MD/PP
Numéro 1458/10
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 30/03/10
Dossier : 08/04858
Nature affaire :
Demande en nullité d'une assemblée générale ou
d'une délibération de
cette assemblée
Affaire :
[S] [U],
S.C.I. LECA
C/
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 01 Février 2010, devant :
Monsieur NEGRE, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur DEFIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [S] [U]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
S.C.I. LECA
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentés par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour
assistés de Me FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES
INTIME :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par son syndic Monsieur [B] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de la SCP AMEILHAUD ARIES BERRANGER BURTIN PASCAL SENMARTIN, avocats au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 20 NOVEMBRE 2008
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
FAITS-PROC'DURE-PR'TENTIONS
Par acte d'huissier du 08 avril 2006, Monsieur [S] [U] et la SCI LECA ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] aux fins d'annulation des points 3, 4 et 5 de la délibération de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires de cette résidence tenue le 28 janvier 2006.
La résolution n° 3 a autorisé la mise en oeuvre d'une procédure de saisie immobilière en l'encontre de Monsieur [U] et de la SCI LECA à la suite d'une décision de la cour d'appel de Pau du 26 janvier 2005 les ayant condamnés à payer au syndicat les sommes principales de 22.163 € pour Monsieur [U] et de 36.707 € pour la SCI LECA outre intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2001.
La résolution n° 4 a voté la répartition entre les copropriétaires d'une avance de trésorerie de 35.000 euros pour faire face au non paiement par les intéressés de leur dette.
La résolution n° 5 a décidé la suppression de la clause « para-hôtellerie » du règlement de copropriété. La destination para hôtelière de l'immeuble rappelée dans le règlement de copropriété résultait d'une clause du bail à construction du 12 septembre 1979 ainsi libellée :
« L'immeuble à édifier sera exclusivement un ensemble immobilier à destination para hôtellière et meublés, et à usage collectif s'intégrant dans le complexe hôtelier de la station de [Adresse 4]. Cette destination ne pourra être en aucune manière modifiée ou changée sans l'accord préalable et par écrit du Conseil Municipal de la Commune de [Localité 1] "
Suivant jugement du 20 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Tarbes a :
- déclaré irrecevable la demande tendant à l'annulation de l'ensemble des délibérations de cette assemblée générale pour avoir été présentée en cours d'instance hors du délai de prescription prévu à l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965,
- rejeté la fin de non recevoir soulevée par le Syndicat et tirée de la prescription décennale au titre de la demande initiale,
- débouté les demandeurs de leur action en annulation,
- condamné ces derniers à payer au Syndicat la sommme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [U] et la SCI LECA ont interjeté appel par déclaration du 11 décembre 2008.
''''''
Monsieur [S] [U] et la SCI LECA ont, dans leurs dernières conclusions déposées le 06 avril 2009, demandé à la Cour de réformer le jugement en soutenant :
- que pour annuler les trois résolutions critiquées, le tribunal avait pour obligation de vérifier qu'elles ont été prises par une assemblée de copropriétaires ayant préalablement constitué son bureau, formalité substantielle prévue à l'article 15 du décret du 17 mars 1967 dont la méconnaissance entraîne la nullité sans exigence de la démonstration d'un grief,
- que ces résolutions doivent être annulées en raison également du défaut de respect des délais de convocation de 15 jours computés selon les dispositions de l'article 641 du code de procédure civile ne comptabilisant pas le jour de l'acte faisant courir le délai soit à compter du 14 janvier 2006, période durant laquelle le transfert de courrier précédemment organisé par les concluants n'était plus en service et ne pouvait avoir eu pour effet de rallonger la durée de distribution du courrier,
- que les concluants ont achevé de régler leur quote part de la dette en capital et intérêts en août 2006 et que l'avance de trésorerie votée n'était pas nécessaire et était même contradictoire avec le paiement en cours d'achèvement de la dette et l'exécution forcée votée,
- que la destination première de l'immeuble était la para-hôtellerie contractuellement définie et qui ne pouvait être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires, les clauses de répartition des charges devant être nécessairement modifiées en conséquence.
Les appelants ont demandé la condamnation du Syndicat à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] a, dans ses dernières conclusions du 30 juin 2009, sollicité la confirmation du jugement entrepris en maintenant l'exception d'irrecevabilité de la demande d'annulation de toutes les délibérations de l'assemblée générale pour ne l'avoir pas visée dans l'assignation introductive d'instance et constituer ainsi une demande nouvelle postérieure à l'expiration du délai de 2 mois.
