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04/09/2024 | FRANCE | N°21/06630

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 04 septembre 2024, 21/06630


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06630 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDDT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02940





APPELANT



Monsieur [W] [Z]

[Adresse

2]

[Localité 3]

Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257







INTIMEE



S.A.R.L. SECURITAS FRANCE SARL , prise en la personne de son représentant légal

N° ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06630 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDDT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02940

APPELANT

Monsieur [W] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMEE

S.A.R.L. SECURITAS FRANCE SARL , prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 304 497 852

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant et par Me Nicolas DESHOULIERES, avocat au barreau de TOURS, toque : 006

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Véronique MARMORAT, présidente

Fabienne Rouge, présidente

Anne MENARD, présidente

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [W] [Z] a été embauché par la société Sécuritas France le 24 octobre 1997 en qualité d'agent d'exploitation, selon un contrat à durée déterminée converti en contrat à durée indéterminée le 22 avril 1998, et occupait, en dernier lieu, les fonctions de responsable de site au sein de l'établissement public du [Localité 5].

Après un avertissement pour absence injustifiée prononcé le 24 mai 2019 et une mise à pied disciplinaire de 3 jours prononcée le 4 décembre 2023 pour divers manquements, le salarié est licencié le 30 décembre 2019 pour faute grave qui serait constituée notamment par l'absence d'établissement de planning de ses équipes, des carences de management et des facturations non effectuées.

Le 13 mai 2020, monsieur [Z] a saisi en nullité de ces sanctions disciplinaires dont son licenciement ou à titre subsidiaire en contestation de celles-ci, le Conseil des prud'hommes de Paris lequel par jugement du 30 mars 2021 a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la société Securitas France à lui verser les sommes suivantes :

- 6 220,64 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 622,06 euros à titre de congés payés afférents,

- 21 426,64 euros au titre d'indemnité de licenciement,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la mise à pied disciplinaire,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision le 20 juillet 2021.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [Z] demande à la cour d'infirmer ce jugement lorsqu'il l'a débouté de ses demandes formées aux titres de l'indemnisation de son licenciement et statuant de nouveau de condamner la société Sécuritas France aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :

18 661,92 euros pour licenciement discriminatoire

93 209,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre subsidiaire à la somme de 53 875,44 euros

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Sécuritas France demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement, l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée, de débouter monsieur [Z] de toutes ses demandes ou à titre subsidiaire de confirmer le jugement et en tout état de cause de condamner monsieur [Z] aux dépens qui seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, Selarl Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Motifs

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les sanctions disciplinaires

Principe de droit applicable

Aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Application en l'espèce

Sur l'avertissement du 24 mai 2019

Selon l'article 7.02 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, une absence est irrégulière lorsque le salarié n'aura pas prévenu son employeur de l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'assurer son service et obtenu son accord. Il a l'obligation de prévenir par téléphone son employeur dès qu'il connait la cause de l'empêchement et au plus tard 1 vacation ou 1 journée avant sa prise de service, afin qu'il puisse être procédé à son remplacement. Cette absence sera confirmée et justifiée par écrit dans un délai de 48 heures à compter du premier jour de l'absence, le cachet de la Poste faisant foi. Toutefois, s'il est reconnu qu'il se trouvait dans un cas de force majeure qui l'a empêché de prévenir son employeur, une telle absence sera reconnue comme régulière si le salarié l'a justifiée dans un délai de 2 jours francs, le cachet de la Poste faisant foi.

En l'espèce, il a été reproché à monsieur [Z] de s'être absenté le 8 avril 2019 et de n'avoir présenté une demande de justificatif d'absence.

L'employeur produit la demande de justificatif d'absence reçue le 25 avril 2019 par le salarié lequel ne conteste pas cette absence qu'il aurait pris en concertation avec ses adjoints pour un impératif personnel. Aucune pièce ne vient établir que l'employeur ait été informé de cette absence dans les délais rappelés ci-dessus et les explications de monsieur [Z] sur le retard de son supérieur hiérarchique pour valider à postériori cette absence ne peuvent être retenues, le manquement à ses obligations étant établi.

En conséquence, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud'hommes sur ce point.

