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20/12/2007 | FRANCE | N°4878

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre civile 2, 20 décembre 2007, 4878


PB/AM

Numéro 4878 /07

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 20 décembre 2007

Dossier : 06/00335

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

S.A. POTEZ AERONAUTIQUE

C/

SOCIETE MULTINATIONAL PRODUCTS ET SERVICES INC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2007, les parties en ayant été préalablemen

t avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

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APRES DÉBATS

à l'audience p...

PB/AM

Numéro 4878 /07

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 20 décembre 2007

Dossier : 06/00335

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

S.A. POTEZ AERONAUTIQUE

C/

SOCIETE MULTINATIONAL PRODUCTS ET SERVICES INC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Novembre 2007, devant :

Monsieur BERTRAND, Président chargé du rapport

Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller

Monsieur FOUASSE, Conseiller

assistés de Madame MARI, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A. POTEZ AERONAUTIQUE

Route du Houga

40800 AIRE SUR ADOUR

représentée par son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège social

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Maître BOURDEAU, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SOCIETE MULTINATIONAL PRODUCTS ET SERVICES INC

11 F Farber Drive Bellport

11713 NEW YORK - ETATS UNIS

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP F. PIAULT / M. LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de la SCP DUBARRY - LE DOUARIN - VEIL, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 25 NOVEMBRE 2005

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN

Objet succint du litige - Prétentions et moyens des parties

Vu l'appel interjeté le 20 janvier 2006 par la SA POTEZ AERONAUTIQUE à l'encontre d'un jugement du tribunal de commerce de MONT DE MARSAN du 25 novembre 2005,

Vu les conclusions de la SA POTEZ AERONAUTIQUE du 27 février 2007,

Vu les conclusions de la MULTINATIONAL PRODUITS ET SERVICES INC, dite MPSI, du 24 avril 2007,

Vu l'ordonnance de clôture du 12 juin 2007.

La société MPSI, société de droit américain ayant son siège dans l'Etat de New-York, est intervenue au bénéfice de la SA POTEZ AERONAUTIQUE, qui a pour activité la fabrication et la construction d'appareils aéronautiques et de leurs accessoires, dans le cadre d'un marché sur appel d'offre lancé par la société américaine NORTHROP GRUMMAN, pour la fabrication d'empennages d'avions HAWKEYE E-2C, à partir de 1995.

La société MPSI expose que, grâce à son intervention, POTEZ AERONAUTIQUE a été intégrée dans la liste des sous-traitants potentiels, sélectionnée parmi les candidats à l'appel d'offres courant 1996, pour obtenir en juin 1997 l'attribution d'un marché pour un montant supérieur à 80 millions de dollars, étant précisé que ce montant était prévisionnel.

Deux conventions ont été signées entre les parties le 15 décembre 1997, prévoyant en particulier une commission de 3,5 % sur le prix de vente H.T. des cinq premiers empennages, et leur commune intention d'en fixer le taux à 7 %, sous certaines conditions, pour trois empennages supplémentaires.

Ces conventions ont été exécutées sans difficultés particulières, avec les contrats de fournitures portant sur les empennages des avions (sauf un rectificatif de la première commande de 5 à 4, et la deuxième de 3 à 4 empennages), et ce jusqu'au début de l'année 2000 ; un accord définitif intervenait le 17 février 2000 entre POTEZ AERONAUTIQUE et NORTHROP GRUMMAN pour la période 1999 - 2003 et prévoyant la fourniture de 25 empennages.

Des divergences étaient déjà apparues entre les parties dès octobre 1999 sur le taux de commissionnement, 3,5 % ou 7 % ; elles se cristallisent à partir d'avril 2000 sur des facturations adressées par MPSI au taux de 7 %, contesté par POTEZ AERONAUTIQUE, pour aboutir le 8 novembre 2000 à la rupture des conventions du 15 décembre 1997, à l'expiration d'un délai de préavis de 3 mois.

