MP/LC
Numéro 16/10
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/01/2010
Dossier : 08/01593
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[O] [I]
C/
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PYRÉNÉES-GASCOGNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Novembre 2009, devant :
Madame de PEYRECAVE, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
En présence de Madame PACHON, greffière stagiaire.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [I]
Chez [T] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/005339 du 25/09/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])
INTIMEE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PYRÉNÉES-GASCOGNE
[Adresse 1]
BP329
[Localité 3]
Rep/assistant : la SCP ETESSE J.M.-ETESSE I., avocats au barreau de PAU.
sur appel de la décision
en date du 03 AVRIL 2008
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TARBES
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 mars 2006, prenant effet au 15 mars 2006, [O] [I] a été embauchée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne (ci-après dénommée CRCAM)en qualité d'assistante commerciale Classe I-Niveau assistant-Points de qualification de l'emploi 340.
Il était précisé que le contrat était régi par les dispositions de la convention collective nationale du Crédit Agricole.
Une clause du contrat intitulée 'PÉRIODE D'ESSAI'prévoyait :
'Conformément aux dispositions de l'article 10 de la Convention Collective nationale du Crédit Agricole, le titulaire du présent contrat est appelé à accomplir un stage pendant une période de six mois. La période de stage commence à compter de la date d'embauche, soit le 15 mars 2006 et se termine le 14 septembre 2006.
Si le stage est concluant Madame [O] [I] sera titularisée et confirmée dans ses fonctions au terme de la période de stage.
Durant le premier mois de stage les parties contractantes peuvent se séparer sans préavis et une fois accompli le premier mois de stage, en observant un préavis d'un mois'.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 août 2006, l'employeur informait [O] [I], que l'appréciation de sa responsable hiérarchique, au cours de sa période de stage, ne permettait pas de poursuivre leurs relations contractuelles.
Un préavis d' un mois, conformément à l'article 2 du contrat de travail, était accordé, portant ainsi la fin des relations contractuelles au 29 septembre 2006, inclus.
Saisi par la salariée, le Conseil de Prud'hommes de TARBES, par jugement du 3 avril 2008 a débouté la salariée de toutes ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a débouté la CRCAM de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
[O] [I] a interjeté appel de cette décision et par conclusions écrites développées oralement à l'audience, elle demande à la Cour de :
- dire que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner l'intimé à lui payer les sommes de :
- 9600 € à titre d'indemnité, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 160 € pour l'indemnité de congés payés,
- 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
- 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions reprises intégralement lors des débats oraux à l'audience, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne demande à la Cour de :
- débouter madame [I] de ses demandes,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et condamner l'appelante sur ce fondement à lui payer la somme de 1000 € pour les frais exposés en première instance,
- condamner la même à lui verser la somme de 1000 € pour les frais exposés en cause d'appel.
Madame [I] fait valoir que la période d'essai de six mois prévue par la convention collective de la CRCAM est trop longue, alors que depuis la loi du 25 juin 2008, même les cadres ne peuvent se voir imposer une période d'essai supérieure à quatre mois.
Ses responsabilités ne justifiaient pas une période d'essai aussi longue et cette durée n'était pas compatible avec les exigences de la convention internationale du travail n° 158.
L'appelante soutient que la période d'essai étant déraisonnable, son contrat de travail était devenu définitif et sa rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur en rompant la période d'essai a agi avec légèreté car il lui avait laissé penser qu'elle serait titularisée, en effet d'une part il lui a été demandé de prendre un logement de fonction, d'autre part la rupture ne lui a été signifiée que quinze jours avant la fin de la période d'essai.
Cette situation justifie selon l'appelante les sommes demandées.
En réponse, la CRCAM fait valoir que madame [I] a fait l'objet d'une première évaluation à mi-stage, puis d'une évaluation en fin de stage et que les résultats de la période probatoire n'ont pas permis de la confirmer dans son emploi.
Madame [I] a eu connaissance de la décision de rupture avant la fin de période de probation figurant au contrat. Il est de jurisprudence constante que la Cour de Cassation assimile cette période de probation à une période d'essai et que les règles habituelles de rupture du contrat de travail ne sont pas applicables.
La salariée a bénéficié d'un préavis d'un mois, ainsi que prévu au contrat, qui lui a été intégralement payé.
Madame [I] reconnaît que la loi du 25 juin 2008 est postérieure au litige et elle ne donne aucun argument pour justifier que le délai de six mois prévu par la convention collective était trop long. En outre ce délai lui était favorable car il lui laissait le temps de rectifier les carences soulignées à mi-stage.
En réalité la durée du stage était raisonnable au regard de l'emploi confié à Madame [I].
La CRCAM ne propose pas de logement de fonction à ses collaborateurs. En outre dans le mail non probant car non daté, produit par la salariée, celle-ci fait mention d'une location 'conditionnelle' liée à sa titularisation. Or, compte tenu de son évaluation à mi-stage, en date du 15 juin 2006, sa titularisation n'était pas certaine.
En réalité la fin des relations contractuelles est intervenue dans des conditions régulières et Madame [I] n'a jamais expliqué en quoi son évaluation n'était pas le reflet de la réalité. Les demandes d'indemnités ne sont pas fondées.
SUR CE :
Considérant que la période d'essai est destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle de la salariée et à celle-ci de prendre l'exacte mesure de ce qui lui est demandé dans le cadre de son contrat de travail ;
Que l'article 10 de la convention collective de la CRCAM prévoit 'Les agents embauchés seront d'abord appelés à accomplir un stage pendant une période de six mois pour les agents dont les emplois relèvent des catégories A à E. Si le stage est concluant, l'agent est titularisé et ses fonctions lui sont alors confirmées. Dans le cas contraire la direction met fin au contrat.' ;
Que Madame [I], qui relevait de cette catégorie a été embauchée en qualité d'assistante commerciale , 'point de qualification de l'emploi 340" ;
Que la convention collective précise qu'il est demandé au salarié, recruté à ce niveau, de traiter 'en autonomie des situations voisines, voire différentes', pour lesquelles il peut apporter un support. Les missions confiées l'amènent à mettre en oeuvre des connaissances opérationnelles et des savoirs pratiques variés qu'il développe et nécessitent de rechercher l'adhésion, voire de conseiller ;
Qu'aux termes de la convention collective il incombait à la salariée dans le cadre de ses fonctions d''accueillir la clientèle et d'orienter la clientèle, d'identifier les besoins de la clientèle, d'adapter la réponse aux besoins, notamment par la prise en compte de la procédure de traitement du risque et le choix du canal de distribution, assurer le suivi des opérations ;
Qu'une évaluation a été faite à mi-période d'essai, notifiée à la salariée le 15 juin 2006, de laquelle il ressort qu' elle avait 'des difficultés à intégrer les procédures en place', ce qui engendrait quelques problèmes relationnels avec l'équipe ;
Qu'en outre il était précisé à la salariée que l'organisation de son travail était à parfaire en terme de planification de l'activité et il était demandé à madame [I] pour pouvoir valider sa titularisation 'une augmentation sensible de l'activité commerciale, une évolution du comportement et une maîtrise des limites de l'emploi d'agent commercial' ;
Que l'appréciation de l'employeur comprenait des réserves telles à mi-stage, que Madame [I] ne pouvait considérer que sa titularisation était acquise à cette date ;
Que cependant, la durée du stage pouvait lui permettre de rectifier les carences soulignées et lui être bénéfique ;
Que tel n'a pas été le cas, puisque par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 août 2006, l'employeur signifiait à la salariée qu'il mettait un terme à son contrat de travail à compter du 29 septembre 2006, après un préavis d'un mois, tel que prévu à l'article 2 du contrat de travail.
Considérant que la loi du 25 juin 2008 n'est pas applicable en l'espèce car postérieure à la fin du contrat et que l'article 10 alinéa 1 de la convention collective de la CRCAM n'apparaît pas incompatible avec les exigences de la convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail ;
Qu'en effet, la durée de la période d'essai, dès lors comme c'est le cas en l'espèce, qu'une évaluation intervenait à mi-parcours, était de nature à permettre à l'employeur de vérifier que la salariée était apte à tenir compte des observations qui lui étaient faites sur la qualité de son travail et à la salariée de rectifier ses carences professionnelles afin d'obtenir sa titularisation ;
Qu'à la fin de la période d'essai c'est un bilan très complet de son travail qui a été présenté à Madame [I], laquelle n'a pas contesté point par point les griefs formulés mais a noté dans le cadre de ses observations 'Pas d'accord avec un certain nombre d'appréciations' sans jamais formuler plus précisément ses critiques ;
Qu'il était notamment fait grief à Madame [I] de ne pas savoir apporter aux clients des réponses rapides et pertinentes par défaut de maîtrise des connaissances techniques de base, de ne pas avoir d'esprit de synthèse, d'avoir des temps d'écoute trop long, générant des pertes de temps, de transférer vers ses collègues la fin des tâches, de rester sur ses certitudes et de ne pas avoir tenu compte de l'évaluation faite au milieu de la période d'essai ;
Qu'eu égard à la définition du poste de la salariée, les fonctions qu'elle devait remplir, nécessitaient pour être évaluées dans leur efficacité, une appréciation dans la durée ;
Que la période de six mois prévue au contrat n'apparaît pas dans de telles conditions excessive ;
Que les conditions d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas réunies ;
Que pendant la période d'essai, les règles du licenciement ne sont pas applicables ;
Que contrairement à ce qu'elle soutient, Madame [I] n'établit pas que l'employeur a été à son égard d'une coupable légèreté car d'une part l'évaluation faite au milieu de la période d'essai lui rappelait que sa titularisation était loin d'être acquise, d'autre part la période d'essai ne se terminait que le 16 septembre 2006 et elle a été prévenue dans les délais contractuels, le préavis pouvant se situer après la fin de la période d'essai, dès lors qu'il est mis un terme à la période d'essai dans les délais prévus au contrat ;
Que Madame [I] enfin, ne rapporte pas la preuve qu'elle a donné congé à son propriétaire parce que son employeur lui avait assuré qu'elle bénéficierait d'un logement de fonction ;
Qu'ainsi que cela ressort de son propre fax, non datée, en toute hypothèse, l'attribution d'un éventuel logement de fonction dépendait de sa titularisation, or elle a écrit à sa propriétaire pour résilier son bail le 19 juin 2006 alors qu'elle venait de prendre connaissance de l'évaluation très réservée concernant son aptitude professionnelle et des aléas qui pesaient sur sa titularisation ;
Que les attestations d'[E] [D], de [J] [X] et d'[N] [I] ne rapportent pas la preuve qu'à la date à laquelle Madame [I] a résilié son bail, son employeur s'était engagé à lui fournir un logement de fonction ;
Que l'appelante n'établit pas que les difficultés qu'elle a pu rencontrer, en raison de la résiliation de sa mutuelle résulte d'une faute de son employeur ;
Qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée et Madame [I] sera déboutée de toutes ses demandes ;
Qu'elle sera condamnée aux dépens ;
Que pour des motifs tirés de l'équité il ne sera pas fait droit à la demande de la CRCAM, fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que la décision sera aussi confirmée en ce qu'elle a débouté l'intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement après débats oraux,
DÉCLARE recevable l'appel d'[O] [I],
CONFIRME la décision déférée,
Y ajoutant,
DÉBOUTE chaque partie de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNE [O] [I] aux dépens.
Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,
Sylvie HAUGUEL
LA PRÉSIDENTE,
Marie de PEYRECAVE