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07/03/2008 | FRANCE | N°94

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0002, 07 mars 2008, 94


No 94 / 2008

ARRÊT DU 7 MARS 2008

AZ... Joseba

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre de l'Instruction

Arrêt prononcé en audience publique le 7 MARS 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC

D'UNE PART

-AZ... Joseba, né le 8 Mai 1977 à LESAKA (Espagne), de nationalité espagnole, sans domicile connu en France

Sous écrou depuis le 20 Février 2008 à la Maison d'Arrêt de TOULOUSE-SEYSSES à la suite du procès

-verbal de notification des mandats d'arrêt européens émis à son encontre le 15 Janvier 2008 et le 18 Février 2008

COMPARANT...

No 94 / 2008

ARRÊT DU 7 MARS 2008

AZ... Joseba

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre de l'Instruction

Arrêt prononcé en audience publique le 7 MARS 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC

D'UNE PART

-AZ... Joseba, né le 8 Mai 1977 à LESAKA (Espagne), de nationalité espagnole, sans domicile connu en France

Sous écrou depuis le 20 Février 2008 à la Maison d'Arrêt de TOULOUSE-SEYSSES à la suite du procès-verbal de notification des mandats d'arrêt européens émis à son encontre le 15 Janvier 2008 et le 18 Février 2008

COMPARANT-assisté de Madame X..., interprète en langue espagnole inscrite sur la liste des experts de la Cour d'Appel de PAU

D'AUTRE PART

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats en audience publique le 29 FÉVRIER 2008 :

Monsieur TREILLES, Président

Monsieur PETRIAT, Conseiller

Monsieur BILLAUD, Conseiller

* tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale.

Madame GAILHANOU, Greffière lors des débats,

* Arrêt prononcé lors du délibéré à l'audience publique du 07 Mars 2008
par Monsieur TREILLES, président conformément aux dispositions de l'article 199 al. 5 du Code de Procédure Pénale.

Madame A..., faisant fonction de Greffière lors du prononcé de l'arrêt,

Monsieur B..., Substitut Général lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

* * * *

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Vu les mandats d'arrêt européens émis le 15 Janvier 2008 et le 18 Février 2008 par les autorités judiciaires espagnoles,

Vu les articles 695-29 à 695-36 du Code de Procédure Pénale,

Vu les réquisitions écrites et signées le 20 Février 2008 par Monsieur B..., Substitut Général,

Vu l'avis donné le 20 Février 2008 à Joseba AZ... et à Maître MOLINA C..., son conseil, de ce que l'affaire serait appelée à l'audience publique de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de PAU du 26 Février 2008.

Vu l'arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 26 Février 2008 ordonnant le renvoi de l'examen au fond de l'affaire à l'audience du 29 février 2008 à 9 heures.

Un mémoire a été déposé par Maître MOLINA C..., conseil de Joseba AZ..., le 28 Février 2008 à 15 heures 40, au greffe de la Chambre de l'Instruction, visé par le greffier.

* * * *

A l'audience publique du 29 Février 2008 le Président a constaté l'identité de Joseba AZ..., recueilli ses déclarations avec l'assistance de Madame X..., interprète en langue espagnole, et un procès-verbal a été dressé, qu'il a refusé de signer.

Ont été entendus :

Monsieur le Président TREILLES en son rapport.

Joseba AZ... en ses déclarations avec l'assistance de Madame X..., interprète.

Monsieur B..., Substitut Général, en ses réquisitions.

Maître MOLINA C..., Avocat à BAYONNE, en sa plaidoirie pour Joseba AZ....

Joseba AZ... a eu la parole en dernier avec l'assistance de Madame X..., interprète.

* * * *

AU FOND

La procédure :

Suivant un arrêt du 26 février 2008- auquel il convient de se référer en ce qui concerne la procédure-la Chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de céans a ordonné le renvoi de l'examen au fond de l'affaire à l'audience du 29 février 2008.

Par des réquisitions écrites du 20 février 2008 soutenues à l'audience, Monsieur le Procureur Général sollicite la remise de Joseba AZ... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution des mandats d'arrêt européens délivrés à son encontre les 18 février 2008 et 15 janvier 2008.

Aux termes d'un mémoire déposé le 28 février 2008 repris à l'audience, Joseba AZ..., soutenant que sa mise en cause résulte des déclarations obtenues sous la torture de Mattin D...E...et que, par ailleurs, il était en voyage au Venezuela lors de l'attentat de l'aéroport de MADRID-BARAJAS, sollicite le rejet de l'exécution des mandats d'arrêt européens décernés à son encontre par les autorités judiciaires espagnoles.

A l'audience, la défense de Joseba AZ... a, de manière subsidiaire, sollicité un complément d'information afin de vérifier l'existence d'actes de tortures et de déterminer le lien existant entre les déclarations ainsi faites et son implication dans la commission des faits reprochés.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des procédures connexes concernant Joseba AZ... enregistrées sous les numéros : 2008 / 00058 et 2008 / 00059.

A l'audience, Joseba AZ... n'a pas consenti à sa remise aux autorités judiciaires espagnoles et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité.

Les motifs :

Attendu que l'article 1 § 3 de la décision cadre du conseil de l'union européenne du 13 juin 2002 prévoit notamment que l'exécution du mandat d'arrêt européen ne peut " avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité de l'union européenne " et en particulier " les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire " ;

Que par ailleurs l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France, énonce :

" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

Qu'au surplus l'article 15 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies à NEW YORK le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur en France le 27 mai 1987 dispose que :

" Tout Etat veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure " ;

Que ces conventions internationales ratifiées par la France ont en droit français une autorité supérieure à la loi ;

Qu'il résulte des textes susvisés que nonobstant le principe affirmé de confiance mutuelle qui doit présider aux relations entre les Etats membres de l'union européenne, il appartient aux juridictions de l'Etat requis pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen de veiller au respect par l'Etat requérant de ces principes juridiques fondamentaux relatifs aux droits de l'homme et aux libertés individuelles ;

Attendu en l'espèce, que Joseba AZ... affirme que sa mise en cause dans la perpétration de l'attentat de l'aéroport de MADRID-BARAJAS résulte de déclarations obtenues par la torture de Igor F...G...et de Mattin D...E...;

Qu'il lui appartient donc d'établir, d'une part, la réalité des actes de torture par lui dénoncés et de démontrer, d'autre part, non seulement l'existence de déclarations le mettant en cause mais aussi la prise en considération desdites déclarations par les autorités judiciaires espagnoles comme un élément de preuve de son implication dans les faits visés par le mandat d'arrêt européen ;

Attendu que c'est par de simples affirmations non étayées par le moindre commencement de preuve que Joseba AZ... soutient que Igor F...G...et Mattin D...E...ont fait des déclarations l'impliquant dans les faits visés au mandat d'arrêt européen ;

Qu'au surplus, aucune pièce du dossier ne permet de dire que les accusations ainsi alléguées constituent un des éléments de preuve retenu par les autorités judiciaires espagnoles pour justifier leur demande de remise de l'intéressé ;

Attendu, par ailleurs, que la convention des Nations Unies à NEW YORK exige explicitement des actes de torture dûment établis et non simplement allégués ; qu'en l'espèce en dépit des éléments fournis par la défense-plainte des gardés à vue, éléments médicaux-les actes de torture ne peuvent être considérés comme avérés ; que d'ailleurs une information judiciaire est actuellement diligentée en Espagne afin de vérifier la véracité des plaintes déposées par les intéressés et la pertinence des éléments médicaux par eux produits ;

Qu'à ce stade de la procédure ouverte en Espagne, il serait aujourd'hui prématuré de tenir pour avérés les actes de torture dénoncés ;

Attendu, de surcroît, qu'il n'appartient pas à la Chambre de l'instruction de connaître et d'examiner les charges retenues par l'autorité requérante ni d'en apprécier la valeur ;

Que dès lors il n'y a pas lieu d'ordonner un supplément d'information dans le but d'enjoindre l'autorité requérante de produire les éléments permettant d'imputer à Joseba AZ... les faits visés aux mandats d'arrêt européens ;

Attendu que la Chambre de l'instruction n'a pas le pouvoir non plus d'apprécier les moyens de preuve et les éléments produits par la personne faisant l'objet du mandat d'arrêt européen visant à contester son implication dans la commission des faits reprochés ; qu'il appartiendra le cas échéant aux autorités judiciaires espagnoles, seules habilitées à se prononcer sur la culpabilité, d'apprécier les moyens en défense présentés par Joseba AZ... ;

Attendu que les faits visés aux mandats constituent des infractions au regard de la loi française ; que la Chambre de l'instruction n'a pas à procéder au contrôle de la double incrimination dès lors qu'ils relèvent également de plusieurs catégories d'incriminations visées à l'article 695-23 alinéa 2 du code de procédure pénale ;

Que les faits poursuivis sont punis d'une peine égale ou supérieure à un an d'emprisonnement dans la législation de l'Etat requérant, en l'espèce 30 ans pour les faits visés dans les deux mandats ;

Que les mandats d'arrêt européens contiennent les mentions prévues par l'article 695-13 du code de procédure pénale ;

Qu'il n'existe aucun motif de refus au sens des dispositions des articles 695-22 à 695-24 du code susvisé ;

Attendu que Joseba AZ... n'a pas renoncé à la règle de la spécialité et n'a pas consenti à sa remise aux autorités judiciaires espagnoles ;

Attendu cependant que la procédure est régulière en la forme ; qu'aucun motif de droit ne fait obstacle à sa remise ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de mise à exécution des deux mandats d'arrêt européens.

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE PAU,

Vu les articles 695-11 et suivants du code de procédure pénale,

En la forme :

Ordonne la jonction des procédures no 2008 / 00058 et 2008 / 00059.

Dit que les procédures sont régulières en la forme.

Au fond :

Constate que Joseba AZ... ne consent pas à être remis aux autorités judiciaires requérantes et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité.

Rejette les moyens en défense présentés par Joseba AZ....

Dit n'y avoir lieu à supplément d'information.

Ordonne en conséquence sa remise aux autorités judiciaires espagnoles en exécution des mandats d'arrêt européens délivrés contre lui :

- le 18 février 2008 par Monsieur H...PEDRAZ I..., magistrat juge au tribunal central d'instruction no1 de l'audience nationale à MADRID, pour l'exercice de poursuites pénales relatives à des faits de terrorisme et assassinats terroristes présumés commis à MADRID (Espagne) au mois de décembre 2006 ;

- le 15 janvier 2008 par Monsieur Fernando J...K...I..., magistrat juge au tribunal central d'instruction no6 de l'audience nationale à MADRID, pour l'exercice de poursuites pénales relatives à des faits d'appartenance à une organisation terroriste, détention d'armes et de substances explosives à des fins terroristes, conspiration pour commettre un délit de ravages terroristes, faits présumés commis en différents points du territoire espagnol courant 2002 à courant 2006.

Ordonne que le présent arrêt soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

M. DEU M. TREILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0002
Numéro d'arrêt : 94
Date de la décision : 07/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-03-07;94 ?
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