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15/03/2010 | FRANCE | N°08/03056

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 mars 2010, 08/03056


SG/LC



Numéro 1149/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/03/2010







Dossier : 08/03056





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA APPRO



C/



[L] [O]





















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civ...

SG/LC

Numéro 1149/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/03/2010

Dossier : 08/03056

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA APPRO

C/

[L] [O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Janvier 2010, devant :

Madame de PEYRECAVE, Présidente

Madame PAGE, Conseillère

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA APPRO représentée par son Président du Conseil d'administration domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 20]

[Localité 4]

Représentée par Maître ALFANDARI, avocat au barreau de PARIS.

INTIME :

Monsieur [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assisté de Maître BRAILLARD, avocat au barreau de LYON.

sur appel de la décision

en date du 07 JUILLET 2008

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PAU

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

M. [L] [O], engagé par la SA GROUPE APPRO, société anonyme constituée de 15 sociétés actionnaires réparties en FRANCE ayant pour activité la production et la vente d'oeufs et de produits dérivés d''ufs (ovo produits), à compter du 02 janvier 2000, avec reprise d'ancienneté au 15 mars 1999, en qualité de directeur régional, position cadre, niveau A, échelon 1, coefficient 430 de la convention collective des centres de conditionnement, commercialisation de transformation des oeufs et industries en produit d'oeufs, a pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts de l'employeur, par lettre du 10 août 2007, aux motifs : de graves manquements répétés dans la gestion des salariés et dans la gestion des produits entraînant une perte de sa crédibilité auprès de ses équipes et des clients et par voie de conséquence une perte de chiffre d'affaires et donc de revenus ; communication tardive, et absence d'avenant écrit sur les objectifs à réaliser, dont plusieurs objectifs non quantifiables ; absence d'entretiens individuels.

Par requête en date du 14 novembre 2007 M. [L] [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que la prise d'acte de la rupture soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la SA GROUPE APPRO soit condamnée à lui payer la somme de 70 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 10 décembre 2007 l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu le 07 juillet 2008, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, le Conseil de Prud'hommes de PAU (section encadrement) :

- a requalifié la rupture du contrat de travail par M. [L] [O] le 10 août 2007 en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de l'employeur,

- a condamné la SA GROUPE APPRO à payer à M. [L] [O] la somme de 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l'article L. 1235-3 du Code du travail,

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- a condamné la SA GROUPE APPRO à payer à M. [L] [O] la somme de 800 € à titre d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a condamné la SA GROUPE APPRO aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 juillet 2008 la SA GROUPE APPRO, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 15 juillet 2008.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La SA GROUPE APPRO, par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- infirmer la décision entreprise et dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de M. [L] [O] doit être qualifiée de démission,

- ordonner le remboursement par M. [L] [O] de la somme de 30 800 €,

- condamner M. [L] [O] à lui payer une indemnité de 3500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA GROUPE APPRO expose que M. [L] [O] avait notamment pour mission de faire appliquer la politique commerciale de l'entreprise sur la région sud-ouest de la FRANCE ; que les relations contractuelles se sont déroulées de manière harmonieuse jusqu'à la fin de l'année 2006 lorsque le salarié a commencé à lui adresser une série de courriers électroniques s'interrogeant sur l'avenir de la société, ses choix économiques, ses dysfonctionnements ; que ces interrogations se sont transformées, au début de l'année 2007, en véritables reproches sur la manière dont l'entreprise était gérée. Elle considère que ce brusque revirement de l'attitude du salarié est très certainement liée aux difficultés rencontrées par le groupe, à la suite de la liquidation amiable, en juin 2003, de l'une des sociétés actionnaires du groupe, la société FERME DU VIEUX PAYS et du litige qui s'est élevé entre deux groupes d'actionnaires concernant la préemption exercée sur les actions de cette société.

La SA GROUPE APPRO soutient que la gestion de l'entreprise est du seul ressort de l'employeur et que le salarié ne peut prendre cette situation comme motif de rupture de son contrat de travail.

Elle fait observer que la prime sur objectifs a été régulièrement versée au salarié ; qu'il ne s'est pas institué dans la pratique du contrat la signature à une date fixe de l'avenant fixant les critères de cette prime ; que le 27 juillet 2007 le directeur commercial a transmis au demandeur les objectifs relatifs à la détermination de la prime ; mais celui-ci, sans attendre un rendez-vous, a notifié la rupture de son contrat alors qu'il n'est nullement avéré que le retard dans la détermination des objectifs ait compromis l'attribution de la prime.

M. [L] [O], par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié la prise d'acte de rupture du contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA GROUPE APPRO à lui payer la somme de 70 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA GROUPE APPRO à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens.

M. [L] [O] soutient que les manquements fautifs de l'employeur justifient que sa prise d'acte soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il prétend : qu'à compter du 1er décembre 2006 il a été amené à diriger deux équipes commerciales, celle du secteur Sud-Ouest et celle du secteur Ouest - Paris, sans que sa rémunération, ni les objectifs commerciaux dont dépend la prime d'objectif n'aient été modifiés et considère qu'il s'agit là d'une modification unilatérale de son contrat de travail ; qu'il a été dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail du fait des fautes de son employeur concernant la politique commerciale, l'employeur ayant été dans l'impossibilité de répondre à des commandes de clients, et de la défectuosité des produits en raison de fiches de non conformité ce qui a eu pour conséquences la perte de marchés, de clients, de sa crédibilité commerciale et dans ses rapports avec ses collaborateurs, d'une partie de sa rémunération.

Il soutient également que le défaut de proposition des objectifs conformément au contrat constitue une mauvaise exécution du contrat par l'employeur.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas, contraire, d'une démission.

La lettre du 10 août 2007 de la prise d'acte par M. [L] [O] de la rupture des relations contractuelles aux torts de l'employeur formule les griefs suivants :

«- les ruptures d'approvisionnement : je vous ai signalé plusieurs fois que nous n'avions aucune information sur ce point. Je vous ai demandé de mettre en place des procédures d'alerte via nos centres de production qui nous auraient permis d'avertir nos clients et de trouver avec eux d'éventuelles solutions. Rien n'a été fait. Les clients nous appellent pour nous «molester verbalement» car nous n'avons pas eu ce rôle d'alerte, de conseil (client SCASO, GUYENNE, SCALANDES, AUCHAN'), ce qui génère pour moi des pertes de clients donc de revenu.

- Les calibres : vous m'avez demandé de «driver» mon équipe pour switcher du calibre TG en calibre G, toujours dans l'idée de diminuer les taux de rupture sur le segment Vrac Plein Air. Je me suis employé à ce nouvel objectif. Résultat : nous n'avons pas été en mesure de livrer le calibre G et vous nous appreniez quelque temps plus tard (réunion de juin) que nous étions en sous-production de calibre G. Où est la logique ' Comment avez-vous pu me demander de vendre des produits que nous n'avions pas ' Pourquoi l'étude concernant notre capacité de production n'a-t-elle pas été faite avant de nous donner ses objectifs de changement ' Vous nous avez présenté cette étude lors de la réunion DV de juillet, elle n'était même pas finalisée puisque rappelez-vous, il manquait bon nombre des commandes de mes clients régionaux. Ces graves manquements ont généré pour moi une perte de CA et de crédibilité commerciale.

- Comme j'ai déjà eu souvent l'occasion de vous le dire et de vous l'écrire, l'ensemble des remontées terrain concernant les problèmes qualité ne sont pas considérés comme importants puisque nous trouvons régulièrement les mêmes incohérences : traçabilité incorrecte, poids des oeufs non respectés, écritures sur boîtes illisibles... Cette liste n'est pas exhaustive mais vous savez que là aussi je peux vous amener un nombre incalculable de fiches de non-conformité attestant de ces faits. Encore une fois, la conséquence de ces faits fut des pertes de magasins, des pertes de DN donc de chiffres et de crédibilité vis-à-vis de mes clients et de mon équipe.

- Les dernières opérations marketing (opération été, opération Eragon, opération Pâques) ne nous ont pas été présentées. Nous attendons toujours les books de présentation pour nos clients. J'ai même découvert l'une d'entre elles'. en magasin. Comment atteindre nos objectifs volumes si vous ne nous donnez pas tous les moyens dont nous disposons '

Le projet Mère Poulard :

nous devions communiquer sur cette marque pour son lancement via des écrans PUB TÉLÉ. Nos plaquettes distribuées à nos clients mettaient en avant ce point essentiel à la réussite du démarrage de cette gamme. Vous le savez, cette pub n'a pas eu lieu ! Où est ma crédibilité vis-à-vis de mes clients ' ;

100 % des plein air concernant cette marque Mère Poulard LS conditionnés par les établissements LIGNER devaient être du calibre GROS ( cf sur plan d'action mère Poulard présenté en réunion DV). Mes innombrables mails ou autres fiches de non-conformité vous prouvent que cette promesse n'a pas été tenue. Par moment, j'ai l'impression que vous oubliez que nous nous engageons quasi journalièrement auprès de nos clients et à force de les tromper, de leur mentir nous perdons leur confiance et notre crédibilité ;

je vous ai plusieurs fois remonté le fait que notre référence LABEL ne se vendait pas, je vous ai proposé des tests en région en modifiant quelque peu le visuel du produit en apposant un stick, j'attends toujours votre réponse et pendant ce temps le produit est déréférencé des linéaires. Au final, la référence sera sortie des cadenciers de commandes et mes objectifs de référencements dans une enseigne comme Leclerc ne seront pas atteints. Je perdrai donc une partie de la prime qui m'est proposée .

D'autre part, les points évoqués ci-dessus ne me permettent plus de manager correctement mon équipe car je n'ai quasiment plus aucune réponse aux problématiques posées par le terrain : perte de vitesse des gammes sélection nutritionnelles, que fait-on ' Pas de réponse. Pertes de parts de marché du Gros Coques, solutions ' Rien. Ruptures ' On ne sait pas ! Stratégie 2008 ' Rien à l'horizon !

De plus, je vous rappelle les derniers problèmes rencontrés avec les équipes de vente et concernant les épisodes ADSL/GPRS et prévoyance. Je vous ai écrit que tant que tout le monde et donc n'importe qui écrira à n'importe qui, nous aurons à gérer ce type de conflits. Je vous ai demandé d'écrire une note de service rappelant l'autorité du DV sur son équipe et stipulant que tous les messages concernant la force de vente devaient être validés soit par vous-même soit par les DV. Vous m'aviez dit être d'accord sur ce point, j'attends toujours la note ! Ce qui signifie que nous ne sommes pas à l'abri d'un nouveau problème à gérer.

J'insiste sur ce point car ma fiche de poste précise « que j'ai en charge le pilotage de ma région, que j'anime et que je gère mon équipe de CS, que je suis le relais local du GROUPE APPRO », j'ajoute que mon contrat de travail explique « que je suis responsable sur ma région du management, de la formation et de la motivation de mes collaborateurs » : comment remplir cette mission quand ces messages parasitent entraînant des situations de conflits viennent polluer et détruire la cohésion et la motivation d'équipe ' Vous ne pouvez pas vous imaginer dans quelle situation je me suis retrouvé quand lors d'une réunion de région, mes Chefs de secteurs m'ont demandé à quoi correspondait la prévoyance ' Était-il normal qu'ils paient de façon rétroactive pour le quadrimestre écoulé ' Était-elle obligatoire ' Je n'ai pu répondre à aucune de ces questions puisque je ne connaissais même pas l'existence de ce dossier. Vous avez mis ma crédibilité auprès de mes collaborateurs à rude épreuve !

Pour finir, mon contrat de travail stipule « que je peux bénéficier d'une prime sur objectifs brute annuelle d'un mois et demi de salaire liée à la réalisation des objectifs définis d'un commun accord, qui font l'objet d'un avenant annuel écrit » donc cosigné par les deux parties. En dehors du fait que vous m'avez communiqué ces éléments fin juillet, que 75 % du montant possible atteignable concernent des éléments non quantifiables par conséquent subjectifs, je n'ai toujours pas reçu l'avenant écrit. Je vous rappelle vous avoir demandé à 2 ou 3 reprises un entretien pour faire un point semestriel sur ces objectifs, j'ai insisté arguant qu'étant donné que 75 % de cette prime concernaient des éléments non quantifiables, il était important que je sache où j'en étais. Vous avez reconnu que ma demande était logique, j'attends toujours un rendez-vous. D'autre part, il me semble que dans le cadre de l'IFS, nous devons faire 1 ou 2 entretiens individuels par an, vous êtes arrivés fin 2006, j'attends toujours mon premier rendez-vous.

Malgré ces éléments et d'autres tout aussi nombreux et importants à mes yeux, j'ai toujours essayé de faire mon travail le plus sérieusement possible par respect pour mon équipe, par respect pour mes actionnaires auprès desquels je m'étais engagé, par conviction et par éducation. Ceci dit je ne peux plus accepter et je ne supporte plus vos manquements répétés, je vous demande de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à réception de ce courrier.

Je me tiens à votre disposition pour effectuer mon préavis de trois mois espérant que vous avez conscience que je vous laisse quasiment six mois pour recruter et former quelqu'un qui sera opérationnel pour les joutes des négos 2008».

M. [L] [O] produit plusieurs courriels faisant état de ruptures d'approvisionnement et du mécontentement des clients. Ainsi des courriels de :

- M. [I] [E] du 20 mars 2007, faisant état de rupture d'approvisionnement pour les clients Système U [Localité 11] et [Localité 18] ; et du 9 mai 2007 faisant état de «ruptures Mère Poulard» ;

- [R] [X] du 22 mai 2007 faisant état d'une rupture d'approvisionnement pour le client Leclerc [Localité 14] ([Localité 18]) ;

- [C] [V] du 26 mars 2007 faisant état d'un approvisionnement insuffisant pour le client Système U [Localité 11] ;

- [Y] [T] de Guyenne et Gascogne du 16 août 2007 faisant état de ruptures récurrentes d'approvisionnement pour leurs six hypermarchés, occasionnant des pertes sèches en magasin ;

- [B] [J] du 4 mai 2007 faisant état de «ruptures Mère Poulard» ;

- [A] [M] (établissement [Localité 15]) du 30 mai 2007 faisant état de rupture pour le client Leclerc [Localité 17] ;

- [Y] [D] du 26 janvier 2007 faisant état de rupture pour les entrepôts CARREFOUR à [Localité 10] et [Localité 5].

M. [L] [O] produit des fiches d'enregistrement d'«incidents» et d'anomalies faisant apparaître, pour la période d'avril à septembre 2007, 43 cas de ruptures d'approvisionnement, c'est-à-dire de défaut de livraison pour des commandes passées par une quinzaine de clients différents ; 52 cas de livraisons insuffisantes par rapport aux commandes.

M. [L] [O] produit également plusieurs courriels émanant de plusieurs employés de la SA GROUPE APPRO, ainsi que de nombreuses fiches de non-conformité des produits, notamment pour la période de janvier à septembre 2007, au détriment de plusieurs clients faisant état de difficultés ou de non-conformité des produits : quant au calibre des oeufs livrés (produits Mère Poulard - calibre moyen - le 13 avril 2007, le 19 avril, le 14 mai magasin Carrefour [Localité 16], le 25 septembre magasin Leclerc [Localité 7]) ; quant à l'emballage des produits ; quant à des mentions légales sur les emballages illisibles ; quant l'absence de marquage sur les oeufs ou sur les emballages (magasin Leclerc [Localité 6] 14 avril 2007 ; magasin Leclerc [Localité 8] le 23 mai 2007 ; Leclerc [Localité 19] le 24 mai 2007 ; Leclerc [Localité 9] le 25 mai 2007 ; Leclerc [Localité 12] le 29 mai 2007) ; quant à l'absence de boîtes d'emballage (magasin Leclerc [Localité 13] le 21 mai 2007).

Les griefs formulés par M. [L] [O] doivent être examinés au regard de ses fonctions.

Il a été engagé en qualité de directeur régional, région sud-ouest, ayant pour mission et fonctions, selon l'article 4 de son contrat de travail, «la responsabilité de l'application et de l'optimisation de la politique commerciale du groupe APPRO au niveau régional ; la responsabilité sur sa région : des suivis budgétaires ; du développement des marques de la couverture magasins ; du recrutement ; du management ; de la formation et de la motivation des collaborateurs composant son équipe ; de l'image de la force de vente auprès des clients de sa région».

Le contrat précise que cette énumération n'est pas limitative et une fiche de description de poste du 8 novembre 2004 a notamment précisé qu'il avait en charge «le pilotage de sa région pour atteindre les objectifs fixés sur les marques du groupe», l'animation et la gestion de «son équipe de chefs de secteur et d'attachés commerciaux afin d'assurer le déploiement de la politique commerciale sur la région», qu'il était «le relais local du groupe APPRO auprès des sites de production sur sa région», et «auprès des entrepôts de ses clients», et qu'il assurait «les négociations dans le cadre fixé par la direction générale auprès des grands clients régionaux».

