NR/NG
Numéro 2412/08
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRET DU 29/05/2008
Dossier : 06/02593
Nature affaire :
Demande relative à la validité, l'exécution ou la résiliation du contrat d'apprentissage formée par l'apprenti
Affaire :
Caroline X...
C/
Pierre Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffière,
à l'audience publique du 29 MAI 2008
date indiquée à l'issue des débats.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Mars 2008, devant :
Madame ROBERT, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffière présente à l'appel des causes,
Madame ROBERT, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur GAUTHIER et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Mademoiselle Caroline X...
...
64260 ARUDY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/4464 du 23/08/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Rep/assistant :Maître FITAS, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur Pierre Y...
...
64000 PAU
Rep/assistant :Maître SELLES, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 21 JUIN 2006
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PAU Mademoiselle Caroline X... a été engagée par Monsieur Pierre Y... dans le cadre d'un contrat d'apprentissage de coiffure en date du 19 novembre 2004, à effet du 12 novembre 2004, devant venir à terme le 31 août 2006.
Le 7 octobre 2005, Mademoiselle Caroline X... a saisi le conseil de prud'hommes de Pau aux fins de :
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement des sommes suivantes :
- 294,50 € au titre des heures supplémentaires outre 29,50 € à titre de congés payés y afférents,
- dire que la rupture du contrat d'apprentissage est exclusivement imputable à l'employeur,
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement de 9429,70 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat d'apprentissage par l'employeur,
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur Pierre Y... à remettre à Mademoiselle Caroline X... l'attestation ASSEDIC, le certificat de travail et le diplôme de coloriste.
Par jugement en date du 21 juin 2006, le Conseil de Prud'hommes de PAU :
- a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts exclusifs de Mademoiselle Caroline X...,
- a fixé la rupture du contrat au 28 mai 2005,
- a dit que Monsieur Pierre Y... devra faire parvenir à Mademoiselle Caroline X... l'attestation ASSEDIC, et le certificat de travail conformes à la décision,
- a condamné Mademoiselle Caroline X... à verser à Monsieur Pierre Y... 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour la rupture,
Mademoiselle Caroline X... a régulièrement interjeté appel par déclaration au greffe le 12 juillet 2006 du jugement qui lui a été notifié le 28 juin 2006.
L'appelante conclut à :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel,
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement de 294,50 € au titre des heures supplémentaires outre 29,50 € à titre de congés payés y afférents,
- dire que la rupture du contrat d'apprentissage est exclusivement imputable à l'employeur,
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement de 9429,70 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat d'apprentissage par l'employeur,
- débouter en tout état de cause Monsieur Pierre Y... de ses demandes tant de dommages et intérêts que d'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- condamner Monsieur Pierre Y... au paiement de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, Mademoiselle Caroline X... soutient avoir effectué des heures supplémentaires entre 30 minutes et 2 heures chaque soir soit un montant global de 90 heures.
Elle fait valoir que, renseignements pris auprès de l'inspection du travail, elle a sollicité le paiement de ces heures supplémentaires ; l'employeur a alors sollicité son ami, employé de banque lesquels l'ont menacé de mettre un terme au contrat employant un ton virulent, cherchant à la déstabiliser ; ce qui a nécessité un arrêt de travail du 14 au 21 mai.
Elle soutient que lorsqu'elle a voulu reprendre son poste, après sa semaine de cours, le 27 Mai, l'employeur a refusé la contraignant à s'adresser à justice.
Elle conclut à la résiliation du contrat aux torts de l'employeur qui n'a pas respecté ses obligations, le paiement des heures supplémentaires, l'absence de qualité d'artisan-coiffeur, le refus de la laisser reprendre son poste et le refus de l'employeur d'accomplir les formalités nécessaires aux fins d'indemnisation de son arrêt de travail.
Monsieur Pierre Y... conclut à :
- débouter Mademoiselle Caroline X... de ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes du 21 juin 2006,
- prononcer la résiliation du contrat d'apprentissage signé le 17 novembre 2004, enregistré le 27 avril 2005, aux torts exclusifs de Mademoiselle Caroline X... pour faute grave,
- confirmer le jugement en ce qu'il a accordé réparation à Monsieur Pierre Y..., le réformer en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts et condamner Mademoiselle Caroline X... à verser à Monsieur Pierre Y... la somme de 2 000 €,
- la condamner à la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, Monsieur Pierre Y... expose qu'après fermeture pour congés du salon de coiffure du 3 au 13 mai 2005, Mademoiselle Caroline X... n'est pas venue travailler le 3 Mai, transmettant un arrêt de travail, puis s'est présentée le matin du 13 mai mais n'est revenue ni l'après-midi ni les jours suivants ne transmettant à l'employeur un nouvel arrêt de travail pour la seule période du 14 au 21 mai 2005.
Par la suite elle n'a pas repris son travail sans aucune explication.
L'employeur expose avoir reçu le 13 juin 2005 une lettre de l'inspection du travail le mettant en demeure de remettre à l'apprentie divers documents précisant que Mademoiselle Caroline X... invoquait comme rupture du contrat d'apprentissage son défaut de diplôme.
Il précise avoir reçu le 2 juillet 2005 un courrier recommandé de Mademoiselle Caroline X... indiquant qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires et lui imputant la rupture du contrat d'apprentissage.
Monsieur Pierre Y... conteste la demande au titre des heures
supplémentaires ; cette demande ne figurant pas dans la lettre adressée par l'inspection du travail le 13 juin 2005.
Il précise que Mademoiselle A..., témoin de Mademoiselle Caroline X... a démissionné et n'a jamais rien réclamé après sa démission.
La demande supposerait que Mademoiselle Caroline X... aurait travaillé cinq jours par semaine jusqu'à 18 h 30 tous les jours de la semaine d'heures pendant neuf mois alors qu'elle a travaillé moins de six mois dans l'entreprise.
Monsieur Pierre Y... précise exercer le métier de coiffeur depuis plus de 21
ans, être en conséquence habilité à accueillir une apprentie, précision faite que la chambre des métiers a validé le contrat.
En réalité Mademoiselle Caroline X... est responsable de la rupture compte tenu de ses manquements graves, ne s'étant plus présentée à son travail et se permettant de porter de graves accusations à l'encontre de son employeur auprès de l'inspection du travail.
Il précise qu'elle a eu de nombreuses absences au cours des formations théoriques.
Les conditions d'exercice du contrat d'apprentissage et l'abandon de son poste par Mademoiselle Caroline X... ont causé un préjudice certain à l'entreprise qui est fondée à solliciter des dommages et intérêts à hauteur de 2000 €.
SUR QUOI :
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 (anciennement L. 212-1-1du Code du Travail), en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
Il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.
Mademoiselle Caroline X... qui sollicite le paiement de 90 heures supplémentaires ne fournit aucun décompte des heures qu'elle aurait effectuées.
Mais de plus l'attestation de Madame A... qui déclare que Mademoiselle Caroline X... « faisait au salon..... des heures supplémentaires régulièrement » est tout aussi évasive et peu étayée alors que soutenant avoir dû démissionner de ce fait, elle ne produit ni sa lettre de démission ni à avoir effectué une quelconque réclamation à son ancien employeur
La mère de Mademoiselle Caroline X... qui déclare que le soir elle effectuait au minimum une heure de plus de travail et sortait parfois à 21 h 30, et même 22 h 30 est totalement excessive alors que Monsieur Pierre Y..., outre son apprentie n'avait qu'une seule employée et gérait en conséquence un salon de coiffure de taille modeste qui ne pouvait générer une telle activité.
Enfin alors que début juin, Mademoiselle Caroline X... se rendait à l'inspection du travail pour se plaindre de diverses inexécutions de son contrat d'apprentissage, elle n'alléguait d'aucune heure supplémentaire, cette infraction ne figurant pas dans la lettre adressée par l'inspection du travail le 13 juin à Monsieur Pierre Y....
Mademoiselle Caroline X... sera en conséquence déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires.
Sur la rupture du contrat d'apprentissage :
Conformément aux dispositions de l'article L. 6222-18 (anciennement L. 117-17 du code du travail), la résiliation du contrat d'apprentissage, passé le délai de deux mois, ne peut intervenir que sur accord exprès et bilatéral des cosignataires ou être prononcé par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
Mademoiselle Caroline X... fonde sa demande de résiliation sur :
- le non-respect par Monsieur Pierre Y... de ses obligations dans le cadre d'un contrat d'apprentissage : absence du titre d'artisan coiffeur, absence de remise du contrat d'apprentissage,
- le non-respect des formalités auprès de la Caisse Primaire d'Assurances Maladie la privant d'indemnisation suite à son arrêt de travail,
- le refus de paiement des heures supplémentaires effectuées,
- la rupture verbale du contrat d'apprentissage.
- la non remise dans les délais des bulletins de salaire d'avril et mai
Sur le non-respect par Monsieur Pierre Y... de ses obligations dans le cadre du contrat d'apprentissage :
Mademoiselle Caroline X... ne produit aucun élément permettant de contester le contrat d'apprentissage et la qualification de Monsieur Pierre Y... alors que le contrat produit a été validé par la chambre des métiers.
Il y a lieu de rappeler que le contrat d'apprentissage n'est pas un contrat de travail de droit commun; dans ces conditions, la non remise, dans les délais, de l'exemplaire à l'apprenti, ne justifie pas une requalification en contrat de travail à durée indéterminée (grief repris par Mademoiselle Caroline X... dans sa lettre du 1er juillet).
Sur le non-respect des obligations privant Mademoiselle Caroline X... de son indemnisation :
Il résulte du courrier de la Caisse Primaire en date du 10 juin 2005 que Mademoiselle Caroline X... n'a pu percevoir les indemnités journalières en raison de la non transmission à la Caisse de « l'avis d'arrêt de travail », diligence à la seule initiative de l'assurée et non ainsi qu'elle le soutient dans ses écritures et s'en est plaint auprès de l'inspection du travail en raison d'une carence de l'employeur à transmettre l'attestation de salaire.
Sur le retard dans la remise des bulletins de salaire :
L'employeur démontre avoir établi les bulletins de salaire d'avril et mai étant précisé qu'à défaut pour Mademoiselle Caroline X... de s'être présentée sur son lieu d'apprentissage depuis le 21 mai, le bulletin de salaire de mai n'a pu lui être remis en fin de mois mais lui a été transmis postérieurement.
Sur le non-paiement des heures supplémentaires :
Ainsi que dit précédemment il n'est nullement établi l'exécution par Mademoiselle Caroline X... d'heures supplémentaires.
Sur la rupture verbale du contrat d'apprentissage :
Il résulte de l'ensemble des pièces produites que Mademoiselle X... a été en arrêt de travail du 14 au 21 mai 2005, puis par la suite ne s'est plus présentée sur son lieu d'apprentissage ni durant les derniers jours du mois de mai, ni durant le mois de juin sans cependant justifier de son absence.
Par lettre en date du 28 juin 2005 l'employeur a mis en demeure Mademoiselle Caroline X... de justifier de son absence depuis le 13 mai
En réponse, par courrier du 1er juillet 2005, Mademoiselle Caroline X...
a développé différents griefs à l'encontre de l'employeur : absence de retour du deuxième exemplaire du contrat d'apprentissage, exécution d'heures supplémentaires non payées, absence de production du document sécurité social, demande de démission, justifiant, selon elle, la rupture de son contrat d'apprentissage.
Il est en conséquence établi qu'à compter du 21 mai, Mademoiselle Caroline X... a pris l'initiative de ne plus se présenter sur son lieu d'apprentissage sans justifier d'un quelconque motif à cette date ou à la suite de la demande de l'employeur en date du 28 juin.
Mademoiselle Caroline X... ne produit aucun élément pouvant démontrer une rupture verbale du contrat d'apprentissage par Monsieur Pierre Y....
Alors de plus que début juin 2005, soit préalablement à cette lettre, Mademoiselle Caroline X... s'est présentée dans les bureaux de l'inspection du travail qui, le 13 juin 2005, a adressé à l'employeur une lettre de mise en demeure à Monsieur Pierre Y... afin de rétablir Mademoiselle Caroline X... dans ses droits visant la non remise :
-de l'attestation de salaire
-des bulletins de salaires d'avril et mai 2005
-du diplôme de coloriste, évoquant comme motif de rupture du contrat le défaut de diplôme de l'employeur.
En conséquence, à cette date, Mademoiselle Caroline X... n'alléguait nullement d'une rupture verbale du contrat de travail et d'une interdiction faite par l'employeur de se représenter sur son lieu d'apprentissage.
Il est dans ces conditions parfaitement établi que Mademoiselle Caroline X..., à compter du 21 mai 2005, a cessé le travail dans l'entreprise sans motif, cette faute rendant impossible la poursuite du contrat d'apprentissage.
Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de Mademoiselle Caroline X... et a débouté cette dernière de l'intégralité de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle :
Monsieur Pierre Y... fonde sa demande de dommages et intérêts à
l'encontre de Mademoiselle Caroline X... sur le préjudice subi par l'entreprise du fait de l'abandon de poste par cette dernière, des frais générés durant l'exécution de son contrat : médecine du travail, frais de comptable etc.
Cependant, seule une faute lourde peut fonder une demande de dommages-intérêts au profit d'un employeur ; en conséquence Monsieur Pierre Y... sera débouté de ce chef de demande.
Sur la demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile
Il serait cependant inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y... l'intégralité des frais engagés, il convient de lui allouer une indemnité de 700 €.
Par ces motifs :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Mademoiselle Caroline X... le 12 juillet 2006,
Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de PAU en date du 21 juin
2006 en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts exclusifs de Mademoiselle Caroline X...,
- fixé la rupture du contrat au 28 mai 2005,
- dit que Monsieur Pierre Y... devra faire parvenir à Mademoiselle Caroline X... l'attestation ASSEDIC, et le certificat de travail conformes à la décision
Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur Pierre Y... de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne Mademoiselle Caroline X... à payer à Monsieur Pierre Y... la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mademoiselle Caroline X... aux dépens de première instance et d'appel.
Dit qu'ils seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
Sylvie HAUGUEL Philippe PUJO-SAUSSET