Il a indiqué que le délai de convocation a été respecté, les lettres ayant été envoyées par courriers recommandés déposés à la Poste le 10 janvier 2006 et présentées le 11 janvier à la plupart des copropriétaires dont les domiciles réels étaient notifiés au Syndic, les intéressés ayant donné des ordres de reexpéditions à une résidence secondaire de Monsieur [U] comme en témoignent les cachets de la poste de distribution de [Localité 5] à la date du 13 janvier.
Il a souligné par ailleurs que la SCI LECA n'avait toujours pas payé sa dette.
Il a affirmé que la clause de destination para hôtellière avait disparu en 1985 du double fait reconnu par les appelants de l'absence de ses conditions de viabilité (classement subordonné à la présence d'équipements et de services communs et d'un gestionnaire unique de la résidence, contrariété avec une clause du règlement prévoyant la liberté de location par les copropriétaires, accord municipal pour le changement de destination) et de l'absence de reversement par le gestionnaire des lots privatifs des loyers aux copropropriétaires titulaires.
Le syndicat a alors opposé la prescription décennale à l'action qui tend à demander le rétablissement effectif de cette clause devenue caduque.
Il a sollicité la condamnation in solidum des appelants à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice de distraction.
SUR CE, LA COUR :
Attendu qu'aux termes de l'article 42 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions, qui leur est faite à la diligence du syndic dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ;
qu'il est constant en l'espèce que Monsieur [U] et la SCI LECA avaient dans l'assignation introductive d'instance du 08 avril 2006 seulement sollicité l'annulation de troisième, quatrième et cinquième résolutions de l'assemblée générale du 28 janvier 2006 sur le triple fondement du défaut de respect du délai de convocation à l'assemblée générale, de l'inclusion injustifiée des frais d'emprunt dans les comptes opposés aux concluants et du défaut d'unanimité pour autoriser le changement de destination de l'immeuble ; que les demandeurs n'ont présenté le moyen tiré de la nullité de « la délibération dans son ensemble » pour irrégularité dans la désignation des scrutateurs de séance que dans leurs conclusions récapitulatives n° III déposées le 07 février 2008 ; que retenir ce moyen pour obtenir la nullité des trois résolutions litigieuses alors qu'il a pour objet de faire constater la nullité de l'assemblée générale équivaudrait à faire échec au délai prévu à l'article 42 précité et durant lequel il n'a été présenté aucune demande d'annulation de l'assemblée générale à ce titre ;
que la demande d'annulation de cette délibération sur ce moyen est irrecevable et la décision de première instance l'ayant constaté doit être confirmée ;
Attendu qu'il est constant que les convocations pour l'assemblée générale des copropriétaires de la [Adresse 4] prévue le 28 janvier 2006 ont bien été libellées à l'adresse déclarée par les appelants au syndic à [Localité 1] et déposées à la poste le 10 janvier 2006 ; qu'il est tout aussi constant que les courriers correspondants ont été présentés à Monsieur [U] en personne ou es qualités de gérant de la SCI LECA le 13 janvier 2006 à [Localité 6] ; que ce soit par l'effet d'un ordre de réexpédition effectif donné par les intéressés et jamais porté à la connaissance du syndic ou par l'erreur de la poste ayant poursuivi l'exécution d'un tel ordre devenu caduc, le délai de convocation court du jour de la présentation de la lettre au bureau de poste du lieu de l'adresse déclarée ;
que dès lors le moyen de nullité tiré du défaut de respect du délai de convocation de 15 jours a été écarté à bon droit par le premier juge ;
Attendu que par sa résolution n° 3, l'assemblée générale du 28 janvier 2006 a, d'une part autorisé le syndic à engager une procédure de saisie immobilière sur les biens de la SCI LECA et de Monsieur [U] pour avoir recouvrement notamment des sommes de 57.941,38 euros due par le premier et de 34.747,62 euros due par le second outre intérêts au taux légal en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 26 janvier 2005, et d'autre part décidé de lever une avance de trésorerie de 35.000 euros ;
que tout d'abord, il résulte des pièces versées au dossier qu'à la date de ce vote, aucun des deux débiteurs n'avait réglé sa dette exigible de longue date et consacrée par une décision devenue définitive un an auparavant de telle sorte que sans abus de droit ni erreur d'appréciation sur le bien fondé et l'opportunité de la voie d'exécution envisagée, l'assemblée générale a pu autoriser la mise en oeuvre de la seule voie de droit appropriée pour obtenir le paiement des sommes dues ;
qu'ensuite, la résolution n° 4 ne porte pas sur les comptes de la copropriété et n'évoque aucun prêt strico sensu mais sur une avance au prorata des tantièmes détenus par chaque copropriétaire dont le principe était justifié par la dette de près de 90.000 euros que les appelants n'avaient toujours pas soldée à la date de ce vote et dont l'ampleur était à elle seule suffisante pour générérer des difficultés de trésorerie pour le syndicat ; que la réalité de l'exécution de cette avance ou la conformité de ses modalités au vote est sans incidence sur la validité du vote qui l'a ordonné et qui ne relève pas plus que pour la précédente résolution d'une quelconque erreur d'appréciation ou d'un abus de droit ;
