RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/09568 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHWL2
Décision déférée à la Cour :
1/Jugement du 24 Janvier 2019- TJ de Meaux- RG n° 17/02049
2) Arrêt du 7 décembre 2020 - chambre 10 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris - RG 19/3362
3) Arrêt du 5 avril 2023 - cour de cassation - pourvoi n°263 F-B
DEMANDEUR À LA SAISINE
DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE PARIS
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Dan HAZAN de la SELARL ASTORIA - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0258
DEFENDEUR A LA SAISINE
S.A.S.U. HALAL FOODSERVICE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel PIRE de l'AARPI WTAP, avocat au barreau de PARIS, toque : R28
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Xavier BLANC, Président
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame SIMON- ROSSENTHAL Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La Sasu Halal Foodservices, sise à [Localité 13] (93), a pour gérant M. [H] [B], de nationalité britannique.
La Sarl EuroHalal Foodservices, sise à [Localité 12], a pour gérant M. [J] [C], de nationalité britannique.
Ces deux sociétés font parties de la catégorie "commerces de gros alimentaires" : elles fournissent des commerces de demi-gros et des chaînes de restauration rapide, de type Kebab et autres fastfoods. Elles acquièrent au Royaume-Uni des produits alimentaires conditionnés pour être commercialisés en très grandes quantités.
La Sarl Eurohalal Foodservice a utilisé au [Adresse 1], à [Localité 11] un hangar à usage d'entrepôt jusqu'au 24 décembre 2013 ; ces locaux ont ensuite été repris par la Sasu Halal Foodservice.
Le 23 octobre 2013, la Direction régionale des douanes et droits indirects de Paris Est (ci-après dénommée DRDDI) a procédé à un contrôle, sur le fondement des articles L26, L27 et L35 du Livre des procédures fiscales (LPF), dans les locaux de la Sarl Eurohalal Foodservice, locaux repris par la Sasu Halal Foodservice. La direction des douanes a considéré, au vu de ce contrôle, que la société Eurohalal Foodservice exerçait une "activité de vente au détail de boissons ne provenant pas de sa récolte" et que conformément à l'article 502 du code général des impôts (CGI), cette société et son successeur, la société Halal Foodservice, devaient être soumises à la législation des contributions indirectes et devaient respecter l'ensemble des obligations y afférent. Selon la direction des douanes, les constatations opérées lors de ce contrôle mettaient en évidence des infractions en matière de contributions indirectes, et notamment l'absence de paiement des contributions sur les eaux (article 520 A du CGI), sur les boissons avec sucres ajoutés (article 1613 ter du CGI) et sur les boissons contenant des édulcorants de synthèse (article1613 quater du CGI).Par ordonnance du 12 mars 2014, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny a autorisé l'administration des douanes à opérer des visites et des saisies à l'encontre de la société Halal Foodservice en application de l'article L38 du LPF.
Les opérations de visite et de saisie ont eu lieu le 18 mars 2014, l'administration des douanes procédant à la saisie de la recette hebdomadaire, soit 40 851 euros en numéraire, et du stock de boissons sucrées et non alcoolisées, soit 113 palettes.
Un inspecteur des douanes en résidence au bureau de [Localité 8] à [Localité 10] a été désigné gardien.
Par ordonnance du 3 février 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé les ordonnances autorisant les visites domiciliaires et rejeté les demandes de la mainlevée de la saisie des marchandises et de leur restitution.
A la suite de ces visites et au constat de l'absence de paiement des contributions sur les eaux (article 520 A du CGI), les boissons avec sucres ajoutés (article 1613 ter du CGI) et les boissons contenant des édulcorants de synthèse (article 1613 quater du CGI), une proposition de taxation a été adressée le 6 avril 2014, portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014 : 157 459 euros au titre de la contribution sur les boissons sucrées ; 7 176 euros au titre de la contribution sur les boissons avec édulcorants ; 17 031 euros au titre de la contribution sur les boissons non alcoolisées.
Par courrier du 5 juin 2014, la société Halal Foodservice a fait connaître ses observations, auxquelles il a été répondu le 2 octobre 2014. Un procès-verbal de notification d'infraction a été adressé aux deux sociétés le 23 octobre 2014.
L'administration des douanes a adressé trois avis de mise en recouvrement le 19 novembre 2014 aux dirigeants des sociétés Eurohalal Foodservice et Halal Foodservice dont deux ont été confirmés par arrêt du 15 avril 2019 de la cour d'appel de Paris.
La Sasu Halal Foodservice a adressé une réclamation le 24 mai 2016, laquelle a été rejetée par la direction des douanes le 3 mars 2017.
Par acte d'huissier en date du 3 mai 2017, la société Halal Foodservice a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Meaux la Direction générale des douanes et droits indirects aux fins de décharge des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement du 19 novembre 2014.
Par jugement rendu le 24 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Meaux a statué comme suit :
- Décharge la Sasu Halal Foodservice des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 CI 310 du 19 novembre 2014,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens, conformément à l'article 367 du code des douanes ;
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 13 février 2019, la Direction générale des douanes et droits indirects a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt rendu le 7 décembre 2020, la chambre 10 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris a statué comme suit :
- Infirme le jugement déféré ;
- Statuant à nouveau,
- Confirme l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 Cl 310 du 19 novembre 2014 ;
- Rejette toute autre demande ;
- Condamne la société Halal Foodservice à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société Halal Foodservice aux dépens.
La société Halal Foodservices a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.
Par décision du 5 avril 2023, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a statué comme suit :
- Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
- Condamne le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est, agissant sous l'autorité de la directrice générale des douanes et droits indirects, aux dépens ;
E- n application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris-Est, agissant sous l'autorité de la directrice générale des douanes et droits indirects, et le condamne à payer à la société Halal Foodservice la somme de 3 000 euros.
La Cour de cassation a reproché à l'arrêt de la cour d'appel de ne pas avoir rechercher, comme elle y était invitée, si la société n'avait pas élu domicile au cabinet de son avocat.
Par déclaration de saisine en date du 25 mai 2023, la DRDDI a saisi la cour d'appel de Paris.
Par dernières conclusions signifiées le 21 juillet 2023, la Direction régionale des douanes et droits indirect de Paris demande à la cour de :
- Infirmer les dispositions suivantes du jugement déféré :
- Décharger la Sasu Halal Foodservice des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement n°778 14 C1 310 du 19 novembre 2014 ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens, conformément à l'article 367 du Code des douanes ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- Rejeter l'ensemble des prétentions, moyens et fins, de la société Halal Foodservice ;
- Dire et juger bien-fondé l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 C1 310 ;
En tout état de cause :
- Condamner la société Halal Foodservice à verser à l'administration des douanes la somme de 3300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Halal Foodservices aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2023, la société Halal Foodservice demande à la cour, au visa notamment les articles 502, 520A, 520B, 520C, 1613 et suivants, 1799 et 1799A du code général des impôts ; L26, L34, L 38- 5°, L 80M, L81A, L 179 et L 242, L256 et suivants, R.256-6 et R 256-7 du livre des procédures fiscales, de :
- Juger la SASU Halal Foodservice recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.
Par conséquent,
- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- Décharger la SASU Halal Foodservice des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement n°778 14 CI 310 du 19 novembre 2014 ;
- Débouter la Direction générale des douanes et droits indirects en toutes ses demandes ;
Condamner la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects à payer à la SASU Halal Foodservice la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Direction générale des douanes et droits indirects aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Emmanuel Pire, avocat au Barreau de Paris, ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la procédure
Sur l'irrégularité de la notification de l'AMR n° 778 14 C1 310 du 19 novembre 2014
La société Halal Foodservice expose qu'en application des articles 346 du code des douane et R 256-6 et R 256-7 du livre des procédures fiscales, l'administration doit, pour pouvoir authentifier et recouvrer ses créances, notifier valablement et régulièrement des avis de mise en recouvrement au redevable de l'imposition ou à son fondé de pouvoir ou conseil, par lettre recommandée avec accusé de réception, les effets juridiques des AMR ne courant qu'à compter de leur notification régulière ; que la Cour de cassation juge de manière constante que la prescription des poursuites n'est pas interrompue par l'envoi d'une lettre recommandée notifiant un commandement de payer qui a été retournée au comptable poursuivant avec la mention " non réclamé, retour à l'envoyeur " ; qu'un commandement de payer retourné avec la mention " n'habite plus à l'adresse indiquée " doit être apprécié comme n'étant pas parvenu à son destinataire et n'a pas pu interrompre la prescription de la créance dont le recouvrement était poursuivi.
Elle ajoute qu'aux termes de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 et de la théorie du " mandat apparent ", l'avocat engage toujours son client vis-à -vis de l'administration ; qu'aucune disposition du code des douanes ou du LPF n'exige la justification du mandat écrit de l'avocat ; que sauf stipulation contraire, le mandat (tacite) donné à un avocat par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre, emporte élection de domicile auprès de cet avocat et que par suite, l'administration est tenue d'adresser directement à ce seul mandataire, l'ensemble des actes de procédure. A défaut, la procédure d'imposition est irrégulière.
Elle expose que l'AMR n'a pas été délivré, dans la mesure où il est précisé sur l'enveloppe la mention " Destinataire inconnu à l'adresse " et cela alors que l'administration des douanes était informée du fait que la société était domiciliée chez son avocat (adresse inscrite sur tous les actes de procédure et correspondances) et non à son siège social puisqu'elle a déménagé. Elle soutient que l'AMR aurait dû être adressé à Me [Z] en sa qualité de fondé de pouvoir et qu'il est irrégulier.
Elle précise que le courrier du 24 mai 2016 est une réclamation contentieuse qui a été adressée à l'administration des douanes et qui soulevait déjà l'irrégularité de la notification de l'AMR litigieux.
Elle ajoute que l'administration ne saurait sérieusement soutenir l'absence de grief dont pourrait se prévaloir la société Halal Foodservice dès lors que la simple lecture de l'AMR permet de relever une garantie offerte au contribuable qui dispose d'un délai de 30 jours à compter de sa réception pour déposer des observations, garantie dont elle n'a pas pu bénéficier.
La DRDDI fait valoir que la censure de l'arrêt de la cour d'appel par la Cour de cassation est sans emport sur la validité de notification de l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 C1 310 du 19 novembre 2014 ; qu'elle a envoyé l'AMR au siège social de la société Halal Foodservice sis [Adresse 6] - [Localité 7], ce qui n'a pas été constaté par la partie adverse au cours de la procédure si bien que la société a présenté ses observations par courrier du 24 mai 2016. Elle soutient qu'en l'absence de grief, la société Halal Foodservice ne saurait contester la validité de la notification de l'AMR du 19 novembre 2014 d'autant qu'elle a pu le contester.
Ceci étant exposé, l'article L 256 du livre des procédures fiscale dispose qu'" Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la demande d'exigibilité. "
L'article R*197-4 du livre des procédures fiscales dispose que " Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Il doit être produit en même temps que l'acte qui autorise ou enregistré avant l'exécution de l'acte. Toutefois il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au Barreau (') "
L'article R* 256-3 du livre des procédures fiscales dispose que " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire :
a) Le premier, dit " original ", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement;
b) le second, dit " ampliation ", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir. "
L'article R*256-6 du livre des procédures fiscales dispose que " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'ampliation prévue à l'article R. *256-3. (') "
L'article R*256-7 du livre des procédures fiscales dispose que " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié :
a) Dans le cas où l'ampliation a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ;
b) Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, lej our ou en a été fait la demande de présentation.
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L 256 et R*265-5 du livre des procédures fiscales que l'avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration qui, d'une part interrompt la prescription de l'action en répétition et d'autre part, ouvre le délai de la prescription de l'action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre et qui fait partir le délai de recours du contribuable, ne produit ces effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné.
Il résulte des dispositions de l'article R*256-6 qu'il revient au contribuable lui-même d'informer le service d'une adresse de notification de l'avis de mise en recouvrement différente de celle de son domicile ou de son siège et que ces termes constitue une exception au principe selon lequel l'avocat est présumé disposer d'un mandat général de représentation en application de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques.
La société Halal Foodservice n'ayant pas informé la direction des douanes de ce qu'elle entendait élire domicile au cabinet de son avocat pour la notification de l'AMR, le moyen tiré de la notification irrégulière de l'AMR en l'absence d'envoi à son avocat chez qui elle avait élu domicile pour la procédure de rectification, sera écarté.
La notification de l'avis de mise en recouvrement par lettre recommandée n° 1 101 411 9735au siège social figurant sur le K-Bis est régulière, la société Halal Foodservice n'ayant pas porté à la connaissance de l'administration des douanes un changement d'adresse.
Il est en outre précisé que l'AMR a fait l'objet d'une contestation de la société Halal Foodservice par courrier du 24 mai 2016 à laquelle il a été répondu par l'administration des douanes pour courrier du 3 mars 2017 de sorte qu'il n'existe au grief.
Le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'avis de mise en recouvrement sera rejeté.
Sur le non-respect du contradictoire suite au procès-verbal du 23 octobre 2014
La société Halal Foodservice rappelle qu'en application du principe constitutionnel des droits de la défense qui s'impose aux autorités administratives, aucune décision ne peut intervenir sans qu'une procédure contradictoire ait eu lieu (en matière douanière, un délai de 30 jours s'ouvre au bénéfice du contribuable après chaque nouvelle décision de l'administration). En l'espèce, il s'avère que moins de 30 jours séparaient la rédaction du procès-verbal d'infraction et l'envoi de l'avis de mise en recouvrement (26 jours en l'espèce), ne laissant pas aux sociétés Eurohalal Foodservice et Halal Foodservice un délai raisonnable leur permettant contradictoirement et équitablement présenter leurs observations.
La DRDDI n'a pas conclu sur ce point.
Ceci étant exposé, l'administration des douanes a adressé à la société Halal Foodservice un avis préalable de taxation le 6 avril 2014. Cette dernière a présenté ses observations le 5 juin 2014. Le service a répondu à ces observations le 2 octobre 2014. Un procès-verbal d'infraction a été rédigé par le service le 23 octobre 2014.
Il en résulte qu'un délai supérieur à trente jours s'est effectivement écoulé entre la décision défavorable présentée dans l'avis préalable de taxation du 6 avril 204 et le procès-verbal de notification d'infraction du 23 octobre 2014.
Il est ajouté que la société Halal Food Services a contesté l'AMR par courrier du 24 mai 2016, contestation rejetée par l'administration des douanes du 3 mai 2017.
Le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire sera dès lors rejeté.
Sur la mise en 'uvre des dispositions des articles L26 et 34 §4 du livre des procédures fiscales
La société Halal Foodservice soutient, au visa des articles L.26 et 34 du livre des procédures fiscales relatifs aux contrôles diligentés par les douanes, que c'est de manière erronée que celles-ci ont établi que les sociétés Eurohalal Foodservice et Halal Foodservice exerçaient une activité de vente au détail de boissons. En effet, il s'avère que les deux procès-verbaux d'intervention des 10 et 24 octobre 2013 ont été établis sur le fondement de l'article 34 §4 du livre des procédures fiscales. Or, ces procès-verbaux ne se référent pas expressément à cet article puisque sont seuls mentionnés les articles 213 du livre des procédures fiscales et 429 du code de procédure pénale relatifs aux procès-verbaux d'audition, alors qu'en l'espèce il s'agit de PV d'intervention.
Elle fait valoir que le procès-verbal du 10 octobre 2013 est entaché d'irrégularité car il décrit une situation dans laquelle l'enquêteur des douanes est entré seul et de manière anonyme pour visiter l'entrepôt, c'est à dire sans décliner ni son grade, ni sa qualité, ni le motif de son intervention, ce qui est contraire à l'esprit de l'article L.26 du livre des procédures fiscales.
La DRDDI n'a pas conclu pas sur ce point.
Ceci étant exposé, la société Halal Foodservice critique la régularité de l'intervention effectuée par un agent des douanes le 10 octobre 2013. Elle requalifie les procès-verbaux des 10 et 24 octobre 2013 en procès-verbaux d'audition et non d'intervention.
Cependant, elle ne justifie d'aucune de ses allégations sur les conditions de leur mise en 'uvre par un agent assermenté pour étayer ses critiques. Il est précisé que l'ordonnance du 3 février 2016 de la cour d'appel de Paris confirmant l'ordonnance rendue le 12 mars 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny rappelle que la société Halal Foodservice n'a déposé aucun recours contre les opérations de visite et de saisie et que, faute d'avoir formé un tel recours, les écritures déposées ayant pour objet l'annulation de ces opérations ne peuvent être examinées.
Le moyen tiré de la violation des articles L26 et 34 §4 du livre des procédures fiscales sera rejeté.
Sur la non-restitution des documents comptables saisis lors de la visite domiciliaire
La société Halal Foodservice expose que l'article L.38 du livre des procédures fiscales prévoit la restitution des biens, avoirs, pièces et documents saisis ne provenant pas des infractions dont la preuve est recherchée afin de donner à l'assujetti redressé accès aux même données que celles à partir desquelles l'administration a élaboré son redressement et que le fondement de cette garantie permet lors de la mise en 'uvre d'une procédure contradictoire, de respecter le principe de " l'égalité des armes ". Elle fait valoir qu'en l'espèce, les sociétés n'ont jamais pu récupérer les cartons d'éléments comptables. Elle fait état du PV d'interpellation du gérant qui tend à démontrer l'impossibilité matérielle pour ce dernier ou son conseil d'entrer en possession des documents. De surcroit, les changements de versions de la DRDDI quant à cette restitution attestent qu'en réalité il n'en est rien. Ainsi, parce que tous manquements aux dispositions du CGI et du LPF vicient les procédures fiscales subséquentes, la procédure est nulle et les documents concernés inopposables.
La DRDDI n'a pas conclu sur ce point.
Ceci étant exposé, la société Halal Foodservice expose aux termes de ses écritures que le 11 avril 2014, Monsieur [O], inspecteur des douanes a convoqué le dirigeant de la SASU Halal Foodservice, Monsieur [B] et le conseil de l'époque de cette société, Maître Karim Bent-Mohammed afin de restituer les documents saisis lors des visites domiciliaires et que cette entrevue est actée dans le PV n°49/2014 du 11 avril 2014 ; que Maître Bent-Mohammed a refusé de prendre possession des documents estampillés SARL Eurohalal Foodservice; que le service s'est donc rapproché de Maître Mattei, représentant la société Eurohalal Foodservice qui a accepté la restitution des documents estampillés Eurohalal Foodservice ainsi que les scellés ouverts concernant les deux sociétés ; qu'un second rendez-vous était donc convenu le 18 avril 2014 entre Maître Gérard Mattei, accompagnant Monsieur [J] [C] représentant légal de la SARL Eurohalal Foodservice et Monsieur [O], inspecteur des douanes, afin de prendre possession des documents comptables de cette société saisis ; que le 18 avril 2014, Monsieur [C] et son conseil après avoir signé le PV de restitution des documents et aidé à charger la dizaine de carton de comptabilité sur des chariots n'ont pu entrer en possession de ces documents et les charger dans le véhicule de ce dernier dans la mesure où il a été interpellé dans les locaux des douanes, par les fonctionnaires de la Brigade Anti Criminalité (BAC) du commissariat [Localité 9] avertis par Monsieur [O], que l'interpellation est intervenue suite à une fiche de recherche correspondant à un mandat d'arrêt européen émis par les autorités Hongroises et dont la chambre des extraditions de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de remise en raison du caractère commercial du litige. Elle indique que l'administration des douanes a présenté trois versions différentes afin de justifier cette absence de restitution.
Il en résulte que l'administration des douanes a fixé un rendez-vous à la société Halal Foodservice pour le 11 avril 2014 en vue de la restitution des documents comptables saisis. Son conseil, Maître Bent-Mohamed a refusé de prendre en charge " certains documents reprenant des pièces propres aux deux sociétés ". Si l'administration des douanes a fixé un rendez-vous supplémentaire de restitution pour le 18 avril 2014, dans un délai très rapproché, l'interpellation concomitante du représentant légal de la société Euro Halal Foodservice n'a pas de conséquence démontrée sur la régularité de la procédure concernant l'AMR du n° 778 14 C13 01 du 10 novembre 2014.
En l'absence de preuve d'un grief ou de l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, le moyen tiré de la non-restitution des documents comptables sera rejeté.
Sur l'irrégularité substantielle de l'AMR n° 778 14 C1 310
La société Halal Foodservice soulève l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement en ce que l'administration des douanes n'a pas démontré que l'acte de délégation de signature de l'agent signataire, avait été portée à la connaissance du public afin de la rendre opposable aux tiers. Elle fait valoir qu'en l'espèce, ce n'est qu'en 2018 que l'administration a produit la délégation de signature accordée à Mme [M] à compter de 2013. De plus, à la lecture des délégations octroyées, il s'avère d'une part, qu'il est impossible de déterminer si l'avis de mise en recouvrement litigieux a bien fait l'objet d'une publication dont la charge de la preuve incombe à l'administration et d'autre part, si le receveur régional des douanes avait bien qualité à subdéléguer. Elle soutient que l'AMR doit être regardé comme ayant été pris par un agent comptable non habilité à l'établir.
Elle ajoute que l'avis de mise en recouvrement ne comporte pas la qualité et le grade du signataire, en contravention avec l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dans sa version alors en vigueur.
Ceci étant exposé, L'article L 252 du livre des procédures fiscales dispose que " Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget ".
L'article L 256 du même livre dispose qu'" Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. "
L'article L 257A du livre des procédures fiscales précise que " Les avis de mise en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation. "
L'article R 256-8 du même livre dispose que " Le comptable mentionné aux premiers, deuxième et troisième alinéa de l'article L 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques ou le comptable de la direction générale des douanes et droits indirects en ce qui concerne, pour ce dernier, le recouvrement des contributions indirectes, droits, taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles de la contribution prévue par l'article 527 du code général des impôts. "
Le décret du 22 mars 2007 prévoit que les personnes de la catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des douanes et droits indirects peuvent exercer les fonctions de comptable des douanes et recevoir délégation à cette fin.
En l'espèce, l'avis de mise en recouvrement litigieux est signé par Madame [R] [M] pour le compte du receveur régional, [Y] [S].
La DRDDI n'a pas conclu et n'a pas versé aux débats la délégation de signature au profit de la signataire de l'AMR litigieux.
Cependant, la société Halal Foodservice indique sans ses conclusions que " L'administration des douanes a ensuite produit à l'appui de ses allégations deux arrêtés de délégation de signature pris respectivement les 4 novembre 2013 (qu'elle a versé au débat à compter de 2018) et du 1 er avril 2015 par les responsables successifs du poste comptable concerné : Monsieur [Y] [S] et Madame [X] [U], tous deux étant receveurs régional des douanes et des droits indirects de Paris Est, au profit de Madame [R] [M]. "
Elle reconnaît dès lors l'existence d'une délégation de signature de M. [S] au profit de Mme [X] [R] [M] en date du 4 novembre 2013. Elle en conteste néanmoins la publication et l'affichage et dès lors son opposabilité aux tiers. Elle invoque également l'absence d'indication de la date de l'arrêté du directeur général des douanes et droits indirects portant nomination du receveur régional des douanes M. [S].
La délégation permettant aux agents de signer les avis de mise en recouvrement accordée par le comptable doit, comme tout acte réglementaire, faire l'objet d'une mesure de publicité afin d'être opposable aux redevables, cette mesure pouvant consister soit en un affichage dans les locaux soit en une publication au recueil des actes administratifs.
En première instance, l'administration des douanes a affirmé, sans en justifier, que l'acte de délégation avait été dument affiché dans les locaux de la recette régionale et qu'il était accessible au public.
En cause d'appel, elle ne conclut pas sur ce point et ne justifie pas d'une publication de la délégation.
Force est donc de constater qu'en l'espèce, l''administration des douanes ne peut être regardée comme apportant, comme elle en a la charge, la preuve que le signataire de l'avis de mise en recouvrement a agi dans le cadre d'une délégation de signature régulièrement publiée. L'avis de mise en recouvrement se trouve affecté d'une irrégularité substantielle.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a déchargé la société Halal Foodservice des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement n° 778 14 C1 210 du 19 novembre 2014.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'article 367 du code des douanes a été abrogé par la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Le tribunal a été saisi le 3 mai 2017, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens et donc à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour de céans a été saisie le 23 mai 2023, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. Il sera donc statué sur les dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'administration des douanes succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à la société Halal Foodservice une indemnité de procédure de 1 500 euros
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toute ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la Direction régionale des douanes et droits indirects de Paris aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Emmanuel Pire, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute la Direction régionale des douanes et droits indirects de Paris de sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne la Direction régionale des douanes et droits indirects de Paris à payer à la société Halal Foodservice la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL