RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 04 SEPTEMBRE 2024
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/04041 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ6BI
Décision déférée : ordonnance rendue le 01 septembre 2024, à 17h53, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [N] [K]
né le 08 novembre 1994 à [Localité 1], de nationalité pakistanaise
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3
assisté de Me Sophie Weinberg, substituée par Me Milly Marie avocat au barreau de Paris et de M. [B] [D] [L] (interprète en ourdou) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté
INTIMÉ :
LE PREFET DU VAL-DE-MARNE
représenté par Me Wiyao Kao du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;
- Vu l'ordonnance du 01 septembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux, déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une troisième prolongation de la rétention de M. [N] [K] au centre de rétention administrative [2] ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de quinze jours à compter du 1er septembre 2024 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 02 septembre 2024, à 17h08, par M. [N] [K] ;
- Après avoir entendu les observations :
- de M. [N] [K], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Sur la recevabilité de la requête du préfet, moyen préalable
L'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité.
Il résulte de l'article L.744-2 du même code que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer par tous moyens, et notamment d'après les mentions figurant au registre, émargé par l'étranger, que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé des droits qui lui sont reconnus et placé en mesure de les faire valoir ainsi que de les exercer effectivement (1re Civ., 31 janvier 2006, pourvoi n° 04-50.093).
Par ailleurs, le registre doit être actualisé et la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 23-10.130, 1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567).
A titre d'information, il est relevé que l'article 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) prévoit que « Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs
l'accompagnant ;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »
L'annexe de cet arrêté indique notamment que le registre comprend, au titre du 'IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement' les éléments suivants :'réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte '.
Enfin, il ne peut être suppléé à l'absence de ces pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
En l'espèce, le registre du centre de rétention administrative relatif à la rétention de M. [N] [K], ne comporte aucune mention permettant d'établir les heures de sortie et de retour du centre de rétention, ni les lieux de rétention au sens de l'article L. 744-2, à l'occasion de la tentative d'embarquement le concernant.
Le procès-verbal dressé par un agent de la police aux frontières de Roissy, le 29 août à 16h00, mentionne certes le refus d'embarquer sur le vol et l'absence d'escorte policière, toutefois il n'indique pas l'heure à laquelle l'interssé est arrivé, ni quand il est reparti de la cellule du site de Roissy. Après cette tentative de réacheminement il a été hospitalisé dans des conditions qui ne sont pas attestées en procédure et ne résulte que des pièces produites par le retenu sans être contestées par l'administration.
Il y a donc lieu de considérer que la requête n'est pas accompagnée des pièces justificatives utiles prévues par le texte précité.
Il s'en déduit que la requête du préfet est irrecevable et, le délai de maintien en rétention tel que prévu par les textes ayant expiré, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance critiquée et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, de constater que la mesure de rétention M. [N] [K] ne peut être prolongée et qu'il y a lieu d'ordonner la remise en liberté de l'intéressé.
PAR CES MOTIFS
CONSTATONS l'irrecevabilité de la requête du préfet de Police,
INFIRMONS l'ordonnance critiquée,
ORDONNONS la remise en liberté de M. [N] [K],
RAPPELONS à l'intéressé son obligation de quitter le territoire national,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 04 septembre 2024 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'interprète L'avocat de l'intéressé