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17/06/2008 | FRANCE | N°2760

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre civile 1, 17 juin 2008, 2760


PC/CB

Numéro 08/

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 17/06/08

Dossier : 05/03608

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

COMPAGNIE GENERALI ASSURANCES

C/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE LA PALOUMERE

Albert X...

Xavier Y...

CIE.D'ASSURANCES M.A.F.

S.A. PROMEDA

SOCIETE SUZANNE

CIE.D'ASS

URANCES GROUPAMA

CIE.D'ASSURANCES S.M.A.B.T.P.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu...

PC/CB

Numéro 08/

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 17/06/08

Dossier : 05/03608

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

COMPAGNIE GENERALI ASSURANCES

C/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE LA PALOUMERE

Albert X...

Xavier Y...

CIE.D'ASSURANCES M.A.F.

S.A. PROMEDA

SOCIETE SUZANNE

CIE.D'ASSURANCES GROUPAMA

CIE.D'ASSURANCES S.M.A.B.T.P.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,

assisté de Madame LAFONTAINE, Greffier,

à l'audience publique du 17 Juin 2008

date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Mars 2008, devant :

Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame PEYRON, Greffier présent à l'appel des causes,

Monsieur CASTAGNE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur AUGEY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur NEGRE, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur AUGEY, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

COMPAGNIE GENERALI ASSURANCES venant aux droits de la Compagnie d'Assurances ZURICH ASSURANCES représentée par son Directeur

19 rue Guillaume Tell

75008 PARIS

représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de Me LACAZE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE LA PALOUMERE représentée par son Syndic

Allée Bacqueyrissa

64600 ANGLET

représentée par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistée de la DUPOUY FAVREAU-LACO, avocats au barreau de BAYONNE

CIE.D'ASSURANCES M.A.F. , assureur de M. Y..., représenté(e) par son Directeur domicilié en cette qualité au siège social

9, rue Hamelin

75783 PARIS CEDEX

Monsieur Xavier Y...

...

64500 CIBOURE

représentés par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour

assistés de la SCP VELLE-LIMONAIRE et DECIS, avocats au barreau de BAYONNE

S.A. PROMEDA représenté(e) par son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social

Bld San Miguel

20250 LAGORRETA (ESPAGNE)

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Me LOUSTAU, avocat au barreau de BAYONNE

SOCIETE SUZANNE représenté(e) par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Villa Primavéra

64220 JAXU

CIE.D'ASSURANCES GROUPAMA, assureur de la Société SUZANNE, représenté(e) par son Directeur domicilié en cette qualité au siège social

5 place Marguerite Laborde

64024 PAU CEDEX

représentée par Me Michel VERGEZ, avoué à la Cour

assistée de la SCP PERSONNAZ, avocats au barreau de BAYONNE

CIE.D'ASSURANCES S.M.A.B.T.P., assureur de M. Albert X..., représenté(e) par son Directeur domicilié en cette qualité au siège social

Quartier du Lac

Rue Théodore Blanc

33081 BORDEAUX CEDEX

représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour

assistée de Me B..., avocat au barreau de DAX

Monsieur Albert X...

Mendi C...

64250 CAMBO LES BAINS

défaillant

sur appel de la décision

en date du 05 SEPTEMBRE 2005

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Le 18 mai 1995 a été établi un procès-verbal de réception des travaux de construction d'un ensemble immobilier dénommé Résidence LA PALOUMERE à ANGLET (64) composé de six bâtiments collectifs à usage d'habitation pour un total de 24 logements, sous la maîtrise d'ouvrage de la S.A. d'H.L.M. LE COL laquelle avait souscrit auprès de la Compagnie ZURICH ASSURANCES (aux droits de laquelle se trouve désormais la Compagnie GENERALI) une police dommages-ouvrages référencée sous le no 07-099-575 E.

Sont intervenus à l'opération de construction :

- Monsieur Y..., architecte (assuré auprès de la Compagnie M.A.F.) en qualité de maître d'oeuvre, titulaire d'une mission complète,

- la société SOCOTEC (assurée auprès de la S.M.A.B.T.P.) au titre du contrôle technique,

- l'entreprise MOUSQUEZ (assurée auprès de la Compagnie A.G.F.) titulaire du lot gros-oeuvre, laquelle a sous-traité les travaux d'enduit de façade à l'entreprise SUZANNE (assurée auprès de la Compagnie GROUPAMA),

- Monsieur X... (assuré auprès de la S.M.A.B.T.P.) dont la liquidation judiciaire a été clôturée en décembre 1997 et qui a réalisé la pose de panneaux de bardage en bois fournis par la S.A. PROMEDA, société de droit espagnol.

Dans le courant de la première année suivant la réception de l'ouvrage, des taches blanchâtres sont apparues sur les bardages des façades en panneaux de contre-plaqué posés sur des liteaux et constituant un habillage à usage purement décoratif.

Après plusieurs mises en demeure infructueuses notifiées à l'entreprise MOUSQUEZ, la S.A. d'H.L.M. LE COL, ès qualité de syndic de la copropriété LA PALOUMERE, a notifié le 2 mai 1996, à l'agent local de la Compagnie ZURICH, assureur dommages-ouvrage, une déclaration de sinistre datée du 26 avril 1996.

La Compagnie ZURICH ayant, après expertise extra-judiciaire, refusé sa garantie, le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, par jugement du 5 octobre 1998 confirmé par arrêt de cette Cour en date du 29 mars 2000, a, à la demande du Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE :

- déclaré acquise la garantie de la Compagnie ZURICH ASSURANCE pour ladite Compagnie n'avoir pas notifié son refus de prise en charge dans le délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, prévu par l'article L. 242-1 du Code des Assurances,

- ordonné une mesure d'expertise afin d'évaluer le coût des travaux de réfection,

- condamné d'ores et déjà la Compagnie ZURICH ASSURANCES à payer au Syndicat de Copropriété une indemnité équivalente au coût déterminé par expertise.

Le 28 avril 2003, l'expert a clôturé ses opérations (étendues à l'ensemble des parties actuellement en cause) en déposant un rapport au terme duquel il conclut en substance :

- que les désordres affectent l'ensemble des six bâtiments et se manifestent par une grande disparité dans les teintes des panneaux d'habillage des façades et par une dégradation des champs des panneaux en limites de plaques, consécutivement à un décollement du placage en bois en surface extérieure,

- que la reprise des désordres suppose le remplacement de l'ensemble du bardage de manière à redonner à l'ouvrage son aspect initial.

Par jugement du 5 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE a :

- condamné la S.A. GENERALI ASSURANCES IARD à payer au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE les sommes de 286.686,50 € H.T. et de 12.000 € H.T.,

- rejeté les demandes en dommages-intérêts présentées contre la S.A. GENERALI,

- condamné la S.A. GENERALI ASSURANCES IARD à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les sommes de 6.000 € au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE, 1.500 € à M. Y..., 1.500 € à la S.A. AXA FRANCE IARD, 1.500 € à la société PRODEMA S.A. et 1.500 € à l'entreprise SUZANNE,

- débouté la S.M.A.B.T.P. de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la S.A. GENERALI aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

La S.A. GENERALI ASSURANCES I.A.R.D. a régulièrement interjeté appel de ce jugement selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 11 octobre 2005.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du Magistrat de la Mise en Etat du 29 janvier 2008.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mai 2007, la S.A. GENERALI ASSURANCES IARD demande à la Cour, réformant le jugement entrepris :

- de la dire légalement et conventionnellement subrogée dans les droits et actions du Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE,

- de condamner in solidum Monsieur Y..., la M.A.F., la société PRODEMA S.A., la société SUZANNE, la Compagnie GROUPAMA et la S.M.A.B.T.P., ès qualité d'assureur de Monsieur X..., à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit du Syndicat de Copropriété,

- d'ordonner, sous astreinte, la production par le Syndicat des Copropriétaires des factures détaillées des travaux de réfection ainsi que des justificatifs de leur paiement,

- de constater que le Syndicat des Copropriétaires admet avoir perçu en principal une somme de 391.250,53 € supérieure au coût des travaux de réfection et de débouter ledit Syndicat de sa demande tendant à la voir condamner à lui payer une indemnité complémentaire,

- subsidiairement, de condamner in solidum Monsieur Y..., la M.A.F., la société PRODEMA S.A., la société SUZANNE, la Compagnie GROUPAMA et la S.M.A.B.T.P., ès qualité d'assureur de Monsieur X..., à la relever et garantir de toute éventuelle somme complémentaire qui serait mise à sa charge au bénéfice du Syndicat des Copropriétaires,

- de condamner les intimés, in solidum, à lui payer la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens, avec autorisation pour la S.C.P. PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient en substance, compte-tenu des moyens soulevés par les divers intimés:

1o - Sur la recevabilité même de son action :

- que les premiers juges ne pouvaient déclarer irrecevable son action en garantie contre les divers intervenants à l'opération de construction au motif qu'elle ne justifiait avoir indemnisé la victime du sinistre alors qu'il est constant qu'est recevable l'action de l'assureur dommages-ouvrages même avant que celui-ci ait réglé l'indemnité d'assurance,

- qu'en toute hypothèse, elle justifie du versement de l'indemnité à la victime du sinistre par la production de la quittance subrogatoire délivrée par cette dernière,

- que dans la mesure où, par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour est saisie de l'ensemble du litige, il importe peu, pour apprécier la recevabilité du recours de l'assureur dommages-ouvrage, que la subrogation soit intervenue postérieurement au prononcé du jugement déféré,

- que le retard pris par l'assureur dommages-ouvrage pour prendre position ou indemniser la victime du sinistre est sans incidence sur la recevabilité de son recours contre les constructeurs responsables, la seule sanction du défaut de diligence de l'assureur consistant en la déchéance du droit de contestation de sa garantie et du montant des travaux de réfection et non en la déchéance du droit à la subrogation,

2o - Sur le cadre juridique du débat :

- que les désordres esthétiques affectant le bardage et nécessitant son remplacement total constituent par leur caractère généralisé des désordres intermédiaires de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée,

- qu'il n'est pas établi que la garantie de bon fonctionnement est exclusive de l'application de la théorie des dommages intermédiaires, le régime des dommages intermédiaires pouvant s'appliquer à tout vice de construction n'entrant pas dans les garanties légales, décennale ou biennale, dès lors que la faute est établie,

- qu'en toute hypothèse, les panneaux constituant le bardage litigieux ne peuvent être qualifiés d'éléments dissociables alors même qu'il résulte des documents techniques qu'ils sont vissés sur une ossature verticale de chevrons bois solidarisés au gros-oeuvre,

- que les dispositions de l'article 2270 du Code Civil sont inapplicables à l'action en responsabilité engagée sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires et qu'en toute hypothèse, le règlement de l'indemnité, même intervenu en dehors du délai décennal, a eu pour effet de rendre rétroactivement recevable l'action ou la demande introduite dans le délai de prescription même avant subrogation.

3o - Sur les responsabilités encourues:

- que l'architecte, investi d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, a manqué à sa triple mission de conception (en ne vérifiant pas l'adéquation du matériau par lui choisi et imposé à l'usage extérieur auquel il était destiné), de conseil (en n'informant pas le maître de l'ouvrage des risques d'évolution aléatoire de l'aspect des panneaux) et de surveillance et contrôle des travaux (en n'assurant pas la coordination de l'intervention des différents constructeurs de manière à éviter toutes projections d'enduit par les entreprises chargées du lot peinture),

- que le fabricant des panneaux litigieux doit voir sa responsabilité engagée tant sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil (que l'assureur dommages-ouvrage, subrogé dans les droits du Syndicat des Copropriétaires est recevable et bien fondé à invoquer) que sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil pour manquement à son devoir de conseil,

- que l'entreprise X... qui a assuré la pose des panneaux de bardage a manqué à ses obligations professionnelles en mettant en oeuvre les panneaux litigieux dépourvus d'avis technique, sans aucune réserve quant à leur emploi à l'extérieur et ne prenant aucune mesure pour protéger l'ouvrage des souillures projetées par les entreprises de peinture en sorte que son assureur qui n'a jamais discuté le principe de sa garantie doit être condamné à relever et garantir l'appelante des condamnations prononcées contre elle au profit du Syndicat des Copropriétaires,

- que l'entreprise SUZANNE, sous-traitant chargé de l'exécution des enduits, doit voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil pour avoir oeuvré sans aucune précaution.

4o - Sur l'affectation de l'indemnité:

- que l'assureur dommages-ouvrage est autorisé, une fois le paiement de l'indemnité intervenu, à contrôler l'exécution des réparations et l'affectation du montant de l'indemnité au paiement des travaux prévus,

- que l'appelante est dès lors fondée à solliciter la condamnation sous astreinte du Syndicat de Copropriété à produire les factures et justificatifs du règlement des travaux, le bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage ne pouvant différer inconsidérément la mise en oeuvre des travaux et solliciter de l'assureur qu'il assume le surcoût généré par le retard délibérément pris dans l'engagement des travaux,

- que le montant de l'indemnité fixée par le premier juge est supérieur au coût des travaux invoqué par le Syndicat de Copropriété.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 15 mai 2007, Monsieur Y..., architecte, et son assureur, la M.A.F., demandent à la Cour :

- de confirmer en son principe le jugement entrepris,

- de débouter la Compagnie GENERALI de son appel principal et le Syndicat des Copropriétaires de son appel incident,

- de la dire, sinon irrecevable, à tout le moins infondée en son action à leur encontre,

- subsidiairement, de dire qu'en cas de condamnation sur un fondement autre que décennal, la garantie de la M.A.F. est limitée à l'égard des tiers notamment en ce qui concerne le montant de la franchise,

- très subsidiairement, de condamner in solidum, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, la Société SUZANNE et GROUPAMA Assurances, Monsieur X... et la S.M.A.B.T.P. et la S.A. PROMEDA à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être portées contre eux,

- de condamner la Compagnie GENERALI et subsidiairement la Société SUZANNE et GROUPAMA Assurances, Monsieur X... et la S.M.A.B.T.P. et la S.A. PROMEDA aux entiers dépens avec autorisation pour la S.C.P. LONGIN, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Ils soutiennent en substance :

- que l'action subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage n'est recevable, malgré son défaut de paiement, qu'à la double condition que l'action soit introduite dans le délai décennal et que le paiement soit intervenu avant que le juge n'ait statué en sorte que c'est à juste titre que le premier juge, constatant le défaut de paiement de l'indemnité, a débouté la S.A. GENERALI de son action subrogatoire,

- que la qualification décennale des désordres affectant le bardage litigieux étant exclue au vu des conclusions univoques de l'expert judiciaire, l'action subrogatoire de la Compagnie GENERALI fondée sur la théorie des désordres intermédiaires ne peut qu'être déclarée irrecevable dès lors:

*que cette action, nonobstant son caractère d'action de droit commun, est soumise au délai de prescription décennal institué par l'article 2270 du Code Civil et que le règlement subrogatoire est intervenu plus de dix ans après la réception,

*que les bardages litigieux constituent des éléments d'équipement dissociables, purement décoratifs et sans aucun rôle constructif, qui relèvent exclusivement de la garantie biennale laquelle ne peut recevoir application en l'espèce à défaut d'engagement de l'action dans les deux ans de la réception,

- qu'en toute hypothèse, aucune faute ne peut être reprochée à l'architecte du chef d'une dégradation de l'aspect extérieur des panneaux de bardage imputable en partie à une faute d'exécution par l'entreprise chargée du lot peintures et en partie aux effets naturels du vieillissement,

- qu'il appartient au syndicat de copropriété de supporter seul les conséquences de son choix de ne pas faire procéder immédiatement aux travaux de réfection alors même qu'il a globalement perçu une somme permettant leur exécution,

- qu'enfin et à supposer qu'une quelconque somme mise à la charge de l'architecte et de son assureur, ceux-ci devront, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, être garantis par l'ensemble des intervenants à l'opération de construction appelés en la cause qui, en fournissant, commercialisant et procédant à la mise en oeuvre des panneaux litigieux, ont été à l'origine des désordres.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2007, la S.M.A.B.T.P. ès qualité d'assureur de Monsieur X..., demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en son principe,

- de débouter la S.A. GENERALI de toutes ses demandes et de prononcer la mise hors de cause de la S.M.A.B.T.P.,

- d'allouer à la S.M.A.B.T.P. la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner la partie succombante en tous les dépens avec autorisation pour la S.C.P. RODON, Avoué à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient en substance :

- que le jugement déféré doit être confirmé en son principe en ce que constatant le défaut de justification du règlement de l'indemnité d'assurance au Syndicat de Copropriété, les premiers juges ont débouté la S.A. GENERALI de ses demandes formées dans le cadre de l'action subrogatoire,

- que nonobstant la preuve de la subrogation de GENERALI dans les droits de son assuré et la modification du fondement juridique de son action désormais fondée sur la théorie des dommages intermédiaires, la demande de l'appelante ne saurait être accueillie dès lors:

* que les panneaux de bardage siège des désordres constituent des éléments d'équipement dissociables puisque simplement vissés sur des éléments du gros-oeuvre et pouvant donc être remplacés sans atteinte à celui-ci, qu'ils n'ont d'autre fonction qu'esthétique,

* que les dispositions de l'article 1792-2 du Code Civil sont exclusives de la mise en oeuvre de la théorie des dommages intermédiaires relativement à des désordres affectant des éléments relevant de la catégorie des éléments d'équipement dissociables,

*qu'en l'espèce, l'assureur agit en garantie de désordres liés au vieillissement des panneaux qui n'ont pas fait l'objet des réclamations initiales du maître de l'ouvrage qui ne concernaient que les désordres résultant de projections de peintures

- qu'en toute hypothèse et dans la mesure où le rapport d'expertise judiciaire ne permet pas de caractériser les éventuelles fautes susceptibles d'être reprochées aux divers intervenants, la S.A. GENERALI qui n'a pas sollicité d'expertise complémentaire, doit être déboutée de ses demandes.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 23 janvier 2007, l'entreprise SUZANNE et la Compagnie GROUPAMA Assurances qui soulèvent in limine litis une exception non motivée et de pure forme de l'appel, demandent à la Cour, confirmant le jugement entrepris :

- de dire que l'action de GENERALI est prescrite au regard des dispositions de l'article 1792-2 du Code Civil,

- en toute hypothèse, de dire qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de l'entreprise SUZANNE,

- de condamner la S.A. GENERALI à leur payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens avec autorisation pour Me VERGEZ, Avoué à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Ils soutiennent pour l'essentiel :

- que le jugement déféré doit être confirmé en son principe en ce que constatant le défaut de justification du règlement de l'indemnité d'assurance au Syndicat de Copropriété, les premiers juges ont débouté la S.A. GENERALI de ses demandes formées dans le cadre de l'action subrogatoire,

- que les désordres dont s'agit constituant de simples défauts esthétiques affectant des éléments d'équipement dissociables relevant de la garantie biennale, l'action de la S.A. GENERALI est prescrite pour avoir été intentée à l'égard de l'entreprise SUZANNE plus de deux ans après la réception de l'ouvrage,

- qu'en toute hypothèse, la S.A. GENERALI ne rapporte pas la preuve d'une faute de l'entreprise SUZANNE susceptible d'engager la responsabilité de ce sous-traitant sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ni le lien de causalité entre les projections de peinture reprochées à l'entreprise SUZANNE et les désordres constatés par l'expert, consécutifs au vieillissement des panneaux,

- que même si les projections d'enduit devaient être considérées comme ayant contribué à la dégradation des panneaux, l'entreprise SUZANNE, en sa qualité de sous-traitant, n'a pas participé aux réunions de chantier et qu'il n'a pu être établi contradictoirement à son égard que les salissures affectant les panneaux sont imputables à son intervention, ce qu'elle a toujours contesté.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 novembre 2006, la S.A. PRODEMA demande à la Cour :

- de déclarer les demandes de GENERALI irrecevables et infondées et de la condamner reconventionnellement à lui payer les sommes de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens avec autorisation pour la S.C.P. de GINESTET-DUALE-LIGNEY, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient en substance :

- que la S.A GENERALI est irrecevable en son action dès lors que condamnée à indemniser son assuré en raison du non-respect des dispositions de l'article L.242-1 du Code des Assurances, elle doit être considérée comme déchue de son droit à subrogation et qu'elle ne peut prétendre à être indemnisée par un fournisseur pour des désordres qui ne sont pas de nature décennale,

- que quel que soit le fondement juridique de l'action de la S.A. GENERALI, ladite action ne saurait prospérer dès lors :

* s'agissant d'un prétendu défaut de conformité, que l'action est prescrite, en application des articles 38 et 39 de la Convention de Vienne sur les marchés internationaux, pour avoir été intentée plus de deux ans après la livraison de la chose,

*s'agissant d'un prétendu défaut de conseil, qu'en l'absence de lien contractuel entre le fournisseur et le maître de l'ouvrage, la S.A. GENERALI, subrogée dans les droits de son assuré, ne peut invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 1147 du Code Civil et qu'elle ne prouve aucune faute de la S.A. PRODEMA dont il n'est pas établi qu'elle connaissait la destination effective du matériel vendu susceptible d'altérer sa coloration ni le risque résultant d'une projection d'enduit qui aurait dû être effectuée préalablement à la pose des panneaux,

* qu'elle n'avait aucune obligation d'avertir la S.A.R.L. X..., acheteur professionnel ayant passé la commande et disposant des documents techniques publiés, de risques dont sa compétence lui donnait les moyens d'apprécier la portée exacte,

*que l'existence d'un vice caché n'est nullement établie au regard du rapport d'expertise judiciaire dont il ne résulte nullement que le bardage bois aurait évolué de façon anormale et non prévisible

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 août 2007, le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il emporte condamnation de la S.A. GENERALI au paiement de la somme de 298.686,50 € outre la T.V.A. avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1998,

- ajoutant au jugement déféré, vu l'augmentation du coût des travaux depuis l'établissement du devis de référence en 2003, de condamner la S.A. GENERALI à lui payer les indemnités complémentaires de :

* 43.062 € H.T. pour le remplacement des plaques PRODEMA, outre la T.V.A.,

* 725 € H.T. pour le traitement des déchets, outre la T.V.A.,

* 17.829,92 € H.T. pour les honoraires d'architecte outre la T.V.A.,

- le tout avec actualisation sur le coût de la construction entre le 27 septembre 2006 et la date du règlement,

- subsidiairement, à défaut d'allocation d'une indemnité supplémentaire, d'assortir la somme initialement allouée d'une indexation sur la base de l'indice BT01 et de fixer l'indemnité indexée à la somme de 319.937,97 € H.T. pour les bardages et de 6.811,76 €. H.T. pour le traitement des déchets,

- subsidiairement et à défaut d'octroi d'une indemnité complémentaire de ce chef, d'assortir l'indemnité de 17.829,92 € HT initialement allouée au titre des frais d'architecte d'une indexation sur la base de l'indice FFB et de fixer l'indemnité indexée à la somme de 17.115,01 € H.T.,

- de condamner la S.A. GENERALI à payer le coût de l'assurance dommages-ouvrage obligatoire qui devra être souscrite lors de l'exécution des travaux de réfection, sur présentation de la quittance correspondante,

- de lui donner acte de ce qu'il s'engage à transmettre à l'appelante les factures des travaux de réfection dès qu'il y sera procédé ainsi que des justificatifs de leur paiement,

- dans l'hypothèse où une astreinte serait prononcée de ce chef, d'en fixer le point de départ à compter de l'expiration du délai de pourvoi en cassation et le délai à compter de laquelle elle commencera à courir en tenant compte des impératifs du chantier,

- de condamner la S.A. GENERALI à lui payer la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens avec autorisation pour la S.C.P. MARBOT-CREPIN, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Syndicat de copropriété soutient pour l'essentiel :

- que la copropriété n'a pas voulu prendre le risque de faire procéder aux travaux de réfection tant que la cour n'aurait pas statué par arrêt définitif en l'attente duquel les fonds versés par GENERALI ont été placés sur un compte rémunérateur,

- qu'aucun texte ne fixe le délai dans lequel les travaux nécessaires à la réfection du dommage doivent être entrepris,

- que depuis l'établissement du devis initial, le coût de la construction a sensiblement augmenté en sorte que la somme de 298.686,50 € H.T. versée par GENERALI est largement inférieure au montant réactualisé des travaux, soit 352.689,42 € H.T.

MOTIFS

L'exception non motivée et de pure forme de l'appel soulevée par l'entreprise SUZANNE et la Compagnie GROUPAMA sera rejetée, la S.A. GENERALI ayant interjeté appel dans des conditions de forme et de délai régulières et aucune autre cause d'irrecevabilité n'étant caractérisée.

I - Sur l'action principale intentée par la SA GENERALI en qualité de subrogée dans les droits du Syndicat de Copropriété:

1 - Sur la recevabilité même de l'action de la S.A. GENERALI :

Aux termes de l'article 126 du Code de Procédure Civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Ce texte ne fait aucune distinction entre la procédure de première instance et celle d'appel en sorte que la régularisation peut intervenir à ce dernier stade même si, comme en l'espèce, la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir en l'absence de justification de la subrogation de l'assureur dans les droits de son assuré a été relevée par le premier juge.

Au vu de la quittance subrogative établie à son bénéfice le 20 janvier 2006 par le syndic de la copropriété de la Résidence Paloumère et confirmant le paiement par l'assureur de l'indemnité mise à sa charge par le jugement du 5 septembre 2005 assortie de l'exécution provisoire, l'action subrogatoire de la S.A GENERALI sera donc déclarée recevable, l'appelante justifiant ainsi de son droit d'agir.

Il convient par ailleurs de considérer que le non-respect des dispositions de l'article L. 242-1 du Code des Assurances n'est sanctionné que par la déchéance de l'assureur dommages-ouvrage de son droit de contester sa garantie et d'exciper de la prescription biennale éventuellement acquise à la date d'expiration du délai de réponse mais que la violation de ces dispositions n'emporte pas déchéance de l'assureur défaillant du droit d'exercer l'action subrogatoire résultant pour lui du paiement effectif de l'indemnité à la victime du sinistre.

2 - Sur l'appréciation du bien-fondé de l'action :

L'assureur dommages-ouvrage, condamné à titre de sanction pour violation de l'article L.242-1 du Code des Assurances, dispose cependant, en qualité de subrogé dans les droits de l'assuré - tardivement mais effectivement - indemnisé, d'un recours contre les intervenants à l'opération de construction, sur le fondement des divers régimes de responsabilité éventuellement applicables.

En conséquence, l'appréciation de l'éventuelle responsabilité de chacun des intimés devra s'opérer au regard des régimes juridiques distincts applicables à chacun d'eux, au regard des liens les unissant ou non au maître de l'ouvrage, dans les droits duquel l'appelante est subrogée, soit en l'espèce :

- d'une part, Monsieur Y..., architecte (et son assureur, la M.A.F.) et la S.M.A.B.T.P., ès qualité d'assureur de Monsieur X..., entrepreneur, titulaire du lot bardage, habillage façades et loggias,

- d'autre part, l'entreprise SUZANNE (sous-traitant de l'entreprise MOUCQUEZ, titulaire du lot gros-oeuvre) et son assureur, la Compagnie GROUPAMA Assurances,

- enfin, la S.A. PRODEMA, fabricant des panneaux litigieux siège des désordres dont s'agit.

Il convient à titre préliminaire de rappeler qu'au terme d'un rapport ne faisant l'objet d'aucun critique sérieuse et pertinente des parties, l'expert judiciaire conclut :

- qu'il a été procédé à la réception des travaux le 18 mai 1995,

- que les bâtiments de la résidence sont constitués au niveau des murs extérieurs par des voiles de bêton banché dont la finition extérieure est assurée par des panneaux bois, de marque PRODEMA, posés sur liteaux,

- que les dégradations affectant l'ensemble des panneaux se manifestent par une grande disparité dans les teintes des panneaux d'habillage des façades et par une dégradation du champ de ces panneaux consécutivement à un décollement du placage bois en surface extérieure,

- que les désordres initiaux consistaient en des détériorations d'un certain nombre de panneaux de façade, provoquées par des projections d'enduit mortier ayant entraîné une imprégnation de la pellicule de surface des panneaux par diverses substances et notamment des chaux libres de ciment dont, dans un courrier du 20 juin 1996, le fabricant des panneaux a indiqué qu'elles devaient être nettoyées dans un délai maximum de 24 heures, sous peine de dégradation irrémédiable des panneaux atteints,

- que les constatations effectuées sur place n'ont pas permis le repérage des zones affectées par les désordres initiaux du fait des dégradations consécutives au vieillissement des panneaux, caractérisées par une dégradation de la surface au niveau du film superficiel avec une variation aléatoire de teinte et des décollements ponctuels du film, plus particulièrement à proximité des champs en limites de plaques,

- que la seule solution efficace et pérenne consiste dans le remplacement du bardage avec utilisation de panneaux certifiés possédant un avis technique pour l'utilisation en parements extérieurs pour ne pas subir les dégradations constatées au niveau des panneaux initialement mis en place pour lesquels n'a pu être trouvé d'agrément pour l'utilisation qui en a été faite,

- que les panneaux litigieux n'interviennent que comme des éléments décoratifs sans autre rôle et qu'ils ne participent ni à la solidité ni au clos ou au couvert des constructions dont la destination n'est pas compromise par les désordres constatés,

- que seul le remplacement du bardage existant par un nouveau bardage permettra de redonner à l'immeuble son aspect initial, l'utilisation de panneaux certifiés possédant un avis technique pour l'utilisation en parements extérieurs étant impérative pour ne pas subir les dégradations constatées au niveau des panneaux d'origine pour lesquels n'a pu être trouvé d'agrément pour l'utilisation qui en a été faite (les fiches techniques des panneaux en place ne faisant aucune référence au label NF extérieur CTBX ni à un avis technique).

A - Sur les demandes dirigées contre les parties liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage:

La garantie décennale instituée par l'article 1792 du Code Civil (dont l'appelante n'invoque pas le bénéfice) ne peut en l'espèce être mise en oeuvre, les désordres constatés par l'expert affectant des panneaux n'assurant qu'un rôle purement esthétique et ne participant ni à la solidité ni au clos ou au couvert de l'ouvrage dont la destination n'est par ailleurs pas compromise.

Les panneaux litigieux doivent être qualifiés d'éléments dissociables au vu des documents techniques versés aux débats, en particulier du cahier des clauses techniques particulières de septembre 1993, §1201, annexe no 36 du rapport d'expertise, précisant que leur fixation est assurée par vissage sur des liteaux eux-mêmes fixés horizontalement par des chevilles mises en place sur les voiles extérieurs en bêton.

La garantie biennale instituée par l'article 1792-3 du Code Civil n'est donc pas en l'espèce plus mobilisable, l'action intentée plus de deux ans après la réception de l'ouvrage étant forclose.

La demande présentée par la S.A.GENERALI sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires, ne saurait être accueillie dès lors que les éléments dits dissociables relèvent de la seule garantie de bon fonctionnement et non de la responsabilité de droit commun laquelle n'est que subsidiaire aux garanties légales.

Il convient donc de débouter la S.A. GENERALI des demandes indemnitaires par elle formées contre Monsieur Y... et la M.A.F. d'une part et la S.M.A.B.T.P. ès qualité d'assureur de Monsieur X... d'autre part.

B - Sur la demande dirigée contre la S.A. PRODEMA, fabricant des panneaux :

La S.A. GENERALI, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage contractuellement subrogé dans les droits et actions du Syndicat de Copropriété, dispose des mêmes droits et actions que celui-ci et notamment des actions contractuelles directes pouvant être intentées contre le fabricant du produit litigieux sur le fondement des articles 1147 et 1641 du Code Civil expressément invoqués par l'appelante au soutien de la demande par elle formée contre la S.A. PRODEMA des chefs de la garantie des vices cachés, du manquement à l'obligation de délivrance conforme et du manquement au devoir d'information et de conseil.

Sur le fondement de l'obligation de délivrance :

La S.A. GENERALI sera déclarée forclose en la demande par elle formée de ce chef par application de l'article 39 alinéa 2 de la Convention de VIENNE du 11 avril 1980 dont l'applicabilité n'est pas contestée en l'espèce.

Il apparaît en effet que l'assignation de la S.A. PRODEMA a été délivrée le 14 septembre 2000, soit plus de deux ans après la livraison effective de la marchandise laquelle, si elle ne peut être fixée avec précision compte-tenu du défaut de production de tout document contractuel relatif à la vente des panneaux litigieux, est à tout le moins nécessairement antérieure au 23 mars 1995, date d'un procès-verbal de réunion de chantier (annexe 11 du rapport d'expertise judiciaire) constatant l'achèvement de la mise en place du bardage bois.

Sur le fondement de la garantie des vices cachés :

La S.A. GENERALI sera également déclarée forclose en son action subrogatoire en garantie fondée sur l'existence de prétendus vices cachés affectant les panneaux fabriqués par la S.A. PRODEMA.

En effet s'il est constant que le bref délai dans lequel doit être exercée l'action récursoire en garantie de l'assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage ne court pas à compter de la connaissance du vice par l'acquéreur mais à compter de l'assignation principale, force est en l'espèce de constater que l'assignation principale a été délivrée le 22 avril 1998 par le Syndicat des copropriétaires de la Résidence PALOUMÈRE et que la S.A. PRODEMA n'a été assignée que par acte d'huissier de justice du 14 septembre 2000, soit plus de vingt huit mois après la délivrance de l'assignation principale, délai manifestement excessif au regard des exigences de l'article 1648 du Code Civil.

Sur le fondement d'un prétendu manquement au devoir de conseil :

Il résulte du rapport d'expertise que le remplacement de la totalité des panneaux bois constituant le bardage litigieux (et notamment des panneaux non affectés par les projections d'enduit initialement constatées) est nécessité par une décoloration généralisée et aléatoire des panneaux en suite de leur vieillissement, constatée huit ans après la mise en place du bardage par l'expert judiciaire qui précise que les dégradations constatées au niveau de la surface des panneaux ne permettent pas de garantir le support et partant la durabilité d'une réfection par simple remise en peinture des panneaux.

La S.A. GENERALI fait grief à la S.A. PRODEMA d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information pour n'avoir fourni aucune indication sur l'instabilité au vieillissement des panneaux litigieux et sur les conditions de traitement et d'entretien desdits panneaux.

La S.A. PRODEMA, fabricant et vendeur des panneaux litigieux, conteste avoir manqué à ses obligations d'information en exposant :

- qu'elle n'avait pas été informée de la destination du matériau vendu, à savoir une exposition extérieure constante,

- qu'elle ne pouvait prévoir le risque de souillure du matériau par des tierces personnes.

Il apparaît cependant qu'à l'exception d'une fiche technique annexée au rapport d'expertise, datée de février 1995, rédigée en langue espagnole, dépourvue de toute valeur contractuelle et décrivant la composition du produit et son procédé de fabrication, la S.A. PRODEMA ne produit aucun document contractuel de nature à établir qu'elle a en l'espèce donné une information minimale sur les conditions de mise en oeuvre et d'entretien du produit litigieux.

Les motifs invoqués par la S.A. PRODEMA pour prétendre s'exonérer de toute obligation d'information et de conseil ne sauraient être retenus alors même :

- que la S.A. PRODEMA ne conteste pas que le type de panneaux litigieux est destiné à constituer un bardage rapporté, lequel se définit comme un revêtement de mur extérieur,

- que ces panneaux ont donc, normalement, vocation à subir une exposition extérieure constante, sauf à être dépourvus de toute utilité ou à être réservés à un usage spécifique, non caractérisé par la S.A. PRODEMA,

- que la projection accidentelle d'enduit de ciment (ou de toute autre matière corrosive susceptible de dégrader les panneaux litigieux), ne peut être considérée comme un événement imprévisible dispensant le fabricant-vendeur d'informer tout client, même professionnel, sur les mesures à prendre en cas de survenance d'une telle projection (dont le courrier de la S.A. PRODEMA en date du 20 juin 1996 annexé au rapport d'expertise confirme tant la gravité que l'urgence du nettoyage).

A défaut pour la S.A. PRODEMA de justifier avoir donné la moindre information à ses cocontractants sur l'instabilité en exposition naturelle des panneaux litigieux et sur la dangerosité présentée par certains produits corrosifs pour leur pérennité, il convient de considérer que la société intimée a manqué à son devoir d'information et de conseil et commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil et à justifier, compte-tenu du caractère généralisé des désordres, sa condamnation à relever et garantir la S.A. GENERALI, subrogée dans les droits du Syndicat des copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE, de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit dudit syndicat.

C - Sur la demande dirigée contre la S.A.R.L. SUZANNE et la Compagnie GROUPAMA Assurances:

La responsabilité de la S.A.R.L. SUZANNE, intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitant de l'entreprise MOUSQUEZ, titulaire du lot gros-oeuvre, ne peut être recherchée par la S.A. GENERALI, ès qualité de subrogée dans les droits du Syndicat de Copropriété, que sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code Civil.

En l'espèce, la faute d'exécution de la S.A.R.L. SUZANNE est caractérisée au regard des pièces versées aux débats (facture de travaux du 25 janvier 1995 établie par la S.A.R.L. SUZANNE, compte-rendus de chantier des 23 mars 2005, courriers de la S.A.R.L. SUZANNE des 12 et 24 avril 1996, rapport d'expertise dommages-ouvrage opposable à l'intimée) lesquelles établissent :

- que les désordres initialement dénoncés consistent en de larges taches blanchâtres, plus concentrées en périphérie des cages d'escalier au droit desquelles subsistent ponctuellement des adhérences de mortier projeté par l'entreprise sous-traitante lors des reprises de défauts de planéité des voiles supports au fur et à mesure de la pose du bardage et lors des travaux d'enduisage des cages d'escalier,

- que l'apparition de taches conduit à l'hypothèse d'une altération par imprégnation d'origine chimique de la pellicule de surface des panneaux favorisée par une absence de protection consécutive à un phénomène de désquamation et de feuilletage semblant issu de la fabrication des panneaux puisque se retrouvant également sur les faces contre voile façade restées vierges de projections d'enduit,

- que les opérations de nettoyage des projections et celles de traitement de surface n'ont pu ni totalement éliminer ni neutraliser les produits d'imprégnation.

L'existence d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice dont la S.A. GENERALI demande réparation (consistant dans le coût de remplacement de la totalité des panneaux de bardage équipant l'ensemble de l'ouvrage) n'est cependant pas caractérisée dès lors :

- qu'aucun élément du dossier ne permet de déterminer le nombre des panneaux objet des dégradations initialement signalées,

- que les constatations effectuées sur place par l'expert judiciaire n'ont pas permis le repérage des zones affectées par les désordres initiaux,

- qu'en toute hypothèse, la totalité des panneaux constituant le bardage est à remplacer compte-tenu d'une décoloration aléatoire généralisée non imputable aux projections de mortier.

La S.A. GENERALI sera donc déboutée de la demande indemnitaire par elle formée contre la S.A.R.L. SUZANNE et la Compagnie GROUPAMA Assurances.

II - Sur les rapports entre la S.A. GENERALI et le Syndicat des copropriétaires:

Si le maître d'ouvrage bénéficiaire de l'indemnité est tenu d'affecter celle-ci à la réparation de l'ouvrage assuré, aucun texte n'impose que ces travaux soient réalisés dans un délai déterminé et la Cour considère qu'en l'espèce, il ne saurait être fait grief au Syndicat de copropriété, compte-tenu de l'importance des sommes en jeu, de ne pas avoir engagé les travaux de reprise dès règlement par la S.A. GENERALI de l'indemnité correspondante mise à sa charge par le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire et dont le caractère définitif, du chef de la condamnation de l'assureur dommages-ouvrage envers son assuré n'est, à défaut de révocation de l'ordonnance de clôture, acquis que depuis le 18 mars 2008.

En conséquence, la Cour ordonnera, sous astreinte de 100 € par jour de retard courant à partir du neuvième mois suivant le prononcé du présent arrêt, la communication par le Syndicat des Copropriétaires à la S.A. GENERALI des factures détaillées des travaux de réfection ainsi que des justificatifs de leur paiement.

Arguant de l'ancienneté de l'évaluation du coût du remplacement du bardage litigieux établie courant 2003, le Syndicat des copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE demande à la Cour, ajoutant au jugement déféré, de condamner la S.A. GENERALI à lui payer, à titre de condamnation complémentaire, les sommes de 43.062 € H.T. au titre du surcoût de remplacement des panneaux litigieux, 725 € H.T. au titre du surcoût de traitement des déchets et de 10.954,92 € H.T. au titre du surcoût des honoraires d'architecte, le tout avec actualisation sur le coût de la construction à compter du 27 septembre 2006 date d'établissement du devis réactualisé.

La condamnation de la S.A. GENERALI au paiement des intérêts au taux légal n'ayant pas pour objet de compenser un éventuel surenchérissement du coût des travaux, la Cour, ajoutant au jugement déféré, dira que la somme allouée en principal au Syndicat de copropriété au titre du coût des travaux de réfection des désordres sera indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, l'indice de référence étant celui en vigueur au 28 mars 2003, date du devis sur la base duquel a été fixée l'indemnité allouée à l'intimée et l'indice de réactualisation étant celui en vigueur à la date du prononcé du présent arrêt, la revalorisation s'opérant selon le calcul suivant:(nouveau montant = indemnité initiale x indice en vigueur à la date du prononcé de l'arrêt / indice en vigueur au 28 mars 2003).

Il convient par ailleurs, ajoutant au jugement déféré, entaché d'une omission de statuer de ce chef, de condamner la S.A. GENERALI à payer au Syndicat des copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE le coût de l'assurance dommages-ouvrage qui devra être souscrite lors de l'exécution des travaux de reprise.

La société PRODEMA qui succombe dans ses prétentions sera déboutée de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive et de la demande en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile par elle formée contre la S.A. GENERALI.

L'équité commande, émendant le jugement entrepris de ce chef, de condamner la S.A. GENERALI, partie perdante dans le litige l'opposant au Syndicat des copropriétaires, à la S.A.R.L. SUZANNE et à GROUPAMA, à la S.M.A.B.T.P. et Monsieur Y... et la M.A.F. à payer, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, la somme globale de :

- 5.000 € au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE,

- 1.500 € à la S.A.R.L. SUZANNE et à la Compagnie GROUPAMA Assurances,

- 1.500 € à la S.M.A.B.T.P.,

- 750 € à Monsieur Y... et à la MAF, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, étant constaté que ceux-ci demandent à la Cour de confirmer "en son principe" le jugement déféré (leur ayant notamment alloué une somme de 1.500 € de ce chef) mais ne forment aucune demande de ce chef au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

L'équité commande enfin de condamner la société PRODEMA S.A. à payer à la S.A. GENERALI la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en cause d'appel qu'en première instance.

La société PRODEMA SA sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec autorisation pour la S.C.P. LONGIN, la S.C.P. RODON, la S.C.P. PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE et Me VERGEZ, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE en date du 5 septembre 2005,

En la forme, déclare recevables l'appel principal de la S.A GENERALI ASSURANCES I.A.R.D. et l'appel incident du Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE,

Au fond, dans les limites de sa saisine, réformant partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau:

Déclare recevable l'action subrogatoire de la S.A. GENERALI ASSURANCES I.A.R.D.,

Déboute la S.A. GENERALI des demandes par elle formées contre M. Y... et la M.A.F., la S.M.A.B.T.P. ès qualité d'assureur de Monsieur X... et la S.A.R.L. SUZANNE et la Compagnie d'Assurances GROUPAMA,

Condamne la société PRODEMA S.A., sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil, à relever et garantir la S.A. GENERALI ASSSURANCES I.A.R.D., subrogée dans les droits du Syndicat des copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE, de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit dudit syndicat dans le cadre de la présente procédure,

Ordonne, sous astreinte de 100 € (cent euros) par jour de retard courant à partir du neuvième mois suivant le prononcé du présent arrêt, la communication par le Syndicat des Copropriétaires à la S.A. GENERALI ASSURANCES I.A.R.D. des factures détaillées des travaux de réfection ainsi que des justificatifs de leur paiement,

Dit que la somme allouée en principal au Syndicat de copropriété au titre du coût des travaux de réfection des désordres sera indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, l'indice de référence étant celui en vigueur au 28 mars 2003, date du devis sur la base duquel a été fixée l'indemnité allouée à l'intimée et l'indice de réactualisation étant celui en vigueur à la date du prononcé du présent arrêt, la revalorisation s'opérant selon le calcul suivant:(nouveau montant = indemnité initiale x indice en vigueur à la date du prononcé de l'arrêt / indice en vigueur au 28 mars 2003),

Condamne la S.A. GENERALI à payer au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE la somme correspondant à la réactualisation du coût des travaux de réfection, calculée selon la méthode ci-dessus décrite, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne la S.A. GENERALI à payer au Syndicat des copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE le coût de l'assurance dommages-ouvrage qui devra être souscrite lors de l'exécution des travaux de reprise,

Condamne la S.A. GENERALI, à payer, en application de l'article 700 du Code de Procédure civile, à payer :

- au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et globalement les sommes de 5.000 € (cinq mille euros) au Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LA PALOUMERE, 1.500 € (mille cinq cents euros) ensemble à la S.A.R.L. SUZANNE et à la Compagnie GROUPAMA Assurances et 1.500 € (mille cinq cents euros) à la S.M.A.B.T.P.,

- au titre des frais irrépétibles par eux exposés en première instance, la somme de 750 € (sept cent cinquante euros) à Monsieur Y... et à la MAF ;

Condamne la société PRODEMA S.A. à payer à la S.A. GENERALI la somme de 5.000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civil au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en cause d'appel qu'en première instance ;

Condamne la société PRODEMA .S.A. aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec autorisation pour la S.C.P. LONGIN, la S.C.P. RODON, la S.C.P. PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE et Me VERGEZ, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Angélique LAFONTAINE Roger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 2760
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bayonne, 05 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-06-17;2760 ?
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