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11/03/2010 | FRANCE | N°08/02124

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 11 mars 2010, 08/02124


CP/CD



Numéro 1114/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRET DU 11/03/2010







Dossier : 08/02124





Nature affaire :



Demande en paiement de créances salariales en l'absence de rupture du contrat de travail















Affaire :



SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64



C/



[Y] [X],

[L] [V], [U] [M],

[J] [F],

[O] [W],

[A] [C], Ass

ociation DÉPARTEMENTALE DES PUPILLES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

P.E.P 64,

[Adresse 16]





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au gre...

CP/CD

Numéro 1114/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRET DU 11/03/2010

Dossier : 08/02124

Nature affaire :

Demande en paiement de créances salariales en l'absence de rupture du contrat de travail

Affaire :

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64

C/

[Y] [X],

[L] [V], [U] [M],

[J] [F],

[O] [W],

[A] [C], Association DÉPARTEMENTALE DES PUPILLES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

P.E.P 64,

[Adresse 16]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Janvier 2010, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT ET INTIME :

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64

[Adresse 14]

[Localité 4]

Représenté par Monsieur [N] [G], délégué syndical

INTIMÉS ET APPELANTS :

Madame [Y] [X]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Madame [L] [V]

[Adresse 13]

[Localité 8]

Madame [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Monsieur [J] [F]

[Adresse 15]

[Localité 9]

Madame [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [A] [C]

'[Adresse 11]'

[Localité 2]

Représentés par Maître MENDIBOURE, avocat au barreau de BAYONNE

Association DÉPARTEMENTALE DES PUPILLES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES - P.E.P 64

prise en la personne de son Directeur Monsieur [I] [Z], Président

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 5]

Comparante en la personne de Madame [H] [K], Directrice des Ressources Humaines, munie de pouvoirs réguliers et assistée de la SCP BARTHEMEMY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

[Adresse 16]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 4]

Représentée de la SCP BARTHEMEMY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 02 JUIN 2008

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [Y] [X] a été embauchée par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 le 2 septembre 1983 en qualité d'infirmière diplômée d'état échelon 9 suivant contrat à durée indéterminée. Elle a travaillé à temps complet, 169 heures à compter du 1er mai 1990 et 151,67 heures à compter de juillet 2000. Elle a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 44.014,38 € à titre de rappel d'heures supplémentaires correspondant à la période de janvier 2001 à fin juillet 2004, outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 4.401,43 € sur le fondement d'un arrêt rendu par le conseil d'État le 28 avril 2006 et d'une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 1er décembre 2005 ainsi que 45.000 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [L] [V] a été embauchée par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 au mois de janvier 1978 en qualité de monitrice éducatrice suivant contrat à durée indéterminée. Elle a travaillé à temps partiel de 75,84 heures par mois jusqu'au mois de février 2006, elle a assuré des permanences de nuit, à partir de février 2006, elle a indiqué qu'elle effectuait un temps plein et assurait 2 nuits par semaine payées dans le cadre des équivalences, dans ce cadre elle pouvait effectuer des amplitudes horaires supérieures à 14 heures ce qui excédait le maximum conventionnel de 44 heures par semaine. Elle a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 6.851 € à titre de rappel d'heures supplémentaires de janvier à juillet 2002 outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 685,10 € ainsi que 6.800 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [O] [W] a été embauchée par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 le 1er septembre 2000 en qualité de monitrice éducatrice, elle dit avoir assuré des permanences de deux ou trois nuits par semaine dans la limite de 6 par mois et effectuer régulièrement des amplitudes de travail supérieures à 14 heures. Elle a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 34.242,38 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 3.424,23 € ainsi que 45.000 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [U] [M] a été embauchée par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 le 4 janvier 1990 en qualité d'éducatrice spécialisée suivant contrat à durée indéterminée. Elle dit avoir assuré des permanences de deux nuits par semaine ou 3 nuits par quinzaine. Elle a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 48.600 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 4.860 € ainsi que 48.000 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [A] [C] a été embauchée par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 le 1er septembre 1997 en qualité de monitrice éducatrice suivant contrat à durée indéterminée d'abord à temps partiel puis à compter du 1er septembre 2000 à temps complet, elle a assuré des permanences de deux nuits par semaine ou 3 nuits par quinzaine et effectuait régulièrement des amplitudes de travail supérieures à 14 heures. Elle a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 36.685 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 3.668,50 € ainsi que 36.000 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [J] [F] a été embauché par l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 le 7 septembre 1992 en qualité d'éducateur spécialisé suivant contrat à durée indéterminée. Il a travaillé à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er juillet 2002 il a été amené à effectuer des permanences de nuit de la même manière que ses collègues, il a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 30.490 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés sur cette somme pour un montant de 3.049 € ainsi que 31.000 € de dommages et intérêts et la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64 est intervenu dans la cause.

