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11/01/2010 | FRANCE | N°08/01891

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 11 janvier 2010, 08/01891


FA/NL



Numéro 95/10





COUR D'APPEL DE PAU



1ère Chambre







ARRET DU 11/01/10







Dossier : 08/01891





Nature affaire :



Demande en nullité de la vente

ou d'une clause de la vente





















Affaire :



S.C.I. CARRE PLEIN CENTRE





C/



[I] [W]

[L] [T]

épouse [W]










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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Pr...

FA/NL

Numéro 95/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 11/01/10

Dossier : 08/01891

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente

ou d'une clause de la vente

Affaire :

S.C.I. CARRE PLEIN CENTRE

C/

[I] [W]

[L] [T]

épouse [W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Novembre 2009, devant :

Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame PICQ, faisant fonction de Greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BELIN, et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur NEGRE, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BELIN, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.C.I. CARRE PLEIN CENTRE représentée par son gérant en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour

assistée de Me SOURZAC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Monsieur [I] [W]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Madame [L] [T] épouse [W]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistés de la SCP BERRANGER & BURTIN-PASCAL, avocats au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 20 MARS 2008

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Par contrat du 1er mars 2004, Monsieur et Madame [W] ont acquis de la SCI CARRE PLEIN CENTRE un appartement et un emplacement de parking dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, le versement du prix étant échelonné au fur et à mesure de l'avancement des travaux, avec règlement du solde à la livraison.

L'immeuble devait être livré au plus tard au cours du quatrième trimestre 2004.

Ce délai n'a pas été respecté, et la livraison n'est intervenue que le 9 mars 2007, et après que Monsieur et Madame [W] aient adressé une mise en demeure à la SCI le 13 février 2006, n'étant pas informés par celle-ci de l'état d'avancement des travaux et de la date de livraison envisagée.

Ils ont engagé devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES une procédure en résolution judiciaire de ce contrat de vente, en se fondant sur les dispositions de l'article 10 du cahier des charges, de l'article L. 261 -11 du Code de la Construction et de l'Habitation, ainsi que de l'article 1184 du Code Civil.

Par jugement du 20 mars 2008, cette juridiction a fait droit à leur demande et prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente en raison du dépassement du délai contractuel de livraison qui constitue un manquement grave aux obligations de la SCI.

La SCI CARRE PLEIN CENTRE a relevé appel de ce jugement.

Elle a conclu au débouté de Monsieur et Madame [W], ainsi qu'à leur condamnation au paiement d'une indemnité de 4.000 € pour frais irrépétibles.

Elle fait valoir que la résolution judiciaire du contrat n'était pas possible dans la mesure où l'immeuble a été réalisé et livré le 20 février 2007, et que les acquéreurs ont intégralement payé le solde du prix, et qu'ainsi les parties ont exécuté leurs obligations respectives.

Elle ajoute que le contrat ne stipule pas de clause résolutoire au bénéfice des acquéreurs, et que d'autre part le cahier des charges comporte des causes légitimes de report du délai de livraison, qui peut être prolongé en raison de l'admission au régime du redressement ou de la liquidation judiciaire d'un intervenant à l'acte de construire, alors que d'autre part elle a respecté ses obligations de recherche d'autres entreprises quand certaines d'entre elles ont cessé leurs activités.

Monsieur et Madame [W] ont conclu à la confirmation du jugement, et à titre subsidiaire à la condamnation de la SCI CARRE PLEIN CENTRE au paiement d'une somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le retard dans la livraison de l'immeuble, outre une indemnité de 4.000 € pour frais irrépétibles.

Ils font valoir d'une part que l'assignation à fin de résolution de vente a été publiée au service de la conservation des hypothèques, et que la procédure a donc été régularisée.

Ils soutiennent d'autre part que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, et que le vendeur a manqué à son obligation de résultat consistant à livrer le bien dans le délai convenu, puisqu'elle n'est intervenue que 26 mois après l'expiration du délai contractuel, et que le vendeur ne rapporte pas la preuve d'un cas de force majeure.

Ils ajoutent que la liquidation judiciaire de trois entreprises chargées des travaux ne constitue pas un cas de force majeure, d'autant que la SCI CARRE PLEIN CENTRE ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les défaillances de ces entreprises et le retard de livraison de plus de deux ans.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 juin 2009.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Par contrat du 1er mars 2004, Monsieur et Madame [W] ont acquis de la SCI CARRE PLEIN CENTRE un appartement et un emplacement de parking dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, le versement du prix étant échelonné au fur et à mesure de l'avancement des travaux, avec règlement du solde à la livraison.

L'immeuble devait être livré au plus tard au cours du quatrième trimestre 2004.

Ce délai n'a pas été respecté, et la livraison n'est intervenue que le 9 mars 2007, et après que Monsieur et Madame [W] aient adressé une mise en demeure à la SCI le 13 février 2006, n'étant pas informés par celle-ci de l'état d'avancement des travaux et de la date de livraison envisagée.

Monsieur et Madame [W] ont conclu à titre principal à la résolution de la vente en se fondant sur les dispositions de l'article 1184 du Code Civil, motivée par un manquement grave de la SCI CARRE PLEIN CENTRE à son obligation de résultat consistant à livrer le bien dans le délai convenu, puisque le retard est d'une durée de 26 mois.

La SCI CARRE PLEIN CENTRE soutient que cette demande est irrecevable au motif que la résolution judiciaire ne peut être prononcée que dans le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement, alors qu'elle a réalisé le lot et l'a livré aux époux [W], et que ceux-ci ont payé en contrepartie le solde du prix à la livraison et que la convention a donc été pleinement et entièrement exécutée.

Or d'une part, la SCI CARRE PLEIN CENTRE a manqué à son obligation de livraison dans le délai contractuel convenu, et d'autre part le versement par Monsieur et Madame [W] du solde du prix de l'appartement ne constitue pas un acte de renonciation à se prévaloir de la résolution du contrat de vente, puisque le paiement du solde du prix ne correspond qu'à la simple exécution de leur obligation contractuelle.

Dès lors, leur demande doit être déclarée recevable.

Il appartient donc au juge d'apprécier si la défaillance de la SCI CARRE PLEIN CENTRE dans l'exécution de son obligation de livraison dans le délai convenu constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution de la convention.

Le contrat stipule que « le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés conformément aux énonciations de la notice descriptive au plus tard au cours du quatrième trimestre 2004, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison, ainsi qu'il est dit dans le cahier des charges.

Le chapitre 1 du titre 2 du cahier des charges relatif à l'état d'avancement des travaux ainsi qu'à la poursuite et à l'achèvement de la construction stipule à sa rubrique -- délai d'achèvement -- que : « toutefois, seront notamment considérés comme causes légitimes de report du délai de livraison les événements suivants :

-- retard résultant de la liquidation des biens, l'admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire ou de la déconfiture des ou de l'une des entreprises (si la faillite ou l'admission au régime du règlement judiciaire survient dans le délai de réalisation du chantier et postérieurement à la constatation du retard, la présente clause produira quand même tous ses effets) ».

Le cahier des charges stipule « que ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre ».

En l'espèce, il est établi par les pièces du dossier que trois entreprises devant intervenir sur ce chantier ont cessé leurs activités de la manière suivante :

-- liquidation judiciaire de l'entreprise Grands Travaux Pyrénéens Adour survenue le 1er décembre 2003, remplacée par l'entreprise Grands Travaux Européens suivant un marché du 24 février 2004, c'est-à-dire avant l'acte de vente du 1er mars 2004 ;

-- l'entreprise Grands Travaux Européens devait achever ses travaux aux plus tard le 15 août 2004, mais son redressement judiciaire a été prononcé le 26 juillet 2004 avec poursuite de son activité jusqu'au 10 novembre 2004 date de sa liquidation judiciaire, c'est-à-dire après la fin des travaux de construction de cet immeuble ;

-- l'entreprise CMP a été déclarée en liquidation judiciaire le 27 février 2006 soit plus d'un an après l'expiration du délai contractuel de livraison.

Il résulte de ce qui précède que les défaillances de ces entreprises n'ont pas eu d'incidence directe sur le non-respect du délai de livraison, alors que d'autre part la SCI CARRE PLEIN CENTRE n'a pas versé aux débats le planning des travaux, et qu'en tout état de cause la SCI CARRE PLEIN CENTRE a très largement dépassé le délai supplémentaire qui pouvait lui être accordé sur la base de la clause rappelée ci dessus, c'est-à-dire le double du délai contractuel initial, puisque le retard total de livraison est de 26 mois, alors qu'il n'aurait dû être au maximum que de 9 mois, le délai contractuel de livraison ayant été fixé à 9 mois.

Au surplus, la SCI CARRE PLEIN CENTRE n'a pas avisé les acquéreurs des défaillances de ces entreprises, en violation des dispositions du cahier des charges, et d'autre part elle n'a pas répondu à la demande que ceux-ci lui ont adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2006.

En conséquence, le manquement important de la SCI CARRE PLEIN CENTRE dans l'exécution de son obligation de délivrance dans le délai convenu est parfaitement établi, alors qu'elle ne rapporte pas enfin la moindre preuve de ce que ces défaillances d'entreprises constitueraient pour elle un cas de force majeure.

Cependant ces manquements ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient la résolution de la vente, dans la mesure où cette clause ne constituait pas une obligation essentielle du contrat pour les acquéreurs, puisque ce logement ne devait pas constituer leur résidence principale, et qu'il déclarent dans leurs écritures avoir acquis ce logement « dans un but de défiscalisation liée à l'encaissement de loyers et au remboursement d'un prêt ».

D'ailleurs, ils ont attendu jusqu'au mois de février 2006, c'est-à-dire environ 13 mois après l'expiration du délai contractuel de livraison pour mettre le vendeur en demeure de leur fournir des explications sur le retard dans l'exécution des travaux, en sollicitant l'indemnisation de leur préjudice financier.

Ils seront donc déboutés de leur demande en résolution du contrat de vente, mais par contre il y a lieu de faire droit à leur demande en dommages-intérêts présentée à titre subsidiaire, puisqu'ils justifient d'un préjudice réel tenant d'une part au très long retard du délai de livraison, ainsi qu'au fait qu'ils n'ont pas pu bénéficier pendant cette période de 26 mois des mesures d'allégement fiscal auxquelles ils pouvaient légitimement prétendre.

Le contrat stipule le paiement d'une indemnité forfaitaire non susceptible de modération ou de révision égale à 10 % du prix de vente, c'est-à-dire 8.490 € dans l'hypothèse où la résolution du contrat serait prononcée pour une cause imputable à l'une ou l'autre des parties.

La Cour ne prononce pas la résolution du contrat de vente mais cette stipulation fournit une référence contractuelle précise pour apprécier le montant des dommages intérêts.

En conséquence, la SCI CARRE PLEIN CENTRE sera condamnée à payer à Monsieur et Madame [W] pris comme une seule et même partie la somme de 8.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur et Madame [W] les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager en cause d'appel ; et la SCI CARRE PLEIN CENTRE sera donc condamnée à leur payer à ce titre une indemnité de 2.000 € qui s'ajoutera à l'indemnité de 1.500 € allouée par le Tribunal de Grande Instance de TARBES, soit un total de 3.500 €.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de TARBES du 20 mars 2008,

Dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution du contrat de vente,

Condamne la SCI CARRE PLEIN CENTRE à payer à Monsieur et Madame [W] pris comme une seule et même partie :

-- une somme de 8.500 € (huit mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts ;

-- une indemnité de 3.500 € (trois mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SCI CARRE PLEIN CENTRE aux dépens, et autorise la SCP DE GINESTET-DUALE-LIGNEY, avoués, à recouvrer directement ceux d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Pascale PICQ, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Pascale PICQRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/01891
Date de la décision : 11/01/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/01891 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-11;08.01891 ?
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