Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06550 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC22
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/08781
APPELANTE
S.A.S. CIEL BLEU prise en la personne de son Président
N° SIRET : 440 887 693
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 629, avocat postulant et par Me Antoine GOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0374, avocat plaidant
INTIME
Monsieur [I] [N]
Né le 21/02/1990 au MALI
Chez [K] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Fabienne Rouge, présidente
Anne MENARD, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [I] [N], né le 21 février 1990, a été embauché à temps partiel par la société Ciel Bleu, ayant pour activité principale le nettoyage courant des bâtiments le 1er juin 2015 en qualité d'agent de service.
La société Ciel Bleu ayant perdu le 26 décembre 2019 le marché icf sur lequel est affecté monsieur [N] et la société entrante, la société Sud Européenne de Nettoyage ayant le 3 janvier 2020, refusé le transfert de son contrat de travail, la société Ciel Bleu lui notifiait le 12 février 2020 une nouvelle affectation à compter du 18 février suivant.
Le 24 novembre 2020, monsieur [N] a saisi en résiliation judiciaire le Conseil des prud'hommes de Paris lequel par jugement du 17 juin 2024 a condamné la société Ciel Bleu aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :
17 648,72 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021, outre celle de 1 764,87 euros au titre des congés payés afférents
2 215,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 221,53 euros au titre des congés payés afférents
1 661,49 euros au titre de l'indemnité de licenciement légale
3 322 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratique irrégulière de l'abattement forfaitaire
1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Ciel Bleu a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Ciel Bleu demande à la cour d'infirmer le jugement, et, statuant de nouveau, de
A titre principal
Débouter monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire
Réduire les condamnations au titre des rappels de salaires à la somme de 5 042,88 euros au titre de rappel de salaire du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021 outre celle de 504,28 euros au titre des congés payés afférents
En tout état de cause
Condamner monsieur [N] aux dépens et à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 28 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, en cause d'appel, reconventionnellement, de
Condamner la société Ciel Bleu aux dépens et à régler à Maître [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile,
Ordonner l'intérêt au taux légal à compter de la saisine s'agissant des condamnations de nature salariale.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
Sur la résiliation judiciaire
Principe de droit applicable
Aux termes de l'article L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord.
En application des dispositions de l'article 1224 du code civil, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.
Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Application en l'espèce
La société Ciel Bleu soutient que la nouvelle affectation proposée au salarié n'a pas entraîné de modification de son contrat de travail et que le contrat de travail prévoit une clause de mobilité géographique ainsi que la possibilité pour l'employeur de changer la répartition des horaires de travail ainsi que l'affectation du salarié et qu'ainsi, elle n'aurait commis aucun manquement.
Il résulte des pièces versées à la procédure que monsieur [N] a été embauché selon un contrat verbal le 1er juin 2015, cette date figurant sur ses bulletins de paie, par la société Ciel Bleu. Un contrat à durée indéterminée a été signé le 31 janvier 2017 entre les parties. Il prévoit dans son article 5 que " la société Ciel Bleu se réserve le droit de modifier le lieu de travail, les horaires et les jours d'intervention du salarié, dans la limite géographique de 35 km au domicile du salarié. Le salarié s'engage à accepter ces modifications, à défaut, son refus pourra être considéré comme un motif de rupture du présent contrat, reconnaissant que la profession du nettoyage, la mobilité est nécessaire et indispensable " . Son article 7 rappelle que "l'horaire de travail et la répartition de la durée du travail de monsieur [I] [N] [I] pourront être modifiés."
Dans ce contrat, il est prévu que monsieur [N] travaille sur 7 sites situés dans le [Localité 7] aux horaires suivants de 6 h à 10 h les samedis et dimanches matins.
Par avenant daté du 1er mai 2019, il est prévu que le salarié travaille sur les mêmes sites mais avec des horaires précis pour chacun d'entre eux, l'amplitude globale étant de 6h à 9h27 et toujours les samedis et dimanches matins.
Ayant perdu ce chantier et l'entreprise entrante ayant refusé le transfert du contrat de monsieur [N], son titre de séjour étant en cours de renouvellement, le salarié a écrit le 13 janvier 2020 afin d'avoir des explications sur sa situation et mentionne le fait qu'il a refusé de signer les documents de fin de contrat lorsqu'il s'est déplacé dans les locaux de l'entreprise.
Le 12 février 2020, la société Ciel Bleu lui répond après deux courriers du Syndicat du nettoyage datés des 22 janvier 2020 et 5 février 2020, qu'il devait se présenter le mardi 18 février 2020 à 8h sur le site [6] à [Localité 5].
Ce courrier ne correspond pas aux exigences en cas de modification d'un contrat de travail dans la mesure où il n'indique ni les jours travaillés, ni les heures de travail ni l'amplitude de travail et qu'en conséquence, l'employeur a gravement maqué à ses obligations d'autant que l'avenant du 1er mai 2019 établit lorsque la société Ciel Bleu souhaitait modifier les horaires de monsieur [N] même à la marge elle lui faisait signer un avenant.
En conséquence, c'est par de justes motifs que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat de travail à la date du 28 avril 2021 aux torts de l'employeur et en ont tiré tous les effets. La cour confirme également les sommes retenues à l'exception de celles fixés pour le rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021 qui ne pouvaient comprendre les heures supplémentaires, et les congés payés y afférents. En conséquence, il convient de condamner la société Ciel Bleu à verser à monsieur [N] la somme de 5 052,88 euros au titre du rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021 et celle de 504,28 euros pour les congés payés y afférent.
Sur l'abattement forfaitaire
Principe de droit applicable
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette dernière disposition est d'ordre public.
Ces articles s'appliquent en droit du travail, l'article L 1221-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
Application en l'espèce
La société Ciel Bleu indique que monsieur [N] a expressément accepté l'application de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2002 et la déduction forfaitaire spécifique pour les frais professionnels de 8% sur la rémunération brute.
Cet abattement est prévu pour les ouvriers du bâtiment et a pu être étendu pour les ouvriers du nettoyage encore faut-il que ceux-ci ait donné leur accord de manière libre été éclairé.
Or la cour remarque en premier lieu que la société Ciel Bleu a fait travailler monsieur [N] du 1er juin 2015 au 1 février 2017 sans contrat écrit et ne produit pas les bulletins de salaire couvrant cette période pour pouvoir vérifier si l'accord du salarié avait été anticipé et en second lieu comme l'ont justement apprécié les premiers juges le salarié n'a été pas éclairé sur les effets de cette clause.
En conséquence, il convient de confirmer cette décision qui a jugé l'abattement illégal et a condamné la société Ciel Bleu a verser à monsieur [N] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la réduction de l'assiette de sa rémunération brute pour le calcul de ses droits sociaux.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles fixés pour le rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021 ;
L'Infirme sur ce point ;
Statuant de nouveau sur ce point,
Condamne la société Ciel Bleu à verser à monsieur [N] la somme de 5 052,88 euros au titre du rappel de salaires du 1er janvier 2020 au 28 avril 2021 et celle de 504,28 euros pour les congés payés y afférent ;
Confirme le surplus de la décision ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Ciel Bleu à verser à monsieur [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Ciel Bleu aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente