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04/09/2024 | FRANCE | N°21/09568

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 04 septembre 2024, 21/09568


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024



(n°2024/ 278 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09568 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV65



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F18/07481





APPELANTE



S.A.R.L. BAN SABAI agissant po

ursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL, avocat au ba...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024

(n°2024/ 278 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09568 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV65

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F18/07481

APPELANTE

S.A.R.L. BAN SABAI agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

INTIMEE

Madame [L] [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Me Sofiane HAKIKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1653

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation,

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Philippine QUIL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Gisèle MBOLLO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Ban sabaï (SARL) a engagé Mme [O] [W] [L] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 janvier 2010 en qualité de masseuse.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'esthétique-cosmétique et enseignement associé.

En dernier lieu, elle avait la qualification d'employée esthéticienne spa et sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 2 003 €.

Le 5 octobre 2018, Mme [O] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour former des demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, des majorations dues pour le travail du dimanche et des jours fériés, de dommages et intérêts pour défaut de contrepartie obligatoire en repos, pour défaut de consultation des IRP et pour exécution déloyale du contrat de travail, d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de rappel d'indemnité d'entretien de la tenue de travail.

Par jugement rendu en formation de départage le 22 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Condamne la société BAN SABAI à payer à Mme [O] [W] les sommes suivantes :

Au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires :

Pour l'année 2016 :

- 1 629 €

- 162 € au titre des congés payés afférents

Au titre du défaut de contrepartie obligatoire au repos :

Pour l'année 2013 : 2 073 €

Pour l'année 2014 : 3 184 €

Pour l'année 2015 : 3 118 €

Au titre de défaut de consultation des IRP : 1000 €

Au titre de rappel de salaire pour le travail dominical et les jours fériés :

Pour l'année 2016 :

- 1 051 € au titre de la majoration des heures de travail dominical

- 105 € au titre des congés payés afférents

Au titre de rappel d'indemnité d'entretien de la tenue de travail : 1 200 €

Au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :5 000 €

Au titre des frais non remboursables : 1 000 €

Ordonne la remise des bulletins de paye rectificatifs conformes au jugement

Rappelle que les sommes ayant la nature de salaire produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud'homale et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud'homales,

Dit que sommes ayant la nature de dommages-intérêts sont assorties du taux légal à compter du jour du jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que les dépens seront supportés par la société ;

Ordonne l'exécution provisoire du jugement. »

La société Ban sabaï a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 19 novembre 2021.

La constitution d'intimée de Mme [O] [W] a été transmise par voie électronique le 1er février 2022.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 août 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Ban sabaï demande à la cour de :

« Voir dire et juger la société BAN SABAI recevable et bien fondée en son appel, ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

Infirmer le Jugement du 22 octobre 2021 du Conseil des Prud'hommes de Paris, dont appel, ayant condamné la société BAN SABAI à payer à Mme [O] [W] les sommes suivantes :

Au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires :

Pour l'année 2016 :

- 1 629 €

- 162 € au titre des congés payés afférents

Au titre du défaut de contrepartie obligatoire au repos :

Pour l'année 2013 : 2 073 €

Pour l'année 2014 : 3 184 €

Pour l'année 2015 : 3 118 €

Au titre de défaut de consultation des IRP : 1000 €

Au titre de rappel de salaire pour le travail dominical et les jours fériés :

Pour l'année 2016 :

- 1 051 € au titre de la majoration des heures de travail dominical

- 105 € au titre des congés payés afférents

Au titre de rappel d'indemnité d'entretien de la tenue de travail : 1 200 €

Au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 €

Au titre des frais non remboursables : 1 000 €

Et ayant ;

- Ordonné la remise des bulletins de paye rectificatif conforme au jugement,

- Rappelé que les sommes ayant la nature de salaire produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud'homale et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,

- Dit que les sommes ayant la nature de dommages-intérêts sont assorties du taux légal à compter du jour du jugement,

- Débouté la société BAN SABAI du surplus de ses demandes

- Dit que les dépens seront supportés par la société BAN SABAI

Rejeter les demandes incidentes de Mme [O] [W]

En conséquence,

Condamner Mme [O] [W] à payer à la société BAN SABAI la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [O] [W] demande à la cour de :

« - CONSIDERER que Mme [O] [W] s'approprie les motifs du jugement du 22 octobre 2021 de la section départage du Conseil de prud'hommes de Paris ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 26 mars 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2024.

MOTIFS

Sur la prescription

Les premiers juges ont retenu en substance que :

- l'action en paiement des salaires était prescrite pour la période antérieure au 11 octobre 2015 en application de l'article L.3245-1 du code du travail du fait que l'action a été introduite le 11 janvier 2018 ;

- l'action en indemnisation des contreparties obligatoires en repos n'est pas prescrite en application de l'article L.1471-1 du code du travail du fait que la société Ban sabaï n'a pas respecté l'obligation d'informer Mme [O] [W] du nombre d'heures de repos compensateur porté à son crédit comme le prévoit l'article D.3171-11 du code du travail en sorte que la prescription n'a pas commencé à courir ;

- l'action en indemnisation du défaut de consultation des IRP n'est pas prescrite

La société Ban sabaï demande la confirmation du jugement en ce qui concerne la prescription en faisant valoir que « la prescription court à rebours trois ans à compter du 11 octobre 2018 date de la lettre convocation devant le bureau de conciliation, c'est-à-dire que toute demande en deçà du 11 octobre 2015 est prescrite.

Et il en est de même pour les demandes accessoires et qui en découlent au titre du contingent d'heure ou de la consultation des institutions représentatives.

Il est demandé à la Cour de confirmer le Jugement sur ce point. »

La cour constate que la société Ban sabaï ne développe pas de moyen critiquant le jugement en ce qu'il a retenu que les actions en indemnisation des contreparties obligatoires en repos et du défaut de consultation des IRP ne sont pas prescrites.

Mme [O] [W] demande aussi la confirmation du jugement.

Le jugement est donc confirmé en ce qui concerne la prescription étant ajouté que comme l'a justement relevé le premier juge, l'action en indemnisation du défaut de consultation des IRP n'est pas prescrite faute d'expiration du délai de la prescription quinquennale applicable et que l'action en indemnisation des contreparties obligatoires en repos n'est pas prescrite non plus du fait que la société Ban sabaï n'a pas respecté l'obligation d'informer Mme [O] [W] du nombre d'heures de repos compensateur porté à son crédit comme le prévoit l'article D.3171-11 du code du travail en sorte que la prescription de l'article L.1471-1 du code du travail n'a pas commencé à courir.

Sur les heures supplémentaires

Mme [O] [W] demande la confirmation du jugement dont elle s'approprie les motifs.

Les premiers juges ont fait droit à la demande de ce chef à hauteur des sommes précitées après avoir retenu les motifs suivants après avoir rappelé les règles de droit : « En l'espèce, l'employeur soutient que la salariée ne pouvait ignorer qu'elle avait droit à une pause pour déjeuner, que le tableau produit aux débats a été unilatéralement rédigé, que le planning ne lui a jamais été adressé, car il reporte systématiquement le même nombre de jours travaillés et le même nombre de jours de repos de mois en mois, que la mention figurant au contrat de travail: « les horaires seront précisés une semaine à l'avance » ne signifie donc pas que le salariée recevra un planning car celui-ci est « contractualisé dans les faits » et diffère en fonction des groupes (certains commençant à 10h, d'autres à 11h, 12h ou 13h), qu'il n'est adressé qu'aux salariés en période d'essai, qu'il produit les attestations de 51 salariées qui confirment la véracité de leur bulletin de paie quant au nombre d'heures effectuées. Enfin, il indique qu'une cuisine et du riz sont à disposition des salariées dans les établissements ; que la période de 9h de travail indiquée sur le tableau de la salariée comporte une heure de repos ; que la salariée bénéficie de 4h supplémentaires à taux majoré car elle est engagée sur la base de 39h.

Cependant, la salariée produit un tableau récapitulatif comportant des éléments suffisamment précis quant au nombre d'heures qu'elle dit avoir effectuées. Elle rappelle que, conformément à l'article L.3121-2 du code du travail, le. temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés. aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis, c'est-à-dire quand le salarié reste à disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations. C'est le cas en l'espèce, car le temps de pause ne pouvait être pris à l'extérieur. En réponse, l'employeur ne produit aucun document établissant le nombre d'heures réellement effectuées. La rédaction en termes identiques des 51 attestations de salariées sur les conditions de travail dans la société amoindrit la force probante de ces preuves testimoniales. »

Il est de jurisprudence constante qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [O] [W] soutenait qu'elle effectuait 5 heures supplémentaires par semaine correspondant aux temps des pauses déjeuner du fait qu'elle devait interrompre sa pause pour prendre en charge des clients pendant ce temps-là dès que cela lui était demandé en sorte qu'elle devait se tenir à la disposition de l'employeur pendant l'heure de pause déjeuner et que ce temps devait donc être considéré comme du temps de travail effectif ; elle produit une attestation qu'elle s'est faite pour elle-même, les attestations des six autres salariées en procès comme elle dans des dossiers connexes, l'attestation d'une ancienne salariée et plusieurs tableaux récapitulant, jour par jour, les heures de travail qu'elle indique avoir accomplies et les décomptes des sommes dues.

Ces éléments sont suffisamment précis afin de permettre à la société Ban sabaï, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'occurrence, la société Ban sabaï ne verse aux débats aucun élément (relevé de badgeage/pointeuse, récapitulatif hebdomadaire des horaires contresigné etc.) justifiant des heures de travail exactes qui ont été effectuées par Mme [O] [W] et se borne à contester les demandes relatives aux heures supplémentaires en produisant les attestations de 51 autres salariées de l'entreprise qui déclarent toutes de façon quasi analogue « (...) avoir un contrat de travail de 39 heures et faire quatre heures supplémentaires par semaine. J'ai une pause déjeuner d'une heure pendant mes heures de travail hebdomadaire et déclare ne faire aucune autre heure supplémentaire. De plus, je n'ai jamais vu d'employés faire d'autres heures supplémentaires, ni faire 11 heures de travail par jour chez Ban Sabaï ».

En considération de l'ensemble des pièces versées aux débats par chacune des parties, la cour a la conviction que Mme [O] [W] a bien réalisé des heures supplémentaires retenues par les premiers juges ; en effet les 51 attestations produites par la société Ban sabaï ne contredisent pas le fait que Mme [O] [W] devait, comme certaines autres salariées qui attestent elles-mêmes en ce sens, prendre en charge des clients pendant leur temps de pause déjeuner dès que cela était demandé.

Face aux éléments présentés par Mme [O] [W], il appartenait à la société Ban sabaï de prouver qu'elle veillait à l'effectivité de la pause déjeuner pour que ce temps de pause reste un moment où Mme [O] [W] n'était pas sous la subordination de l'employeur et pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles.

Aucun des éléments produits ne permet de contredire le fait que Mme [O] [W] devait, au contraire, rester disponible pour prendre en charge des clients dès que cela lui était demandé en sorte que ce temps constitue du temps de travail effectif et doit être rémunéré.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré non utilement critiqué en son quantum en ce qui concerne les heures supplémentaires et les congés payés afférents est donc confirmé.

Sur les contreparties obligatoires en repos et les dommages-intérêts pour défaut de consultation des IRP.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux contreparties obligatoires en repos et aux dommages-intérêts pour défaut de consultation des IRP, la société Ban sabaï forme le moyen suivant au soutien de son appel : « Par suite, Il est demandé à la Cour d'infirmer le Jugement du Conseil et de rejeter toutes les demandes de Mme [O] [W] (relatives aux heures supplémentaires) ainsi que d'infirmer les demandes accessoires qui s'en induisent à savoir, le rejet des demandes de dommages-intérêts pour défaut de contrepartie obligatoire en repos au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires et le rejet des demandes de dommages-intérêts pour défaut de consultation des institutions représentatives du personnel. ».

C'est donc un moyen d'appel par voie de conséquence de l'infirmation demandée au titre des heures supplémentaires.

Le jugement déféré est donc confirmé par voie de conséquence en ce qui concerne les contreparties obligatoires en repos et les dommages-intérêts pour défaut de consultation des IRP au motif qu'aucun moyen propre n'est développé de ces chefs indépendamment des moyens relatifs aux heures supplémentaires, lesquels ont été rejetés.

Sur le travail les dimanches et jours fériés

Au soutien de son appel, la société Ban sabaï soutient qu'elle n'a aucune obligation de procéder à la majoration de la rémunération pour le travail effectué le dimanche au motif d'une part qu'elle bénéficie de la dérogation permanente de droit au repos dominical de l'article L.3132-12 du code du travail du fait qu'elle exploite une activité de spa, que cette activité est l'une des catégories d'établissements concernés par cette dérogation visée par l'article D.3132-5 du code du travail et du fait que « le repos de deux jours qui est accordé à chaque salarié, rappelons-le, n'a pas à faire l'objet d'un roulement forcément le dimanche et peut être fixe comme c'est le cas en l'espèce » et au motif d'autre part que « lorsqu'un établissement bénéficie d'une dérogation permanente de droit pour ouvrir le dimanche, la loi ne prévoit pas de majoration de salaire pour les heures effectuées un dimanche car le travail dominical découle des caractéristiques de l'activité ».

Mme [O] [W] demande la confirmation du jugement dont elle s'approprie les motifs.

Les premiers juges ont fait droit aux demandes de majorations pour le travail dominical et les jours fériés à hauteur des sommes précitées après avoir retenu les motifs suivants « L'article 3132-12 du code du travail dispose que « certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement ».

En l'espèce, l'employeur ne soutient pas qu'un roulement a été établi. Les jours de repos de la salariée étant fixés en semaine, elle est fondée, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le point de savoir si l'établissement relevait des dérogations permanentes au règles du travail dominical, à demander le rappel de majorations des heures de travail pour les dimanches et jours fériés. (...) ».

L'article L.3132-12 du code du travail dispose « Certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.

Un décret en Conseil d'État détermine les catégories d'établissements intéressées. »

Il ressort de l'article D.3132-5 du code du travail que les entreprises qui exploitent une activité de spa font partie des catégories d'établissements intéressées par la dérogation permanente de droit au repos dominical de l'article L.3132-12 du code du travail.

Les dispositions du paragraphe 4.5 de l'article 10 intitulé « Durée du travail. Organisation du temps de travail » de la convention collective nationale du 24 juin 2011 de l'esthétique-cosmétique et enseignement associé (BROCHURE JO 3123, IDCC 3032, étendue par arrêté du 30 mai 2012) sont les suivantes :

« Travail du dimanche et des jours fériés

Le travail du dimanche et des jours fériés est subordonné aux dispositions de la législation du travail. Le dimanche est par principe le jour de repos hebdomadaire. Le travail du dimanche est fondé sur le respect strict du volontariat.

Le nombre de jours fériés travaillés est limité à trois jours.

Lorsqu'une société désire bénéficier de l'une des exceptions à l'attribution du repos hebdomadaire le dimanche, elle doit en faire la demande auprès du préfet du département.

La rémunération des heures effectuées pendant les jours fériés légaux est majorée de 50 % indépendamment des majorations résultant des heures supplémentaires éventuelles.

La rémunération des heures effectuées le dimanche est au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »

Il ressort de l'extrait K bis de la société Ban sabaï qu'elle exerce les activités suivantes : « Massage thaïlandais réflexologie, vente et prestations dans le domaine du bien-être et de la détente, boissons non alcoolisées petite alimentation, dépôt vente meubles décoration » ;

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient d'abord que l'activité principale de la société Ban sabaï qui est d'exécuter des prestations dans le domaine du bien-être et de la détente, notamment comme la balnéothérapie comme cela ressort des photographies produites par la société Ban sabaï et des massages thaïlandais comme cela est constant, est une activité de spa dès lors qu'un spa est un lieu de détente et de confort dédié aux techniques de bien-être, de modelages, de massages divers et de soins par l'eau.

La cour retient ensuite que la société Ban sabaï ne peut utilement soutenir « le repos de deux jours qui est accordé à chaque salarié, rappelons-le, n'a pas à faire l'objet d'un roulement forcément le dimanche et peut être fixe comme c'est le cas en l'espèce » au motif que la prise du repos hebdomadaire par roulement avec deux jours de repos fixes dans la semaine comme cela est le cas de Mme [O] [W], ne satisfait pas la condition de l'article L.3132-12 du code du travail relative à l'attribution du repos hebdomadaire par roulement ; en effet la prise du repos hebdomadaire par roulement avec deux jours de repos signifie que plusieurs séquences doivent contenir un dimanche, et donc que chaque salarié doit avoir la possibilité de bénéficier à certaines occasions, par roulement, d'un jour de repos le dimanche.

La condition de l'article L.3132-12 du code du travail relative à l'attribution du repos hebdomadaire par roulement n'étant pas satisfaite, la société Ban sabaï ne peut utilement invoquer le bénéfice de la dérogation permanente de droit au repos dominical de l'article L.3132-12 du code du travail.

De surcroît, la convention collective prévoit que « La rémunération des heures effectuées pendant les jours fériés légaux est majorée de 50 % indépendamment des majorations résultant des heures supplémentaires éventuelles.

La rémunération des heures effectuées le dimanche est au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »

La cour retient donc que la société Ban sabaï est mal fondée à soutenir qu'elle n'a aucune obligation de procéder à la majoration de la rémunération pour le travail effectué le dimanche au motif que la convention collective ne prévoit aucune restriction aux majorations conventionnelles qu'elles édictent pour les dimanches et les jours fériés travaillés ; c'est donc en vain que la société Ban sabaï soutient « Attendu que même si la convention collective de l'Esthétique/Cosmétique applicable à BAN SABAI dispose en son article 10, point 4-5 : « Le ' travail du dimanche et des jours fériés est subordonné aux dispositions de la législation du travail. »

Il n'empêche que ce texte ne prévoit un paiement double du travail le dimanche qu'au sujet des dérogations exceptionnelles au repos dominical et non pas au sujet des exceptions de droit et permanentes. » ; en effet ce dernier moyen est une dénaturation du texte par ajout d'une restriction.

Finalement la cour retient que la société Ban sabaï est mal fondée à invoquer le paragraphe 4.5 de l'article 10 de la convention collective nationale du 24 juin 2011 de l'esthétique-cosmétique et enseignement associé pour se soustraire à la majoration conventionnelle du double prévue pour les dimanches travaillés mais en outre, elle n'invoque aucune norme impérative pour se soustraire à la majoration conventionnelle de 50% prévue pour les jours fériés travaillés.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Mme [O] [W] est bien fondée dans ses demandes relatives aux majorations dues pour les dimanches et les jours fériés travaillés comme le premier juge l'a retenu.

Le jugement déféré est donc confirmé de ces chefs.

Sur l'entretien de la tenue de travail

Pour demander l'infirmation du jugement, la société Ban sabaï soutient qu'elle prouve que les tenues de travail sont lavées quotidiennement par l'entreprise comme cela ressort de la production du bail commercial (pièce employeur n° 5) ayant pour objet une laverie automatique réservée au lavage des serviettes des clients et des tenues des salariées et que Mme [O] [W] ne produit aucun élément, aucune facture de lavage et aucune preuve sur ce point.

Mme [O] [W] demande la confirmation du jugement dont elle s'approprie les motifs.

Les premiers juges ont fait droit à la demande formée au titre de l'entretien des tenues de travail à hauteur de 1 200 € après avoir retenu les motifs suivants « En l'espèce, la salariée devait revêtir une tenue de travail laissant apparaître le logo de l'établissement.

L'employeur fait valoir qu'il est également gérant d'un établissement de laverie automatique.

Cependant, il n'établit pas que le lavage de la tenue de travail était pris en charge par la laverie ou que la salariée y bénéficiait d'un accès gratuit. De plus, la salariée devait acheter sa tenue.

Il en résulte qu'elle est fondée à demander une indemnité de 50 € par mois.

S'agissant d'une action concernant l'exécution du contrat de travail, qui relève de la prescription biennale, elle est fondée à demander 24 mois d'indemnités, soit 1200 €. »

Il est de jurisprudence constante que lorsque le port d'un vêtement de travail est obligatoire et inhérent à l'emploi, l'employeur doit assurer la charge de son entretien et qu'à défaut de prise en charge de cet entretien par l'employeur, l'évaluation du coût de l'entretien de la tenue de travail obligatoire relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Il est constant qu'au sein de la société Ban sabaï, le port d'une tenue de travail noire et siglée est obligatoire.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [O] [W] est bien fondée dans sa demande à hauteur de 1 200 € (50 € par mois pendant 2 ans) comme l'a exactement retenu le conseil de prud'hommes au motif que la société Ban sabaï ne rapporte pas la preuve qu'elle a mis en place les modalités de pris en charge de l'entretien par l'entreprise des tenues de travail de Mme [O] [W].

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Pour demander l'infirmation du jugement, la société Ban sabaï soutient le moyen suivant « La prétendue « caméra » ne résulte que d'une pièce n°7 adverse qui n'établit ni que l'on se situe chez BAN SABAI ni qu'il s'agit d'une caméra.

S'il est vrai que le procès-verbal d'huissier aurait pu prendre des photographies du local réservé aux salariés, il n'empêche qu'à 10h ou 21h les salariées, toutes féminines, se changent pour prendre leurs services ou rentrer à leurs domiciles et qu'il aurait été inconvenant de constater. »

Mme [O] [W] demande la confirmation du jugement dont elle s'approprie les motifs.

Les premiers juges ont fait droit à la demande de ce chef à hauteur de 5 000 € après avoir retenu les motifs suivants « Vu les articles L2323-32, 1222-4 et L1221-1 du code du travail:

La salariée fait état de l'installation d'une vidéo surveillance dans le lieu de prise des repas, qui fait également office de vestiaire.

L'employeur soutient que la caméra qui figure sur une photo produite par la salariée ne permet pas d'établir qu'elle a été installée dans l'établissement où elles travaillent.

Cependant, l'employeur, qui a fait visiter les locaux par un huissier afin de produire des documents photographiques, n'a pas demandé à ce dernier de documenter le local où se trouve la caméra.

La preuve produite par la salariée sera donc accueillie. La présence d'une caméra dans le lieu de repos, qui n'a pas été discutée par les institutions représentatives du personnel, qui n'a pas été portée préalablement à la connaissance de la salariée et qui, de plus, ne vise aucun objectif de sécurité est manifestement intrusive et déloyale. La salariée est fondée à demander 5 000 € de ce chef. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [O] [W] est bien fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de la somme de 5 000 € comme l'a exactement retenu le conseil de prud'hommes au motif que la société Ban sabaï ne rapporte aucun élément de preuve pour contredire la photographie produite par Mme [O] [W] sur laquelle une caméra est visible dans un vestiaire dont il ressort qu'une caméra a été installée dans le local où les salariées de la société Ban sabaï se changent.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Ban sabaï aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Ban sabaï à payer à Mme [O] [W] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

Condamne la société Ban sabaï à verser à Mme [O] [W] une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne la société Ban sabaï aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/09568
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.09568 ?
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