en oeuvre du point numéro 1 du rapport d'orientation de l'année scolaire 2005/2006 que l'employeur avait défini avec elle et qui avait été voté lors de l'assemblée générale des ikastola du mois de juin 2005.

Madame [I], soutient que sa mission n'a jamais été clairement définie, ce qui est contredit par les pièces versées aux débats, son contrat de travail, les pièces intitulées « définition des fonctions de l'équipe pédagogique » du mois de mars 2001, « organisation des tâches au sein de l'équipe pédagogique 2002/2003. », « projets et services développés par les professionnels de SEASKA pour l'année 2003/2004 », « orientations 2005-2006 », pièces régulièrement communiquées à Madame [I] dont elle n'a contesté ni le contenu, ni le fait d'en avoir pris connaissance au fur et à mesure de leur élaboration.

Il est mentionné au point numéro 1 intitulé : « Définir les missions pédagogiques de la fédération » du rapport d'orientation de l'année scolaire 2005-2006 : « La pédagogie est le coeur du métier des ikastola et de SEASKA. Il est indispensable suite aux nombreuses évolutions de ces dernières années, que nous fassions une mise à plat dans ce domaine, pour nous donner les moyens d'améliorer nos performances. Une étude globale sera menée par l'équipe professionnelle, portant sur les points suivants :

- faire le point sur les évolutions en matière de pédagogie à SEASKA sur les cinq dernières années,

- étudier les missions de SEASKA en matière de pédagogie et de formation,

- décliner à partir de cette étude, les missions de l'équipe professionnelle,

- étudier l'opportunité de créer un CFP autonome,

- faire des propositions pour élaborer la politique de SEASKA concernant les enfants en difficulté et améliorer le dispositif mis en place pour la scolarisation des enfants handicapés,

- définir les besoins correspondants. ».

Un audit a été réalisé à la demande de la direction de l'association SEASKA par une sociologue, consultante externe, qui a terminé sa mission au mois de juin 2006.

Cet audit est contesté par Madame [I] ainsi que par six autres personnes dont la qualité n'est pas précisée. Madame [I] allègue que l'audit réalisé ne correspondait pas à l'audit annoncé.

Pourtant il apparaît que la mission confiée à l'auditeur externe et rappelée par ce dernier dans un document versé aux débats correspond bien au travail qui a été effectué. D'ailleurs les commanditaires de l'audit n'ont pas contesté le travail de l'auditeur missionné.

L'audit sera donc pris en compte, notamment pour rechercher si l'insuffisance professionnelle alléguée est établie.

L'audit met en exergue les faiblesses et les forces des divers services de l'association.

Le rapport précise : « les enjeux nécessitent aujourd'hui de revoir le fonctionnement et les missions du pôle de pédagogie, en construisant un nouveau grand projet éducatif.... Le projet éducatif a changé et le service pédagogique doit être là pour l'exécuter... Le service pédagogique actuel semble souffrir d'une absence de reconnaissance, sans avoir trouvé semble-t-il les moyens de rendre son action visible et appréhendable pour l'extérieur. Cette incapacité à mettre en valeur ses résultats renforce sans doute le sentiment de ne pas être compris au sein de la structure, ni par la direction ni par le bureau exécutif... Le plus curieux est qu'au lieu de prendre le problème à bras-le-corps et de le traiter en cherchant des moyens de faire valoir son action et ses résultats, le service adopte une attitude de victime, se dégageant ainsi de toute responsabilité dans la gestion de la situation actuelle.

Il nous semble que cette attitude indique sans doute une certaine perte de légitimité de l'action pour ces professionnels, par ailleurs de plus en plus remis en question par certains administrateurs de l'association, certains directeurs d'ikastola et certains enseignants.

En plus du flou dû au fonctionnement actuel, il existe un souci plus technique dans le management des projets conduits par le pôle pédagogique,... Le service manque aujourd'hui de véritables outils d'évaluation qu'il n'a pas su semble-t-il construire par lui-même. L'évaluation reste bien souvent assez pauvre, plutôt quantitative et ne fait pas apparaître la qualité du travail.... Le service pédagogique a peut-être trop centré son action et ses compétences sur ce thème (enfants en difficulté) au détriment d'autres qui motivent autant sinon plus les administrateurs, les parents et les enseignants des ikastola. Il y a bien un recadrage de la mission pédagogique à réaliser par l'association pour l'ensemble du service. Le service est en demande d'outils de pilotage de son action mais personne aujourd'hui n'est en mesure de construire ces outils. Il manque donc un véritable responsable de ce pôle qui puisse manager ce service, lui redonner des perspectives de développement et l'aider à mieux se positionner par rapport aux projets associatifs... ».

Les pièces versées au débat par Madame [I] non seulement ne rapportent pas la preuve que l'étude globale, dans le domaine pédagogique, qui devait être réalisée, telle que définie au numéro 1, des « orientations 2005/2006 » a été effectuée par l'équipe professionnelle dont Madame [I] était responsable, à l'exception de propositions relatives aux enfants handicapés, mais encore l'audit déposé au mois de juin 2006, établit qu'il y avait urgence à procéder à la « une mise à plat » demandée, compte tenu des faiblesses du système existant, qui ne pouvait perdurer.

Le premier grief allégué est donc établi.

L'employeur reproche aussi à Madame [I] d'avoir commis des erreurs « dans le suivi d'une enseignante de l'ikastola d'[Localité 5] » dont elle avait la responsabilité et d'avoir « par conséquent compromis la réussite du suivi de cette enseignante ».

Madame [I] fait valoir qu'elle avait mis en place des actions spécifiques concernant Madame [A], enseignante à l'origine de nombreuses difficultés au sein de l' ikastola d'Hendaye mais que cette ikastola présentait la spécificité de ne rencontrer que des difficultés et la relation de travail entre les différents intervenants était conflictuelle depuis longtemps.

Madame [I] produit au débat l'attestation de Madame [U] [N] qui précise avoir été nommée directrice de l'ikastola d'[Localité 5] pour l'année scolaire 2005-2006, et avoir été amenée à travailler en étroite collaboration avec Madame [I], laquelle « avait pour tâche de répondre à une situation extrêmement conflictuelle » que l'ikastola connaissait depuis des années. Madame [N] loue les qualités de Madame [I] et joint à son attestation une lettre du mois de juillet 2005 de la présidente de l'association qui lui est adressée, dans laquelle il est précisé que le conseil exécutif de l'association avait approuvé à l'unanimité la nouvelle organisation de Madame [N] et de la responsable pédagogique Madame [I], car ces deux responsables avaient toujours démontré un grand professionnalisme dans leurs activités professionnelles respectives et connaissaient parfaitement le contexte, les élèves et les enseignants de l'ikastola d'[Localité 5].

Il apparaît de ce courrier que la nouvelle organisation avait été proposée le 4 juillet 2005, alors que la lettre de la directrice était en date du 26 juillet 2005.

Madame [I] verse aussi au débat la lettre d'une autre enseignante Madame [T] [S], adressée à la directrice de l'ikastola et au bureau exécutif de l'association. Il apparaît de cette lettre que Madame [A] posait depuis plusieurs années des problèmes au sein de l'ikastola d'[Localité 5]. La rédactrice de la lettre précisait qu'au cours de l'année 2005-2006 elle pensait que la situation allait s'améliorer mais qu'il n'en avait rien été.

Des parents lui avaient confié que leurs enfants étaient soumis à un harcèlement de la part d'autres camarades et que les deux enseignantes de la classe dont Madame [A] avaient été informées de cette situation mais n'avaient « pas fait grand-chose à ce sujet. ». Cette enseignante précisait que les élèves de sa classe avaient de gros problèmes « au niveau relationnel », elle ajoutait « ils manquent de confiance en eux et certains sont terrifiés lorsque l'enseignant ou certains de leurs camarades s'approchent d'eux, ils se recroquevillent en eux-mêmes, tremblent ou prennent la fuite. À ce jour je n'ai toujours pas réussi à mettre en place un travail de groupe... Je ne saurais dire depuis quand dure ce harcèlement au sein de cette classe, quelles en sont les causes ou ce qui a déclenché une telle situation. C'est pour cette raison que j'ai fait appel à l'équipe professionnelle de SEASKA ».

Il ressort des pièces produites par Madame [I] que la situation de l'ikastola d'[Localité 5] posait des problèmes depuis plusieurs années. Au mois de juillet 2005 une nouvelle organisation avait été mise en place par la nouvelle directrice avec l'aide de Madame [I], approuvée à l'unanimité par le bureau exécutif de l'association.

Il apparaît de la lettre de Madame [S], que postérieurement à la lettre écrite par la directrice de l'association et à la nouvelle organisation mise ne place, la situation restait dramatique pour certains élèves, sans que leur enseignante en identifie clairement la cause. Cependant il ressort du courrier de Madame [S] que le comportement de Madame [A] est directement stigmatisé.

Il résulte de deux extraits du document intitulé « suivi de l'ikastola d'[Localité 5] » émanant de Madame [I], que celle-ci avait constaté que les remarques faites oralement à Madame [A] étaient restées sans effet. La responsable pédagogique lui avait alors envoyé une lettre à son adresse personnelle, afin de faire le point sur ce qu'elle avait observé en classe. Madame [A] s'était plainte de ce comportement. Une réunion avait eu lieu avec la directrice de l'association et Madame [A]. Selon Madame [I] la suite de cette réunion la directrice de l'association lui avait fait part de ses observations sur la façon inadaptée dont elle faisait son travail et Madame [I] ajoutait « depuis je n'ai plus traité ce cas ».

Il apparaît des pièces précitées que si Madame [I] ne s'est plus occupé du cas de Madame [A], après les observations de la directrice de l'association, à la suite de l'envoi d'une lettre au domicile personnel de Madame [A], la responsable pédagogique n'avait pas résolu le problème pour autant.

L'employeur produit au débat l'attestation de Monsieur [C] [X], professeur du Département de Méthodes de Recherche et Diagnostique de l'université du Pays basque, qui précise qu'étant directeur du projet nommé « Suivi pour la valorisation des compétences intra et interprofessionnelles pratiquées entre enseignants et élèves, dans les classes du primaire : développement d'une proposition ethnographique » son travail l'avait amené à observer et suivre Madame [L] [A] enseignante à l'ikastola d'[Localité 5] pendant l'année scolaire 2006-2007. Ce témoin précise qu'il n'avait pas trouvé de problèmes spécifiques justifiant de mettre en doute le travail professionnel de cette enseignante.

Madame [I], qui avait renoncé à poursuivre sa mission auprès de Madame [A] ne peut soutenir que c'est son influence qui a amélioré la situation alors que dans ses écrits elle précisait que ses remarques restaient sans effet. En outre la salariée ne saurait se retrancher derrière le fait que la situation à l'ikastola d'[Localité 5] était conflictuelle depuis plusieurs années, alors qu'il entrait dans ses fonctions d'aider les enseignants dans leur pratique professionnelle, d'analyser les situations, de déterminer les stratégies d'actions à mener. Il était précisé dans les pièces définissant sa fonction qu'elle avait un rôle de conseil, d'accompagnement et de contrôle.

Les pièces versées au débat tant par Madame [I] que par l'association SEASKA, apportent la preuve que Madame [I], à laquelle on ne reproche pas de faute en ce domaine, n'a pas su gérer le suivi de Madame [A].

Ainsi le second grief est également établi.

L'employeur retient également l'insuffisance professionnelle de Madame [I], notamment dans la conduite du projet plurilingue de l'ikastola d'Izura et dans le traitement des résultats des évaluations de sixième des élèves provenant de cet ikastola.

Madame [I] produit au débat les attestations de Madame [M] [P], professeur d'école et de Madame [E] [W] également professeur d'école. Toutes deux attestent de la compétence de Madame [I] et précisent qu'elles ont conçu le projet plurilingue grâce à son aide. Madame [P] affirme que les parents d'élèves ont accueilli le projet favorablement ainsi que les membres du bureau exécutif de l'association. Selon elle le projet a échoué en raison du départ de Madame [I].

Madame [W] affirme « si quelques parents étaient inquiets par rapport aux résultats des évaluations d'entrée en sixième... Madame [I] n'en était pas la cause. Pour le surplus Madame [W] confirme l'accord des parents et du conseil exécutif.

L'association SEASKA produit au débat l'attestation de Monsieur [G] [O], président de parents d'élèves de l'association OZTIBARREKO IKASTOLA lors de la présentation du projet pédagogique d'introduction d'une langue supplémentaire, dès la maternelle, par les enseignants et la responsable pédagogique.

Madame [P] et Madame [W] étaient à l'origine du projet plurilingue contesté.

Le représentant des parents d'élèves précise que le projet avait été présenté aux parents comme le seul moyen d'obtenir le demi-poste supplémentaire que tous réclamaient pour sortir d'un contexte très difficile.

Monsieur [O] rapporte que les cinq niveaux du primaire étaient laissés depuis plusieurs années aux mains d'un enseignant remplaçant, le plus souvent un débutant et qui de plus changeait à chaque rentrée. Face au retard de leurs enfants une famille avait déjà retiré ses enfants de l'école et deux autres familles menaçaient d'en faire autant.

Le président de l'association de parents d'élèves ajoute que plusieurs rencontres des parents avec la directrice et le bureau exécutif de l'association avaient conduit à la mise en place de mesures de suivi, dont une aide au remplaçant chargé du primaire mais aussi à une évaluation des anciens élèves en sixième, demandée par l'association de parents d'élèves pour rassurer les parents inquiets, sur le niveau de leurs enfants.

Selon Monsieur [O] les parents d'élèves avaient expliqué à Madame [I] que la présentation de ces évaluations serait un préalable à l'engagement des parents dans l'avancée du projet plurilingue.

Le délégué des parents d'élèves ajoute que lors de la réunion de présentation du projet, à laquelle les enseignantes et la responsable pédagogique avaient convié les parents, il était prévu à l'ordre du jour la remise et l'analyse des évaluations demandées par les parents.

Or selon ce témoin, en début de réunion, Madame [I] avait annoncé qu'elle avait « oublié » ces évaluations sur son bureau à [Localité 3] et qu'elle ne pouvait donc les présenter. Elle s'était engagée à envoyer par courrier les évaluations demandées à tous les parents.

Il avait été décidé au cours de cette réunion que soit diffusée à tous les parents une enquête sur leur choix de langue préférentielle : anglais ou espagnol.

Les évaluations promises par Madame [I] arrivèrent par courrier, mais après l'expiration du délai de l'enquête, faussant les résultats de celle-ci.

Madame [I], n'a pas contesté au cours de la procédure les déclarations de Monsieur [O].

Ce dernier précisait que l'ambiance et les débats autour du projet plurilingue s'étaient crispés entre les parents d'élèves et l'équipe enseignante, laquelle leur avait finalement précisé que l'aval des parents d'élèves n'était ni nécessaire ni indispensable pour que le projet puisse être validé.

Le président de l'association de parents d'élèves précisait que les parents ne pouvaient qu'être intéressés par un tel projet, désireux des meilleurs enseignements pour leurs enfants mais que le choix de l'ikastola d'OTZIBARE comme expérimental, était une « énorme maladresse au vu des difficultés qui existaient dans cette structure pour assurer ne serait-ce que la qualité d'enseignement la plus basique ».

Le représentant des parents d'élèves conclut « Ni la responsable pédagogique, ni les enseignantes titulaires n'ont su nous convaincre du bien-fondé d'une expérimentation plurilingue, alors même que l'acquisition pour nos enfants du français et d'autres matières de base n'étaient pas parfaitement assurée. ».

Sur ces points également l'employeur apporte la preuve de l'insuffisance professionnelle de Madame [I].

L'employeur établit également avoir tenté, postérieurement à l'audit, de tenir compte des propositions faites par l'auditeur externe, notamment pour améliorer le secteur pédagogique de l'association, en impliquant Madame [I], dans son rôle de responsable en ce domaine. La salariée n'a pas accepté les propositions faites, maintenant que l'on cherchait à modifier son statut, ce qu'elle n'établit pas.

Les griefs précités, formulés dans la lettre de licenciement par l'employeur sont établis et ils ont eu des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise, ainsi que l'établit l'audit produit au débat et l'attestation de Monsieur [O].

Les griefs ci-dessus détaillés sont suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il s'ensuit que le licenciement a une cause réelle et sérieuse et que la décision déférée sera confirmé.

Madame [I] sera déboutée de ses demandes.

Pour des motifs tirés de l'équité, il ne sera pas fait droit à la demande de l'association SEASKA fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré,

Déboute les parties de leurs demandes,

Condamne Madame [I] aux dépens.

Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame GARCIA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02121
Date de la décision : 03/05/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°09/02121 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-03;09.02121 ?
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