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31/03/2008 | FRANCE | N°1493

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre civile 1, 31 mars 2008, 1493


RN/PP

Numéro 1423/08

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 31/03/08

Dossier : 06/01726

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

Gilles X...,

Damien X...

C/

ASSURANCES

GENERALES DE FRANCE - I.A.R.T.,

Jean François Y...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile

,

assisté de Madame PUJAU, Greffier en Chef,

à l'audience publique du 31 Mars 2008

date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publ...

RN/PP

Numéro 1423/08

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 31/03/08

Dossier : 06/01726

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

Gilles X...,

Damien X...

C/

ASSURANCES

GENERALES DE FRANCE - I.A.R.T.,

Jean François Y...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,

assisté de Madame PUJAU, Greffier en Chef,

à l'audience publique du 31 Mars 2008

date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 22 Janvier 2008, devant :

Monsieur NEGRE, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur AUGEY, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur Gilles X...

né le 01 Septembre 1952 à ROMIGNY (51170)

...

BP 59

40110 MORCENX

Monsieur Damien X...

né le 16 Janvier 1958 à ROMIGNY (51170)

...

Zone Industrielle

40600 BISCARROSSE

représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistés de Me Z..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE - I.A.R.T., entreprise régie par le code des assurances, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

...

75113 PARIS CEDEX 02

Monsieur Jean François Y...

né le 04 Juillet 1942 à DAKAR

Bertruc

route de Mees

40990 SAINT PAUL LES DAX

représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistés de Me A..., avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

sur appel de la décision

en date du 16 MARS 2006

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

FAITS ET PROCEDURE

La société HUMULAND, créée en 1977, avait pour président, jusqu'en mai 1998, Monsieur Thierry X..., détenteur de 37 % des actions, Messieurs Gilles et Damien X... détenant chacun 24 % de celles-ci et la société INVESTLAND en détenant 15 %.

En 1998, le mandataire liquidateur de la société INVESTLAND proposait la cession des actions détenues par cette dernière au plus offrant des associés. Gilles et Damien X... rachetaient ces actions pour la somme de 1.230.000 francs à l'aide d'un prêt cautionné par Monsieur Antoine MENAUT, la cession ayant été autorisée par le juge commissaire. Thierry X... démissionnait le 6 mai 1998 de son poste de président - directeur général et était remplacé par Gilles X..., Damien X... et Antoine MENAUT étant nommés administrateurs.

Par acte signé le 23 juin 1998, Gilles et Damien X... s'engageaient à transférer 5.350 actions, sur les 10.695 qu'ils détenaient, au groupe B... composé d'Antoine MENAUT, Sophie B... épouse Y... et Dominique MENAUT, en contrepartie de l'engagement de ce groupe de fournir aux banques la caution nécessaire dans la limite de 4 millions de francs et de faire un apport de trésorerie de 2 millions de francs à la société.

Le 3 juillet 1998, une nouvelle convention intervenait, convention de portage emportant cession de 51 % du capital de la société HUMULAND au groupe B... pour le prix symbolique de 1 franc par action, tandis qu'une convention parallèle de la même date, destinée à rétablir l'équilibre en complétant la convention de portage destinée à satisfaire les banques, devait en principe permettre à Gilles et Damien X... de récupérer les actions portées par les membres du groupe B....

Le 31 juillet 1998, Antoine MENAUT devenait président de la société, Messieurs Gilles et Damien B... restant administrateurs et directeurs généraux.

La société HUMULAND devait déposer son bilan le 28 mai 2002 et être placée en redressement judiciaire le 3 juin 2002, avant d'être cédée à une société de droit belge.

Messieurs Gilles et Damien X... recherchent la responsabilité professionnelle de Maître Y... qui fut leur avocat et à qui ils reprochent d'avoir causé leur ruine.

C'est ainsi que par acte du 28 mai 2003, Messieurs Gilles et Damien X... ont fait assigner Maître Jean-François Y... et la société AGF devant le Tribunal de Grande Instance de MONT DE MARSAN aux fins de voir,

- constater les manquements de Maître Y... à son devoir de conseil, l'absence de validité et l'inefficacité de ses actes, manifestement contraires à la protection de ses clients,

- dire et juger que par ses manquements à son devoir de conseil et les fautes qu'il a commises en sa qualité de rédacteur des actes qu'il a soumis à ses clients, Maître Y... a engagé sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code Civil,

- condamner in solidum Monsieur Jean-François Y... et sa compagnie d'assurance AGF à réparer le préjudice directement consécutif des fautes commises,

- les condamner in solidum à payer, au titre de la réparation de leur préjudice matériel, 668.150 € au profit de Monsieur Damien X... et 668.760 € au profit de Monsieur Gilles X... et, au titre de la réparation de leur préjudice moral, à chacun la somme de 150.000 €,

- les condamner sous la même solidarité à leur payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 16 mars 2006, le Tribunal de Grande Instance de MONT DE MARSAN a débouté Messieurs Gilles et Damien X... de leur demande et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration du 10 mai 2006, Gilles et Damien X... ont interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions du 28 mars 2007, Gilles et Damien X... réitèrent leurs demandes initiales.

Suivant conclusions du 23 août 2007, la société ASSURANCES GENERALES DE FRANCE C... et Maître Y... demandent à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts et leur demande au titre des frais irrépétibles et de condamner in solidum Gilles et Damien X... à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ainsi que celle de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A défaut, ils sollicitent le sursis à statuer jusqu'à communication des pièces pénales égarées sur la demande faite par le mandataire ad litem de Maître Y....

Le Ministère Public, à qui la procédure a été communiquée, a visé celle-ci le 10 mai 2007 et s'en rapporte à la décision de la Cour.

L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 4 décembre 2007.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu que les premiers juges ont considéré, aux motifs de leur décision, que Gilles et Damien X... n'établissaient pas l'existence d'une obligation précise ni les conditions de cette obligation à laquelle aurait été tenu Maître Y... envers eux dans la rédaction des actes critiqués, relevant qu'ils indiquaient eux-mêmes que celui-ci était intervenu par ses conseils à titre gratuit, amical et familial à plusieurs reprises envers sa famille et envers eux dans les démarches pour la participation du groupe B... dans la société HUMULAND et estimant qu'il était, de ce fait, difficile de parler d'un mandat précis donné par Gilles et Damien X... à Maître Y... et de pouvoir déterminer où l'avocat n'avait pas rempli son mandat envers eux, qu'ils ont en définitive retenu que même si déontologiquement, l'intervention de Maître Y..., à la fois conseil de la société HUMULAND, de Gilles et de Damien X... et représentant de son épouse, pouvait être critiquable, cela ne concernait pas ses relations contractuelles avec Gilles et Damien X..., parfaitement informés des liens familiaux unissant Maître Y... à la famille MENAUT ;

Attendu qu'exposant que Maître Y..., qui était leur conseil depuis de nombreuses années, est toujours intervenu dans le cadre d'un mandat tacite, qu'il était titulaire d'un mandat ad litem général et qu'en sa qualité de rédacteur d'actes, il avait également à sa charge une obligation spécifique de diligence et de conseil, les appelants soutiennent que c'est parce qu'il n'a pas assuré la sécurité du montage juridique et financier qu'il avait lui-même imaginé et mis en oeuvre qu'ils sont aujourd'hui ruinés par l'effet de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société HUMULAND et par l'obligation dans laquelle ils se sont trouvés de payer seuls le solde des emprunts souscrits pour l'acquisition des 2.700 actions auprès de Maître D... au mois de février 1998 ;

Attendu qu'observant que la société HUMULAND se trouvait en état de cessation de paiement alors que Gilles et Damien X... venaient de souscrire un emprunt cautionné par Antoine MENAUT pour l'achat des titres HUMULAND et que toutes les parties étaient parfaitement conscientes que l'entrée du groupe B... n'était qu'une tentative désespérée pour ne pas tout perdre, Maître Y... et la société AGF soutiennent, quant à eux, que la responsabilité civile professionnelle de Maître Y... n'est pas engagée ; qu'ils font notamment valoir que l'efficacité du montage juridique et financier que celui-ci a contribué à mettre en place ne souffre aucune discussion et n'a d'ailleurs jamais été invalidé et que Gilles et Damien X... ne peuvent utilement revendiquer, dans le cadre de leur action en responsabilité civile professionnelle, la nullité, pour diverses raisons comme l'absence de contrepartie ou la fraude, d'actes passés entre eux et certains de leurs associés, débiteurs principaux qui n'ont jamais été actionnés et ne sont pas dans la cause, l'action en responsabilité civile professionnelle de l'avocat étant une action indemnitaire qui oblige les frères Gilles et Damien X... à faire la démonstration d'avoir perdu, par la faute de Maître Y..., leurs droits ou la possibilité de les exercer à l'encontre de leurs débiteurs principaux, ce dernier n'étant pas débiteur d'une obligation principale ; qu'ils notent qu'une procédure pénale est en cours contre Thierry X... et Raoul DE CARTIER, renvoyés devant le Tribunal Correctionnel des chefs d'abus de bien social et de recel d'abus de bien social, qu'ils affirment être les seuls véritables responsables de la ruine de la société HUMULAND et conséquemment, de ses associés ;

Attendu que le rachat des participations détenues par la société INVESTLAND s'inscrit dans le contexte de la discorde familiale précédemment consommée avec les licenciements successifs de Gilles et de Damien X... par leur frère Thierry ; que Gilles et Damien X... ont participé à l'expertise judiciaire confiée à Madame E... dont le rapport est du 11 septembre 1996 ; que cet expert s'est dit surpris par les anomalies constatées, entachant la valeur des situations et ne donnant pas une image fidèle des comptes des sociétés du groupe HUMULAND, et s'est étonné de constater que les résultats annoncés étaient bien meilleurs que les résultats véritables ; que Gilles et Damien X... semblaient alors surtout reprocher à leur frère d'avoir créé des sociétés satellites à leur détriment et que Maître Y... reprochait lui-même à Thierry X... d'avoir agi au détriment de ses frères, soulignant que les intérêts de ces derniers avaient été lésés puisque la composition des sociétés "fusibles" était organisée de façon à ce que les actionnaires minoritaires soient évincés ;

Attendu que Gilles et Damien X... n'ignoraient donc rien de la fragilité de la société du fait de sa gestion, que l'acquisition des participations de la société INVESTLAND répondait clairement à leur volonté de prendre la majorité au sein de la société HUMULAND et que c'est ainsi qu'ils ont chargé Maître Y... d'adresser leur offre d'achat à Maître D..., ce qui a permis, le 6 mai 1998, à Gilles X... d'accéder à la présidence du conseil d'administration tandis que Damien X... devenait directeur général au côté d'Antoine MENAUT ;

Attendu qu'il est exposé, en préambule du protocole d'accord du 23 juin 1998 ayant abouti à la cession au groupe B... de 5.350 des 10.695 actions détenues ensemble par Gilles et Damien F... et des 17.500 actions constituant le capital de la société HUMULAND, que par suite de diverses opérations de gestion faites par l'ancienne direction, la société HUMULAND a connu diverses difficultés qui ont eu pour conséquence de destabiliser sa situation financière, que d'autre part, et toujours par suite de la politique menée par l'ancienne direction, elle avait été amenée à solliciter le concours des banques habituelles, lesquelles n'avaient accepté de maintenir leurs concours que dans le cadre d'un protocole intervenu sous l'égide d'un mandataire ad hoc désigné par le Tribunal de Commerce en juillet 1997, que ce protocole étant arrivé à expiration le 30 mai 1998, les banques ont notifié à la société leur décision de ne pas renouveler leur concours à la date d'expiration et qu'à ce jour, celle-ci se trouve donc dans une situation de cessation des paiements puisqu'elle ne bénéficie d'aucun concours bancaire et qu'elle n'est pas à même de faire face aux échéances ;

Attendu que le transfert des 5.350 actions au "groupe B... était, dans ces circonstances, la contrepartie de l'engagement de ce dernier, afin de permettre à la société HUMULAND de poursuivre son activité, de fournir aux banques qui accepteraient d'être les partenaires de la société la caution nécessaire pour garantir les lignes d'escompte, découverts bancaires ou tout autre financement des besoins de trésorerie à court terme, dans la limite de 4.000.000 de francs, le groupe B... s'engageant, en outre, en fonction des exigences des organismes bancaires partenaires, à faire à la société un apport de trésorerie de 2.000.000 de francs ; que le "groupe X..." s'engageait, d'autre part, à ce que le capital de la société HUMULAND soit réparti pour moitié entre les deux groupes, étant précisé que toute opération affectant les actions détenues par les autres actionnaires devrait être faite de telle sorte que la répartition du capital respecte cette règle ;

Attendu, certes, que le protocole du 3 juillet 1998 portant cession au groupe B..., pour le franc symbolique de 1 franc par action, de 4.462 actions par Damien X... et de 4.463 actions par Gilles X..., soit 51 % du capital de la société, revenait sur la règle d'égalité entre les deux groupes affirmé dix jours plus tôt, étant exposé en préambule de ce nouvel accord que toutes les banques sollicitées ont refusé de travailler avec la nouvelle majorité composée par le groupe X... et ce compte tenu, d'une part, de la situation des comptes laissés par la précédente direction assumée par Thierry X..., d'autre part, de la situation des comptes des sociétés filiales de la société HUMULAND et, enfin, de l'absence de garanties suffisantes offertes par le groupe X... ; qu'il y est précisé que devant le refus général des banques de travailler avec la nouvelle majorité, les membres du groupe B... ont accepté d'engager leur patrimoine pour offrir des garanties aux banques ; que Damien X... devait déclarer lors de son audition du 28 septembre 1999 : "Après discussions, nous nous sommes mis d'accord avec Gilles et les frères et soeur B... pour mettre en place la procédure selon les exigences des banques" ;

Attendu, en effet, que lors de leur audition par les services de police les 28 septembre et 9 novembre 1999, Gilles et Damien X... ont expliqué l'un et l'autre que s'ils avaient "officiellement" agi ainsi, ils avait été établi, en accord avec la famille MENAUT, des ordres de mouvement non datés ramenant à égalité, soit 30,5 %, la part de capital détenue par le groupe B..., d'une part, et par eux-mêmes, d'autre part ;

Attendu que non seulement, le transfert contenu dans le protocole "officiel" du 3 juillet 1998 n'était pas sans contrepartie puisque la famille MENAUT acceptait d'engager son patrimoine pour offrir aux banques des garanties que les frères X... étaient incapables d'apporter mais qu'en outre, ces derniers étaient en possession d'ordres de mouvement signés, rétablissant l'équilibre entre les deux groupes familiaux et qu'il leur appartiendrait de faire valoir le moment venu, étant observé que ceux-ci n'étaient pas nuls faute d'indication du prix, comme prétendu, puisque s'agissant de simples titres de transfert ;

Attendu que Damien X... a également déclaré lors de son audition qu'à aucun moment, Maître Y... n'avait essayé de le contraindre à céder une partie de ses actions afin que la famille MENAUT devienne majoritaire, alors qu'il apparaît que les frères X... avaient été contactés par deux autres groupes (RULLIER et MAQUINE) dont ils avaient décliné les offres car ils se retrouvaient exclus de la société ;

Attendu que le commissaire aux comptes de la société HUMULAND avait déclenché la procédure d'alerte le 3 avril 1998 dans sa première phase, le 11 mai 1998 dans sa deuxième phase et le 19 mai 1998 dans sa troisième phase, la nouvelle majorité d'actionnaires ne parvenant pas à concrétiser le "pool bancaire" qui devait permettre de couvrir les échéances à très court terme et de prendre la suite des financements échus sous l'égide du Tribunal de Commerce ; que par la suite, ce pool bancaire avait pu être constitué suite aux engagements pris par le groupe B... ; que le 27 septembre 2000, l'assemblée générale décidait d'affecter le bénéfice de 972.910 F de l'exercice à l'apurement partiel des pertes antérieures ; que lors du conseil d'administration du 30 octobre 2001, il était décidé, la société ayant renoué avec une situation bénéficiaire, de procéder au remboursement des échéances des comptes courants des membres de la famille MENAUT échues au titre des trois années écoulées, à raison du règlement de 50.000 F sur chacun des mois de janvier à juin 2002 ; que cette résolution était votée par Gilles et Damien X..., Maître Y... faisant valoir à cet égard que ces derniers étaient également titulaires de comptes courants dont ils ont obtenu le remboursement au début de l'année 2002 ; que le 19 décembre 2001, une proposition de réduction du capital social de 1.067.143 € à 152.450 € puis à 118.990,61 € afin d'amortir les pertes antérieures était par ailleurs repoussée, faute d'obtention de la majorité des 2/3 des voix ; que lors du conseil d'administration du 22 mai 2002, le président Antoine MENAUT faisait état, avant établissement définitif des comptes, d'une perte de 1.800.000 francs (soit 274.408,23 €) ainsi que d'un effondrement de la marge brute, passée de 45,20 % l'année précédente à 39 % ; que c'est dans ces circonstances que le dépôt de bilan apparaissait inévitable ;

Attendu qu'il apparaît que Maître Y... était le conseil de Gilles et Damien X... lors de l'acquisition par ces derniers des participations de la société INVESTLAND au mois de janvier 1998 et que, par ailleurs, il représentait son épouse Sophie MENAUT lors de la conclusion des protocoles d'accord successifs des 23 juin et 3 juillet 1998 à l'issue desquels le groupe B... est devenu majoritaire au sein de la société HUMULAND ;

Attendu que l'intervention de Maître Y... pour l'acquisition des participations de la société INVESTLAND s'est avérée efficace, le résultat recherché par Gilles et Damien X..., qui était de prendre le contrôle de la société HUMULAND, ayant été atteint ; que les frères X... étaient alors parfaitement informés du contexte social et économique de cette opération et à même de mesurer la portée et les risques de leur engagement ; que le caractère limité de la mission alors confiée à Maître Y... ressort notamment de la déposition de Damien X... le 28 septembre 1999: "lorsque Gilles et moi-même avons décidé d'acheter les actions d'INVESTLAND et compte tenu du manque de fonds, nous nous sommes rapprochés de Monsieur Antoine MENAUT que nous connaissions depuis de nombreuses années. Il a fallu batailler pour avoir son accord pour la caution exigée par les banques... Tout cela s'est passé entre Gilles, Antoine MENAUT, moi-même et les banques. Nous avons demandé conseil à Monsieur G..., alors comptable indépendant, que nous connaissions comme un ami... A cette époque là, Maître Y... était déjà notre avocat, à Gilles et moi, pour nous représenter aux Prud'hommes contre la société HUMULAND, suite à nos licenciements. Il n'est pas intervenu dans les négociations menées avec les banques pour le rachat des actions INVESTLAND, en revanche nous lui avons demandé conseil pour la procédure à suivre devant le Tribunal de Commerce d'AGEN pour l'acquisition de ces actions" ; qu'il n'apparaît nullement que Maître Y... ait, dans ces circonstances, failli dans l'exécution de son mandat ;

Attendu, par ailleurs, que les relations entre les frères X... et la famille MENAUT préexistaient largement aux accords successifs de juin et juillet 1998 et étaient habituelles ; qu'à propos des besoins en trésorerie auxquels la nouvelle direction s'est trouvée confrontée, Gilles X... expliquait : "Ainsi nous nous sommes une fois de plus tournés vers Monsieur MENAUT Antoine qui, avec le concours de sa soeur (Madame Y...) et de son frère Dominique, a accepté d'apporter 2 MF en compte courant HUMULAND et la caution solidaire pour le crédit de campagne... Ainsi mon frère Damien et moi-même avons accepté de vendre pour le franc symbolique 51 % des actions à la famille MENAUT..." ; qu'en ce qui concerne Maître Y..., il précisait : "Effectivement, il lui arrive d'intervenir pour défendre les intérêts de sa femme qui n'est jamais présente à HUMULAND. Ceci dit, il n'a jamais eu de rôle de direction dans HUMULAND, ce qui déplairait tant à B... qu'à mon frère et moi-même" ; que Damien X... déclarait quant à lui : "Maître Y... est officiellement le Conseiller juridique d'HUMULAND depuis mai 1998 et à ce titre il perçoit des honoraires. En revanche il est intervenu par ses conseils à titre gratuit, amical et familial à plusieurs reprises tant auprès de sa famille qu'auprès de mon frère et moi-même, dans les démarches entreprises pour la prise de participation du Groupe B... chez HUMULAND, d'autant qu'il représente les intérêts de sa femme... Comme je vous l'ai déjà dit, Maître Y... perçoit des honoraires d'HUMULAND en sa qualité de conseil pour des actes réellement faits. Il a débuté en mai 98 lors de l'arrivée de Gilles comme PDG... Si dans le cadre de son activité, Maître Y... assiste à diverses réunions à HUMULAND comme Conseil d'Administration, assemblées générales, réunions d'information... il participe généralement comme conseil juridique et non comme gestionnaire de la société. Cependant, comme il représente les intérêts de sa femme qui ne vient jamais aux réunions, il lui arrive de donner son avis notamment dans les réunions d'information. Au Conseil d'administration, il se contente de rédiger le procès-verbal. Lorsque j'ai eu besoin des services de Maître Y... en sa qualité de Conseil, j'ai réglé personnellement les factures présentées. Cela remonte à 1997, je crois..." ;

Attendu qu'en admettant que Maître Y... ait pu être, tour à tour ou simultanément, le conseil des frères X..., celui de la société HUMULAND et le représentant de son épouse, Gilles et Damien X... n'ont jamais ignoré les différents titres auxquels il était susceptible d'intervenir et ont toujours été à même, pour ce qui les concerne, de discerner s'il intervenait dans le cadre d'un mandat qu'ils lui avaient confié ou à un autre titre n'engageant pas sa responsabilité professionnelle à leur égard ;

Attendu, en tout cas, que si Maître Y... ne conteste pas avoir rédigé les conventions du 23 juin et du 3 juillet 1998, il est établi qu'il était alors le conseil de la société HUMULAND, tandis que Gilles et Damien X... ne démontrent pas lui avoir personnellement confié un mandat quelconque postérieurement à l'acquisition des participations de la société INVESTLAND ; que pas davantage, n'est établie l'existence d'un manquement contractuel de Maître Y... dans la rédaction de ces conventions, dont ils auraient été les victimes, la rupture de l'égalité initialement voulue entre les deux groupes familiaux ayant été la conséquence inévitable des exigences des banques et n'apparaissant pas imputable à Maître Y... ;

Attendu que le dépôt de bilan de la société HUMULAND n'apparaît pas consécutive à une absence de pérennisation des engagements financiers de la famille MENAUT mais à un revers de la situation économique de ladite société traduit en termes de marge brute et à un refus de la restructuration du capital proposée par Antoine MENAUT pour solder les pertes antérieures, ce dont Maître Y... n'apparaît en rien responsable ;

Attendu qu'au vu des éléments d'appréciation fournis, la responsabilité de Maître Y... n'apparaît engagée à aucun titre, d'où la confirmation du jugement qui a débouté les frères X... de leurs demandes ;

Attendu, selon les intimés, que l'action de Gilles et Damien X..., pourtant parfaitement avertis par les premiers juges, présenterait un caractère abusif et vexatoire ; que néanmoins, le Tribunal a retenu, à juste titre, que le fait d'ester en justice n'était pas en soi constitutif d'un abus de droit, ce à quoi la Cour ajoutera que ne constitue pas davantage un tel abus l'usage des voies de recours légalement prévues ; que l'abus de droit invoqué apparaissant insuffisamment caractérisé, le jugement entrepris sera également confirmé sur la demande reconventionnelle et les intimés seront déboutés du surplus de leurs demandes ;

Attendu que les frères X... seront condamnés aux dépens d'appel et que si les frais non taxables de première instance resteront à la charge des parties qui les ont exposés, il est équitable d'allouer à Maître Y... et à la société AGF IART, au titre des frais non taxables exposés devant la Cour, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Dit Messieurs Gilles et Damien X... recevables mais mal fondés en leur appel ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Déboute Messieurs Gilles et Damien X... du surplus de leurs demandes et Maître Y... et la société ASSURANCES GENERALES DE FRANCE C... de leur nouvelle demande en dommages et intérêts ;

Condamne Messieurs Gilles et Damien X... aux dépens d'appel ainsi qu'à payer in solidum à Maître Y... et à la société ASSURANCES GENERALES DE FRANCE C... la somme de deux mille euros (2.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Accorde à la SCP MARBOT - CREPIN, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code.

LE GREFFIER EN CHEF, LE PRESIDENT,

Claudie PUJAU Roger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 1493
Date de la décision : 31/03/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Caractérisation - Applications diverses - // JDF

Il y a absence de faute professionnelle de la part de l'avocat dans la mesure où les demandeurs n'ont jamais ignoré les différents titres auxquels il était susceptible d'intervenir et ont toujours été à même de discerner le cadre de ses missions, où aucune faute n'est démontrée dans la rédaction des conventions litigieuses et de plus le dépôt de bilan de la société est consécutif à un revers économique


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, 16 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-03-31;1493 ?
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