FA/PP
Numéro 4686/07
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 11/12/07
Dossier : 05/02375
Nature affaire :
Demande relative à
un droit de passage
Affaire :
Anne Marie X... épouse Y...
C/
Virginie Z...,
SCI PLACE ROGER DUCOS, Florence Z... épouse A...,
Yves Z...,
Jean Paul X...,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame PEYRON, Greffier,
à l'audience publique du 11 décembre 2007
date à laquelle le délibéré a été prorogé.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Septembre 2007, devant :
Monsieur NEGRE, Président
Madame RACHOU, Conseiller
Monsieur AUGEY, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Anne Marie X... épouse Y...
11 place Roger Ducos
40100 DAX
représentée par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assistée de Me MOUTET-FORTIS, avocat au barreau de DAX
INTIMES :
SCI PLACE ROGER DUCOS prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
...
64200 BIARRITZ
représentée par la SCP LONGIN, avoués à la Cour
assistée de Me D..., avocat au barreau de DAX
Madame Virginie Z...
5 cours Berriat
38500 GRENOBLE
Madame Florence Z... épouse A...
...
26400 CREST
Monsieur Yves Z...
...
38130 ECHIROLLES
représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistés de Me E..., avocat au barreau de GRENOBLE
Monsieur Jean Paul X...
...
03110 BROUT VERNET
Assigné
sur appel de la décision
en date du 08 JUIN 2005
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
La société d'exploitation des magasins Ville de Madrid (SOVIMA) et les consorts F... étaient propriétaires indivis d'un immeuble situé à DAX, place Roger Ducos.
Par acte notarié du 18 juillet 1947, ils ont décidé de procéder à son partage. La société SOVIMA ne disposant pas de cave et ayant besoin d'utiliser la cage d'escalier appartenant aux consorts F..., a obtenu que ceux-ci lui louent pour une durée de 18 ans « l'utilisation de la cage d'escalier et du couloir se trouvant entre les deux immeubles, ainsi que la partie de la cave clôturée où la société Ville de Madrid a sa chaudière. »
Par acte du 14 juin 1977, la société SOVIMA a vendu la partie de l'immeuble lui appartenant aux époux G....
Les époux Z... viennent aux droits des consorts F....
Le contrat de bail précité s'est poursuivi entre les parties jusqu'au congé délivré par Monsieur Z... par acte du 6 décembre 1995 prenant effet au 18 juillet 1996.
Ce congé a été validé par jugement du Tribunal d'Instance de DAX du 10 octobre 1996 et cette juridiction a constaté que, depuis cette date, les consorts X... n'ont plus le droit d'utiliser la cage d'escalier, le couloir et la cave précédemment louées et qu'ils pourront se voir interdire cette utilisation par tous moyens de droit.
Compte tenu de ce congé validé, il n'existait plus aucun accès entre les étages de la propriété SERRE et la rue Saint-Vincent.
Par acte du 4 octobre 1996, les époux Z... ont cédé la partie de l'immeuble leur appartenant à la SCI DE LA CÔTE BASQUE ET DES LANDES (SICOLA) et à la société dénommée PLACE ROGER DUCOS.
Par jugement du 3 septembre 1997, le Tribunal de Grande Instance de DAX a donné acte à la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE DE LA CÔTE BASQUE ET DES LANDES et à la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS de leur intervention volontaire dans l'instance en qualité de nouveaux propriétaires, constaté que le cabinet d'aisance du premier étage est en état d'enclave, donné acte aux intervenants défendeurs de ce qu'ils ne contestent pas le droit de passage portant sur la cage d'escalier de l'immeuble permettant la circulation interne entre les différentes parties des propriétés concernées, et ordonné pour le surplus un transport sur les lieux en présence de consultants, Messieurs H... et I..., afin de vérifier la situation exacte des lieux et de chiffrer les travaux éventuels d'aménagement ainsi que leurs incidences.
Un procès-verbal de transport sur les lieux a été établi le 16 octobre 1997 et les deux experts ont déposé leur rapport.
Madame Simone X... est décédée le 3 janvier 2000 laissant pour seuls héritiers ses deux enfants Madame Anne-Marie X... épouse Y... et Monsieur Jean-Paul X....
À la suite d'un nouveau partage effectué par ces derniers, l'immeuble en cause a été attribué en pleine propriété à Madame Anne-Marie X... épouse Y....
Par jugement du 24 mai 2000 confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de PAU du 12 mai 2003, il a été jugé que le fonds appartenant aux consorts X..., cadastré section AE 374, bénéficie, sur le fonds section AE 373 appartenant à la société PLACE ROGER DUCOS, d'une servitude de passage pour cause d'enclave et constaté que cette servitude s'exerce sur la cage d'escalier et le couloir servant les deux immeubles, ainsi que sur l'accès à la cave ; condamné solidairement la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS, la SA SICOLA et Monsieur Yves Z... à payer aux consorts X... de la somme de 78.000 F à titre de dommages-intérêts.
Le Tribunal a, enfin, ordonné une expertise confiée à Monsieur I... dont la mission consistait à indiquer la moins-value subie par l'immeuble de la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS du fait de la servitude de passage, et chiffrer la participation annuelle aux charges de l'immeuble pouvant être mises à la charge des bénéficiaires de la servitude.
L'expert a évalué la moins-value subie par l'immeuble à la somme de 46.250 €, et la participation de Madame J... à hauteur de 30 % des charges d'entretien.
Les consorts Z... et la SCI PLACE ROGER DUCOS prétendaient également bénéficier de l'indemnité déterminée par l'expert.
Par jugement du 8 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de DAX, s'appuyant sur ce rapport d'expertise, a condamné solidairement Madame Anne-Marie X... et Monsieur Jean-Paul X... à payer à la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS la somme de 46.250 € avec les intérêts au taux légal à compter du 4 février 2004, et dit que les consorts X... devront participer aux charges d'entretien de la cage d'escalier de l'immeuble appartenant à la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS à hauteur de 30 %, et a, enfin, débouté les consorts Z... de l'ensemble de leurs demandes.
Madame Anne-Marie Y... a interjeté appel de ce jugement.
Les consorts Z... ont relevé appel incident de cette décision.
Madame Anne-Marie Y... s'appuie sur les dispositions de l'article 682 du Code Civil pour faire valoir que l'indemnité, qui peut être allouée au propriétaire du fonds servant, doit être proportionnée aux dommages que peut occasionner le passage sur son fonds et que la jurisprudence exclut, comme base d'indemnisation, la valeur vénale de l'immeuble alors que l'évaluation faite par l'expert est basée exclusivement sur cette valeur vénale. Elle soutient, d'autre part, que l'expert n'a relevé aucun dommage résultant de cette servitude. Elle fait valoir à cet égard que depuis 1947, date de création de cette servitude, et même si celle-ci s'exerçait sous la forme d'un bail, les occupants de l'immeuble appartenant à Madame X... utilisent le couloir et l'escalier desservant aussi les appartements de l'immeuble appartenant aujourd'hui à la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS ; que, depuis cette date, et jusqu'en 1996 dates de la résiliation du contrat de bail, soit pendant près de 50 ans, les auteurs de Madame X... ont versé, en contrepartie de l'utilisation de ce passage, un loyer annuel de 5.000 F jusqu'en 1969 puis de 350 F à compter de cette date. Elle a fait observer que dans sa décision du 24 mai 2000, le Tribunal de Grande Instance de DAX a institué une servitude qui s'exerçait de fait depuis 1947, dans les mêmes conditions et sur la même assiette, et qu'il en découle que dans les faits, aucune modification de l'utilisation du fonds servant n'a été rendue obligatoire pour l'institution de la servitude. Elle déclare qu'il en découle que les propriétaires successifs de l'immeuble sur lequel s'exerce cette servitude l'ont tous acquis avec la charge du droit de passage dû au fonds SERRE.
Madame Y... fait valoir, d'autre part, que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS a acquis la totalité des lots de l'immeuble en 1996, date à laquelle le passage s'exerçait déjà sur le fonds et dans les mêmes conditions, et que le prix qu'elle a payé tient donc compte de l'existence de ce droit de passage et qu'elle ne peut donc prétendre à présent subir une moins-value sur le prix de l'immeuble ; que cet immeuble a été acheté par l'intimée pour un prix de 190.561 € alors que sa valeur a été estimée en 2003 à 370.000 € et qu'il a donc enregistré une plus-value conséquente. Elle ajoute que le propriétaire n'est pas une personne privée mais une société qui loue des appartements et des bureaux dans cet immeuble, de sorte que les locataires et occupants doivent également utiliser les couloirs et les escaliers pour accéder au logement et cela exclut, de fait, tout préjudice né du passage des occupants du fonds SERRE, d'autant que ce passage se limite à la seule personne de Madame X..., ce qui ne peut en aucun cas constituer un dommage indemnisable, et qu'ainsi, il n'est pas démontré que la société civile immobilière serait privée d'un usage par rapport à l'utilisation normale de l'immeuble.
Elle déclare, enfin, que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS ne rapporte pas la moindre preuve de ce que l'existence de la servitude lui occasionnerait une perte locative.
En ce qui concerne les demandes formulées par les consorts Z..., Madame Y... a conclu à leur rejet au motif que leurs auteurs sont à l'origine de l'enclavement de son fonds puisque ceux-ci avaient consenti, par bail, un droit de passage sur l'escalier et le couloir de leur immeuble et qu'après avoir perçu des loyers pendant 50 ans, ils ont dénoncé ce contrat de bail spécifique, provoquant par là-même l'enclavement de son fonds.
Elle ajoute qu'ils ne rapportent pas la preuve du moindre dommage, alors que, d'autre part, cet immeuble ne leur appartient plus.
Elle a conclu, en définitive, à la réformation du jugement et au débouté des demandes formulées par les consorts Z... et la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS, en demandant, d'autre part, à la Cour d'Appel de lui donner acte de ce qu'elle accepte de régler au syndic de la copropriété 10 % des charges d'entretien de l'assiette de la servitude de passage ; elle a, enfin, sollicité la condamnation solidaire de la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS et des consorts Z... à lui payer une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS a conclu à la confirmation du jugement et sollicité, d'autre part, la condamnation de Madame X... au paiement d'une indemnité de 2.300 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle a fait valoir, en premier lieu, que son action est recevable, d'autant que Madame X... allègue de l'existence d'une copropriété alors que celle-ci n'existe pas, la concluante ayant acquis le 4 octobre 1996 l'intégralité des droits sur l'immeuble appartenant antérieurement aux consorts Z....
En ce qui concerne l'indemnisation résultant de la servitude, l'intimée fait valoir, en premier lieu, que contrairement à ce que conclut Madame X..., l'immeuble était libre de toute servitude lors de son acquisition. Elle s'appuie, d'autre part, sur le rapport d'expertise judiciaire pour faire valoir que la valeur de l'immeuble sans servitude s'élève à la somme de 580.000 € et que cela suffit donc à démontrer que cette servitude entraîne une moins-value de l'immeuble. Elle ajoute que cette servitude la prive de la possibilité d'aménager l'immeuble comme elle l'entend puisqu'elle s'exerce sur la cage d'escalier et le couloir et qu'elle traverse l'immeuble sur l'ensemble des niveaux, et que, par voie de conséquence, cela l'a contraint à maintenir l'immeuble en appartements séparés.
L'intimée fait observer que son préjudice résulte également du fait qu'elle n'est pas maître des personnes qui entrent et sortent de son immeuble et, qu'au surplus, elle ne peut envisager d'étendre les locaux de l'agence immobilière qu'elle y exploite.
Elle demande, enfin, à la Cour de confirmer la décision du Tribunal de Grande Instance relative à la charge d'entretien que doit supporter le fonds SERRE à hauteur de 30 %.
La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS soutient, par ailleurs, que les demandes présentées par les consorts Z... sont totalement infondées dans la mesure où ils ont vendu leurs droits réels sur cet immeuble le 4 octobre 1996, et que lors de l'établissement de la servitude par l'effet du jugement du 24 mai 2000 confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel du 12 mai 2003, les consorts Z... ne disposaient donc d'aucun droit, ni titre sur la propriété atteinte par la servitude.
Elle ajoute que les consorts Z... fondent désormais leur demande sur un accord qui serait intervenu entre eux et la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE concluante, mentionnée dans l'acte de vente du 4 octobre 1996, aux termes duquel la concluante aurait acquis un immeuble à un prix « tenant compte de la dépréciation découlant de la servitude » et que, « la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE ne devait pas recevoir plus des concluants qu'un immeuble supportant une servitude. » ; que les consorts Z... en déduisent, à tort, que l'indemnité compensatrice de cette servitude leur reviendrait alors qu'ils résultent de l'examen de l'acte de vente qu'il n'existe aucune servitude de passage grevant l'immeuble ; qu'il ne rapporte pas, enfin, la preuve que la vente aurait concerné un immeuble atteint d'une servitude et que le prix aurait été diminué en conséquence.
L'intimée fait observer, enfin, que l'article 682 du Code Civil prévoit le versement d'une indemnité compensatrice du droit de passage exclusivement au bénéfice du propriétaire du fonds servant.
Les consorts Z... ont conclu à la confirmation du jugement du Tribunal de Grande Instance de DAX du 8 juin 2005 mais ils ont demandé que l'indemnité compensant la servitude soit portée à 70.000 € en tenant compte de l'augmentation des prix des immeubles depuis l'évaluation faite par l'expert en 2003.
Ils font valoir que l'expert a bien mis en évidence l'existence d'une moins-value de l'immeuble résultant de la servitude de passage, mais que l'indemnisation correspondante doit leur revenir, en s'appuyant sur le contenu de la convention de vente dudit immeuble passée avec la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS, aux termes de laquelle les vendeurs devaient s'occuper seuls des procès concernant cette servitude et faire leur affaire personnelle des procédures en cours ; que cela signifie donc que les concluants doivent supporter seuls les avantages et les inconvénients des procédures concernant la servitude de passage.
Ils estiment que, dans ces conditions, l'indemnité devant être payée par Madame Y... doit leur revenir.
Ils ajoutent que l'immeuble avait été vendu à un prix tenant compte de l'existence de la servitude soit 190.561 €, alors que l'expert a évalué l'immeuble à 370.000 € soit environ le double du prix d'acquisition par la SCI.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Par jugement du 24 mai 2000, le Tribunal de Grande Instance de DAX a dit que le fonds appartenant aux consorts X..., cadastré sous le numéro AE 374, bénéficie, sur le fonds de la SCI PLACE ROGER DUCOS, cadastré section AE numéro 373, d'une servitude de passage pour cause d'enclave, constaté que cette servitude s'exerce sur la cage d'escalier et le couloir desservant deux immeubles, ainsi que sur l'accès à la cave, condamné solidairement la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS ainsi que les consorts Z... à payer aux consorts X... une somme de 78.000 € à titre de dommages-intérêts, et ordonné une expertise confiée à Monsieur I... ayant pour objet d'indiquer la moins-value subie par l'immeuble de la SOCIÉTÉ PLACE ROGER DUCOS du fait de la servitude de passage, et d'autre part, de chiffrer la participation annuelle aux charges de l'immeuble pouvant être mise à la charge des bénéficiaires de la servitude.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de PAU du 12 mai 2003.
L'expert a déposé son rapport au mois de février 2004.
Il convient, en premier lieu, de constater que Madame Simone X... est décédée le 3 janvier 2000, laissant pour seuls héritiers ses deux enfants, Madame Anne-Marie X... épouse Y... et Monsieur Jean-Paul X.... Ces derniers ont procédé au partage des biens dépendants de la succession de leur mère par acte notarié du 21 avril 2000 et l'immeuble dont il s'agit a été attribué en pleine propriété à Madame Anne-Marie X... qui se trouve donc seule concernée, aujourd'hui, par cette procédure.
Madame Anne-Marie Y... a soutenu, d'autre part, que l'immeuble en cause est soumis au statut de la copropriété et, qu'en conséquence, seul le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir s'agissant des litiges concernant les parties communes de l'immeuble. Madame Y... a introduit une action en revendication de servitude pour cause d'enclave de son immeuble et, par décision aujourd'hui définitive de la Cour d'Appel de PAU du 12 mai 2003, il lui a été reconnu le bénéfice d'une servitude sur le fonds de la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS ; dès lors, la cage d'escalier et le couloir de l'immeuble ne constituent pas des parties communes mais des parties privatives de la SCI qui a donc qualité pour intenter une action en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 682 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il y a lieu, d'autre part, de rappeler que la servitude se trouve à l'intérieur d'un même immeuble, et que l'assiette est constituée par une cage d'escalier et un couloir appartenant à la SCI ROGER DUCOS, qui permettent à Madame X... d'accéder à son appartement situé au deuxième étage de cet immeuble. La totalité de cet immeuble appartient donc à la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS, à l'exception de l'appartement de Madame SERRE qui peut y accéder exclusivement par la cage d'escalier et le couloir en cause.
L'article 682 du Code Civil dispose que le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a, sur la voie publique, aucune issue ou qu'une issue insuffisante est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge d'une indemnité proportionnée aux dommages qu'il peut occasionner.
L'expert a rappelé, en premier lieu, que l'immeuble a été acquis en 1996 par la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS pour un prix total de 190.561 €. À la date de son expertise, c'est-à-dire au mois de septembre 2003, il a évalué la valeur vénale de cet immeuble à 370.000 €. Cette valeur et cette estimation n'ont pas été discutées par les parties. D'autre part, il a estimé la perte de valeur vénale résultant de la servitude de passage à 12,5 % de la valeur actuelle de l'immeuble, soit une somme de 46.250 €.
Il est de jurisprudence constante que l'indemnité due au propriétaire du fonds servant dépend du préjudice causé par le passage et non de la valeur de ce fonds. Or, l'expert n'a pas mis en évidence de manière claire, même si la question qui lui était posée, portait sur l'appréciation de la moins-value subie par l'immeuble, de dommages caractérisés occasionnés par la servitude de passage octroyée à Madame Y... pour accéder à son appartement ; en effet, l'expert s'est borné à constater que la SCI PLACE ROGER DUCOS « ne sera plus maître chez elle si Madame X... décide de louer son appartement et le gérant de la SCI n'aura aucun avis à donner et ce dans un immeuble d'autant plus dévalué qu'il est de qualité ». Cet argument est subjectif et ne permet, en aucun cas, d'évaluer le prétendu dommage causé à l'intimée, d'autant que le propriétaire est une société et non une personne physique ayant pour objet social l'achat et la gestion et la vente d'immeubles et que, d'ailleurs, il loue des appartements et des bureaux dans le dit immeuble ce qui signifie que les locataires et occupants de son propre immeuble doivent également utiliser le couloir et les escaliers pour accéder au logement, au même titre que Madame Y... et que son seul passage ne constitue pas un dommage indemnisable.
Par ailleurs, aucune modification du fonds servant n'a été rendue obligatoire pour l'institution de la servitude et il n'a pas été nécessaire d'effectuer des travaux d'aménagement pour permettre à Madame X... d'utiliser son droit de passage puisqu'il a suffi, pour cela, de lui remettre simplement la clé de la porte d'entrée de l'immeuble. En réalité le Tribunal n'a fait que donner une qualification juridique à une situation de fait existant depuis 1947 date à laquelle un contrat de bail portant sur l'utilisation de l'escalier et du couloir a été mis en place au profit des propriétaires successifs.
D'autre part, la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle avait un projet de réunir l'ensemble des appartements et bureaux de l'immeuble et qu'elle en aurait été empêchée par l'existence de la servitude, d'autant que, d'autre part, le rez-de-chaussée et le premier étage du dit immeuble sont occupés par l'agence immobilière dont le gérant est le même que celui de la SCI et que l'accès au premier étage se fait par un escalier intérieur permettant sans problème la communication entre le rez-de-chaussée et le premier étage ; que les deuxième et troisième étage sont occupés par des appartements mis en location, qui procurent des loyers d'un montant total de 9.689 € annuels ; qu'il est, ainsi, peu crédible de la part de la SCI de soutenir qu'elle voudrait réunir les trois niveaux pour en faire une seule et même maison d'habitation. Enfin, la SCI ne rapporte pas la preuve d'une perte locative résultant de l'existence de la servitude de passage.
Au surplus, il convient d'observer que le prix d'achat de l'immeuble en 1996 prenait à l'évidence en compte l'existence de cette servitude puisqu'il était mentionné dans l'acte que « l'acquéreur s'engage à respecter les termes des jugements qui seront rendus, en particulier si les jugements à intervenir décidaient que les consorts X... disposent d'un droit de passage sur l'immeuble vendu et, en conséquence, à respecter cette décision et à leur autoriser le passage. »
C'est donc en toute connaissance de cause que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS a acquis cet immeuble et, enfin, le dit immeuble a enregistré en sept ans une plus-value très significative puisqu'il est évalué en 2003 par l'expert à 370.000 €.
Dès lors, la Cour juge que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE ne rapporte pas la preuve d'un dommage indemnisable lié à l'existence de la servitude de passage et elle sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de celles en indemnité fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le jugement déféré sera donc infirmé de ces chefs.
D'autre part, la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS a demandé à la Cour de juger que Madame Y... devra participer aux frais d'entretien du couloir et de l'escalier à hauteur de 30 %. L'expert a estimé que la participation annuelle aux charges d'entretien de la cage d'escalier (électricité, nettoyage, entretien) pourrait être fixé à 30 % du total annuel desdites charges. Madame Y... a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle accepte de régler au syndic de la copropriété 10 % du montant des charges d'entretien de l'assiette de la servitude de passage. L'argumentation de Madame Y..., sur ce point, est contradictoire puisqu'elle propose de régler des charges d'entretien au syndic d'une copropriété alors qu'elle reconnaît elle-même bénéficier seulement d'une servitude de passage et que le couloir et l'escalier en cause ne sont donc pas des parties communes de l'immeuble mais des parties privatives de la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS.
Madame Y... utilisant ce passage doit donc participer à son entretien. L'expert a évalué sans autre précision sa participation à 30 % du montant total des charges. La Cour constate que d'autres occupants utilisent ce couloir et cet escalier, et notamment les personnes qui se rendent à l'agence immobilière, ainsi que les locataires de l'immeuble. Dans ces conditions, il est justifié de limiter sa participation à ces frais d'entretien à 10 % de leur montant total annuel.
Par ailleurs, les consorts Z... ont conclu à la condamnation des consorts X... au paiement de l'indemnité due en réparation du dommage causé par la servitude de passage.
Ils se prévalent d'une disposition de l'acte de vente d'une partie de l'immeuble au profit de la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS le 4 octobre 1996 stipulant que les vendeurs, c'est-à-dire eux-mêmes, devaient s'occuper seuls des procès concernant cette servitude ce qui signifie pour eux qu'il devaient supporter seuls les avantages et les inconvénients concernant la servitude de passage.
Or, d'une part, à la date de la vente, le Tribunal d'Instance de DAX avait validé par jugement du 10 octobre 1996 le congé délivré à effet du 18 juillet 1996 aux consorts X... par les époux Z..., portant sur le contrat de bail leur donnant le droit d'utiliser l'escalier, le couloir et la cave. Dès lors, il n'existait pas de servitude sur cet immeuble au 4 octobre 1996 et c'est ce qui est d'ailleurs mentionné dans l'acte de vente, alors que ladite servitude de passage au profit de Madame Y... ne lui a été reconnue que par l'effet du jugement du Tribunal de Grande Instance de DAX du 24 mai 2000 confirmé par l'arrêt de la Cour d'Appel de PAU du 12 mai 2003. Or, à cette date, les consorts Z... n'étaient plus propriétaires de l'immeuble en cause, et l'article 682 du Code Civil ne prévoit l'attribution d'une indemnité qu'au profit du propriétaire du fonds servant c'est-à-dire à cette date la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS.
Dès lors, les demandes présentées par les consorts Z... à l'encontre de Madame Y... et, à titre subsidiaire, contre la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS doivent être déclarées irrecevables .
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Y... les frais irrépétibles qu'elle a dû engager à l'occasion de cette procédure ; les consorts Z... et la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS seront donc condamnés in solidum à lui payer une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de DAX du 8 juin 2005 ;
Met hors de cause Monsieur Jean-Paul X... ;
Déboute la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS de l'ensemble de ses demandes à l'exception de celle relative au règlement de charges d'entretien de la cage d'escalier et du couloir de son immeuble ;
Dit que Madame Anne-Marie Y... devra participer au règlement de ces charges d'entretien à hauteur de 10 % de leur montant total annuel ;
Déclare irrecevables les demandes présentées par les consorts Z... à l'encontre de Madame Anne-Marie Y... et de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE PLACE ROGER DUCOS ;
Condamne in solidum la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS prise en la personne de son gérant en exercice, d'une part, et Mesdames Virginie et Florence Z... et Monsieur Yves Z..., d'autre part, à payer à Madame Anne-Marie Y... une indemnité de deux mille euros (2.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne in solidum la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE PLACE ROGER DUCOS et les consorts Z... aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, et autorise Maître VERGEZ, avoué, à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Mireille PEYRON Roger NEGRE