La Société MPSI a fait assigner POTEZ AERONAUTIQUE devant le tribunal de commerce de MONT DE MARSAN par acte du 27 novembre 2002, soutenant à titre principal que la convention du 15 décembre 1997 étant un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions des articles L 134-1 à L 134-17 du code de commerce, la clause d'exclusion de toutes indemnités était nulle ; elle demandait la condamnation de POTEZ AERONAUTIQUE à lui payer les sommes de :

* 2 462 779,20 ou à tout le moins de 1 231 389,60 au titre de l'indemnité légale de rupture ;

* 234 550,41 au titre des arriérés de commissions ;

* 60 980 € au titre des rémunérations et remboursement de base.

Par jugement du 25 novembre 2005, le tribunal de commerce de MONT DE MARSAN a :

Dit que le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun conclu entre les parties est un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions des articles L 134-1 et suivants du code de commerce ;

Vu l'alinéa 1 de l'article 8 du contrat cadre,

Dit que celui-ci est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L 134-12 et suivants du code de commerce ;

Déclare nul et de nul effet l'alinéa 1 de l'article 8 du contrat cadre conclu entre les parties ;

Dit que la société MPSI a dès lors droit à une indemnité de résiliation ;

Vu la jurisprudence constante et univoque en la matière,

Dit que cette indemnité de résiliation doit correspondre à deux années de commissionnement perçus antérieurement à la rupture du contrat ;

Condamne dès lors la SA POTEZ AERONAUTIQUE à payer à la société MPSI la somme principale de 370 453,29 , ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, au titre de l'indemnité de résiliation ;

Vu l'accord spécifique sur le commissionnement en date du 15 décembre 1997,

Vu l'article 1134 du code civil,

Dit que les conditions économiques et matérielles du marché n'ayant pas été reconduites à l'identique, il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de commissionnement de 7 % au profit de la société MPSI ;

Dit que le taux de 3,5 % devait dès lors continuer à s'appliquer pour les empennages supplémentaires ;

Déboute par conséquent la société MPSI de sa demande au titre des arriérés de commissions au taux de 7 % ;

Vu l'article 5.1 du contrat cadre,

Vu les factures de frais non contestées produites à la procédure,

Condamne la SA POTEZ AERONAUTIQUE à payer à la société MPSI la somme de 60 980 € au titre du remboursement des frais de mission,

- Ordonné l'exécution provisoire ;

La SA POTEZ AERONAUTIQUE a interjeté appel de ce jugement et demande de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié le contrat ayant lié les parties en contrat d'agence commerciale ;

- condamné consécutivement la SA POTEZ sur le fondement des articles L 134-1 et suivants du Code de Commerce à verser à la société MPSI la somme de 370 453,29 , ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, au titre de l'indemnité de résiliation ou de clientèle ;

- condamné de surcroît la SA POTEZ à verser à la société MPSI la somme de 60 980,00 € à titre de remboursement de frais de mission ;

- condamné la SA POTEZ à verser à la société MPSI la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Le confirmer pour le surplus ;

Débouter en conséquence la société MPSI de toutes ses demandes ;

La condamner à verser à l'appelante la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société MPSI demande :

A titre principal :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* qualifié le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun conclu entre la société MULTINATIONAL PRODUCTS et SERVICES INC et POTEZ AERONAUTIQUE le 15 décembre 1997 en contrat d'agent commercial soumis aux dispositions des articles L 134-1 et suivants du Code de Commerce ;

* déclaré contraire aux dispositions des articles L 134-12 et L 134-16 du Code de Commerce l'alinéa 1 de l'article 8 du contrat cadre de coopération et d'intérêt commun et prononcé sa nullité ;

* jugé que la société MPSI avait le droit à une indemnité de résiliation ;

- infirmer toutefois le jugement de première instance en ce qu'il a fixé le montant de cette indemnité de résiliation à la somme de 370 453,29 , ou sa contre-valeur en euros au jour de paiement, alors que l'intimée a parfaitement rapporté la preuve d'un préjudice plus élevé ;

En conséquence :

- condamner la société POTEZ AERONAUTIQUE au paiement d'une indemnité légale de rupture s'élevant à la somme de 2 462 779,20 , ou à tout le moins à celle de 1 231 389,60 ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 2 novembre 2000, date de la

mise en demeure par le conseil de MPSI, en application des articles 1153 et 1153-1 du Code Civil, et,

- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du Code Civil ;

Subsidiairement :

Si par impossible, la Cour infirmait le jugement de première instance et ne retenait pas la qualification du contrat en contrat d'agent commercial ;

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code Civil :

- dire et juger que le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun conclu entre la société MULTINATIONAL PRODUCTS et SERVICES INC et POTEZ AERONAUTIQUE le 15 décembre 1997 a été rompu de manière abusive par la société POTEZ en violation de l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil ;

En conséquence :

- déclarer inopposable à MPSI la clause exclusive de responsabilité contenue à l'article 8 dudit contrat ;

- condamner la société POTEZ à indemniser MPSI pour le préjudice subi du fait de la rupture du contrat, soit la somme de 2 462 779,20 , ou à tout le moins celle de 1 231 389,60 ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 2 novembre 2000, date de la mise en demeure par le conseil de MPSI, en application des articles 1153 et 1153-1 du Code Civil, et,

- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du Code Civil ;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société POTEZ AERONAUTIQUE au paiement d'une somme de 60 980 € à titre de remboursement des frais de mission ;

Si par extraordinaire la Cour infirmait le jugement de première instance sur ce point :

- condamner la société POTEZ AERONAUTIQUE au paiement des "rémunérations et remboursement de base" qu'elle reste devoir à la société MPSI conformément à l'article 5.1 du contrat, soit un solde de 12 228,14 € ;

- infirmer toutefois le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société MPSI de sa demande de versement des arriérés de commissions dans le cadre du contrat N00019.97.C0147, portant sur les empennages no 178 à 181 ;

- infirmer également le jugement de première instance en ce qu'il n'a condamné la société POTEZ qu'au versement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au lieu des 15 000 € réclamés par la société MPSI ;

En conséquence :

- condamner la société POTEZ à lui régler la somme de 234 550,41 soit sa contre-valeur en euros, au titre des arriérés de commissions dus à MPSI entre 1999 et 2001, à un taux de 7 % conformément aux dispositions de l'article 4 de l'accord de commissionnement, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 2 novembre 2000 ;

- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles avec la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce

Sur la nature juridique des conventions du 15 décembre 1997

Le premier juge, pour qualifier en contrat d'agent commercial ces conventions, du moins le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun, a considéré les conditions dans lesquelles l'activité de la société MPSI s'est effectivement exercée, à savoir :

- sa participation aux négociations et pourparlers avec NORTHROP GRUMMAN, dont la mise en copie systématique des courriers adressés par POTEZ AERONAUTIQUE, l'interface sur le suivi assuré par la société MPSI, la demande de licence ;

- le caractère permanent et durable de cette activité ;

- la rémunération sous forme de commissionnement, variant avec le nombre et la valeur des affaires ;

- la qualité de professionnel indépendant ;

- l'attribution d'une zone géographique ;

- la référence à un préavis tel que prévu à l'article L 134-11 du code de commerce.

La société MPSI, qui demande de confirmer cette appréciation, par référence à l'arrêt de la cour de cassation, chambre commerciale, du 10 décembre 2003, en ce que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties au contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, soutient que :

- le contrat prévoit article 4 la faculté de substitution aux négociations, alors que le texte de l'article L 134-1 du code de commerce n'impose pas un mandat de négociation exclusif ;

- elle a émis des recommandations à POTEZ AERONAUTIQUE et a participé aux négociations dans le cadre de la finalisation du contrat du 17 février 2000 ;

- Monsieur Z..., en sa qualité de président, faisait partie du team POTEZ AERONAUTIQUE, et était systématiquement mis en copie des courriers adressés à NORTHROP GRUMMAN ;

- elle a déposé une demande de licence pour l'importation de pièces détachées au nom et pour le compte de POTEZ AERONAUTIQUE ;

- le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, les diligences imposées à l'article 4 l'obligent à intervenir à chaque stade ;

- il existe un faisceau d'indices caractéristiques, professionnel indépendant, commissionnement, attribution d'une zone géographique, préavis de trois mois.

POTEZ AERONAUTIQUE soutient que la société MPSI ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un mandat de négociation donné, que ce soit aux termes des conventions ou des conditions réelles de son intervention.

Les deux conventions du 15 décembre 1997, l'une intitulé CONTRAT CADRE DE COOPERATION ET D'INTERET COMMUN, l'autre ACCORD SPECIFIQUE DE COMMISSIONNEMENT, celui-ci conclu en application du précédent aux dispositions duquel il est intégralement soumis, ne comportent pas la dénomination d'agent commercial conféré à la société MPSI, qui est identifié seulement comme l'Agent.

Le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun exclut en son article 8 toutes indemnités, réparations ou dommages et intérêts qu'elle qu'en soit la nature ou la cause ; la qualification en contrat d'agent commercial des conventions entraînerait la nullité de cette clause non écrite, par application de l'article L 134-12 du code de commerce, objet de la demande de la société MPSI.

Si la société MPSI demande de rechercher, par référence à l'arrêt déjà cité de la cour de cassation du 10 décembre 2003, les conditions dans lesquelles l'activité a été effectivement exercée, elle se prévaut aussi et en premier lieu des termes mêmes des conventions.

L'article 134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire qui, à titre de profession indépendante...est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achats...pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants...

Si la permanence du mandat donné à la société MPSI n'est pas contestable, en ce que le contrat cadre de coopération et d'intérêt commun est conclu pour une durée indéterminée à compter du 15 décembre 1997 (article 7), par contre le mandat de négocier, condition indispensable pour l'application du statut, n'apparaît pas lui avoir été conféré en l'espèce :

- l'article 1er du contrat cadre a pour objet l'engagement de l'Agent par POTEZ AERONAUTIQUE en vue de promouvoir son image de marque et de faciliter la conclusion de contrats de vente de ses produits, soit en relation avec l'industrie Aéronautique (article 2), sur le territoire de prospection des ETATS UNIS D'AMERIQUE et du CANADA (article 3) ;

- les diligences de l'agent prévues à l'article 4-1 sont conformes aux obligations habituelles de tout mandataire, et non spécifiquement à celles d'un agent commercial ; il s'agit d'informer le mandant sur toute opportunité de vente et/ou de contrat, de communication de toute demande de proposition pour suite à donner, de faciliter et de préparer tout contact entre POTEZ AERONAUTIQUE et d'éventuels clients, avec substitution à la demande de POTEZ AERONAUTIQUE et s'il y a lieu, d'assurer le suivi des contacts..., de rédiger toutes notes de présentation... ;

- la seule mention de la participation, à la demande de POTEZ AERONAUTIQUE, aux négociations entreprises par celle-ci, ou de l'y substituer, le cas échéant, également à sa demande, est à l'évidence par trop restrictive et ne saurait constituer le mandat de négocier permanent requis par l'article L 134-1 du code de commerce ;

- le caractère restrictif du mandat donné à l'Agent, exclusif du pouvoir de négocier, est précisé si besoin est aux articles 4-2 et 4-3 du contrat cadre : les missions confiées à l'Agent sont exclusives de tout mandat général d'engager définitivement POTEZ AERONAUTIQUE d'une manière quelconque ou de contracter... / il est expressément convenu que POTEZ AERONAUTIQUE restera libre en toute circonstance de faire suite aux différentes propositions... et appréciera, seule, l'opportunité d'engager des négociations, de les rompre ou de les mener jusqu'à leur terme ;

- enfin les obligations de l'Agent, telles que prévues dans l'accord spécifique de commissionnement (article 5) sont également réduites à assurer le suivi au plan global des communications et relations entre POTEZ AERONAUTIQUE et NORTHROP GRUMMAN du programme sur lequel il est commissionné.

Sur les conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, la société MPSI ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a exercé un mandat de négociation :

- ses interventions et diligences se sont limitées à faciliter la postulation de POTEZ AERONAUTIQUE à l'appel d'offre du marché de NORTHROP GRUMMAN, portant sur la livraison des empennages, aucune négociation ne pouvant en réalité intervenir dans ce cadre autre que celle de POTEZ AERONAUTIQUE, conformément d'ailleurs à ce qui est précisé dans l'article 2 de l'accord de commissionnement, à savoir que POTEZ AERONAUTIQUE a négocié et signé, grâce à l'intervention et aux diligences de l'Agent, avec NORTHROP GRUMMAN un marché portant sur la livraison de cinq empennages ;

- les quelques recommandations de la société MPSI, notamment celles des 17 décembre 1999 sur la détermination du prix, du 11 janvier 2000 sur les prestations, la participation de son président à une réunion préparatoire du 18 janvier 2000 et la mise en copies des courriers adressés à NORTHROP GRUMMAN ne lui conféraient qu'un rôle de conseil, ou d'interface technique ;

- les indices tenant à l'emprunt de certains dispositifs du statut d'agent commercial ne sont pas suffisants pour pallier à l'inexistence d'un mandat de négociation : ni la qualité de professionnel indépendant, ni le mode de rémunération constitué par le commissionnement, ni la délimitation territoriale de la prospection ne constituent des caractéristiques propres au contrat d'agent commercial ; le préavis de

trois mois prévu dans le contrat cadre ne correspond pas, en toute hypothèse, aux modalités du préavis institué par l'article L 134-11 du code de commerce (durée de un mois la première année, deux mois la deuxième année, trois mois la troisième année).

Par conséquent il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié le contrat des parties en contrat d'agent commercial et déclaré nul l'alinéa 1 de l'article 8 du contrat cadre.

A titre surabondant, il convient d'observer que la société MPSI aurait perdu son droit à réparation dans l'hypothèse où le statut d'agent commercial lui serait conféré, par application de l'article L 134-12 du code de commerce, et ce contrairement à l'appréciation du premier juge.

En l'espèce les conventions du 15 décembre 2007 ont été dénoncées par POTEZ AERONAUTIQUE suivant correspondance du 8 novembre 2000, avec préavis de trois mois, ce qui a fait courir le délai d'un an à compter du 8 février 2001, la société MPSI devant donc faire valoir ses droits à réparation avant le 8 février 2002, à peine de déchéance.

Si l'article précité ne prévoit aucun formalisme particulier quant à la notification de l'acte par lequel la société MPSI devait faire valoir ses droits, cette notification ne pouvait se constituer par la correspondance de son conseil du 2 novembre 2000, antérieure à la dénonciation du 8 novembre 2000 et à la cessation des conventions, correspondance qui au demeurant ne concerne que la discussion relative au taux de commission applicable.

Elle ne peut pas plus se réduire à la simple mention dans les factures postérieures adressées à POTEZ AERONAUTIQUE de : sous réserves des droits de la société MPSI au titre du contrat et de sa rupture ; cette mention de principe ne vaut pas notification de l'intention de la société MPSI de revendiquer, nonobstant la clause de l'article 8 du contrat, son droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

La circonstance que le conseil de la société MPSI, dans sa correspondance du 8 novembre 2000, n'ai manifesté aucune demande à ce titre explique probablement le silence gardé par POTEZ AERONAUTIQUE jusqu'à l'assignation délivrée par acte du 27 novembre 2002 ; par suite la déchéance aurait été encourue dans cette hypothèse.