Sur la mise à pied disciplinaire du 4 décembre 2019

Sur l'absence de mise en place et de suivi du plan d'action : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas mis en 'uvre le plan d'action remis le 26 avril 2019, malgré la relance qui lui a été faite le 2 juillet 2019. Le suivi des plans d'action relève des missions des responsable de site telles que définies dans la note annexée à l'avenant du 20 septembre 2013 relative à ce poste. Un tel plan a été élaboré pour le site musée du Louvre remis et signé le 26 avril 2019 comprenant 12 points d'action confiés au salarié dont 11 à effet immédiat. Monsieur [Z] fait valoir que ce plan avait principalement pour objet de contrôler ces faits et gestes et met en cause le comportement du directeur d'agence, monsieur [P], explique que ce serait la première fois qu'un tel plan lui aurait été proposé, qu'en outre, ce plan l'obligeait à une présence certains week-ends, contrairement à une pratique décennale antérieure et qu'enfin, ce site n'a été équipé d'internet qu'en mai 2019. Plus généralement, monsieur [Z] estime que la lourdeur de ses tâches, ayant pris ce site en février 2019 comprenant environ 150 agents, l'empêchait de renseigner ce plan d'action et que les réunions hebdomadaires et le document mensuel suffisaient pour renseigner utilement le directeur d'agence. L'employeur produit le courriel de monsieur [P] du 2 juillet 2019 dans lequel il mentionne attendre les éléments factuels de ses actions ainsi que les plans d'action précédemment remis à monsieur [Z] sur d'autres sites le 29 juin 2017 et le 27 septembre 2017.

Sur l'absence de suivi du plan de formation des agents : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas communiqué ses besoins pour ce suivi des agents malgré le rappel qui lui a été transmis le 28 août 2019. Cette mission se trouve définie dans la même note annexée à l'avenant du 20 septembre 2013. Monsieur [Z] affirme avoir transmis ces besoins en ne produisant que la copie d'un écran ne comportant que l'énoncé de rubriques alors que la société Sécuritas France verse aux débats de nombreux courriels de rappel sur ce manquement.

Sur l'absence de suivi et mise à jour du classeur des consignes : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas mis en place les consignes Sécuritas, les consignes et classeurs de l'entreprise sortante soit la société Onet étant toujours présentes huit mois après le changement d'entreprise prestataire. Monsieur [Z] produit deux courriels des 18 et 31 juillet 2019 dans lesquels il commande des classeurs de consigne et informe son équipe de la mise en place de l'un d'eux.

Sur l'absence de suivi de conformité réglementaire : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas réalisé le suivi du plan de prévention, du document unique et des cartes professionnelles, malgré plusieurs rappels qui lui ont été adressés. Cette mission se trouve définie dans la même note annexée à l'avenant du 20 septembre 2013. Monsieur [Z] explique que la délivrance des cartes et les contrôles incombaient au directeur d'agence lors du transfert des agences, qu'il a communiqué le document unique et communique une chaîne de courriels comprise entre février et juin 2019 relative à la mise en place de deux classeurs sociaux comprenant les documents réglementaires, la liste à jour des délégués et l'élaboration du document unique. La société Sécuritas France produit essentiellement des courriels de rappel relatifs aux éléments manquant non transmis par monsieur [Z] devant servir à l'élaboration des cartes professionnelles.

Sur l'absence de suivi des équipements sur site : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas assuré le suivi des tenues, des stocks et notamment des chaussures de sécurité conformément au cahier des charges et des engagements contractuels. Le salarié affirme ne pas avoir été défaillant et communique les commandes de vêtements datant d'avril, mai, juin 2019, et de chaussures datant de novembre 2019, un différend existant à ce sujet sur le modèle de chaussure monsieur [Z] ayant été en attente de la validation hiérarchique après test de différents modèles par les agents.

Sur la signature des bons de commande : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir respecter la procédure relative à l'établissement et au suivi des devis malgré les relances qui lui ont été faites et en particulier de n'avoir pas signés tous les bons de commande ce qui nuirait à la rentabilité du site. Cette mission se trouve définie dans la note annexée à l'avenant du 20 septembre 2013. Monsieur [Z] estime que la réalisation et la validation des devis ne ressortent pas de sa compétence. Or, à la lecture de la lettre du 4 décembre 2019, il ne lui est rien reproché au sujet des devis mais il lui est reproché de n'avoir pas signé les bons de commandes, nécessaires à la facturation des prestations supplémentaires. Ce manquement est justifié par les bons de commande produits par l'employeur et non signés et les courriels de rappel des 29 août 2019 et 3 septembre 2019.

Sur le contrôle des absences : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas respecté la procédure relative aux absences nécessitant son passage agence alors que le salarié estime que cette question relève exclusivement du responsable ressources planning. Cette mission peut être raccordée à celles définies dans la note annexée à l'avenant du 20 septembre 2013 puisqu'il est garant de la continuité du service et doit rendre compte des incidents pouvant impacter le suivi des ressources humaines telles que les absences des agents. Pour établir de manquement, la société Sécuritas France produit des tableaux sans commentaire et en l'état inexploitables.

Sur le suivi de la mission Joconde : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas assuré la mission complémentaire lui ayant été confiée du 20 juillet 2019 au 30 septembre 2019 et d'avoir créé un différentiel de 895.5 heures non inscrites pour le mois de septembre 2019. Monsieur [Z] fait valoir que c'est monsieur [K] qui était en charge de cette mission alors que la société Sécuritas France soutient que celui-ci était en charge de la relation client et non du suivi opérationnel. Cette mission opérationnelle relative à la gestion des flux pour la Joconde lui a été confiée et détaillée par monsieur [P] le 22 juillet 2019.

Sur l'incident du 5 octobre 2019 : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] d'avoir été informée le 10 octobre 2019 d'un incident survenu le 5 octobre soit une alerte donnée à 21 h d'un groupe tentant de forcer une entrée sans qu'un rapport circonstancié ne lui ait été transmis par le salarié très rapidement et que malgré une relance le 14 octobre 2019, ce rapport n'a toujours pas été transmis, il le sera le 16 octobre, pas plus qu'il ne lui a été formulé de nouvelle proposition d'organisation ou de mesure corrective. Monsieur [Z] explique que cet incident s'est produit un week-end et qu'il n'en a eu connaissance que le lundi et qu'il a changé d'affectation l'agent responsable de l'incident, satisfaisant ainsi à la demande du client. L'employeur produit les courriels s'étonnant de ne pas avoir été informé ni avoir reçu de rapport le vendredi suivant l'incident ainsi que des rappels sollicitant un rapport.

Sur le respect de la procédure relative aux heures supplémentaires : dans la lettre du 4 décembre 2019, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] d'avoir effectué des heures supplémentaires sans en avoir informé son responsable hiérarchique contrairement aux obligations figurant dans son contrat de travail et dans le règlement intérieur. Monsieur [Z] fait valoir que ses plannings ayant été validés, aucun reproche ne peut lui être fait. Pour établir ce manquement, l'employeur ne produit qu'un courriel peu explicite.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société Sécuritas France a été retenue en février 2019 pour assurer la sécurité du musée du Louvre à la suite de la société Onet dont elle reprenait les agents et que monsieur [Z] a été chargé d'assurer sur le plan opérationnel la sécurité du site en tant que « responsable du site ». Compte tenu de l'importance de ce marché et de la valeur des biens gardés, il lui incombait de respecter scrupuleusement ses obligations, en particulier d'informer la société Sécuritas France de l'exécution du plan d'action, de rendre compte par écrit et de manière détaillé du moindre incident et de permettre de satisfaire aux obligations de l'employeur à l'égard des 150 agents placé sous sa responsabilité en donnant tous éléments utiles à cette fin.

En conséquence, cette sanction est justifiée et proportionnée.

La décision du Conseil des prud'hommes est infirmée sur ce point.

Sur la discrimination

Principe de droit applicable

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Application en l'espèce

Monsieur [Z] soutient qu'il a eu une carrière exemplaire, ayant été embauché le 27 octobre 1997 et n'a jamais été sanctionné et que ce n'est qu'à partir de sa candidature au comité social et économique pour la liste Sud Solidaire Prévention Sécurité aux élections des 14 et 17 juin 2019 que de telles sanctions ont été prises.

Pour établir les faits laissant supposer une discrimination, monsieur [Z] se fonde essentiellement sur les sanctions disciplinaires prononcées dont il vient d'être démontré qu'elles étaient justifiées.

En conséquence, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud'hommes sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable

Aux termes des dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Par application des dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Application en l'espèce

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

'  1. Concernant la planification

Au regard de vos fonctions de Responsable de site, vous êtes en charge d'établir les plannings et de vous assurer de la continuité du service. Vous êtes garant du respect de la législation sur cette thématique.

Nonobstant la mise à votre disposition de moyens humains supplémentaires(planificateur), vous n'assurez pas correctement cette mission.

D'une part, vous n'êtes pas sans savoir que notre accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail prévoit la transmission de plannings prévisionnels à trois mois. A ce jour, cette disposition n'est toujours pas appliquée au sein de votre site. Cette situation a mené à plusieurs alertes lors des réunions du Comité Social et Economique. Par mail du 23 décembre 2019, un représentant syndical vous a saisi directement afin de vous demander de respecter l'accord d'entreprise.

D'autre part, il a été constaté l'absence de planification de 15 890 heures à fin décembre suivant la modulation de l'accord précédemment cité pour le 1er trimestre 2020.

Vous ne pouvez ignorer que de tels agissements sont fautifs et portent atteinte à notre société qui manque à ses obligations légales à l'égard de ses salariés.

2. Concernant le management et la relation client

Dans le cadre de votre fonction vous êtes le garant de la qualité de la prestation. Cela doit se traduire par un management à la hauteur des exigences et des spécificités du site. Vous devez respecter un devoir de confidentialité mais également être en mesure de faire remontrer toutes informations utiles qui pourraient impacter la prestation.

Le 06/12/2019 un représentant du personnel, agent sur votre site, a adressé un mail à la Direction d'une teneur alarmante. Ce courriel dont vous étiez en copie faisait échos de la diffusion d'un compte-rendu confidentiel qu'il était primordial de ne pas diffuser. Les propos rapportes sont lourds de conséquences pour le bon déroulement de la prestation :

' Au vu de ce qui s'est passé lors de la dernière réunion du 05/11/2019 :

Les man'uvres, de la part de l'encadrement de Sécuritas [Localité 5], tendant à opposer les agents les uns contre les autres ;

L'incitation à la haine, auprès de mes collègues, dont j'ai fait l'objet par la diffusion d'un compte rendu mensonger et à charge de la part de l'encadrement (chef de site et son adjoint) ;

Les diffamations flagrantes, de la part de ce même encadrement, envers les élus CGT Sécuritas [Localité 5]... nous obligent à suspendre toutes les réunions de cette commission (PCT).

Nous ne voyons pas comment nous pouvons continuer à travailler, pour le bien de tous, avec cet encadrement.

Nous vous alertons des conséquences graves et dramatiques que ces pratiques, ci-haut dénoncées, pourront en résulter. '

En raison d'un contexte difficile sur le site, l'organisation de ces réunions avait pour objectif de maintenir une prestation de qualité et une communication positive.

Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que la fidélisation du client constitue un élément important de vos missions et que vous êtes considéré comme étant l'interlocuteur direct et privilégie. C'est pour cette raison qu'il est regrettable qu'au vu des différents événements, notre réfèrent Client Musée du [Localité 5], nous ait fait remonter ses interrogations et ses doutes sur votre gestion de la prestation.

3. Concernant la facturation de prestations supplémentaires

En tant que Responsable de site, vous devez contribuer activement à la rentabilité du site au travers de l'optimisation de la prestation, de la qualité de la prestation et de la répercussion des coûts.

Cependant, malgré les invitations à venir en agence, l'accompagnement effectué par l'assistante et de ses multiples relances sur le mois de décembre, notamment par son dernier mail de rappel en date du 03/01/2020, les facturations ne s'effectuent toujours pas dans les délais et pénalisent fortement la rentabilité financière de l'agence.

Pour rappel, la préfacturation doit être contrôlée avec les bons de commandes et les heures planifiées, cela afin de vérifier que les heures prestées sont bien facturées de façon à prévenir toute perte financière. Ce qui n'est toujours pas fait à date.

4. Concernant les consignes pour la société en charge de la mission cynophile

En sus des missions évoquées précédemment, votre rôle consiste à être garant du suivi et de la mise à jour des consignes, de leur bon respect par les agents et de la qualité de la prestation.

Force est de constater que vous avez transmis à la nouvelle société en charge de la prestation de la mission agent cynophile pour le musée du [Localité 5] (jardin des Tuileries, de la Pyramide du [Localité 5], de la cour Napoléon...) des consignes erronées qui révèlent un manque de rigueur professionnelle et d'implication dans vos responsabilités.

Les consignes Sécuritas notifiaient entre autres au jardin des Tuileries, l'obligation d'ouvrir la grille centrale (Concorde), or il ne faut jamais ouvrir cette dernière. Pour des raisons de sécurité, il ne faut ouvrir que le côté gauche et le côté droit car les pots de fleurs servent de bélier.

Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer le système de ronde n'est toujours pas opérationnel et fiable, ce qui va à l'encontre de nos obligations.

5. Concernant les réunions des chefs d'équipe

En tant que Responsable de site vous devez animer votre équipe d'encadrement. Malgré plusieurs demandes provenant de votre hiérarchie, aucune organisation de réunion mensuelle n'est proposée à ce jour.

Cette absence d'encadrement et de suivi des équipes entraine un manque de communication ascendante et descendante qui impacte la qualité de la prestation sur site.

6. Concernant le suivi disciplinaire

Un responsable de site se doit de justifier et proposer à son responsable hiérarchique les éventuelles mesures disciplinaires qu'il voudrait voir prendre à l'encontre des agents qu'il anime.

Par mail en date du 16 décembre 2019 vous rapportez les faits suivants

' Le chef d'équipe Sécuritas des Tuileries (M. [Y]) n'a pas fait de vérification du matériel à sa fin de service. Déjà reçu et rappelé à l'ordre pour un écart de prestation le 16/11/19, en ayant fait entrer les visiteurs à 08h20 alors que le musée était fermé, un rappel doit-il être fait à mon niveau ou une mesure disciplinaire en agence est-elle justifiée ' '

Une réponse vous est apportée par mail en date du 17/12/2019 suivant les procédures mises en place au sein de notre entreprise :

' Il existe un formulaire de demande de sanction... '

Par mail en date du 18/12/2019 vous réclamez ce document '

' Comme indiqué aujourd'hui, pouvez-vous me transmettre le document '

J'en aurai besoin pour donner suite aux évènements survenus au chantier lundi dernier. '

En date du 26/12/2019 la direction vous retransmet un mail en date du 25/02/2019 dans lequel est joint la grille d'analyse des sanctions.

Après 10 mois sur site et plusieurs années sur le poste de Responsable de site, il est inconcevable au vu de vos missions d'être autant en décalage avec des procédures appliquées et applicables depuis des années dans l'entreprise.

Enfin, concernant les faits survenus relatifs à M. [F] vous n'avez pas géré son affectation sur le jardin des Tuileries comme déjà évoqué.

Vous n'avez donc pas respecté :

Le règlement intérieur de notre entreprise ;

Votre contrat de travail. '

Monsieur [Z] soutient que les faits évoqués relèveraient davantage de l'insuffisance professionnelle et ne peuvent constitués une faute, qu'il n'a pas reçu de formation adéquate pour exercer ses missions, que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en prononçant la mise à pied disciplinaire le 4 décembre 2019, la procédure de licenciement ayant été initiée le 30 décembre 2019, et que certains faits sont soit non datés soit prescrits.

Sur la planification

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de ne pas avoir transmis de plannings prévisionnels à trois mois conformément à l'accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail en vigueur.

Monsieur [Z] explique qu'il aurait respecté cette obligation à l'exception du mois de décembre qui a dû être réorganisé dans son intégralité et qu'en outre c'est la responsable ressources planning qui avait la charge d'adresser aux salariés l'ensemble des plannings aux salariés.

La société Sécuritas France produit l'accord d'entreprise, les alertes des représentants du personnel notamment lors du comité social et économique du 14 novembre 2019, l'interpellation directe de monsieur [B], représentant syndical, qui dans son courriel du 23 décembre 2019 demande à monsieur [Z] ' de faire ne nécessaire pour envoyer les plannings janvier et prévisionnels de février et mars comme le prévoit l'accord OTT13S. A ce jour, les salariés nous signalent qu'ils n'ont pas reçu que le planning du mois de janvier '.

En tant que responsable de site, monsieur [Z] établit les plannings et s'assure de la continuité du service dans le respect de l'accord d'entreprise et ne peut valablement prétendre que son retard relèverait de la responsable ressources planning qui travaillait sous sa responsabilité.

En conséquence, ce grief est établi.

Si ce manquement a pu être connu lors du prononcé de la mise à pied disciplinaire, il n'y ait pas fait mention et le retard d'établissement a été particulièrement caractérisé en fin d'année 2019 comme le reconnaît le salarié lui-même et le souligne monsieur [B].

Ce manquement constitue une faute contractuelle avérée.

Sur le management et la relation client

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche essentiellement à monsieur [Z] de n'avoir pas respecté son obligation de confidentialité contenu dans l'article 2.1 de son contrat de travail en communiquant un compte rendu confidentiel.

L'employeur produit un courriel de monsieur [U], élu CGT et agent de sécurité sur le site du [Localité 5] en date du 6 décembre 2019 portant les mentions suivantes :

'Au vu de ce qui s'est passé lors de la dernière réunion du 05/11/2019 :

Les man'uvres, de la part de l'encadrement de Sécuritas [Localité 5], tendant à opposer les agents les uns contre les autres ;

L'incitation à la haine, auprès de mes collègues, dont j'ai fait l'objet par la diffusion d'un compte rendu mensonger et à charge de la part de l'encadrement (chef de site et son adjoint) ;

Les diffamations flagrantes, de la part de ce même encadrement, envers les élus CGT Sécuritas [Localité 5]... nous obligent à suspendre toutes les réunions de cette commission (PCT). '

La société Sécuritas France verse aux débats également le compte-rendu de la commission sur la planification et les conditions de travail du 5 novembre 2019 qui a été transmis par monsieur [Z] à monsieur [P] le 8 novembre 2019 pour validation. Le lendemain, monsieur [U] que ce projet a été diffusé à monsieur [P] mais aussi à monsieur [H] qui l'aurait diffusé aux agents.

Aucune de ces pièces n'établissant que monsieur [Z] ait transmis ce compte-rendu, en conséquence, il ne peut lui être reproché une violation de son obligation de confidentialité, comme l'ont justement apprécié les premiers juges.

Sur la facturation des prestations supplémentaires

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] le fait que les bons de commandes ne sont pas adressés dans les délais ce qui décale la facturation et évoque un dernier courriel de rappel en date du 03/01/2020 lequel n'est pas produit.

Ce manquement a déjà été pris en compte dans la lettre de mise à pied disciplinaire et l'employeur ne produit aucune pièce établissant un nouveau manquement entre cette lettre du 4 décembre 2019 et l'engagement de la procédure de licenciement. Il convient en conséquence d'écarter ce grief et de confirmer l'appréciation du Conseil des prud'hommes sur ce point

Sur les consignes pour la société en charge de la mission cynophile

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] d'avoir transmis des consignes erronées à la société en charge de la mission cynophile notamment en lui donnant à tort l'obligation d'ouvrir la grille centrale (Concorde). Pour établir ce manquement, l'employeur produit un courriel du 14 janvier 2020. En tant que responsable du site, monsieur [Z] devait s'assurer de l'exactitude des consignes données. Ce manquement mineur a fait l'objet d'un réajustement et ne peut être qualifié de fautif.

Sur les réunions mensuelles de chefs d'équipes

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas organisé de réunions mensuelles de chefs d'équipe. Monsieur [Z] explique qu'il les voyait quotidiennement, qu'ainsi l'information circulait, qu'il n'avait que 8 chefs d'équipe dont deux de nuit et que leurs plannings respectifs ne leur permettaient pas de se rendre à ces réunions tout en assurant leurs missions.

Cette obligation figurait dans le plan d'action qui n'a pas été respecté par monsieur [Z], manquement qui a déjà été sanctionné par la mise à pied disciplinaire.

En conséquence, ce grief ne peut être retenu pour justifier son licenciement.

Sur le suivi disciplinaire

Dans la lettre de licenciement, la société Sécuritas France reproche à monsieur [Z] de n'avoir pas proposé de sanction disciplinaire pour des manquements commis par le chef d'équipe Sécuritas des Tuileries, monsieur [Y] qui n'a pas fait de vérification du matériel à sa fin de service, malgré un précédent rappel à l'ordre pour un écart de prestation le 16 novembre 2019, en ayant fait entrer les visiteurs à 08h20, en demandant des instruction pour ce second manquement et sollicitant les formulaires alors qu'il gère du personnel depuis de nombreuses année.

Monsieur [Z] explique que cette sanction était à son sens injustifié en raison de l'âge de l'agent concerné à deux ans de la retraite.

Cette appréciation n'enlève en rien sa méconnaissance des procédures disciplinaires et le fait qu'il ne réfère pas à son supérieur hiérarchique pour lui présenter les éléments nécessaires à la prise de décision avec les formulaires adéquats.

En conséquence, ce manquement est avéré.

Ces éléments pris dans leur ensemble constituent une faute justifiant que la rupture du contrat de travail soit mise à la charge du salarié sans toutefois rendre immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes qui a retenu un licenciement pour cause réelle et sérieuse ainsi que les montants retenus pour indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement.

Par ces motifs

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de l'annulation de la mise à pied et l'allocation de la somme de 1000 euros à titre de dommages intérêts pour cette nullité ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [Z] à verser à la société Sécuritas France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne monsieur [Z] aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/06630
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.06630 ?
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