Le conseil des prud'hommes de Pau, section activités diverses, par jugement de départage contradictoire du 2 juin 2008, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a ordonné la jonction des procédures, a débouté les demandeurs de leurs actions, il a condamné chacun à verser à l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 la somme de 150 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Il a débouté le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64 de sa demande de dommages et intérêts et a condamné les salariés demandeurs aux dépens de l'instance.

Le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64 et les six demandeurs ont interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2008.

Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leur conseil respectif.

Les appels ont été joints par 6 ordonnances de jonction du 6 avril 2009 et 27 avril 2009.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions développées à l'audience, les appelants demandent à la Cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, ils sollicitent la condamnation de l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 à payer les sommes pour chacun d'entre-eux de :

Madame [Y] [X]

- 44.014,38 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 4.401,43 € au titre des congés payés sur cette somme

- 45.000 € à titre de dommages et intérêts,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [L] [V]

- 6.851 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 685,10 € au titre des congés payés sur cette somme,

- 6.800 € de dommages et intérêts,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [O] [W]

- 34.242,38 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 3.424,23 € au titre des congés payés sur cette somme,

- 45.000 € de dommages et intérêts,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [U] [M]

- 48.600 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 4.860 € au titre des congés payés sur cette somme,

- 48.000 € de dommages et intérêts,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [A] [C]

- 36.685 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 3.668,50 € au titre des congés payés sur cette somme

- 36.000 € de dommages et intérêts

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [J] [F]

- 30.490 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 3.049 € au titre des congés payés sur cette somme

- 31.000 € de dommages et intérêts

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Et chacun d'entre-eux ont demandé de condamner l'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Ils font valoir que dans le cadre de leur travail, ils ont été amenés à effectuer des permanences de nuit de 12 heures durant lesquelles ils devaient réaliser des soins et des suivis de protocoles nocturnes mis en place par les médecins prescripteurs pour les infirmiers et des nuits de veille pour assurer la surveillance des pensionnaires pour les autres dans le cadre d'un horaire mensuel de base de 151,67 heures, qu'ils effectuaient leurs permanences au sein de l'établissement en chambre de veille dont l'amplitude horaire pouvait avoisiner 18 heures, de 18 heures 30 le soir à 13 heures le lendemain, avec parfois reprise du travail le même soir à 18 heures 30.

Ils indiquent que ce travail de nuit a été réglé sur la base de la convention collective puis sur la base du décret du 31 décembre 2001 en application de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 qui a instauré un régime d'équivalence dans les établissements sociaux ou médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif qui prévoyait que les neuf premières heures de présence de nuit seraient décomptées selon un rapport de trois à un (9 heures de présence = 3 heures de travail effectif, puis 1 heure de présence = 30 minutes de travail effectif pour les heures suivantes.

Ils soutiennent que ce décret a fait l'objet d'une décision d'annulation dont l'effet rétroactif ne saurait être contesté par le conseil d'État par arrêt du 28 avril 2006, ce qui eu pour effet de renvoyer les parties aux dispositions du Code du travail sur le calcul des heures effectuées sur les majorations des heures supplémentaires par application de l'article L. 3121-9 du Code du travail.