Sur l'argumentation subsidiaire tenant à l'application de l'article 1134 du code civil

La société MPSI soutient que la rupture unilatérale du contrat de droit commun du 15 décembre 1997 doit entraîner réparation, car POTEZ AERONAUTIQUE s'est soustraite volontairement, avec mauvaise foi, à l'exécution de son obligation de versement d'une commission en échange des services rendus, alors qu'elle savait dès l'origine que le contrat porterait sur un nombre significatif d'empennages, que cette faute intentionnelle ou dolosive exclut l'application de l'article 8 qui lui est inopposable.

Elle évalue son préjudice au gain manqué des commissions qu'elle aurait dû percevoir sur les 21 empennages restant à construire et réclame les mêmes sommes que précédemment en réparation de ce préjudice.

Il résulte des correspondances échangées entre les parties entre octobre 1999 et novembre 2000 que, contrairement à ce que soutient la société MPSI, des discussions et des pourparlers se sont développés durant cette période d'une année sur l'interprétation des conventions du 15 décembre 1997 relativement au taux des commissions, précisément sur l'article 4 de l'accord spécifique qui prévoit, s'agissant des empennages supplémentaires, que :

Le droit à commissionnement de l'Agent est d'ores et déjà acquis sur la réalisation et la vente par POTEZ AERONAUTIQUE à NORTHROP GRUMMAN des trois empennages supplémentaires prévus sur l'appel d'offre du 9 octobre 1996.

A ce jour, les conditions matérielles et économiques de la réalisation de ces trois empennages supplémentaires n'ont pas été portées à la connaissance de POTEZ AERONAUTIQUE.

Les parties, en conséquence, conviennent de différer la détermination des commissions y afférentes, exposant cependant que leur commune intention est d'en fixer le taux à 7 % dans les conditions fixées à l'article 3 qui précède, pour autant que les conditions matérielles et économiques susvisées soient la reconduction à l'identique ou à l'équivalent de celles négociées pour le marché défini à l'article 2.

Cet accord spécifique, comme son intitulé l'indique, ne valait que pour le droit à commission de la société MPSI sur les cinq premiers empennages (au taux de 3,5 % selon l'article 3-1) et sur les trois empennages supplémentaires, dans les conditions ci-dessus indiquées par l'article 4 ; il était donc normal, tenant l'accord intervenu le 17 février 2000 sur la fourniture de vingt-cinq autres empennages (contrat 019.97.C.0147) que les parties discutent du taux de commission pour finaliser un accord spécifique à leur sujet, du moins un consensus à minima.

POTEZ AERONAUTIQUE s'est prévalu de la dégradation des conditions économiques contractuelles retenues lors du Multi Year Procurement (accord du 17 février 2000) pour préciser à la société MPSI suivant correspondance du 23 juin 2000 que, compte tenu de ces éléments, nous ne pensons pas que nous puissions envisager la modification du taux initial de 3,5 %..., tout en souhaitant pérenniser l'accord cadre et mettre en place tout accord spécifique en phase avec la suite du programme, à compter de l'empennage 182.

Cette dégradation des conditions économiques résultait de la modification de la commande de NORTHROP GRUMMAN, d'une mission initiale du seul assemblage des pièces élémentaires fournies par cette société (cinq premiers empennages), à une mission plus complexe de fournitures de pièces primaires puis de montage par POTEZ AERONAUTIQUE, nécessitant l'implication d'un service achat complété d'un service de stockage et d'approvisionnement des ateliers, le prix facturé pour chaque empennage augmentant de 633.061 $ à 1.675.360 $ (attestation du commissaire aux comptes).

