Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024
(n° 296, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18863 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISMP
Décision déférée à la cour : ordonnance du 23 octobre 2023 - président du TJ de Paris - RG n° 23/55276
APPELANTS
M. [R] [W]
[Adresse 13]
[Localité 19] - LUXEMBOURG
M. [T] [X]
[Adresse 22]
[Adresse 15] - AUTRICHE
M. [F] [D]
[Adresse 12]
[Localité 20] - AUTRICHE
M. [H] [U]
[Adresse 6]
[Localité 7]
M. [C] [G]
[Adresse 11]
[Localité 10]
M. [L] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 21] - ANGLETERRE
M. [L] [Z]
[Adresse 17]
[Localité 18]
M. [V] [B]
[Adresse 14]
[Localité 9]
M. [S] [P]
[Adresse 8]
[Localité 5]
M. [J] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R110
Ayant pour avocat plaidant Me Martin PERRINEL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 1701
INTIMÉE
S.A. WINAMAX, à conseil d'administration, RCS de Paris n°492155932, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 16]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DUMONT de la SELARL DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 juin 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne-Gaël BLANC, conseillère, le président de chambre, et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
La société Winamax est un opérateur de paris sportifs et de poker en ligne agréé par l'autorité nationale des jeux (ANJ). Les joueurs ayant préalablement ouvert un compte sur la plateforme Winamax peuvent notamment participer à des tournois de poker en ligne.
La société SpinElite est une société de droit anglais regroupant des joueurs de poker professionnels. Elle offre un service de mise en relation des joueurs avec des entraîneurs qui les conseillent lors de cours individuels ou collectifs sur leurs stratégies et pratiques du jeu. MM. [X] et [W], cofondateurs de la société SpinElite ainsi que MM. [D], [G], [U], [Y], [Z], [B], [P] et [K] appartiennent à l'équipe SpinElite et disposent chacun d'un compte Winamax.
Ces deux sociétés ont conclu un contrat de partenariat commercial le 27 octobre 2022 qui a été résilié à l'initiative de la société Winamax.
Reprochant à plusieurs joueurs de l'équipe SpinElite une collusion en violation des conditions générales d'utilisation du compte joueur, la société Winamax a, par courriers électroniques du 5 janvier 2023 puis du 26 mars 2023, informé lesdits joueurs de la suspension de leur compte pour une durée de six mois puis de six ans.
Le12 mai 2023, les joueurs concernés ont vainement mis en demeure la société Winamax de lever la suspension de leurs comptes individuels.
Par acte extrajudiciaire du 28 juin 2023, MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] ont fait assigner la société Winamax devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
ordonner à la défenderesse la levée de la mesure de suspension notifiée le 26 mars 2023 et lui ordonner de rétablir pour chacun d'eux l'accès à leur compte sous astreinte de 200 euros par joueur et par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la notification de l'ordonnance et se réserver la liquidation de l'astreinte ;
condamner la société Winamax à leur verser à titre de provision sur dommages et intérêts au titre de la perte de chance de réaliser des gains sur le site entre le 29 décembre 2022 et le 20 juin 2023 les sommes suivantes :
54 990 euros à M. [X],
45 000 euros à M. [D],
94 998 à M. [W],
4 350 à M. [P].
la condamner au versement à chacun d'entre eux, des sommes suivantes :
3 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la confiscation des sommes détenues sur le site,
5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice d'image subi.
Par ordonnance contradictoire du 23 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales ;
condamné MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] à verser chacun à la société Winamax la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] aux entiers dépens ;
rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Par déclaration du 24 novembre 2023, MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] ont relevé appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 27 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] demandent à la cour de :
infirmer l'ordonnance de référé rendue le 23 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris (RG n°23/55276) en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales ;
condamné MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] à verser chacun à la société Winamax la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] aux entiers dépens.
et statuant à nouveau de :
ordonner à la société Winamax la levée de la mesure de suspension notifiée le 26 mars 2023 à chacun des requérants ;
ordonner à la société Winamax la levée de la mesure de suspension notifiée à MM. [X], [W], [D] le 5 janvier 2023 ;
ordonner à la société Winamax de rétablir pour chacun des requérants l'accès à leur compte sous astreinte de 200 euros par joueur et par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir, et se réserver la liquidation de l'astreinte ;
condamner la société Winamax à leur verser les sommes suivantes à titre de provision sur dommages et intérêts au titre de la perte de chance de réaliser des gains sur le site en 2023, ces sommes restant à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt :
M. [X] : 110 000 euros,
M. [D] : 90 000 euros,
M. [W] : 190 000 euros,
M. [P] : 13 050 euros.
condamner la société Winamax à verser à chacun d'entre eux les sommes suivantes :
3 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la confiscation des sommes détenues sur le site ;
5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice d'image subi ;
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Winamax aux entiers dépens ;
débouter la société Winamax de l'intégralité de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Winamax demande à la cour de :
confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 23 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;
en conséquence :
dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] ;
débouter MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
condamner MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] à lui payer chacun la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
condamner MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P], [K] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur la demande de levée de la suspension des comptes Winamax et du rétablissement de ces comptes
- sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Au cas présent, il est constant que chaque partie de poker en ligne est décomposée en plusieurs mains correspondant à l'ensemble des coups joués (mises, abandons, etc) par chaque joueur après la distribution des cartes.
Par messages électroniques envoyés le 5 janvier 2023 individuellement à MM. [X], [W] et [D], la société Winamax leur indiqué que leur compte respectif était suspendu pour une durée de six mois. Par courriels du 29 décembre 2022 la société Winamax leur avait déjà indiqué 'nous vous informons que votre compte est bloqué pour data sharing avec d'autres membres de votre école SpinElite. Comme indiqué dans l'article 1er de nos conditions générales d'utilisation (...) le partage de mains est strictement interdit. Il apparaît dans une vidéo promotionnelle datée d'octobre dernier et publiée par vous-même que [R] possède 170 000 mains sur [N] alias '[O]' et 135 000 mains sur [F] alias '[M] [I]'. Or, [A] a joué moins de 50 000 mains contre [N] et contre [F].', étant précisé que [A] est le prénom de M. [W].
Puis, par messages électroniques envoyés aux appelants le 26 mars 2023, la société Winamax a indiqué 'avoir constaté des fraudes importantes à nos CGU, notamment le passage massif et continu de mains entre membres de SpinElite. Conformément à l'article 5 'activités frauduleuses' de nos conditions générales d'utilisation : 'la société s'engage à assurer un jeu équitable et à lutter contre toute activité frauduleuse. Elle clôturera le compte d'un joueur suspecté de telles activités.' Par conséquent, nous avons décidé de vous bannir de notre plateforme pour une durée de 6 ans à compter d'aujourd'hui. (...)'.
Il appartient aux appelants qui affirment que ces décisions caractérisent un trouble manifestement illicite d'en apporter la démonstration.
En premier lieu, les appelants soutiennent que le partage de mains n'est prohibé ni par les conditions générales d'utilisation ni par le règlement de jeu de poker applicable sur le site Winamax.
L'article 5 des conditions générales d'utilisation de la plateforme Winamax prévoit que 'la société s'engage à assurer un jeu équitable et à lutter contre toute activité frauduleuse. Elle se réserve le droit de clôturer le compte d'un joueur coupable de telles activités. Sans renoncer à d'autres voies de recours, la société peut immédiatement émettre un avertissement, suspendre temporairement ou indéfiniment, et/ou résilier l'accès et son utilisation du site si un joueur viole un quelconque terme des présentes conditions générales, du règlement des jeux du poker ou du règlement des paris sportifs (...), se rend coupable de toute forme de fraude, de collusion, de tricherie. (...). En cas de suspicion ou de démonstration de fraude, collusion ou tricherie, le site, selon la gravité de la faute, procède à l'avertissement, à la suspension, à l'exclusion (temporaire ou définitive) du ou des joueurs concernés.'
Dans sa version applicable au litige, l'article 1-1 du règlement de poker de la plateforme Winamax précise que 'il est interdit à deux ou plusieurs joueurs de s'associer. Toute forme de collusion est interdite, notamment le fait de communiquer ou de partager des informations sur le jeu, les cartes ou la stratégie à adopter pour s'avantager et ainsi nuire à d'autres joueurs.'
Il ne résulte pas de ces stipulations, avec l'évidence requise en référé, que les partages de mains en dehors ou pendant une partie, tels que reprochés aux appelants, ne peuvent caractériser la collusion visée par la réglementation susvisée. A cet égard, il importe peu que la société Winamax ait, après les faits en cause, ajouté la clause suivante à son règlement 'il est également précisé qu'un joueur ne peut pas compiler/regrouper des mains jouées par d'autres comptes, ni ne peut utiliser les mains jouées par une tierce personne, même pour travailler son jeu.
Ainsi, le recours au 'data mining' (analyse massive de données tierces) est strictement interdit tout le comme le partage de main appelé 'data sharing'', cet ajout pouvant avoir un objectif de clarification des règles déjà applicables.
De surcroît, l'article 1.2. du règlement de poker, dans sa version applicable au litige, prévoit que 'les programmes d'aide autorisés sur la plateforme de jeux de Winamax sont : (...) les logiciels permettant le stockage des statistiques personnelles de jeu, l'historique des parties du joueur, l'enregistrement de notes et l'analyse des données statistiques sur les adversaires que le joueur a lui-même recueillies pendant le jeu ('profilant') (...)', les termes lui-même et pendant figurant en caractères gras dans le texte.
Les appelants échouent donc à faire la démonstration, qu'à l'évidence, la réglementation du site et des conditions générales d'utilisation ne prohibe pas le partage de mains reproché.
Pour affirmer que la pratique du partage de mains est admise sur le site de la société Winamax, les appelants font également valoir que la plateforme propose une fonctionnalité matérialisée par un onglet dénommé 'partager' qui offre la possibilité aux joueurs de partager, sans limitation, les mains après une partie. Ils précisent qu'il est d'usage que, dans une perspective de 'coaching', telle que proposée par SpinElite, les joueurs utilisent les données issues des parties déjà jouées y compris les données concernant leurs adversaires.
Mais l'existence de cette fonctionnalité ne saurait exclure, avec l'évidence requise en référé, la collusion invoquée par l'intimée. En effet, la société Winamax expose que la fonction 'replayer' permet exclusivement un partage occasionnel d'une partie et des différentes mains via une vidéo. Or, elle reproche aux appelants de créer un déséquilibre entre les joueurs inscrits sur son site par la pratique dite du 'data sharing' consistant en l'échange répété d'informations compilées sur des adversaires et ayant pour objectif d'analyser leurs techniques et stratégies de jeu.
Les appelants font encore valoir que la preuve du partage massif des mains entre les joueurs de la société SpinElite n'est pas établie.
Toutefois, il résulte du message électronique de la société Winamax, envoyé le 29 décembre 2022, qu'après un partage de mains entre membres de la société SpinElite, le joueur prénommé [A] bénéficiait de 120 000 et 85 000 mains supplémentaires aux mains réellement jouées contre les adversaires concernés. Dans un procès-verbal de commissaire de justice du 15 janvier 2024 (pièce 14 de l'intimée) figure une capture d'écran de la vidéo intitulée 'ils lancent des expressos 250 et 500 euros !!!' qui confirme que [R] [W] dispose de 134 860 mains sur le joueur '[M] [I]' et de 169 749 contre le joueur 'ImLividBuddy' alors que la société Winamax expose que M. [W] n'avait joué contre ces deux joueurs que 29 749 et 24 950 mains.
Ce même procès-verbal du 15 janvier 2024 retranscrit les échanges entre les joueurs de l'équipe SpinElite lors d'une vidéo référencée 4. mp 4. Il est fait état d'un partage de statistiques concernant un adversaire dénommé 'PlaySeyar'. Pour soutenir que cet enregistrement ne concerne pas une partie en cours mais une simple séance de coaching, les appelants produisent la vidéo (leur pièce 17(clé USB)) outre un procès-verbal d'un commissaire de justice du 21 mai 2024 qui retranscrit également les propos tenus (leur pièce 18). Cependant, ce moyen est inopérant dès lors que la société Winamax entend également sanctionner les partages de mains et de base de données concernant des adversaires après les parties effectivement jouées. Elle expose que de tels échanges permettent la compilation d'informations sur les pratiques de jeu des futurs adversaires des appelants.
Il ressort encore de la retranscription partielle, contenue dans le procès-verbal du 15 janvier 2024, de la vidéo référencée 8.mp4 que les joueurs ont échangé des données concernant un adversaire dénommé 'Mad Monkeys' à propos duquel un des joueurs indique 'là on a assez d'infos pour moi pour le prendre'.
La vidéo se termine par les échanges suivants :
'Salut les gars,
à demain,
à demain,
à tout à l'heure,
bah vas-y, on peut en rester là en fait
non,
non '
tu veux que je recrée un Zoom '
euh, bah, attends, il faut qu'on enlève l'enregistrement déjà
t'as raison avant qu'on dise de la merde.'
Alors que ces échanges et propos tendent à conforter la thèse d'un échange de mains pendant une partie en cours, les appelants se bornent à opposer que les joueurs ne sont pas identifiés.
En conclusion, les appelants échouent à établir que la suspension pour six mois et/ou six ans de leurs comptes Winamax est manifestement illicite, étant observé que les mesures prononcées par l'intimée n'apparaissent pas excessives et disproportionnées au regard de la gravité des faits reprochés et alors que la société Winamax est un opérateur de paris sportifs et de poker en ligne agréé par l'autorité nationale des jeux impliquant la prévention des activités frauduleuses.
- sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile
Selon l'article 834 du code de procédure civile dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Les appelants se fondent également sur ce texte pour solliciter la levée de la suspension des comptes Winamax puis leur rétablissement.
Mais, tout d'abord, il résulte des motifs qui précèdent que la société Winamax oppose des contestations sérieuses à cette demande.
Ensuite, les appelants, invoquant l'urgence, soutiennent qu'ils sont des joueurs professionnels et qu'ils ont tiré l'essentiel de leurs revenus sur le site Winamax (soit en 2022, 380 000 euros pour M. [W], 220 000 euros pour M. [X], 180 000 euros pour M. [D] et 34 780 euros pour M. [P]). Ils affirment que, contrairement à ce que le premier juge a retenu, ils ne peuvent espérer réaliser des gains équivalents sur d'autres plateformes, la société Winamax détenant deux tiers des parts de marché en France et les autres sites appliquant des frais et commissions dont les montants diminuent en fonction de l'ancienneté.
Cependant, les appelants procèdent par voie d'affirmation lorsqu'ils indiquent, d'une part, que leur situation financière est mise en péril en raison de la suspension des comptes Winamax, d'autre part, qu'ils ne peuvent obtenir des gains équivalents en se connectant sur des sites proposant également des tournois de poker en ligne.
L'urgence n'est donc pas démontrée.
Quant au différend entre les parties, il ne justifie pas, pour les raisons précédemment exposées, que la mesure de levée de la suspension des comptes sollicitée soit ordonnée.
En conséquence, c'est par une exacte appréciation des faits qui lui ont été soumis que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de levée de la suspension des comptes Winamax et de leur rétablissement. L'ordonnance sera donc confirmée de ce chef.
- sur les provisions
Selon l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Au cas présent, MM. [X], [D], [W] et [P] sollicitent la condamnation de la société Winamax à leur verser des provisions de 110 000 euros, 90 000 euros, 190 000 euros et 17 390 euros au titre de la perte de chance de bénéficier de gains après la suspension de leur compte.
Mais il résulte des motifs qui précèdent que l'obligation de la société Winamax est sérieusement contestable.
De même, les demandes de provisions formées par tous les appelants pour dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la confiscation des sommes détenues sur le site et du préjudice d'image se heurtent à des contestations sérieuses.
L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens de la présente décision commande de confirmer les dispositions de l'ordonnance querellée relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] seront condamnés aux dépens et à payer, chacun, à la société Winamax la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Condamne MM. [W], [X], [D], [U], [G], [Y], [Z], [B], [P] et [K] aux dépens d'appel ;
Les condamne à payer, chacun, à la société Winamax la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE