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15/03/2010 | FRANCE | N°08/01286

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 mars 2010, 08/01286


CP/NG



Numéro 1151/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRET DU 15/03/2010







Dossier : 08/01286





Nature affaire :



Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable















Affaire :



[H] [X]



C/



S.A. TURBOMECA



Cie C

HARTIS EUROPE anciennement dénommée AIG EUROPE



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES





































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arr...

CP/NG

Numéro 1151/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRET DU 15/03/2010

Dossier : 08/01286

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

[H] [X]

C/

S.A. TURBOMECA

Cie CHARTIS EUROPE anciennement dénommée AIG EUROPE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Janvier 2010, devant :

Madame de PEYRECAVE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [H] [X]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Maître Jean-Baptiste ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

S.A. TURBOMECA

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par la SCP MATHEU-MARIEZ-RIVIERE-SACAZE-EYCHENNE, avocats au barreau de TOULOUSE

Cie CHARTIS EUROPE anciennement dénommée AIG EUROPE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Maître ROINE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant fait parvenir un courrier en date du 13 Janvier 2010

sur appel de la décision

en date du 10 MARS 2008

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONT DE MARSAN

FAITS PROCEDURE :

Le 5 mai 2004 à 21 H, Monsieur [H] [X] salarié de la SA TURBOMECA, établissement de [Localité 10], a été victime d'un accident du travail alors qu'il s'apprêtait à l'aide d'une perceuse fraiseuse à enlever le rivet qui maintenait la visière de son masque de soudeur afin de procéder à son changement, le gant qu'il portait à la main droite a été entraînée par le foret en rotation causant la section de l'index. Son taux d'incapacité a été fixé à 12 % par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes et une rente lui a été attribuée, sur recours, le tribunal du contentieux de l'incapacité de BORDEAUX a fixé par jugement du 26 septembre 2006 son taux d'incapacité à 35 %.

Il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes d'une demande tendant à voir dire que la SA TURBOMECA a commis une faute inexcusable et à obtenir sa condamnation à réparer le préjudice subi, à se voir attribuer le bénéfice de la majoration de la rente accident du travail dans la limite maximale et à entendre ordonner une expertise permettant la liquidation de ses droits au titre de la réparation de ses préjudices personnels, à obtenir enfin une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 mars 2008, le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes a déclaré le recours recevable en la forme et au fond l'a rejeté et dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le Tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu qu'il ressort des circonstances de l'accident que Monsieur [H] [X] a décidé, de son propre chef, de quitter son poste de travail pour se rendre sur un autre poste, afin de procéder à l'aide de la perceuse fraiseuse à l'enlèvement d'un rivet de son masque de soudeur, qu'il a au surplus utilisé un gant d'un modèle inapproprié à cette tache, qu'il ne peut donc valablement reprocher à son employeur d'avoir méconnu les règles de sécurité applicables, ni lui reprocher de n'avoir pas suivi la formation afférente à ce poste, qu'en agissant ainsi il a commis une faute qui l'a exposé sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Monsieur [H] [X] a interjeté appel de ce jugement le 3 avril 2008.

Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leur conseil respectif, La Caisse Primaire d'Assurances Maladie des LANDES a fait savoir qu'elle ne se présenterait pas.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions développées à l'audience, Monsieur [H] [X] demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, de dire que la SA TURBOMECA a commis une faute inexcusable, qu'elle doit réparer le préjudice subi conformément aux dispositions des articles L452 ' 1 à L452 ' 4 du code de la sécurité sociale, lui accorder le bénéfice de la majoration de la rente accident du travail dans la limite maximale, ordonner une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice personnel, dire que soit déclaré opposable l'arrêt à intervenir à la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes et à la compagnie d'assurances AIG. Europe, la condamner à régler une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, que le fait qu'il ait été victime d'un accident du travail le 5 mai 2004 dans le cadre de l'exercice de ses fonctions établit le manquement de la SA TURBOMECA à cette obligation de sécurité qui est de résultat.

Il fait valoir que le rapport établi à la suite de l'accident démontre l'inefficacité des équipements et des matériels mis à la disposition des salariés, il met en évidence la nécessité de revoir le concept du masque de soudeur pour faciliter le changement de la visière, de rappeler les consignes d'utilisation de la perceuse : fixer la pièce sur la perceuse, port de gants tissés à proximité des éléments tournants interdits, installer un arrêt d'urgence freiné, chercher des gants adaptés aux risques de ces opérations (gants cuir), vérifier les fiches de postes perceuse fraiseuse.