Alors que la société MPSI avait établi depuis mai 2000, sans qu'aucun accord ne soit intervenu, des factures au taux de 7 %, POTEZ AERONAUTIQUE, tout en

maintenant sa position de principe, a cependant invité la société MPSI selon correspondance du 25 juillet 2000 à prendre en considération dans un souci positif de parvenir à un accord final, les termes de notre courrier susvisé (23 juin 2000) ne constituant pas en soi une forme de non recevoir fermée à tout aménagement.

La réponse de la société MPSI du 12 septembre 2000, considérant que le taux de 3,5 % ne s'appliquait que sur les premiers empennages et qu'il était de l'intention des parties... de fixer le taux de commissionnement de ma société à 7 % pour les empennages suivants, et informant POTEZ AERONAUTIQUE qu' à défaut d'accord et de proposition constructive de votre part visant à respecter un taux de commission acceptable pour moi, je n'hésiterai pas à engager une procédure à votre encontre..., ne pouvait conduire qu'à un refus de POTEZ AERONAUTIQUE (correspondance du 27 septembre 2000) et à la mise en demeure par lettre recommandée du 2 novembre par le conseil de la société MPSI, laquelle a entraînée la rupture des conventions suivant correspondance de POTEZ AERONAUTIQUE du 8 novembre 2000.

Le désaccord entre les parties sur l'interprétation des conventions du 15 décembre 1997 relativement aux taux des commissions, et précisément sur la portée de l'article 4 de l'accord spécifique, existait, contrairement à ce que soutient la société MPSI, bien avant la finalisation du contrat du 17 février 2000 sur les vingt-cinq empennages ; dès le 19 octobre 1999 la société MPSI estimait que notre arrangement de base porte sur une commission de 7 %, qui a été réduite à 3,5 % le 4 juin 1997, se référant ainsi à des discussions antérieures aux conventions, en précisant le 17 novembre 1999 que la réduction du taux de commission de 7 % à 3,5 % avait été accordé à POTEZ AERONAUTIQUE afin qu'elle puisse réduire ses prix et gagner son ticket d'entrée chez NORTHROP GRUMMAN; dans sa réponse du 5 novembre 1999, POTEZ AERONAUTIQUE se référait à l'accord spécifique sur le taux de 3,5 %, tout en renvoyant à la discussion la définition du taux de la commission pour le contrat portant sur les avions 178 à 181, sachant que celui-ci serait établi dans la fourchette de 3,5 à 7 %... qui devra tenir compte (ou non) du coût de votre prestation pour l'acheminement des pièces US, coût qui n'a pas été défini pour l'instant.

La société MPSI est mal fondée à contester, sous le prétexte des discussions antérieures à la signature des conventions du 15 décembre 1997 (courrier du 4 juin 1997) la validité de la clause relative aux conditions matérielles et économiques à l'identique ou à l'équivalent entre les deux marchés qui conditionnaient la fixation du taux des commissions, et ne rapporte pas la preuve de ce que POTEZ AERONAUTIQUE avait connaissance, dés 1997, de ces conditions pour le marché conclu en février 2000 avec NORTHROP GRUMMAN, le seul article de presse produit, paru dans une revue Air et Cosmos du 20 juin 1997, ne pouvant évidemment suffire à cet égard.

Par conséquent la rupture du mandat d'intérêt commun par POTEZ AERONAUTIQUE le 8 novembre 2000, au terme de discussions et de pourparlers d'une durée d'une année, dans les conditions qui viennent d'être exposées, antérieurement et postérieurement à l'accord du 17 février 2000 sur les vingt-cinq empennages, avec respect du délai de préavis de trois mois contractuellement prévu, ne peut être considéré comme procédant d'une volonté de nuire ou d'un dol qui permettrait de refuser l'application de la clause de l'article 8 du contrat cadre comme étant invoqué de mauvaise foi ; par conséquent il convient de débouter la société MPSI de sa demande subsidiaire.

Sur les arriérés de commission

Le premier juge a débouté la société MPSI de cette demande qui visait au doublement du taux de la commission, de 3,5 à 7 %, sur les sommes facturées dans le contrat portant sur les empennages supplémentaires 178 à 181, au motif que les conditions économiques du marché n'étaient pas semblables à celles du marché initial, approvisionnement des pièces élémentaires par POTEZ AERONAUTIQUE alors qu'il était effectué avant directement par NORTHROP GRUMMAN, passant ainsi d'un contrat d'assemblage à un contrat de fourniture et d'assemblage, alors que les parties avaient encadré et conditionné l'hypothèse de la majoration du taux de commissionnement dans leur accord spécifique du 15 décembre 1997, que ce contrat doit s'appliquer en l'espèce ; il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point, en adoptant ses motifs qui sont identiques à ceux qui viennent d'être développés précédemment sur la demande subsidiaire de la société MPSI.

Sur le remboursement des frais de mission

L'article 5-1 du contrat cadre prévoit que :

- un budget global sera annuellement alloué à l'Agent pour le couvrir de ses frais et diligences exposées ou accomplies... ;

- pour l'année 1998, ledit budget est fixé à la somme de 200.000 francs ;

- a concurrence de ladite somme, l'Agent sollicitera de POTEZ AERONAUTIQUE le remboursement des frais auxquels il aura été exposé dans son intérêt, sous réserve de justifier de la réalité de la dépense et de son objet précis... ;

Le premier juge a alloué à la société MPSI la somme forfaitaire de 60.980 €, soit 400.000 francs, correspondant aux années 1998, 1999 et 2000, au motif que POTEZ AERONAUTIQUE ne rapportait pas la preuve du règlement des factures produites par la société MPSI.

La société MPSI admet dans ses écritures en cause d'appel que POTEZ AERONAUTIQUE rapporte la preuve du règlement de la somme de 48.75,86 $ (semble-t-il erroné, 48.741,86 $), mais réclame un solde de 12.228,14 €.

Si POTEZ AERONAUTIQUE produit l'ensemble des factures adressées par la société MPSI sur la période du 15 décembre 1997 au 8 février 2001, avec les règlements afférents pour un total de 48.741,86 $, par contre la société MPSI ne produit aucune pièce ni récapitulatif quelconque à l'appui de sa demande de solde restant dû, qui résulterait apparemment d'un calcul à partir d'une appréciation erronée de l'article 5-1 du contrat cadre, fondée sur un forfait de 200.000 francs pour les frais, alors qu'il s'agit d'un plafond, les frais remboursés devant être justifiés.

Par conséquent il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, et de débouter la société MPSI de sa demande en paiement.

Sur les demandes accessoires

L'appel de POTEZ AERONAUTIQUE étant parfaitement fondé, la société MPSI devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à POTEZ AERONAUTIQUE la somme de 7.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Mont de Marsan du 25 novembre 2005 uniquement en ce qu'il a débouté la société MPSI de sa demande au titre des arriérés de commission,

- Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

- Dit et juge que les conventions du 15 décembre 1997 ne sont pas un contrat d'agent commercial,

- Déboute par conséquent la société MPSI de sa demande de nullité de l'alinéa 1 de l'article 8 du contrat cadre de coopération et d'intérêt commun,

- Déboute la société MPSI de sa demande subsidiaire fondée sur l'article 1134 du code civil,

- Déboute la société MPSI de sa demande au titre du remboursement des frais de mission,

- Condamne la société MPSI à payer à POTEZ AERONAUTIQUE la somme de 7.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, autorise la distraction au profit de la SCP DE GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués, conformément à l'article 699 du même code.

Signé par Monsieur Philippe BERTRAND, Président, et par Madame Brigitte MARI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 4878
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, 25 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2007-12-20;4878 ?
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