- que ce décret faisait suite à une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 1er décembre 2005, saisi par une question préjudicielle sur l'article 2 de la directive communautaire du 23 novembre 1993 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui dispose qu' : «'Il ressort d'une jurisprudence constante que les services de garde que le travailleur effectue selon le régime de la présence physique dans l'établissement de l'employeur doivent être considérés dans leur intégralité comme temps de travail effectif au sens au sens de la directive 93/14 indépendamment des prestations de travail réellement effectuées par l'intéressé pendant ses gardes... »,

- qu'un nouveau décret du 29 janvier 2007 a édicté que les heures effectuées ne pouvaient plus être décomptées qu'heure par heure et ce pour l'avenir, qu'elles devaient donc être décomptées sur la base du Code du travail pour la période antérieure,

- qu'aux termes de la décision rendue par la juridiction européenne, c'est tout le système le régime des équivalences qui est remis en cause puisqu'elle ne reconnaît pas la notion d'heures d'équivalence et prévoit simplement un temps de travail qui correspond à la période durant laquelle le salarié est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité et de ses fonctions et une période de repos par rapport à la période de travail, ces deux notions étant exclusives l'une de l'autre,

- que la cour de justice de la communauté européenne indique que la directive ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre le temps de travail et le temps de repos, que ces notions ne peuvent pas être interprétées en fonction des réglementations des différents états membres mais qu'elles constituent des notions de droit communautaire qu'il convient de définir selon des caractéristiques objectives, que la Cour de Justice des Communautés Européennes précise qu'il ressort : « d'une jurisprudence constante que les services de garde que le travailleur effectue selon le régime de la présence physique dans

l'établissement peuvent être considérés dans leur intégralité comme des temps de travail au sens de la directive 94/104... Le facteur déterminant pour considérer que les éléments caractéristiques de la notion du temps de travail au sens de la directive sont présents dans de tels services de garde d'un travailleur effectue sur le lieu même de son emploi et le fait qu'il est contraint d'être physiquement présent aux lieux déterminés par l'employeur de se tenir à disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin. Il y a lieu de considérer ces obligations comme relevant de l'exercice des fonctions de ce travailleur. ».

Que la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes est fondée sur la directive européenne qui est directement applicable en droit interne et est supérieure dans la hiérarchie des normes aux règles internes.

Ils soutiennent qu'ont été invalidés par la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 9 janvier 2007 qui va sanctionner l'État français pour son intervention législative au travers de l'article 29 de la loi Aubry en rejetant les motifs d'ordre financier évoqués par l'État et en jugeant que cette mesure d'ingérence ne ménageait pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

- l'article 29 de la loi Aubry du 19 janvier 2000,

- l'arrêt du 23 janvier 2003 de la chambre plénière de la Cour de Cassation qui a validé ce procédé.

Ils affirment que l'interprétation faite de l'article 29 par la Cour de Cassation dans des arrêts du 13 juin 2007 est erronée, la Cour ayant dit que les requérants qui ont saisi le juge postérieurement à la promulgation de cette loi n'étaient pas fondés à invoquer une violation de l'article 6-1de la CESDH, que ces arrêts ne mettent pas un terme définitif à tout litige en validant par ricochet l'article 29 car la Cour de Cassation n'était pas saisie et ne s'est pas prononcée sur la demande actuelle qui est différente, savoir la rémunération d'une heure de travail considérée comme une heure de travail effectif selon la règle «'à travail égal salaire égal'» sauf à créer pour les salariés soumis à ce régime un régime discriminatoire.

Ils sollicitent enfin des dommages et intérêts au titre du non-respect des durées conventionnelles et légales du temps de travail et du temps repos en infraction aux dispositions des articles L. 312-1 du Code du travail qui dispose que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, alors qu'ils dépassaient régulièrement ce temps de travail et les durées minimales prévues par la convention collective et les durées et maximales de la réglementation européenne prévoyant un temps de travail maximum de 48 heures par semaine qui engendrait nécessairement des répercussions sur leur vie de famille et leur état de santé.

******

Le SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64 sollicite l'infirmation du jugement et sollicite la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de l'association aux entiers dépens et frais d'exécution.

Il reprend l'argumentation des demandeurs et souligne que certains établissements ont pris en compte les décisions de justice en modifiant les plannings de travail, en embauchant des gardes de nuit payées heure pour heure, que d'autres résistent à régulariser les salariés soumis à travailler de nuit en heures d''équivalence, qu'ils sont victimes d'une discrimination salariale qu'il y a lieu de sanctionner.

*****

L'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64, intimée, par conclusions développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement et,

- à titre reconventionnel, de condamner les demandeurs au paiement d'une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de la condamner aux entiers dépens et autres frais non inclus dans les dépens,

- débouter le syndicat CGT PEP 64 de l'ensemble de ces demandes dans ses conclusions,

- de condamner le même syndicat au paiement d'une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens d'appel et autres frais non inclus dans les dépens.

L'ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE PEP 64 fait valoir qu'elle a payé les heures d'équivalence conformément à l'article E 05.02.1.1 de la convention collective, les neuf premières heures de présence de nuit décomptées selon un rapport de trois à un, 9 heures de présence = 3 heures de travail effectif, puis 1 heure de présence = 30 minutes de travail effectif pour les heures suivantes.

Que l'article L. 212-4 du Code du travail issu de la loi Aubry du 19 janvier 2000 qui a rappelé la possibilité de mettre en place un temps d'équivalence et a prévu que : « une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction, soit par décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche soit par décret en conseil d'État. ».

Que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 a expressément prévu que : «' sous réserve de décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectives nationaux de travail agréé... En tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses... ».

Qu'en outre, en application de cette loi, le décret du 31 décembre 2001 à validé le régime d'équivalence dans les établissements sociaux et médico-sociaux codifié à l'article R. 314-202 du Code de l'action sociale et des familles en reprenant les dispositions conventionnelles.

Elle fait valoir que la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes a été prise en vue de protéger de manière efficace la sécurité et la santé des travailleurs, que la question préjudicielle qu'elle a tranchée concernait la directive 93/104 relativement à la prise en compte dans le temps de travail des heures de veille et non la question de la rémunération des travailleurs. Que la Cour de Cassation dans un arrêt du 13 juin 2007 a jugé que « Ainsi que l'a énoncé l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes susvisé, il ressort tant de la finalité que du libellé même de ces dispositions que la directive concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. ».

Elle soutient que le Conseil d'État du 28 avril 2006 n'a annulé le décret du 31 décembre 2001 qu'en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doit être mis en 'uvre le régime d'équivalence qu'il définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993, mais que le conseil d'État a précisé que la directive du 23 novembre 1993 ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération du travail, qu'il pouvait donc légalement définir un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations et de la même façon déroger aux règles nationales de durée maximale de travail plus favorables que celle fixées par la directive communautaire, que cette annulation n'a donc aucune incidence sur les conditions de rémunération des heures d'équivalence et n'a pas pour effet de replacer les parties dans la nécessité de recalculer les modalités de rémunération, qu'un nouveau décret est intervenu le 29 janvier 2007 pour définir en cas de recours au régime d'équivalence les limites maximales.

Elle ajoute que par arrêt du 13 juin 2007, la Cour de Cassation a rappelé que sur ce sujet précis, les salariés qui ont engagé leur action postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ces dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'en tirer la conclusion,

- qu'une action en rappel de salaires introduite postérieurement au 19 janvier 2000 sur le fondement de l'annulation partielle du décret du 31 décembre 2001 n'est pas fondée,

- ce qui rend infondées les demandes formulées puisque l'annulation du décret de 2001 ne saurait être créatrice du moindre rappel de salaire,

- qu'aucune décision passée en force de chose jugée n'est d'ores et déjà intervenue entre les demandeurs et son employeur,

- que les demandes sont postérieures à la loi du 19 janvier 2000, que les versements opérés ne peuvent donc pas être contestés dans leur montant.

Elle ajoute enfin que les demandeurs bénéficiaient d'une chambre de veille sans avoir aucune obligation d'effectuer des rondes et que leurs éventuelles interventions devaient être naturellement rémunérées, que la présence de personnel en chambre de veille correspondait à un souci de prévention, qu'il n'existe aucune consigne et que le rapport du cabinet Alpha conseil et du cabinet Anteis démontrent le peu d'utilité concrète du recours aux permanences d'infirmiers ou d'éducateurs, qu'ils sont mal venus de se plaindre d'une organisation que le personnel avait lui-même incité à maintenir.

Qu'enfin, en vertu de la règle de prescription de cinq ans sur les salaires, les demandes ayant été introduites le 27 juillet 2006, ne peuvent être considérées comme recevables qu'à compter du 27 juillet 2001.