Qu'il résulte de ce rapport :

- qu'aucun dispositif de sécurité d'arrêt d'urgence n'a été installé sur cette perceuse mise en service le 21 octobre 1987,

- que le niveau de prévention est faible en ce qui concerne le rappel des consignes de sécurité, le système d'arrêt d'urgence et l'adéquation des fiches de poste avec la dangerosité des opérations effectuées,

- qu'après son accident un système d'arrêt d'urgence efficace a été installé avec un bouton qui se trouve en face de l'opérateur alors qu'il se trouvait auparavant sur le côté et était inaccessible.

Il ajoute :

- que l'employeur ne pouvait pas prétendre avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé dans la mesure où les risques sont nommément désignés par lui dans l'affiche postée près de la machine,

- qu'il avait donc nécessairement connaissance de ce danger,

- qu'il ne saurait se retrancher derrière le comportement du salarié,

- que son service n'était pas terminé puisqu'il prenait fin de 21:30,

- que pour pouvoir continuer son travail il devait réparer son masque,

- qu'il ne pouvait demander l'autorisation à l'un des chefs d'atelier qui étaient absents

- qu'enfin la réparation était absolument nécessaire pour lui permettre de continuer son travail,

- qu'aucun autre type de gant n'était disponible dans l'atelier,

- qu'il n'a pas suivi de formation sur la question de la sécurité notamment l'utilisation de gants adaptés,

-qu'il n'a commis aucune faute,

Il fait valoir qu'en tout état de cause, compte tenu de l'abandon par l'assemblée plénière de la Cour de Cassation dans l'arrêt du 24 juin 2005 de la théorie de la cause déterminante de l'accident, la faute de la victime ne pourrait suffire à écarter le caractère inexcusable de la faute de l'employeur qui n'a pas rempli son obligation de sécurité de résultat.

*******

Par conclusions développées à l'audience, La SA TURBOMECA demande à la cour de confirmer la décision, de condamner Monsieur [H] [X] à payer la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que comme l'indique lui même Monsieur [H] [X], une fiche de poste était affichée auprès de la perceuse fraiseuse qui avisait d'un risque d'entraînement avec la broche et que pour éviter tout risque d'entraînement, les vêtements flottants étaient interdits et qu'il convenait de ne pas s'approcher de l'élément tournant.

Elle ajoute :

- que dans le cadre de ses fonctions, Monsieur [H] [X] n'était pas censé utiliser cette machine,

- que les gants mis à sa disposition correspondaient à ses fonctions,

- que rien ne l'obligeait de procéder à tout prix à la réparation de son masque,

- que rien ne laissait présager de l'initiative prise par ce dernier, de telle sorte qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger qui renvoie à l'exigence de prévisions raisonnables.

Elle souligne qu'elle a mis en 'uvre toutes les mesures nécessaires pour protéger les salariés des risques auxquels ils étaient exposés :

- que la qualité du matériel n'était pas en cause,

- que les avertissements nécessaires étaient affichés près de la machine,

- que la machine disposait d'un système d'arrêt d'urgence qui dans la panique n'a pas été utilisé,

- que tous les salariés y compris Monsieur [H] [X] ont été avisés du fait qu'il ne fallait pas utiliser de gants tissés avec cette machine lors d'une campagne de sensibilisation «'protection des mains'» sur rétroprojecteur,

- que lorsque le gant n'a pu être trouvé, il convient de consulter son responsable ou le service de sécurité en 2002,

- une nouvelle campagne de sensibilisation prévention a été mise en 'uvre au mois de février 2004, trois mois avant l'accident du 5 mai 2004 où il est spécifiquement indiqué page 23 que les gants tissés sont à proscrire et ce dernier reconnaît bien qu'il a assisté à cette formation.

*******

Par conclusions développées à l'audience, la compagnie d'assurances AIG EUROPE devenue CHARTIS EUROPE demande à la cour de lui donner acte qu'elle a changé de dénomination sociale pour devenir la compagnie Chartis Europe, de confirmer la décision,

À titre subsidiaire, dire que le jugement à venir pourra seulement lui être déclaré opposable,

- lui donner acte de ce qu'elle formule plus expresses protestations et réserves quant à la demande d'expertise médicale,

- limiter la mission de l'expert au seul chef de préjudice indemnisable en application de l'article L 452 ' 3 du code de la sécurité sociale,

- dire et juger que les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en ce qui concerne la majoration de rente seront supportés par l'employeur pour la seule part d' incapacité permanente partielle qui est opposable, à savoir 12 %,

Statuer ce que de droit sur les dépens,

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Au soutien de son appel, Monsieur [H] [X] allègue la mauvaise appréciation par la juridiction du 1er degré des éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et accidents du travail soit du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou d'un manquement aux règles d'hygiène ou de sécurité de sorte que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient donc à Monsieur [H] [X] de démontrer d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'avait pris aucune mesure pour l'en préserver, que ces deux conditions sont cumulatives.

Monsieur [H] [X] a été victime d'un accident du travail dans les conditions suivantes non contestées : alors qu'il s'apprêtait à l'aide d'une perceuse fraiseuse à enlever le rivet qui maintenait la visière de son masque de soudeur afin de procéder à son changement, le gant tissé qu'il portait à la main droite a été entraîné par le foret en rotation causant la section de l'index.

Il est constant dans ce dossier que la SA TURBOMECA avait conscience du danger que représentait cette machine ce qu'elle ne conteste pas pour avoir affiché une fiche de poste près de la perceuse fraiseuse qui avisait précisément d'un risque d'entraînement avec la broche, que pour éviter tout risque entraînement, les vêtements flottants étaient interdits et qu'il convenait de ne pas s'approcher de l'élément tournant ce dont Monsieur [H] [X] avait connaissance au regard de l'affiche de prévention précitée collée de façon très évidente près de la machine qui le prévenait des risques spécifiques de cette machine dont il n'avait pas l'habitude puisqu'il ne s'agissait pas de son poste de travail habituel.

Aucune preuve de ce que le matériel était défectueux n'est rapportée, par ailleurs la machine comportait un système d'arrêt d'urgence dont il n'est pas démontré qu'il était inaccessible, les précautions nécessaires à prendre étaient clairement exposées.

Monsieur [H] [X] a été engagé par la SA TURBOMECA suivant contrat à durée déterminée le 22 février 2002 en qualité de chaudronnier soudeur, suivi d'un contrat à durée indéterminée.

La SA TURBOMECA justifie que dès l'engagement de son salarié, comme tout le personnel du secteur fabrication, Monsieur [H] [X] a suivi une campagne de sensibilisation «' protection mains'» avec présentation d'un diaporama le 18 mars 2002 dont les fiches sont fournies notamment celle relative aux gants adaptés aux risques, avec la distribution de 900 dépliants de sensibilisation et avec 200 affiches disposées pendant trois mois dans l'entreprise.

La SA TURBOMECA justifie également qu'une deuxième campagne de sensibilisation main a été faite dans l'entreprise au mois de février 2004, trois mois avant l'accident, avec le centre hospitalier de la [9] et un chirurgien orthopédique et traumatologique rappelant dans le diaporama que le port de gants doit être adapté à l'opération : « Par exemple, pour les opérations de toilettage et certaines opérations de perçage, alésage et taraudage les gants tissés ne sont pas recommandés. Risque d'entraînement. » Le diaporama rappelle par ailleurs que «'cela n'empêche pas que chacun est le premier acteur responsable de sa sécurité de celle d'autrui.'»

Le fait qu'après l'accident un rapport ait été dressé pour optimiser les mesures de prévention qui sont toujours perfectibles, qu'un système d'arrêt d'urgence freiné ait été installé et qu'il ait été préconisé le rappel de toutes les consignes de sensibilisation mains déjà amplement développées dans l'entreprise ne démontre pas que la SA TURBOMECA n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver Monsieur [H] [X] de son accident.

De plus ce dernier a pris une initiative malheureuse en se rendant sur un poste qui n'était pas le sien et dont il n'avait pas l'habitude et ce, à l'insu de l'employeur.

Il résulte de ce qui précède que les éléments de la faute inexcusable ne sont pas réunis et il y a lieu de confirmer le jugement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il apparaît équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale est indemne de tout dépens par application de l'article L 144-5 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens par application de l'article

L 144-5 du code de la sécurité sociale,

Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/01286
Date de la décision : 15/03/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°08/01286 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-15;08.01286 ?
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