AM / MFSC
No3096 / 06
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRET DU 26 / 06 / 2006
Dossier : 05 / 01021
Nature affaire :
Demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
Henri X...
C /
TRANSPORTS Y..., C.P.A.M. CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES PYRENEES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Madame MEALLONNIER, Conseiller,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame BLANCHE, Greffière,
à l'audience publique du 26 JUIN 2006
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Avril 2006, devant :
Monsieur ZANGHELLINI, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame MEALLONNIER, Conseiller
assistés de Madame BLANCHE, greffière présent (e) à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Henri X...
Rue de l'Ailhet
65800 AUREILHAN
Rep / assistant : Me Jacques Z...(avocat au barreau de TARBES)
INTIMEES :
TRANSPORTS Y...
Salles Mongiscard
64300 ORTHEZ
Rep / assistant : la SCP ETESSE (avocats au barreau de PAU)
C.P.A.M. CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES PYRENEES
8 Place au Bois
65021 TARBES CEDEX
A déposé des conclusions le 27 / 03 / 2006
sur appel de la décision
en date du 27 JANVIER 2005
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE TARBES
(régime général).
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur Y..., gérant de la Société des Transports Y..., a contesté la décision de la caisse primaire d'assurance maladie accordant à Monsieur Henri X..., la reconnaissance, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 20 août 2002.
Saisi de ce différend, la Commission de Recours Amiable a, au cours de sa séance du 14 mai 2003, maintenu la décision de la caisse.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées par jugement du 25 mars 2004 a :
-dit que le salarié, Monsieur Henri X..., a commis une faute inexcusable à l'origine exclusive de l'accident dont il a été victime le 20 août 2002,
-dit que l'accident litigieux ne constitue pas un accident du travail,
-infirmé la décision rendue le 14 mai 2003 par la Commission de Recours Amiable de la caisse primaire d'assurance maladie ayant maintenu le reconnaissance au titre de la législation professionnelle de l'accident du 20 août 2002.
Conformément aux dispositions de l'article 582 du nouveau code procédure civile, Monsieur Henri X... a formé tierce opposition du jugement du 25 mars 2004 et pour lequel, il n'avait pas été appelé en la cause.
Par jugement du 27 janvier 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées a :
-reçu en la forme Monsieur Henri X... en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées du 25 mars 2004, no 20300165,
-sur le fond, relevé que Monsieur Henri X... a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont il a été victime le 20 août 2002,
-dit que Monsieur Henri X... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale et que ledit accident ne constitue pas un accident du travail au sens de cet article,
-débouté Monsieur Henri X... de la tierce opposition qu'il a formé,
-confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées du 25 mars 2004.
Ayant interjeté appel de cette sentence à lui notifiée le 14 février 2005, par un pli recommandé expédié le 8 mars 2005, Monsieur Henri X... fait valoir à l'appui de son recours, dans des conclusions écrites développées oralement auxquelles il convient de se référer que l'accident dont il a été victime le 20 août 2002 est bien un accident du travail.
Il prétend que l'itinéraire qu'il a employé était bien plus adéquat que celui proposé par l'employeur. Cet itinéraire passait par l'autoroute, contrairement à celui de l'employeur qui impliquait l'usage d'une route, étroite, très encombrée l'été avec la descente d'un col en lacets, très dangereuse avec un semi-remorque. Il ajoute que même si l'itinéraire qu'il a utilisé était plus long, il était surtout moins fatiguant. Il souligne que l'employeur ne lui avait imposé aucun itinéraire.
Il indique qu'il voulait sortir à Orthez, après Puyo parce que la RN est interdite aux poids lourds.
Il considère que l'accident est arrivé en raison des cadences trop importantes, de repos pris dans une période estivale dans des conditions mauvaises, d'absence de climatisation dans le camion, de retards dans le chargement, d'où impératif de rouler la nuit pour rattraper le retard, impératifs d'horaires et exigences de rentabilité. Le fait qu'il est été en état d'ébriété ne change rien sur le caractère professionnel de l'accident survenu le 20 août 2002.
Il demande en conséquence à la Cour :
-d'annuler la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 25 mars 2004 et réformer la décision entreprise du 27 janvier 2005 qui a dit qu'il avait commis une faute inexcusable à l'origine exclusive de l'accident dont il a été victime le 20 août 2002,
-de s'entendre dire au contraire qu'il y a lieu de confirmer la décision de la Commission de Recours Amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Pyrénées du 14 mai 2003 en ce qu'elle a dit que l'accident dont il a été victime est bien un accident du travail et de dire qu'il devra bénéficier des indemnités prévues par le code de la sécurité sociale,
-de condamner la Société des Transports Y...aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Pyrénées s'en remet à la sagesse de la Cour.
De son côté, par conclusions écrites reprises oralement auxquelles il convient également de se référer, la Société des Transports Y...fait observer que les constations des gendarmes ont permis d'établir que Monsieur Henri X... a traversé purement et simplement l'autoroute sur le territoire de la commune d'Orthez et donc à un endroit qui était largement après le lieu géographique d'implantation du siège de l'entreprise auquel il était censé se rallier dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. Cet accident ne peut être considéré être survenu à l'occasion du travail car Monsieur Henri X... ne se trouvait pas dans le sens et la direction qui devaient être les siens s'il s'était agi de rejoindre normalement comme il le prétend, le siège de l'entreprise de son employeur.
Il s'agissait pour le salarié de faire un transport de légumes en Espagne, mission tout à fait normale entrant dans le cadre horaire et réglementaire des missions habituellement pratiquées, avec un horaire identique et une cadence de travail supportable par rapport à la réglementation sur les temps de conduite et de repos.
Rien ne permet de démontrer la réalité des dires de Monsieur Henri X... sur les cadences infernales.
La Société des Transports Y...précise que l'itinéraire emprunté le jour de l'accident est un itinéraire détourné par rapport à l'itinéraire habituellement pratiqué et parfaitement connu du salarié.
Elle souligne que contrairement aux dires de Monsieur Henri X..., la RN117 n'est pas interdite aux poids lourds en desserte locale, ce qui est le cas lorsqu'un véhicule rejoint son lieu de dépôt habituel. Dans tous les cas de figure qu'il s'agisse de la sortie de Puyo ou celle d'Orthez, Monsieur Henri X... devait emprunter la RN117 pour aller ou revenir au dépôt.
Enfin, l'alcoolisation coupable de Monsieur Henri X... est largement établie.L'accident du 20 août ne peut être considéré comme un accident du travail.
La Société des Transports Y...demande à la Cour :
-de dire et juger Monsieur Henri X... aussi bien irrecevable que mal fondé en son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Hautes Pyrénées en date du 27 janvier 2005,
-de débouter Monsieur Henri X... de sa tierce opposition à l'encontre du jugement rendu par le même tribunal le 25 mars 2004,
-de dire et juger que Monsieur Henri X... a commis des fautes intentionnelles qui rendent son comportement inexcusable à l'origine de l'accident dont il a été victime le 20 août 2002,
-de constater que sans justification aucune, Monsieur Henri X... a détourné sa mission de sa trajectoire normale et a été victime d'un accident alors que la localisation de ce dernier était incompatible et contradictoire aves le trajet qui devait normalement être le sien,
-de dire et juger que Monsieur Henri X... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, l'accident survenu ne pouvant constituer à l'égard de la Société des Transports Y..., un accident du travail au sens de cet article,
-de condamner Monsieur Henri X... à lui payer la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel, interjeté dans les formes et délais requis par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Il y a lieu tout d'abord en la forme de recevoir Monsieur Henri X... en la tierce opposition formée à l'encontre du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées du 25 mars 2004 intervenu entre la Société des Transports Y...et la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Pyrénées et ce, en application des articles 582 et suivants du l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale " est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise "
Monsieur Henri X... estime pouvoir bénéficier de cette présomption dans la mesure où cet accident s'est produit pendant son travail.
Il ressort toutefois des éléments du dossier, que Monsieur Henri X... était lors de l'accident, sous l'emprise d'un état alcoolique caractérisé par un taux de 2,25 grammes pour mille dans le sang et que cet état d'imprégnation alcoolique est consécutif à l'ingestion de quantités importantes de boissons alcoolisées lors de la pause du dîner, alors qu'il n'avait pas terminé son trajet et qu'il se trouvait au niveau de la frontière espagnole dans un restaurant de Behobie.
Par ailleurs, l'accident s'est produit a un endroit où Monsieur Henri X... n'aurait pas du se trouver dans l'exercice de son travail puisqu'il avait dépassé l'échangeur de Salies de Bearn et Puyo, trajet normal pour ramener le camion au siège de l'entreprise.L'argument présenté par Monsieur Henri X... pour justifier cet itinéraire n'est pas fondé dans la mesure où s'il était sorti à l'échangeur d'Orthez pour retourner en sens inverse et rejoindre l'entreprise, il aurait dû rouler sur la RN117 qui de toutes façons est ouverte aux poids lourds pour la desserte locale, ce qui est le cas lorsque le véhicule lourd rejoint son lieu de dépôt habituel. Il en est de même pour le moyen tiré des cadences infernales, du manque de repos et qui n'est étayé par aucune pièce et ce, en contradiction avec les éléments fournis par l'employeur.
Ainsi par deux fois, au cours de la soirée, Monsieur Henri X... n'a pas emprunté l'itinéraire normal initial à savoir la nationale 135 jusqu'à ARNEGUI et ensuite la départementale 933 jusqu'à Salies de Bearn et ensuite regagner SALLES-MONGISCAR, siège de l'entreprise.
Le premier détour a permis à Monsieur Henri X... d'effectuer sa pause dîner, marquée par une forte consommation d'alcool et d'acheter des boissons alcoolisées en Espagne. Cet itinéraire a été emprunté par Monsieur Henri X... pour des raisons de convenances personnelles totalement étrangères et inconciliables avec les conditions de travail normales. Le second détour qui impliquait le dépassement du siège de l'entreprise n'est absolument pas justifié. En agissant de la sorte, Monsieur Henri X... s'est soustrait à l'autorité et au lien de subordination caractérisant la relation de travail.
Il est, par ailleurs, de principe que ne peut être considéré comme un accident du travail, l'accident survenu à l'occasion de débordements de nature éthylique ou alors que la victime présentant un état d'alcoolémie tel qu'elle ne pouvait prétendre exercer normalement sa mission professionnelle.
En l'espèce, Monsieur Henri X... qui avait parfaitement conscience des risques auxquels il s'exposait en conduisant en état d'ébriété avancé et ce, pour avoir déjà été condamné pénalement par trois fois pour conduite en état d'ivresse a commis une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
Dès lors, il y a lieu de considérer au vu de ce qui précède que l'accident survenu le 20 août 2002 ne peut être considéré comme un accident du travail survenu dans le temps et à l'occasion du travail et ce, en raison des fautes intentionnelles de Monsieur Henri X..., étant rappelé que le salarié ne se trouvait au moment de l'accident du travail à aucun moment dans le sens et dans la direction qui devaient être les siens s'il s'était agit pour lui de rejoindre normalement comme il l'a prétendu, le siège de l'entreprise de son employeur.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire droit aux demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,
Dit que l'appel est recevable en la forme,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées du 27 janvier 2005 en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du nouveau code procédure civile,
Rappelle que la procédure est sans frais.
LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE,
Andrée BLANCHEArlette MEALLONNIER