Sur l'intervention volontaire du SYNDICAT CGT DES PERSONNELS PEP 64, elle fait valoir qu'aucun rappel de salaire ne peut être dû aux demandeurs, que les allusions à la discrimination ne reposent sur aucun élément tangible, qu'il ne peut donc y avoir aucune atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Sur les rappels d'heures supplémentaires :

Le travail de nuit non contesté dans son volume par les demandeurs, qui réclament le paiement de leur travail heure par heure, ont été réglés sur la base de la convention collective puis sur la base du décret du 31 décembre 2001 pris en application de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 qui a instauré jusqu'au 28 avril 2006 un régime d'équivalence dans les établissements sociaux ou médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif qui prévoyait que les neuf premières heures de présence de nuit seraient décomptées selon un rapport de trois à un (9 heures de présence = 3 heures de travail effectif, puis 1 heure de présence = 30 minutes de travail effectif pour les heures suivantes reprenant en cela les dispositions de la convention collective.

Ils font valoir :

- que le régime des heures d'équivalence serait contraire à la directive numéro 93/104 de la Cour Européenne du 23 novembre 1993,

- que l'annulation du décret du 31 décembre 2001 emporterait le retour aux conditions légales de droit commun des heures de travail,

- que l'article 29 de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 serait contraire à l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

- que les heures de travail auraient excédé l'horaire hebdomadaire moyen de 44 heures prévues par la convention collective nationale dont l'horaire hebdomadaire légal était de 35 heures.

La période à considérer relative à la demande s'étend de janvier 2001 à l'annulation du décret du 31 décembre 2001 par arrêt du Conseil d'état du 28 avril 2006.

Le régime du paiement des heures d'équivalence serait contraire à la directive numéro 93/104 de la Cour Européenne du 23 novembre 1993.

La directive 93-104 du 23 novembre 1993 porte sur l'aménagement du temps de travail pour assurer le respect des principes généraux de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi que son objet et son champ d'application est défini dans son article 1er aux termes duquel : « la présente directive fixe les prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail », elle définit le temps de travail, les périodes de repos, les périodes de nocturne, le travail de nuit, le travail posté, elle prévoit en outre dans son article 17 que les états membres où les partenaires sociaux peuvent y déroger en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée.

L'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 1er décembre 2005 précise dans son article 38 que la directive 93/104 du 23 novembre 1993 « ne trouvait pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. » et l'article 39 ajoute : « au demeurant, cette interprétation résulte désormais sans ambiguïté de l'article 137 alinéa 6 CE, selon lequel ne saurait s'appliquer aux rémunérations, les prescriptions minimales que le conseil de l'union européenne peut adopter par voie de directives qui sont destinées notamment, comme au principal, à assurer la protection de la santé et de la sécurité du travail. ».

L'arrêt du conseil d'État du 28 avril 2006 fait référence à l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 1er décembre 2005, saisie sur la question préjudicielle de l'interprétation de la directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lequel n'interdit pas le principe des équivalences dès lors que les seuils et plafonds des heures de travail communautaires sont respectés.

Il en résulte que la mise en place d'un régime d'équivalence portant sur la rémunération du temps de travail n'est pas en soit contraire à la directive européenne précitée.

L'annulation du décret du 31 décembre 2001 emporterait le retour aux conditions légales de droit commun des heures de travail.

C'est en se conformant à la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes et à la directive que le conseil d'État, par arrêt du 28 avril 2006 a annulé le décret du 31 décembre 2001 pris en application de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 qui a instauré un régime d'équivalence dans les établissements sociaux ou médico-sociaux « en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doit être mis en 'uvre le régime d'équivalence qui définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993. » La décision du conseil d'État se rapporte donc à l'appréciation de la durée du travail pour ce qui concerne le respect des seuils et plafonds communautaires et non à la notion de rémunération.

Le conseil d'État a en effet pris la peine de préciser que la directive du 23 novembre 1993 ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération du travail, qu'il pouvait donc légalement définir un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations, que cette annulation n'a donc aucune incidence sur les conditions de rémunération des heures d'équivalence et n'a pas pour effet de replacer les parties dans la nécessité de recalculer les modalités de rémunération.

En effet, l'article L. 212-4 du Code du travail dans sa version telle que résultant de la loi du 19 janvier 2000 qui définit le temps de travail, stipule dans son dernier alinéa qu'une «'durée équivalente à durée peut être instituée dans les professions pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche soit par décret en conseil d'État ces périodes sont rémunérées conformément aux usages, aux conventions ou accords collectifs. ».

De plus, le décret pris le 31 décembre 2001 en application de ce texte n'a été annulé que partiellement « en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doit être mis en 'uvre le régime d'équivalence qui définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993. », que donc la rémunération différenciée des heures de veille trouve à s'appliquer.

L'article 29 de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 serait contraire à l'article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

La loi Aubry du 19 janvier 2000 prévoit qu'une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en conseil d'État, ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs.

L'article 29 de cette même loi précise : «sous réserve de décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectives nationaux de travail agréé... En tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses... » Cet article était destiné, afin de préserver les finances publiques, de faire échec aux actions en rappel de salaire intentées par le personnel des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées au titre des heures de permanence de nuit.

La Cour de Cassation en assemblée plénière du 24 janvier 2003 a validé l'intervention du législateur au travers de l'article 29, «'justifié par d'impérieux motifs d'intérêt général destiné à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité et la continuité du service public de la santé et de la protection sociale auxquels participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées'» pour désamorcer le contentieux en rappel de salaire.

Par arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 9 janvier 2007 saisies de 25 requêtes de salariés d'établissements spécialisés contre l'État français qui avaient vu leurs demandes acceptées ou rejetées par différents conseils des prud'hommes et cours d'appel et par les deux arrêts de la Cour de Cassation du 24 janvier 2003 par application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, tendant à voir dire que «'ce texte, qui caractérise une ingérence du pouvoir législatif dans le cours de la justice, ne doit pas trouver application, dès lors qu'il contrevient aux principes d'équité et d'impartialité édictée par l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que cette ingérence destinée à protéger certains intérêts financiers n'est justifiée par aucun un motif impérieux d'intérêt général qu'il y a donc lieu d'écarter l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000.'».

La Cour a dit que «'la responsabilité de l'État est encourue tant en sa qualité de législateur, s'il fausse le procès ou influe sur le dénouement judiciaire du litige, en sa qualité d'autorité judiciaire, du fait des atteintes au procès équitable et ce y compris dans le cadre des litiges de droit privé entre particuliers... compte tenu de ce qui précède,

l'intervention législative litigieuse qui réglait définitivement de manière rétroactive, le fond des litiges pendant devant les juridictions internes, n'était pas justifié par d'impérieux motifs d'intérêt général. Partant, il y a eu violation de l'article 6 alinéa 1 de la convention.'».

Or, les présentes demandes formées le 27 juillet 2006 ne relèvent pas de l'application de l'article 29 pour être postérieures à la mise en application de la loi et la Cour de Cassation par arrêt du 13 juin 2007, a jugé que les salariés qui avaient engagé leur action postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, ce qui est le cas en l'espèce, n'étaient pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ces dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de telle sorte que la discussion sur la validité de l'article 29 de la loi Aubry n'a pas d'intérêt pour la solution du présent litige.

Les heures de travail auraient excédé l'horaire hebdomadaire moyen de 44 heures prévues par la convention collective nationale dont l'horaire hebdomadaire légal était de 35 heures.

Enfin, l'employeur produit des tableaux de service que l'on retrouve dans les pièces des demandeurs pour l'ensemble des années considérées qui ne sont pas contestés, ces derniers ne démontrent pas qu'ils auraient fait des heures supplémentaires en sus des heures contenues dans les tableaux de service qui ont été rémunérées selon le régime d'équivalence.

Sur les dommages et intérêts :

Au regard de la succombance des demandeurs qui ne rapportent pas la preuve d'une faute imputable à l'employeur qui n'a fait qu'appliquer la législation en vigueur, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Il est équitable ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les appelants qui succombent en leurs prétentions seront condamnés aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement en toutes ces dispositions,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne les appelants aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/02124
Date de la décision : 11/03/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°08/02124 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-11;08.02124 ?
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