RN/NL
Numéro 1249/10
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 22/03/10
Dossier : 07/02667
Nature affaire :
Demande formée par le propriétaire de démolition d'une construction ou d'enlèvement d'une plantation faite par un tiers sur son terrain
Affaire :
S.A.R.L. [K] IMMOBILIER
C/
S.A. TDF
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 22 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Octobre 2009, devant :
Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame BELIN, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. [K] IMMOBILIER représentée par son gérant Monsieur [D] [K] domicilié en cette qualité au siège social
'Les Pindats'
[Localité 3]
représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me PITICO, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A. TDF représentée par son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP CERVESI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 04 JUILLET 2007
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS ET PROCEDURE
Par arrêt du 7 avril 2009, auquel il convient de se reporter, la cour, considérant que l'engagement de Monsieur [K] auquel s'était substituée la société [K] devait s'analyser en une promesse unilatérale de vente acceptée par la société TDF et que conformément à l'article 1589-2 du code civil (article 1840 A du code général des impôts antérieurement à la loi du 7 décembre 2005), une telle promesse doit, à peine de nullité, être constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire, a rouvert les débats au visa de ce texte d'ordre public et invité les parties à conclure sur la nullité encourue de cette promesse de vente.
Suivant conclusions du 31 août 2009, auxquelles il est fait référence, la SARL [K] IMMOBILIER demande à la cour, au visa des articles 544, 545, 1382 et 1589-2 du code civil,
- d'ordonner, sous astreinte et aux frais de la société TDF, la destruction de l'antenne relais et des deux bâtiments érigés sur le lot n° 16 de la copropriété [Adresse 6], dépendant de la parcelle cadastrée AO [Cadastre 4],
- de condamner la société TDF à lui payer la somme de 2.500 € par mois à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er décembre 2001 et jusqu'à la destruction du relais et des bâtiments,
- de condamner la société TDF à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions du 22 septembre 2009, auxquelles il est fait référence, la SA TDF demande à la cour, au visa des articles 1583, 1589-2 et 1134 et suivants du code civil,
' de dire et juger que les engagements des parties portant sur la revente, par la société [K] IMMOBILIER, du terrain de 498 m², objet du litige, et son acquisition par elle, s'analyse comme une transaction intervenue entre les parties, sous l'égide et avec la participation de Maître [S], syndic de la liquidation des biens des sociétés du groupe BEIGBEDER et du juge commissaire de cette procédure collective, et qu'en conséquence, les dispositions de l'article 1589-2 du code civil, ne sont pas applicables en l'espèce,
' A TITRE SUBSIDIAIRE, de dire et juger que lesdites dispositions ne sont pas applicables même s'il s'agit d'une promesse unilatérale de vente, dès lors qu'elle est incluse dans une transaction,
' PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE, de dire et juger que les engagements des parties constituent une promesse synallagmatique de vente et que dès lors, les dispositions de l'article 1589-2 du code civil ne sont pas applicables,
- de débouter la société [K] IMMOBILIER de ses demandes,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [K] IMMOBILIER de ses prétentions et l'a condamnée sous astreinte à procéder à la modification de l'état descriptif de division/règlement de copropriété, tenant dans la subdivision du lot n°16, pour créer un lot consistant dans un terrain de 498 m² correspondant à l'assiette de ses installations, et à signer l'acte de vente de ce lot aux conditions convenues,
- l'infirmant pour le surplus, de condamner la société [K] IMMOBILIER à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour sanctionner le caractère abusif de la procédure par elle diligentée et sa mauvaise foi, comme aussi pour réparer le préjudice subi du fait du retard apporté à la réalisation de la vente convenue, laquelle aurait dû intervenir en 2001,
- de faire à la société [K] IMMOBILIER une application plus sévère des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et de la condamner à lui payer la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction de la procédure a été close le 5 octobre 2009.
MOTIFS DE L'ARRET
Attendu qu'il est constant que ne constitue pas une promesse unilatérale soumise à l'article 1589-2 du code civil une promesse de vente contenue dans un accord constituant une transaction entre les parties ;
Attendu que l'échange des courriers précités des 9 janvier et 2 février 1998 s'est inscrit dans le cours de l'instance alors pendante sur l'opposition de la société TDF à l'ordonnance du 28 octobre 1997 ayant rétracté, à la requête de Maîtres [F] et [S] es qualités, l'autorisation de cession à son profit de la parcelle AO [Cadastre 2] ;
Que Monsieur [K], qui proposait d'acquérir l'ensemble des actifs immobiliers du GFA en liquidation judiciaire, acceptait le 9 janvier 1998 la revente de la parcelle litigieuse à la société TDF moyennant le prix de 5.000 francs tandis que la société TDF acceptait à la fois le principe du retrait de l'autorisation de vente de ladite parcelle consentie au liquidateur du GFA et l'offre de vente émanant de Monsieur [K], au prix demandé et à la condition suspensive qu'il devienne propriétaire du terrain ;
Attendu que la société [K] IMMOBILIER objecte que dans la mesure où Monsieur [K] n'était en litige ni avec la société TDF, ni avec les syndics chargés de la liquidation des biens du groupe BEIGBEDER et du GFA BEARN NEEZ, il ne pouvait être partie à aucune transaction ;
Attendu, selon la société TDF, que la transaction a été matérialisée non seulement par les lettres précitées de Monsieur [K] du 9 janvier 1998 et d'elle-même à Monsieur [K] du 2 février 1998, mais aussi par la lettre que lui a adressée Maître [S] le 14 janvier 1998 et par celle qu'elle a adressée au tribunal de commerce le 27 janvier 1998 ;
Attendu, en effet, qu'en date du 14 janvier 1998, Maître [S] adressait à la société TDF copie du courrier reçu de Monsieur [K] et lui demandait de faire le nécessaire pour faire radier l'affaire ;
Et que par courrier du 27 janvier 1998, la société TDF, faisant état de son rapprochement avec Maître [S], informait le tribunal de commerce qu'elle acceptait de retirer son opposition à la condition que Monsieur [K] s'engage à lui rétrocéder la parcelle litigieuse ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que Maître [S] et la société TDF ont entendu mettre fin au litige qui les opposait devant le tribunal de commerce, à la suite de quoi Maître [S], se prévalant des engagements de Monsieur [K], pouvait présenter au même tribunal la requête du 3 avril 1998, à laquelle il était fait droit par l'ordonnance du 8 avril 1998 qui autorisait la cession de gré à gré au profit de Monsieur [K] moyennant le prix de 510.000 francs, avec mention de l'engagement de rétrocession de la parcelle AO [Cadastre 2] au profit de la société TDF ;
Attendu que Monsieur [K], bien qu'il n'ait pas été partie à l'instance sur opposition à rétractation de l'ordonnance de cession du 7 juin 1995, n'en était pas moins intéressé par l'issue du différend qui en était l'objet et au règlement duquel il a pris part en acceptant la décision du tribunal dont la rétractation était demandée par le mandataire liquidateur, étant observé qu'il devait être mentionné dans le courrier du 27 janvier 1998 adressé par la société TDF au tribunal de commerce :
'En outre, pour que les deux actes de transfert de propriété, à Monsieur [K] d'une part puis à TDF, d'autre part, puissent être passés concomitamment, TDF a décidé d'accepter de devenir copropriétaire et non plus pleinement propriétaire.
Ainsi, la parcelle de 498 m² n'a plus à être au préalable sortie de l'assiette foncière de la copropriété horizontale, ce qui nécessitait une décision du syndicat des copropriétaires, et donc la tenue d'une Assemblée des propriétaires de lots.
Or, c'est la tenue de cette assemblée des copropriétaires qui a bloqué ce dossier, aucun protagoniste ne souhaitant la provoquer et TDF ne disposant d'aucun moyen pour réunir ces derniers.
TDF, en sa qualité de copropriétaire pourra ensuite convoquer les autres copropriétaires pour sortir cette parcelle de la copropriété' ;
Attendu que les initiatives et engagements écrits respectifs de Maître [S] ès qualités, de Monsieur [K] et de la société TDF, tels qu'évoqués ci-dessus, caractérisent l'existence d'une transaction au sens de l'article 2044 du code civil, manifestant par des concessions réciproques leur commune volonté de mettre fin aux difficultés les ayant opposés à propos de la cession de la parcelle AO [Cadastre 2] ;
Attendu que la parcelle litigieuse étant parfaitement identifiable au vu du plan de masse et du procès-verbal de délimitation dressés courant décembre 1994 par Monsieur [N], géomètre-expert à [Localité 8], la société [K] IMMOBILIER, qui s'est substituée à Monsieur [K], est tenue par les engagements de ce dernier et il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris tant en ses dispositions la déboutant de l'ensemble de ses demandes qu'en celles prononçant condamnation sous astreinte à son encontre ;
Attendu qu'aux motifs de leur requête en rétractation du 23 octobre 1997, Maîtres [S] et [F] exposaient :
'Que par ordonnance en date du 7 Juin 1995, vous avez autorisé la vente de gré à gré d'une parcelle de terre sise sur la commune de [Localité 7] cadastrée AO [Cadastre 2] d'une contenance de 4 a 9 ca provenant de la division de la parcelle AO [Cadastre 4], au profit de TELEDIFFUSION DE FRANCE, moyennant le prix de 5.000 FRANCS.
Que malgré les nombreuses relances adressées tant au Notaire qu'à l'acquéreur, l'acte n'a jamais pu être régularisé, soit plus de deux ans après que l'ordonnance ait été rendue.
Que ce n'est pas tant la somme en jeu que la mauvaise volonté des acquéreurs qui motivent que la présente autorisation soit retirée.
Qu'en effet la liquidation des biens du GROUPE BEIGBEDER ne saurait être victime de la défaillance de l'acquéreur...'
Attendu que dans son courrier du 27 janvier 1998 au tribunal de commerce, postérieur à l'ordonnance de rétractation du 28 octobre 1997, le directeur régional de TDF écrivait :
'...nous nous sommes de nouveau rapprochés de Me [O] [S], toujours dans un souci de solutionner le problème auquel nous sommes confrontés dans cette affaire, qui est dû comme vous le savez, à un problème juridique empêchant la passation d'un acte de vente à TDF, la non passation de cet acte bloquant la liquidation des biens du Groupe BEIGBEDER, dont Me [O] [S] a la charge.
Me [O] [S] nous a alors informé être en contact avec Monsieur [K], qui envisage de reprendre un certain nombre de biens du Groupe BEIGBEDER, et notamment la parcelle AO n°[Cadastre 4], de laquelle est détachée la parcelle objet de la vente à TDF.
Afin de solutionner cette affaire, Me [O] [S] nous a proposé d'évoquer la question de la cession de ladite parcelle avec Monsieur [K], futur propriétaire potentiel...'
Attendu que le comportement de le société [K] IMMOBILIER n'a lieu d'être mis en cause qu'en ce que celle-ci s'est refusée d'assumer l'engagement de Monsieur [K] du 9 janvier 1998, pris dans le cadre du rapprochement transactionnel intervenu entre ce dernier, Maître [S] es qualités et la société TDF ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'il importait peu que d'une part, le procès-verbal de division de la parcelle AO [Cadastre 4] n'ait pas été publié puisque Monsieur [K] venait aux droits du GFA BEARN NEEZ partie à l'acte de division et que d'autre part, l'autorisation de céder la parcelle AO [Cadastre 2] ait été retirée, 'la confirmation dudit retrait ayant été motivée par l'engagement de Monsieur [K] de procéder à ladite cession' ;
Attendu que n'étant toutefois pas démontré que l'exercice par la société [K] IMMOBILIER de son droit d'agir en justice ait dégénéré en abus, le reproche qui peut être fait à ladite société est en définitive d'avoir attendu jusqu'au 12 septembre 2006 pour saisir le tribunal de grande instance, ce qu'il appartenait aussi bien à la société TDF de faire afin d'obtenir l'exécution de l'engagement pris ;
Attendu, d'autre part, que la société TDF ne justifie pas de la consistance du préjudice que lui aurait causé la société COLOLMES IMMOBILIER ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu que le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société [K] IMMOBILIER à une amende civile ;
Attendu qu'il convient de condamner la société [K] IMMOBILIER aux dépens d'appel et qu'il est équitable d'allouer à la société TDF, pour tenir compte des frais irrépétibles d'appel, la somme complémentaire de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu son arrêt du 7 avril 2009,
Reçoit en la forme l'appel de la SARL [K] IMMOBILIER,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL [K] IMMOBILIER à payer la somme de 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 € (deux mille euros) à titre d'amende civile et statuant à nouveau,
Déboute la SA TDF de sa demande de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à amende civile,
Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant, condamne la SARL [K] IMMOBILIER à payer à la SA TDF la somme complémentaire de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SARL [K] IMMOBILIER aux dépens d'appel,
Accorde à la SCP MARBOT CREPIN, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Mireille PEYRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONRoger NEGRE