L'article 3 du contrat de travail, consacré à la rémunération et aux avantages, stipule que M. [L] [O] est rémunéré par un salaire forfaitaire brut annuel de 21 340 fr. payé sur 12 mensualités et qu'il le pourra «bénéficier en outre d'une prime sur objectifs brute annuelle d'un montant maximum d'un mois et demi de salaire liée à la réalisation des objectifs définis d'un commun accord, qui font l'objet d'un avenant annuel écrit».

Par conséquent, compte tenu des fonctions de M. [L] [O] et des modalités de sa rémunération les incidents, les ruptures d'approvisionnement, les anomalies ou les dysfonctionnements dans la livraison des produits aux clients, lorsqu'ils ne lui sont pas imputables, constituent des manquements de l'employeur à son obligation de fournir à son salarié les moyens d'exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté et, en se traduisant par une atteinte au volume des ventes et par un mécontentement des clients qui peut les conduire à changer de fournisseur, ont nécessairement des incidences sur sa rémunération dont une partie dépend des objectifs atteints.

Or, la SA GROUPE APPRO ne produit aucun élément de nature à contredire ou à combattre les éléments produits par M. [L] [O] et susceptible, par exemple, de justifier que les manquements qui lui sont reprochés ne lui sont pas imputables en sa qualité d'employeur, de sorte qu'il y a lieu de dire que les griefs invoqués par le salarié sont démontrés et justifiaient la prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui, dès lors, doit produire les effets d'un licenciement sans cause et sérieuse.

Et ce, indépendamment du grief relatif à la communication tardive, et à l'absence d'avenant écrit sur les objectifs à réaliser, et dont plusieurs objectifs seraient non quantifiables, car le contrat de travail ne prévoit aucune date où moment de l'année pour que soient négociées entre l'employeur et le salarié les modalités et les conditions d'attribution de la prime sur objectifs, alors que le salarié ne justifie pas que les précédentes années cette négociation avait lieu à une date régulière, ni que les modalités et conditions d'attribution étaient différentes de celles dernièrement proposées, et alors précisément que cette proposition de négociation a été faite, de sorte qu'il appartenait au salarié d'y participer et, à défaut d'accord, de saisir le juge à fin de déterminer la part variable de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus précédemment.

Compte-tenu de la perte d'ancienneté de M. [L] [O] (8 ans), de son âge (39 ans), du montant de son salaire mensuel moyen (4266 €, selon l'attestation ASSEDIC), de ce qu'il justifie avoir activement recherché un emploi immédiatement après la rupture de son contrat, mais de ce qu'il ne justifie pas de sa situation après le mois de décembre 2007, ni d'élément justifiant l'octroi de la somme sollicitée à ce titre, il convient de fixer à la somme de 40 000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SA GROUPE APPRO sera également condamnée à rembourser aux organismes concernés (POLE-EMPLOI) les indemnités de chômage versées à M. [L] [O] du jour de son licenciement à la date du jugement du Conseil de Prud'hommes, dans la limite de trois mois, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail.

Sur les articles 696 et 700 du Code de procédure civile :

La SA GROUPE APPRO, succombant, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à M. [L] [O] la somme de 1500 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

REÇOIT l'appel principal formé le 18 juillet 2008 par la SA GROUPE APPRO à l'encontre du jugement rendu le 07 juillet 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PAU (section encadrement), notifié le 15 juillet 2008, et l'appel incident formé par M. [L] [O],

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il

- a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [L] [O] le 10 août 2007 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- a condamné la SA GROUPE APPRO à payer à M. [L] [O] la somme de 800 € à titre d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- A condamné la SA GROUPE APPRO aux entiers dépens,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SA GROUPE APPRO à payer à M. [L] [O] :

- 40 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SA GROUPE APPRO à rembourser aux organismes concernés (POLE-EMPLOI) les indemnités de chômage versées à M. [L] [O] du jour de son licenciement à la date du jugement du Conseil de Prud'hommes, dans la limite de trois mois, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail,

CONDAMNE la SA GROUPE APPRO aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,

Sylvie HAUGUEL

LA PRÉSIDENTE,

Marie de PEYRECAVE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/03056
Date de la décision : 15/03/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°08/03056 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-15;08.03056 ?
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