que la décision de première instance doit donc être confirmée sur ces points ;
Attendu qu'il convient de rappeler que par sa résolution n° 5 présentée comme répondant à une nouvelle demande de la SCI LECA recherchant à faire respecter la destination para hôtelière de l'immeuble, l'assemblée générale du 28 janvier 2006 a constaté l'inapplication de la clause de para hôtèlerie au regard du classement administratif ainsi que sa caducité au vu de l'article 9 du règlement de copropriété et a décidé de sa suppression mandatant le syndic pour « faire suivre jusqu'en Mairie la validité de cette présente résolution et de faire modifier le règlement en conséquence » ;
qu'en l'espèce, l'article 9 du règlement de copropriété établi le 17 décembre 1979 rappelle la liberté de jouissance de chaque copropriétaire de ses lots par la location sous condition de respecter « les conditions du règlement ainsi que la destination de l'immeuble telle que définie à l'article 6 » prévoyant la destination de l'immeuble à l'usage d'habitation avec possibilité d'offrir les logements à la location commerciale en renvoyant au chapitre II comprenant l'article 7, seule disposition à faire référence aux règles de la para hôtellerie ;
qu'il est constant que cette restriction à la faculté de louer avait été édictée en contemplation d'un bail à construction signé entre la SCI qui avait construit l'immeuble et la commune d'[Localité 1] sur un terrain situé en zone d'aménagement concerté créée pour l'aménagement de la station de [Adresse 4] ; qu'il ne peut être sérieusement contesté que la para hôtellerie a cessé d'être pratiquée dans cette résidence depuis 1985 étant relevé qu'il n'est justifié d'aucune organisation conforme aux prescriptions règlementaires pour la gestion para hôtelière pour tout ou partie des lots de la résidence et qu'il n'est fourni par les appelants aucun contrat postérieur à cette date pour justifier d'une telle gestion ; que le tribunal a tiré de cette constatation la nécessité de mettre en conformité le règlement avec la réalité et a validé la résolution qui a officialisé ce changement de destination en estimant que seule la commune d'[Localité 1] aurait pu se prévaloir de la violation de la destination para hôtelière ;
qu'il est certain qu'un changement de destination de l'immeuble relève d'une décision à l'unanimité des copropriétaires prévue à l'article 26 de la loin° 65-557 du 10 juillet 1965 à savoir de tous les membres de la copropriété et non seulement des copropriétaires présents à l'assemblée générale ;
que toutefois, il s'agit en l'espèce par la décision querellée non de modifier la destination de l'immeuble mais de constater une modification de cette destination intervenue depuis plus de dix ans même pour les propres lots des appelants de telle sorte que ces derniers qui sont bien recevables à contester la résolution n° 5 pour avoir engagé leur action dans les deux mois de la notification du procès-verbal de l'assemblée générale qui l'a votée, étaient en revanche sans droit pour exiger de la copropriété le respect de la destination initiale de l'immeuble en raison de la prescription décennale prévue à l'article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 et donc pour imposer un vote contraire à celui visant à adapter le règlement de copropriété à la nouvelle réalité créatrice de droits ;
qu'en effet, une telle opposition aurait été dans ces circonstances constitutives d'un abus de minorité rendant Monsieur [U] et la SCI LECA mal fondés à contester cette résolution ;
qu'il convient en conséquence de confirmer, par motifs propres ou adoptés, le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 20 novembre 2008 dans toutes ses dispositions non contraires ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure ; que Monsieur [U] et la SCI LECA seront condamnés sans solidarité à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
qu'en application du principe édicté par l'article 696 du code de procédure civile, les dépens restent à la charge de la partie perdante ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme par moyens propres ou adoptés le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 20 novembre 2008 dans toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité de l'assemblée générale du 28 janvier 2006 du chef de l'irrégularité de désignation des scrutateurs, rejeté l'exception de nullité tirée du défaut de convocation et débouté au fond Monsieur [U] et la SCI LECA de leurs demandes d'annulation des résolutions n° 3, 4 et 5.
Condamne Monsieur [S] [U] et la SCI LECA à payer au Syndicat des coproprétaires de la [Adresse 4] la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [S] [U] et la SCI LECA aux entiers dépens.
Accorde à la SCP de GINESTET - DUALE-LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Mireille PEYRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Mireille PEYRON Roger NEGRE