Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 30 AOUT 2024
(n° , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11863 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJVWN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2024 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2024P00326
Nature de la décision : contradictoire
NOUS, Françoise BARUTEL, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Emilie POMPON, Greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE VBR
immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 882 790 819
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Virginie METIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0045, avocat plaidant
à
DEFENDEURS
URSSAF D'ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par M. [D] [E] (Inspecteur contentieux) muni d'un pouvoir
Maître [I] [Y] [W] ès qualités de liquidateur de la PHARMACIE VBR
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Fabrice DALAT de la SELARL DALAT - WERNERT - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373
ayant pour avocat plaidant Me Céline LEBEDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P209
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 26 Août 2024 :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 12 juin 2024 ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SELARL Pharmacie VBR,
Vu l'appel relevé le 24 juin 2024 par la SELARL Pharmacie VBR,
Vu les assignations en référé en date des 10 et 15 juillet 2024, développées oralement, aux termes desquelles la SELARL Pharmacie VBR, représentée par son gérant en exercice, demande, au visa de l'article R. 661-1 du code de commerce, au premier président de la cour d'appel de Paris de constater l'existence de moyens sérieux de réformation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 12 juin 2024, et d'arrêter l'exécution provisoire du jugement d'ouverture d'une liquidation judiciaire,
Vu les conclusions notifiées par RPVA de Maître [I] [Y] [W], ès-qualités de liquidateur de la société Pharmacie VBR, développées oralement,
Les observations du représentant de l'URSSAF ayant été entendues à l'audience du 26 août 2024,
Vu le visa du ministère public du 23 août 2024,
Sur ce,
La SELARL Pharmacie VBR, représentée par son gérant en exercice, prétend qu'elle soulève des moyens sérieux à l'appui de l'appel, d'une part, en ce qu'elle exploite une officine de pharmacie, qu'elle relève donc des juridictions civiles, le tribunal de commerce de Créteil étant dès lors incompétent, d'autre part, au visa de l'article L. 621-1 du code de commerce, en ce que l'ordre des pharmaciens n'a pas été convoqué par le tribunal de commerce de Créteil, et que ce défaut de convocation justifie l'annulation du jugement d'ouverture, et enfin en ce qu'elle dispose de bilans pour les exercices 2022 et 2023 et d'un prévisionnel justifiant d'un redressement possible.
Maître [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire, soutient que l'activité de vente de médicament est une activité commerciale relevant de la compétence du tribunal de commerce, et que si par extraordinaire la cour d'appel prononçait la nullité du jugement sur le fondement de l'absence de saisine de l'ordre des pharmaciens, elle serait saisie de l'entier litige et amenée à statuer sur l'ouverture de la procédure collective ; qu'il résulte de la reddition des comptes un solde positif de trésorerie de 4 448,22 euros ; que le passif déclaré s'élève à la somme de 4 394 700,10 euros ; que l'URSSAF a déclaré sa créances pour un montant de 342 789,25 euros de cotisations impayées entre juin 2022 et juin 2024 en ce compris une part salariale de 95 607 euros ; que l'AGIRC-ARCO a déclaré une créances de cotisations impayées entre le 2ème semestre 2022 et le 2ème semestre 2024 de 78 267,85 euros, et Klesia Pro une créance de 20 545,25 euros pour des cotisations impayées entre le 1er trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024 ; que les salariés ont indiqué ne pas souhaiter réintégrer les effectifs en cas de suspension de l'exécution provisoire compte tenu de la gestion du dirigeant ; que la SELARL Pharmacie VBR ne dispose pas des fonds disponibles pour régler les loyers commerciaux ; que la société Pharmacie VBR a constitué un passif conséquent auprès des répartiteurs ; que l'état de cessation de paiement est avéré et les perspectives de présentation d'un plan de redressement irréalistes.
Il résulte de l'article R. 661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement d'ouverture de procédure de liquidation judiciaire.
Selon l'article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent : (') 2° des contestations relatives aux sociétés commerciales.
L'article L. 721-5 du code de commerce énonce : « Par dérogation au 2° de l'article L. 721-3 ('), les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles l'une des parties est une société constituée conformément à l'ordonnance du 8 février 2033 relative à l'exercice en société des professions libérales règlementées, ainsi que des contestations survenant entre associés d'une telle société ».
L'article L. 621-2 du code de commerce énonce : « Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas ».
L'article L. 110-1 du code de commerce énonce : « La loi répute actes de commerce : 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en 'uvre ; (') ».
Il résulte des articles qui précèdent une dualité de compétence du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, les contestations relatives à une pharmacie, qui exerce une profession libérale règlementée, relevant en application de l'article L. 721-5 susvisé, du tribunal judiciaire, et en application de l'article L. 621-2 du même code, du tribunal de commerce, les officines de pharmacie réalisant un acte de commerce à savoir l'achat pour la revente au sens de l'article 110-1 dudit code.
S'agissant du 2ème moyen, il y a lieu de rappeler que l'article L. 621- 1 du code de commerce énonce : « Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur(').En outre, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé, dans les mêmes conditions, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève. »
En l'espèce, il est constant que l'ordre des pharmaciens n'a pas été convoqué par le tribunal de commerce de Créteil. Ce défaut de convocation, s'il est susceptible en application de l'article L. 621-1 susvisé d'entraîner l'annulation du jugement d'ouverture, aurait alors pour conséquence que la cour serait saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel.
S'agissant enfin des perspectives de redressement de la SELARL Pharmacie VBR, il résulte des pièces produites que le passif déclaré s'élève à plus de 4,3 millions d'euros, ou à tout le moins, la pharmacie VBR prétendant qu'une créance bancaire de 1,15 millions d'euros aurait été comptabilisée deux fois, à plus de 3,1 millions d'euros. Les cotisations impayées de l'Urssaf s'élèvent à plus de 340 000 euros en ce compris une part salariale de plus de 95 000 euros. La trésorerie présente un solde positif de moins de 4 500 euros, et la société Pharmacie VBR, dont le passif a continué de croître après l'assignation introductive et en 2024, et qui ne produit même pas un prévisionnel mensuel démontrant sa capacité à assurer son financement pendant une période d'observation, ne démontre pas être en mesure de faire face à son loyer commercial, et au financement de son activité, les salariés ayant en outre déclaré aux termes d'une attestation qui reproduit huit signatures manuscrites, et dont la force probante est contestée sans être cependant combattue par aucune pièce contraire, qu'ils étaient confrontés à des retards de salaires et à des paiement aléatoires et qu'ils refuseraient d'être réembauchés pour le cas où l'appel serait favorable au dirigeant.
En l'absence de trésorerie permettant le financement du besoin en fonds de roulement, compte tenu du montant du passif déclaré, les prévisionnels d'exploitation et de trésorerie ne permettant pas d'envisager des perspectives réalistes de redressement, les moyens allégués par l'appelante ne sont pas suffisamment sérieux pour arrêter l'exécution provisoire du jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire à l'égard de la SELARL Pharmacie VBR, prononcé le 12 juin 2024 par le tribunal de commerce de Créteil.
ORDONNANCE rendue par Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, assisté de Mme Emilie POMPON, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère