Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06546 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC2Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/02672
APPELANT
Monsieur [K] [V]
Né le 31 mars 1975 à [Localité 5] (Calvados)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0285
INTIMEE
Société SOCIETE NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE
N° SIRET : 326 094 471
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Fabienne Rouge, présidente
Anne MENARD, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Embauché le 6 mars 2000 par la société nationale de radiodiffusion Radio France (ci-après Radio France) en qualité de surveillant et occupant en dernier lieu les fonctions d'opérateur numérisation, monsieur [K] [V], né le 31 mars 1975, a été licencié le 12 décembre 2019 pour faute grave dans les termes suivants :
"Le 1er octobre 2019, l'un de vos collègues a adressé un courriel à son responsable pour l'alerter sur vos agissements. Le matin même en rentrant dans le bureau qui est un open-space, vous auriez dit "la prime handicap a augmenté" ce qui a déclenché les ricanements d'un collègue.
Ce collègue auteur du courriel est confronté à des soucis de santé. Il a fait l'objet d'un reclassement dans le service de la documentation sur préconisations du médecin du travail.
Il a vécu vos paroles comme des provocations et une attaque directe à sa personne, proches du harcèlement et de la discrimination.
Dans ce même courriel, votre collègue précisait que ces attitudes de votre part étaient " régulières".
Le 8 octobre 2019, ce même collaborateur était reçu par la responsable de la documentation d'actualités et du service des prévisions et de la responsable rh.
Il était accompagné par une représentante du personnel.
A nouveau, il a fait part à sa direction des propos de nature homophobe et discriminante que vous teniez, ainsi qu'envers les personnes en situation de handicap, de son malaise, de son stress et des répercussions négatives sur son état de santé que de tels propos avaient sur lui. Il a demandé à être reçu par le médecin du travail, la visite médicale a été fixée au 14 octobre 2019.
Le 10 octobre, ce même collaborateur informait son responsable que vous vous étiez adressé à voix haute à un de vos collègues dans l'open-space, où l'ensemble des personnes présentes peuvent entendre ce qui s'y dit. Ce jour-là, l'actualité nationale étai focalisée sur la pma. Les échanges avec ce collègue étaient inappropriés : " tu veux un café ' 100 % hétéro, hein ' ..."; "ben ça change ... " ; " ça ne me dérange pas du tout (la pma pour tous) .." " moi non plus ça peut être avec une chèvre, une vache... "
A la suite des alertes effectuées par ce salarié, vous avez été reçu le 9 octobre par le responsable de la documentation d'actualités et du service des prévisions et par le responsable rh de ce secteur. Elle a été nommée fin septembre 2019, vous ne vous étiez jamais rencontrés.
Pendant cet échange, vous avez évoqué vos collègues en employant des expressions stigmatisantes : " la bavette, l'autre handicapé incompétent, l'autre gay". Vous avez fait des allusions de nature sexuelle qui ont mis mal à l'aise la responsable rh. En quittant le bureau, alors même que cela n'avait aucun rapport avec la conservation précédente, vous avez dit je cite : " Il n'y a pas d'agression sexuelle."
Ensuite, alors qu'elle était dans l'open-space, vous avez tenu à lui montrer votre bureau. Pour évoquer votre travail, vous avez répété à deux reprises en ricanant " par exemple je scanne souvent des articles sur les hommes qui violent les filles. " Puis vous lui avez demandé en ricanant encore si elle voulait une sucette en précisant " j'ai plein de parfums si vous aimez." A ce moment-là elle était seule avec vous et elle a été soulagée quand son responsable est venue la chercher.
Choquée par vos propos, elle a indiqué qu'elle ne souhait plus être votre interlocutrice.
Le 23 octobre, alors que nous nous entretenions à ce sujet, vous avez indiqué en parlant de la responsable rh, je cite " ah ! La charmante jeune femme des rh".
La précédente responsable rh vous avait reçu en juin 2019 à votre retour d'arrêt maladie. Vous lui avez répété à plusieurs reprises que vous n'aviez pas à "effectuer le travail des handicapés." Lorsqu'elle vous a rappelé que vous deviez avoir une attitude correcte vous lui avez répondu ne pas être " en mode love".
Ces récents événements font directement écho à d'autres plus anciens, sur le même thème: la tenue de propos inappropriés et désobligeants vis-à-vis de collègues ou de polémiques sur des sujets d'actualités clivants."
Le 23 avril 2020, monsieur [V] a saisi en nullité du licenciement et en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud'hommes de Paris lequel par jugement du 13 avril 2021 l'a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur [V] a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [V] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, statuant de nouveau de :
À titre principal :
Juger son licenciement nul
Ordonner à Radio France de le réintégrer dans son emploi ou un emploi équivalent
Condamner Radio France à lui verser les sommes suivantes
titre
somme en euros
somme à verser par mois à compter de son licenciement du 12 décembre 2019 et jusqu'au jour de sa réintégration effective dans l'entreprise
2 709,53
préjudice moral
5 000,00
manquements à l'obligation de sécurité
10 000,00
À titre subsidiaire :
Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Ordonner à Radio France de le réintégrer dans son emploi ou un emploi équivalent, avec maintien des avantages acquis,
Condamner Radio France à lui verser les sommes suivantes :
titre
somme en euros
indemnité compensatrice de préavis,
congés payés
5 419,06
541,91
indemnité conventionnelle de licenciement
46 739,39
en cas d'opposition de l'employeur à la réintégration sollicitée, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
40 642,95
préjudice moral
10 000,00
Ordonner, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la remise du certificat de travail, de l'attestation destinée au Pôle Emploi, du reçu pour solde de tout compte, conformes
En tout état de cause
Condamner Radio France aux dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 926,67 euros au titre du solde dû sur la prime de fin d'année 2019 ainsi celle de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Dire que les intérêts au taux légal courront à compter de la convocation de la défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de nature salariale, et à compter de l'arrêt à intervenir pour les créances de nature indemnitaire avec capitalisation des intérêts, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Radio France demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, condamner monsieur [V] aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
Principe de droit applicable
Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Enfin, l'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.
Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.
Application en l'espèce
Monsieur [V] prétend avoir subi un harcèlement moral en raison des sanctions disciplinaires qu'il aurait subies injustement, du fait qu'il se sentait observé et contrôlé et que ces agissements auraient eu des effets sur sa santé mentale.
Pour établir ce harcèlement, il produit des certificats médicaux faisant état de surmenage, d'une agitation psychomotrice, d'un discours centré sur des difficultés au travail ayant donné lieu à un avertissement, à des difficultés familiales, un divorce étant en cours (certificat du psychiatre datant du 18 avril 2016), une diffluence de la pensée, une logorrhée, un échange de courriels d'un ton mesuré faisant état d'une erreur de codage entre qm (question maritime) et qs (question sociale), une lettre de monsieur [V] à l'attention de Radio France daté du 26 mars 2019 mettant en cause monsieur [M], responsable de la documentation, une autre datée du 12 octobre 2019 mettant en cause monsieur [B] [C], ses arrêts maladies, une main courante très brève du 21 mai 2015.
Ces éléments sont de nature à laisser supposer un harcèlement moral.
Radio France produit les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de monsieur [V], non contestées invoquant des faits précis soit une mise en garde le 21 juillet 2009 pour propos violents et grossier, un rappel à l'ordre le 22 mars 2010 pour l'altercation avec un collègue, un avertissement le 30 juillet 2011 pour comportement nonchalant avec son supérieur hiérarchique, une mise en garde le 28 janvier 2015 pour propos désobligeants à l'égard des femmes, un avertissent pour propos violent et outranciers et un blâme le 31 janvier 2019 pour des erreurs grossières et incompréhensibles, des propos déplacés tenus à son supérieur hiérarchique, des propos inacceptables à l'égard des travailleurs handicapés, l'irrespect des procédures internes pour prévenir d'une absence pour raison médicale ou pour d'autres motifs et enfin son initiative de distribuer le travail au sein de son service sans en avoir la compétence.
L'employeur produit également une attestation de madame [D] expliquant que monsieur [V] est confus, désorganisé dans ses propos et lui expliquant à trois reprises qu'il n'avait pas à effectuer le travail des " handicapés". Radio France explique également que le salarié n'allait pas chercher ses courriers recommandés, se mettait dés réception de l'avis d'un tel courrier en arrêt de travail ce qui l'empêchait d'obtenir un entretien pour s'expliquer ce qu'il réclamait par ailleurs. Enfin, en cours de sa carrière, les avis du médecin du travail ont été suivis par Radio France soit pour le changer de service soit pour le faire travailler dans un bureau isolé.
Ainsi, les faits dont se plaint monsieur [V] s'expliquent par des raisons objectives exempts de tout harcèlement.
Sur l'atteinte à la liberté d'expression
Principe de droit applicable
Selon l'article L 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale.
L'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 de valeur constitutionnelle, prévoit que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Selon son article 11, la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Application en l'espèce
Monsieur [V] prétend que Radio France a violé sa liberté d'expression en sanctionnant des propos qu'il a tenu pendant des moments de pauses et/ou dans son poste de travail alors que ses collègues travaillaient dans un open space.
Il résulte de pièces produites à la procédure et notamment de la lettre licenciement reproduite ci-dessus que monsieur [V] n'a pas été sanctionné pour des opinions ou des convictions personnelles mais pour des propos discriminants ou inappropriés visant notamment des femmes ou des personnes porteuses de handicap. En outre, ces propos ont été tenus sur les lieux du travail, pendant les heures de travail, certains alors qu'il était en entretien avec les représentants des ressources humaines ou par courriel.
En conséquence, aucune atteinte à la liberté d'expression n'est démontrée.
Sur la violation de l'obligation de sécurité
Principe de droit applicable
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances.
Ainsi, l'employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit respecter les préconisations du médecin du travail
Application en l'espèce
Monsieur [V] soutient que Radio France aurait manqué à son obligation de sécurité en n'agissant alors qu'il subissait des faits de harcèlement ou en ne prenant pas les mesures adéquates pour protéger sa santé et sa sécurité.
Il résulte de ce qui précède que la cour n'a pas retenu que monsieur [V] ait été victime de faits de harcèlement de la part de Radio France et qu'en outre, son employeur a scrupuleusement suivi les avis du médecin du travail au cours de sa carrière en le changeant de service ou en le dotant d'un bureau individuel.
En conséquence, ce manquement n'est pas établi.
Sur le solde de la prime 2019
Principe de droit applicable
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette dernière disposition est d'ordre public.
Ces articles s'appliquent en droit du travail, l'article L 1221-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter
Application en l'espèce
Monsieur [V] soutient en se fondant sur l'article VII.3.2 de l'accord collectif applicable que les salariés positionnés dans le groupe de classification 1 à 9 perçoivent une prime de fin d'année de fin d'année liée à leur palier de salaire de qualification et fait valoir qu'il aurait dû recevoir en 2019 la somme totale de 2 400 euros et qu'il n'a reçu que celle de 1 473,33 euros.
Or comme l'ont justement apprécié les premiers juges, cette prime se calcule au prorata du temps de travail effectif et sans que ce ne soit utilement contredit par le salarié, celui-ci a été absent pendant 5 mois en 2019 et est sortie des effectif le 14 décembre 2019 de sorte que la somme de 1 473,33 euros a été exactement calculée.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la nullité du contrat de travail
Principe de droit applicable
Aux termes de l'article L 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Application en l'espèce
Dans ses dernières écritures, la demande de nullité du licenciement formée par monsieur [V] est fondée sur un double fondement le harcèlement et la violation d'une liberté fondamentale soit sa liberté d'expression. Ces deux moyens ayant été rejetés, la nullité du licenciement ne peut être prononcée.
Sur la faute grave
Principe de droit applicable
Aux termes des dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Par application des dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement
Application en l'espèce
Dans la lettre de licenciement, Radio France reproche à monsieur [V] d'avoir déclaré le 1er octobre 2019 en rentrant dans l'open-space que " la prime handicapé" avait augmenté et que monsieur [B] auteur d'un courriel du même jour et ayant fait l'objet d'un reclassement sur avis du médecin du travail s'est senti touché personnellement par ses propos, qui étaient coutumiers de la part de monsieur [V]. A la suite de ces faits, monsieur [B] a été reçu par le responsable de la documentation et la responsable rh du secteur et a été convié à une visite chez le médecin du travail le 14 octobre. Le médecin du travail préconisera que monsieur [B] change de bureau le plus rapidement possible pour raison médicale et sera arrêté par son médecin.
Pour établir ces propos qui sont d'ailleurs pas contestés par le salarié, Radio France produit le courriel de monsieur [B], l'attestation de monsieur [N] dans laquelle celui-ci explique que lors de l'entretien du 8 octobre, monsieur [V] s'est placé en position de persécuté, qualifiant ses collègues d'incompétents et de cas sociaux, ne comprenant pas ce qu'on lui reprochait.
Il résulte également des courriels et de l'attestation de madame [Y], responsable rh du secteur, que monsieur [V] a non seulement traité ses collègues d'incompétents, de cas sociaux et qu'il en n'était pas là pour faire le travail des handicapés mais lui a tenu de manière intentionnelle alors qu'elle était seule avec lui des propos ayant des sous-entendu sexuels expliquant à deux reprises qu'il scannait souvent des articles sur les hommes qui violent les filles ou indiquant un fin d'entretien sans rapport avec celui-ci qu'il n'avait pas d'agression sexuelle. Ces propos et son comportement ont fortement mis mal à l'aise cette la salariée qui a demandé d'être dispensée d'être en relation avec lui.
Dans ces deux séquences, l'attitude et les propos tenus par monsieur [V] ont porté atteinte à la dignité de deux salariés qui ont instamment demandés de ne plus être en contact avec lui.
Même si les errements constatés peuvent en partie s'expliquer par les troubles psychiatriques du salarié, son psychiatre évoquant une diffluence de la pensée et une logorrhée, les compte-rendu d'entretien faisant état de propos décousus, une instabilité psychomotrice et le compte-rendu très exhaustif du conseil de discipline rendant compte de la difficulté du salarié à prendre conscience de la perception de l'autre ( femme ou personne porteuse d'un handicap), il n'en demeure pas moins que Radio France ne pouvait garder dans ses effectifs monsieur [V] ni continuer à protéger les autres salariés blessés par ses propos et attitudes au détriment du bon fonctionnement des services.
Il s'ensuit que la faute grave est caractérisée et que celle-ci rendait immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.
Sur le préjudice moral distinct
Compte tenu de ce qui précède, la demande d'indemnisation d'un préjudice moral distinct est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [V] à verser à la société nationale de radiodiffusion Radio France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne monsieur [V] aux dépens.
Le greffier La présidente