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12/02/2008 | FRANCE | N°34

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0002, 12 février 2008, 34


N 34 /2008

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2008

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre de l'Instruction

Arrêt prononcé en audience publique le 12 FEVRIER 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC -

D'UNE PART

ET : X... Y... Maria Jesus, née le 24 Septembre 1955 à PAMPELUNE (Espagne), de nationalité espagnole, domiciliée Eguzki Etxea à SAINT MARTIN D'ARROSSA (64780)

Placée sous écrou extraditionnel à la Maison d'Arrêt

de PAU le 27 Novembre 2007 et mise en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la Chambre de l'instruction en date d...

N 34 /2008

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2008

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre de l'Instruction

Arrêt prononcé en audience publique le 12 FEVRIER 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC -

D'UNE PART

ET : X... Y... Maria Jesus, née le 24 Septembre 1955 à PAMPELUNE (Espagne), de nationalité espagnole, domiciliée Eguzki Etxea à SAINT MARTIN D'ARROSSA (64780)

Placée sous écrou extraditionnel à la Maison d'Arrêt de PAU le 27 Novembre 2007 et mise en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 18 Décembre 2007

COMPARANTE

D'AUTRE PART

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, en audience publique, le 15 JANVIER 2008 et du délibéré :

Monsieur TREILLES, Président

Madame PONS, Conseiller

Monsieur BILLAUD, Conseiller

* tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale.

Madame GAILHANOU, Greffière lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

Monsieur BOIRON, Substitut Général lors des débats,

Monsieur FAISANDIER, Substitut Général lors du prononcé de l'arrêt.

* * * *

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Vu les demandes d'extradition émanant du Gouvernement espagnol concernant Maria Jesus X... Y... ;

Vu la Convention Européenne d'Extradition du 13 Décembre 1957 ;

Vu la Convention du 27 Septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne ;

Vu les articles 696-1 et suivants du code de procédure pénale :

Vu les réquisitions écrites et signées le 14 Décembre 2007 par Monsieur FAISANDIER, Substitut Général ;

Vu l'avis donné le 19 Décembre 2007 à Maria Jesus X... Y... et à son conseil Maître C... de ce que l'affaire serait appelée à l'audience publique de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de PAU, le 15 Janvier 2008 à 9 heures ;

Un mémoire a été déposé par Maître D..., conseil de Maria Jesus X... Y..., le 14 Janvier 2008 à 17 heures 15, au greffe de la Chambre de l'Instruction, visé par le greffier.

* * * *

A l'audience publique du 15 Janvier 2008 ont été entendus :

Madame le Conseiller PONS , en son rapport.

Maria Jesus X... Y... en ses explications.

Monsieur BOIRON, Substitut Général, en ses réquisitions.

Maître D..., Avocat à BAYONNE, en sa plaidoirie pour Maria Jesus X... Y....

Maria Jesus X... Y... a eu la parole en dernier.

* * * *

La procédure :

Le Ministère de la Justice français a été destinataire, le 22 mai et le 2 juin 2006, de deux demandes d'extradition émanant du gouvernement espagnol concernant Maria Jesus X... Y..., née le 24 septembre 1955 à PAMPELUNE (Espagne), qui faisait l'objet :

- d'un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement décerné le 20 mai 1986 par Monsieur Francisco E... F..., magistrat-juge au Tribunal central d'instruction no5, pour des faits d'assassinat frustré et d'attentat (procédure 82/85) commis le 7 mai 1985 à PAMPELUNE ;

- d'un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement décerné le 19 juin 1986 par Monsieur Ricardo G... H..., magistrat-juge au Tribunal central d'instruction no1 de l'Audience Nationale à MADRID, pour des faits, commis le 24 décembre 1985 à PAMPELUNE, d'assassinat par des membres intégrés en bandes armées et organisées (procédure 2/86).

Ces deux demandes ont été formulées pour être examinées conformément aux dispositions de la Convention établie sur la base de l'article K3 du traité de l'Union Européenne relatif à l'extradition entre Etats membres de l'Union Européenne fait à Dublin le 27 septembre 1996 et ratifié par la France le 1er juillet 2005.

Maria Jesus X... Y... a été placée sous écrou extraditionnel le 27 novembre 2007 et détenue à la maison d'arrêt de PAU.

Les pièces d'extradition lui ont été notifiées le 30 novembre 2007 au Parquet Général de PAU.

À l'audience publique du 4 décembre 2007, le Président de la Chambre de l'instruction a procédé à l'interrogatoire de Maria Jesus X... Y..., et un procès-verbal a été dressé constatant qu'elle reconnaissait que les deux décisions lui étaient applicables mais qu'elle s'opposait à son extradition et qu'elle ne renonçait pas à la règle de la spécialité.

La Chambre de l'instruction, par arrêt du 18 décembre 2007, a prononcé sa mise en liberté et l'a placée sous contrôle judiciaire.

A l'audience du 15 janvier 2008 le Ministère Public a demandé à la Cour de :

- donner un avis défavorable à la demande d'extradition de Maria Jesus X... Y... formulée par le gouvernement espagnol en ce qui concerne les faits d'attentat manqué contre un agent de l'autorité visés dans la procédure 82/1985 suivie devant le Tribunal central d'instruction no5 prescrits au regard du droit espagnol,

- donner pour le surplus un avis favorable à l'extradition.

Il expose que les faits qui fondent les demandes d'extradition ont été commis antérieurement au 1er novembre 1993 et que la France, Etat requis, a fait une déclaration conformément à l'article 32 de la décision cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen aux termes de laquelle elle n'applique pas la procédure de mandat d'arrêt européen dans ses relations avec les autres Etats membres de l'Union Européenne, pour des faits commis avant le 1er novembre 1993.

Il estime, dès lors, que la demande de remise est régie par les conventions internationales qui lient la France et l'Espagne :

- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957,

- la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977,

- la convention du 19 juin 1990 d'application des accords de Schengen,

- la convention du 27 septembre 1996 établie sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union Européenne, relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne (convention de Dublin).

Maria Jesus X... Y... a fait déposer un mémoire pour solliciter un avis défavorable à l'extradition et un complément d'information.

Elle soutient que :

- la convention de Dublin du 27 décembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne sur laquelle se fondent les demandes d'extradition n'est pas applicable en l'espèce, l'Espagne n'ayant pas accompli conformément aux dispositions de l'article 31 § 2 et de l'article 32 de la décision cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, les diligences nécessaires, au moment de l'introduction des dispositions relatives au mandat d'arrêt européen, afin de maintenir en vigueur les autres conventions en matière d'extradition ;

- il ne peut être porté atteinte au principe de la non réouverture des prescriptions acquises. Or, lors de l'entrée en vigueur de la convention de Dublin le 1er juillet 2005, la prescription de l'action publique était acquise dans les deux procédures, objet des demandes d'extraditions.

Subsidiairement, elle estime que :

- selon les autorités espagnoles les éléments d'inculpation ont été obtenus lors des dépositions des dénommés I... et J... qui ont dénoncé avoir été victimes de mauvais traitements et de tortures. Dans ces conditions, le principe de la double incrimination ne permet pas de retenir à l'encontre de Maria Jesus X... Y... l'accusation formulée à son encontre sur les seules déclarations de ces deux personnes, sauf à demander aux autorités espagnoles les conditions dans lesquelles les déclarations de Maria Jesus X... Y... ont été faites ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas susceptibles d'être qualifiés en droit français ;

- l'extradition demandée constitue au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, une atteinte grave à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que les faits reprochés par les autorités espagnoles à Maria Jesus X... Y... sont les suivants :

- procédure 82/85 :

Membre du commando "NAFARROA" appartenant à l'organisation terroriste ETA, Maria Jesus X... Y... a, le 7 mai 1985, d'un commun accord avec les autres membres du groupe, Juan José I... K..., Mercedes L... M... et Juan Maria N... O..., conduit ceux-ci à bord de son véhicule personnel de son domicile jusqu'à la rue Monasterio de Fitero à PAMPELUNE où ils ont repéré le véhicule du lieutenant de la police nationale José P... Q... sous lequel I... a placé un engin explosif composé de 1,200 kg de dynamite "gomme 2" pendant que J... et N... surveillaient et que Maria Jesus X... Y... les attendait. Ils sont ensuite retournés au domicile de Maria Jesus X... Y..., rue de la Rioja. A l'aube, quand Monsieur P... a mis en marche son véhicule, l'engin a explosé. L'explosion a provoqué la destruction totale du véhicule et la mutilation du policier qui a perdu un bras et deux jambes.

- procédure 2/86 :

Après avoir à quatre reprises tenté d'attenter à la vie du Général Juan R... S..., des membres de l'organisation terroriste ETA militaire composant le commando NAFARROA, Juan José I... K..., Mercedes L... M... et Juan Maria N... O..., se sont le 24 décembre 1985 à PAMPELUNE rendus à bord d'un véhicule Renault 5 vers la Vuelta del Castillo où ils ont attendu l'arrivée du Général Juan R... S.... Ils lui ont tiré dessus et l'ont tué puis se sont dirigés vers la Plaza de los Fueros, Esquiroz et Variante, où ils ont abandonné leur véhicule pour monter à bord de celui de Maria Jesus X... Y... qui les attendait pour se rendre dans son appartement rue de la Rioja.

• Sur l'application de la convention de Dublin :

Attendu que l'article 31 de la convention-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres prévoit que celle-ci remplace, à partir du 1er janvier 2004, les différentes conventions internationales applicables en matière d'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne, notamment la Convention du 27 septembre 1996 dite Convention de Dublin ;

Que néanmoins, le paragraphe 2 de ce même article ouvre la possibilité pour les Etats membres de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux après l'entrée en vigueur de la décision-cadre, dans la mesure où ceux-ci permettent d'approfondir ou d'élargir les objectifs et le contenu de cette décision et contribuent à simplifier ou faciliter davantage les procédures de remise des personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen ;

Attendu que l'article 32 de la décision-cadre précise que les demandes d'extradition reçues avant le 1er janvier 2004 continueront d'être régies par les instruments existants dans le domaine de l'extradition et que les demandes reçues ultérieurement sont régies par les règles du mandat d'arrêt européen ;

Que toutefois, ce même article permet à chaque Etat membre de faire, au moment de l'adoption de la décision-cadre, une déclaration indiquant que lorsqu'il est Etat membre d'exécution, il continuera de traiter selon le système d'extradition applicable avant le 1er janvier 2004, les demandes relatives à des faits commis avant une date qu'il indique et qui ne peut être postérieure au 7 août 2002 ;

Attendu qu'en application de l'article 32 susvisé, la France a fait une déclaration selon laquelle, en tant qu'Etat d'exécution, elle continuerait à traiter selon le système de l'extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis, comme en l'espèce, avant le 1er novembre 1993 ;

Attendu qu'il s'évince des pièces du dossier que le gouvernement espagnol n'a dénoncé ni la convention européenne d'extradition du 13 septembre 1957, ni la Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ni la Convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les membres de l'Union Européenne ;

Attendu que la France, Etat requis ayant fait usage des dispositions de l'article 32 susvisé, c'est donc à bon droit que le gouvernement espagnol formule ces demandes d'extradition en se fondant sur la Convention établie sur la base de l'article K3 du traité de l'Union Européenne relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne, signée par la France le 27 septembre 1996 et entrée en vigueur le 1er juillet 2005 ;

Qu'il convient donc d'examiner les demandes d'extradition au regard des dispositions de cette Convention .

• Sur la double incrimination :

Attendu que Maria Jesus X... Y... prétend que le principe de la double incrimination ne permet pas de retenir les accusations formulées à son encontre, ces accusations reposant exclusivement sur les dépositions des dénommés I... et J... qui ont dénoncé ultérieurement avoir été victimes d'actes de mauvais traitements et d'actes de torture ;

Attendu qu'en matière d'extradition s'il appartient à la Chambre de l'instruction de vérifier et de contrôler que l'Etat requérant a fourni au soutien de sa demande les pièces exigées par les dispositions légales ou conventionnelles, en revanche, il ne lui appartient ni d'examiner le fond de la poursuite ni de se livrer à une appréciation des charges pesant sur l'étranger ;

Attendu que pas davantage il ne lui appartient de vérifier si les faits pour lesquels l'extradition est demandée ont reçu de la part des autorités de l'Etat requérant, une exacte qualification au regard de la loi pénale de cet Etat ;

Attendu qu'en l'espèce, il s'évince des pièces transmises par les autorités espagnoles que les charges retenues à l'encontre de Maria Jesus X... Y... résultent des déclarations faites par Mercedes J... M... et Juan José I... K... en présence de leur avocat, lors de leur arrestation et lors de leur comparution par la suite devant le tribunal ;

Attendu qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit au complément d'information sollicité ;

Attendu que l'article 2-1 de la convention de Dublin dispose que donnent lieu à extradition les faits punis par la loi de l'Etat membre requérant d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins douze mois ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins douze mois et par la loi de l'Etat membre requis d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins six mois ;

- Sur la demande fondée sur l'arrêt de mise en accusation du 20 mai 1986 (procédure 82/85) :

Attendu que les faits visés dans cette procédure sont qualifiés en droit espagnol de délit d'assassinat frustré selon les articles 3, 406, 1 et 4 du code pénal espagnol passible d'une peine d'emprisonnement majeur jusqu'à 30 ans et de délit d'attentat passible selon l'article 231 du code pénal en vigueur d'une peine de réclusion mineure jusqu'à six ans d'emprisonnement ;

Attendu que ces faits sont désormais constitutifs dans le code pénal en vigueur depuis le 25 mai 1996 publié par la loi organique du 23 novembre 1995, d'assassinat terroriste dans son degré de tentative prévu et réprimé par les articles 16, 62, 138, 139 et 572-1 1o et 2o, l'attentat étant devenu une circonstance aggravante de l'assassinat ;

Attendu que ces faits, en droit français, relèvent de la qualification de complicité de tentative d'assassinat prévue et réprimée au moment où ils ont été commis par les articles 2, 296 et 302 de l'ancien code pénal et aujourd'hui par les articles 121-4 et 121-3 du code pénal et sont passibles de la réclusion criminelle à perpétuité ;

- Sur la demande fondée sur l'arrêt de mise en accusation du 19 juin 1986 (procédure 2/86) :

Attendu que l'extradition est réclamée dans cette procédure afin de juger Maria Jesus X... Y... pour un délit d'assassinat commis par des membres intégrés en bandes armées et organisées prévu par l'article 406 du code pénal espagnol en vigueur au moment des faits et qualifié d'assassinat aggravé conformément aux articles 138, 139 et 572-1.2o et 2 du code pénal espagnol entré en application le 25 mai 1996 ;

Attendu que la peine encourue est la réclusion majeure de 30 ans d'emprisonnement ;

Attendu qu'au regard du droit français ces faits sont qualifiés de complicité d'assassinat, crime prévu et réprimé par les articles 296 et 302 de l'ancien code pénal et aujourd'hui par les articles 121-4 et 121-3 du code pénal, de la réclusion criminelle à perpétuité ;

Attendu que pour ces deux procédures est avérée l'identité d'incrimination entre les deux législations et le minimum de la peine encourue exigé par l'article 2-1 de la Convention de Dublin atteint ;

• Sur la prescription :

Attendu que les dispositions de l'article 8 paragraphe 1 de la Convention de Dublin aux termes desquelles l'extradition ne peut être refusée au motif qu'il y a prescription de l'action ou de la peine selon la législation de l'Etat membre requis se sont substituées à compter du 1er juillet 2005, date d'entrée en vigueur de la Convention de Dublin, aux dispositions de l'article 10 de la convention européenne d'extradition aux termes desquelles l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action publique est acquise d'après la législation soit de la partie requérante soit de la partie requise ;

Attendu que les conventions d'extradition sont des lois de procédure qui, sauf stipulation contraire, sont applicables immédiatement aux faits survenus avant leur entrée en vigueur, même si elles ont un effet défavorable sur les intérêts de l'individu réclamé ;

Qu'enfin, si avant l'intervention de la loi du 9 mars 2004, l'article 112-2,4o du code pénal excluait l'application immédiate des lois relatives à la prescription dans les cas où "elles auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé", cette restriction est désormais supprimée ;

Attendu que, dès lors, en application de l'article 8 de la Convention de Dublin, il n'y a pas lieu de vérifier si la prescription de l'action publique est acquise ou a été régulièrement interrompue au regard du droit français; qu'il convient, en revanche, d'effectuer une telle recherche au regard du droit espagnol ;

Attendu que l'article 113 du code pénal espagnol dans sa rédaction de 1973 en vigueur au moment des faits dispose que les crimes se prescrivent au bout de vingt ans lorsque la loi signalera la peine de réclusion majeure, au bout de quinze ans quand la loi signale pour le crime la peine de réclusion criminelle mineure, au bout de dix ans lorsqu'elle signalera une peine qui excède six ans ;

Attendu que ces règles ne sont pas modifiées dans l'article 131.1 du code pénal espagnol dans sa rédaction issue de la loi organique du 23 mars 1995 ;

Attendu que l'article 132.2 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 1995 dispose que la prescription sera interrompue lorsque la procédure sera dirigée contre le coupable et recommencera à compter dès lors que la procédure sera paralysée ou dès qu'elle sera terminée sans condamnation ;

- Sur la prescription des faits fondant l'arrêt de mise en accusation du 20 mai 1986 (procédure 82/85) :

Attendu que Maria Jesus X... Y... fait valoir que conformément à l'article 51 du code pénal de 1973 pour le délit frustré, la peine applicable sera la peine immédiatement inférieure en degré à celle que la loi signale comme le délit accompli ;

Qu'en vertu de l'article 77 du code pénal de 1973 la peine est donc de la réclusion mineure pour un délit frustré dont la prescription est de quinze ans en application de l'article 113 du code pénal ;

Que plus de quinze ans s'étant écoulés entre l'arrêt du 10 juillet 1986 et la demande d'extradition de 2006 les faits d'assassinat frustré et d'attentat sont prescrits ;

Attendu qu'il résulte d'un document de transmission de demande d'extradition au gouvernement espagnol daté du 31 janvier 2006 signé par Monsieur T..., magistrat-juge au tribunal d'instruction no5 de l'Audience Nationale, que la chronologie des infractions et des actes de la procédure espagnole est la suivante :

- 7 mai 1985 : tentative d'assassinat,

- 20 mai 1986 : arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement à l'encontre de Maria Jesus X... Y...,

- 10 juillet 1986 : arrêt décrétant la contumace de Maria Jesus X... Y... ;

Attendu qu'il résulte également des pièces produites que par pli daté du 20 mars 2001 adressé par l'Ambassade d'Espagne à PARIS au Ministère des Affaires Etrangères français, le gouvernement espagnol avait transmis au gouvernement français une première demande d'extradition de Maria Jesus X... Y... fondée sur la procédure 82/85 du tribunal central d'instruction no5 de l'Audience Nationale ;

Que cette demande avait été transmise le même jour par le Ministère des Affaires Etrangères au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;

Attendu que la demande d'extradition du 20 mars 2001, acte de procédure dirigée contre la personne recherchée, est bien constitutive d'un acte interruptif de prescription ;

Attendu qu'il s'est donc écoulé 14 ans 8 mois et 10 jours entre l'arrêt du 10 juillet 1986 et cette demande d'extradition ;

Attendu qu'en conséquence le crime d'attentat manqué contre un agent de l'autorité qui est passible en droit espagnol d'une peine de réclusion mineure jusqu'à 6 ans d'emprisonnement et dont le délai de prescription est de 10 ans est prescrit ;

Attendu que le crime d'assassinat est passible d'une peine d'emprisonnement jusqu'à 30 ans et se prescrit par 20 ans ;

Attendu que conformément à l'article 51 du code pénal de 1973 pour le délit frustré la peine applicable sera la peine immédiatement inférieure en degré à celle que la loi signale comme le délit accompli ;

Qu'en application de l'article 77 du code pénal de 1973 la peine est donc la réclusion mineure pour ce délit frustré qui se prescrit par quinze ans en application de l'article 113 du code pénal ;

Attendu que la demande d'extradition actuelle a été transmise le 22 mai 2006 par le Ministère de la Justice espagnole à la Chancellerie ;

Que le délai écoulé d'une part entre l'arrêt de contumace et la première demande d'extradition et d'autre part, entre les deux demandes d'extradition étant inférieur à 15 ans, ce délit d'assassinat frustré n'est pas prescrit ;

- Sur la prescription des faits fondant l'arrêt de mise en accusation du 19 juin 1986 (procédure 2/86) :

Attendu que dans une ordonnance du 17 mars 2006, Monsieur U... PEDRAZ V..., magistrat-juge du Tribunal central d'instruction no1 de l'Audience Nationale, fait droit à la requête du Ministère Public visant à proposer au gouvernement espagnol qu'il sollicite auprès du gouvernement français l'extradition de Maria Jesus X... Y... ;

Que cette décision fait ressortir la chronologie suivante des infractions et actes de procédure :

- 24 décembre 1985 : assassinat du Général Juan R... S... ;

- 19 juin 1986 : ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement à l'encontre de Maria Jesus X... Y... ;

- 15 octobre 1986 : ordonnance déclarant Maria Jesus X... Y... en état de contumace ;

Attendu que tant l'ordonnance en date du 17 mars 2006 que la demande d'extradition du 2 juin 2006 tendent à faire obtenir la remise de l'intéressée à la justice espagnole pour la faire juger en raison du crime qui lui est reproché dans la procédure 2/86 ;

Qu'ils constituent donc bien des actes de procédure dirigés contre la personne recherchée au sens de l'article 132.2 du code pénal espagnol et sont, dès lors, interruptifs de prescription ;

Attendu que moins de 20 ans se sont écoulés entre l'ordonnance de contumace du 15 octobre 1986 et l'ordonnance du 17 mars 2006 ;

Attendu en conséquence que les faits reprochés à Maria Jesus X... Y... dans la procédure 2/86 du tribunal d'instruction no1 ne sont pas prescrits au regard de la législation espagnole ;

• Sur l'atteinte grave au droit au respect de la vie privée et familiale :

Attendu que la mesure d'extradition trouve sa justification dans la nature même de la procédure qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement des personnes résidant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ;

Que l'allégation d'une atteinte contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est donc pas fondée ;

Attendu qu'enfin, Maria Jesus X... Y... ne démontre pas que sa remise est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle notamment en raison de son âge ou de son état de santé ;

Attendu que Maria Jesus X... Y... ne conteste ni sa nationalité, ni être la personne recherchée par les autorités judiciaires espagnoles ;

Attendu qu'en conséquence que la Chambre de l'instruction:

- donne un avis défavorable à la demande d'extradition pour les faits d'attentat manqué visés dans la procédure 82/85 suivie devant le tribunal central d'instruction no5 ;

- accueille pour le surplus la demande d'extradition formée par l'Etat espagnol.

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE PAU

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu les dispositions de la Convention établie sur la base de l'article K3 du traité de l'Union Européenne relatif à l'extradition entre Etats membres de l'Union Européenne faite à Dublin le 27 septembre 1996 et ratifiée par la France le 1er juillet 2005,

Donne un avis défavorable à la demande d'extradition du Gouvernement espagnol pour les faits d'attentat manqué visés dans la procédure 82/85 suivie devant le tribunal central d'instruction no5.

Donne un avis favorable à la demande d'extradition présentée par le Gouvernement espagnol de Maria Jesus ARRIAGA MARTINEZ, née le 24 septembre 1955 à PAMPELUNE (Espagne), pour l'exécution des pièces et mandats de justice ci-après :

- arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement décerné le 20 mai 1986 par Monsieur Francisco E... F..., magistrat-juge au Tribunal central d'instruction no5, pour des faits d'assassinat frustré (procédure 82/85) commis le 7 mai 1985 à PAMPELUNE ;

- arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement décerné le 19 juin 1986 par Monsieur Ricardo G... H..., magistrat-juge au Tribunal central d'instruction no1 de l'Audience Nationale à MADRID, pour des faits, commis le 24 décembre 1985 à PAMPELUNE, d'assassinat par des membres intégrés en bandes armées et organisées (procédure 2/86),

Dit qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général, le dossier sera envoyé à Madame le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, avec une expédition du présent arrêt.

Ordonne que le présent arrêt soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

M-C. GAILHANOU M. TREILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0002
Numéro d'arrêt : 34
Date de la décision : 12/02/2008

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 § 1 - Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance - Etranger - / JDF

L'article 8 de la CEDH ne peut pas être opposé à une procédure d'extradition


Références :

Convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union Européenne

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-02-12;34 ?
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