Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 23 AOUT 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/12031 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJWE4
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 mai 2024 rendue par le président du Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2024018756
Nature de la décision : contradictoire
NOUS, Marc BAILLY, président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Mélanie PATE, greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.A.S. OFY ST GERMAIN
prise en la personne de ses représentans légaux
[Adresse 2] -
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me KHAFIF substituant Me François ELBERG, avocat au barreau de PARIS, toque: C1312
à
DEFENDEUR
Monsieur [N] [I]
comparant
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Arthur FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
Madame [U] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Arthur FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 21 août 2024 :
Vu l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 21 mai 2024 qui, sur l'assignation délivrée par M. [N] [I] et Mme [U] [L] le 25 mai 2024 à la société Ofy St-Germain en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat du 30 mai 2022 de location gérance d'un fonds de commerce de restauration sous l'enseigne 'Twickenham' sis [Adresse 2] à [Localité 4] a notamment :
- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence qui aurait été soulevée par la société Ofy St-Germain au motif qu'elle était contenue dans des conclusions du 14 mai 2024 alors que leur communication était prévue avant le 30 avril 2024,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de location gérance du 30 mai 2022 un mois après la signification du congé du 16 février 2024 soit le 16 mars 2024,
- dit la société Ofy St-Germain sans droit ni titre à compter de cette date,
- ordonné son expulsion, sous astreinte,
- condamné la société Ofy St-Germain à payer à titre provisionnel à payer la somme de 220 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter de la signification de la décision,
- condamné la société Ofy St-Germain à payer à titre provisionnel à payer la somme de 64 142,56 euros au titre des arriérés de redevances et charges et la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Ofy St-Germain de toutes ses demandes ;
Vu l'appel interjeté par la société Ofy St-Germain par déclaration au greffe en date du 22 mai 2024 ;
Vu l'assignation en arrêt de l'exécution provisoire délivrée le 10 juillet 2024 à M. [N] [I] et à Mme [U] [L] par la société Ofy St-Germain qui fait valoir :
- que les locaux objets de la location gérance par les époux [I] sont la propriété de la SCI [I], ces modalités ayant été choisies pour contourner les règles du bail commercial, que le chiffre d'affaire effectif de la société s'est avéré bien inférieur à celui réalisé par M. [I] lors de sa propre exploitation et que sa proposition d'apurement des sommes dues - étant observé que sur les 60 393,19 euros réclamés, la somme totale de 32 000 euros a été réglée aux mois de février et mars 2024 - par affectation d'une part des 150 000 euros de caution déposés lors de la souscription du contrat n'a pas été acceptée,
- que conformément aux exigences de l'article 514-3 du code de procédure civile, des conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieurement à la première instance en ce que le premier juge a violé le principe du contradictoire en acceptant les conclusions des consorts [I] à l'audience du 14 mai 2023 pourtant postérieure à la date du 13 mai 2024 fixée comme celle du dernier échange entre parties, et ce, sans répondre à leurs moyens contenus dans des écritures du 12 mai 2024 et que le 'dépôt de garantie/cautionnement' de 150 000 euros prévus aux termes du contrat de location gérance a été dépensé par les époux [I] puisqu'alors que le contrat prévoyait sa séquestration par eux, ils n'ont pas répondu à la sommation d'avoir à justifier de sa disposition sur un compte bancaire,
- qu'elle a assigné au fond les époux [I] le 30 mai 2022 en requalification du contrat de location gérance en bail commercial, en désignation d'expert pour la fixation du loyer et en nullité du commandement de payer, que les conséquences manifestement excessives sont constituées de l'impossibilité de réintégrer les lieux et de récupérer la 'caution' alors que les consorts [I] ne justifient plus de la caution et s'apprêtent à louer à un tiers,
- qu'ils font valoir des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance puisque le premier juge a violé le principe du contradictoire, que le commandement de payer du 16 février 2024 est nul compte tenu de son imprécision comme ne faisant pas mention des sommes réglées par la société et comme délivré de mauvaise foi, que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi puisqu'un dépôt de garantie plus de trois fois supérieur aux sommes réclamées a été prévu, que les époux [I] ont entendu obtenir la disposition des locaux avant les Jeux Olympiques comme le montre le contrat régularisé avec M. [B], qu'une contestation sérieuse tenant à l'obligation de délivrance du loueur existe puisque des désordres d'humidité ont été constatés de sorte qu'elle demande :
- le prononcé de l'arrêt de l'exécution provisoire,
- la condamnation des époux [I] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures en réponse de M. [N] [I] et Mme [U] [L], visées par me greffe à l'audience du 21 août 2024 qui soulèvent, principalement, l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire faute pour la société Ofy St-Germain d'avoir présenté des observations en première instance ou de justifier de conséquences manifestement excessives survenues depuis lors et, subsidiairement, qui résistent à ces prétentions en faisant valoir qu'il n'est justifié d'aucune moyen sérieux d'infirmation de l'ordonnance entreprise non plus que de conséquence manifestement excessives à son caractère exécutoire et qui sollicitent la condamnation de la demanderesse appelante à leur verser la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose, en ses alinéas 2 et 3 que :
'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'
Quoi que cette disposition ne distingue pas l'arrêt de l'exécution provisoire selon qu'il a trait à une décision dont l'exécution provisoire peut ne pas être prononcée ou est de droit sans faculté d'y renoncer, il ressort de l'article 514-1 alinéa 3 que le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, de sorte qu'aucune discussion préalable utile portant en première instance sur le seul point du caractère exécutoire par provision de l'ordonnance ne pouvant intervenir, la demande tendant à son arrêt n'est, par conséquent, pas subordonnée à la démonstration que des conséquences manifestement excessives se ont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En conséquence, la fin de non recevoir soulevée par M. [I] et Mme [L] doit être rejetée.
Le succès de la prétention de la société Ofy St-Germain est donc subordonné à la démonstration des conditions cumulatives du caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution par provision et de moyens sérieux d'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Il résulte des explications des parties, des écritures en première instance de la société Ofy St-Germain et de l'ordonnance elle-même que la société Ofy St- Germain a soulevé ce qu'elle a formellement désigné comme une 'exception d'incompétence' dans ses écritures déposées le 13 mai 2024 - en fait de quoi, elle faisait seulement valoir qu'elle entendait voir requalifier le contrat de location de gérance en contrat de bail commercial, ce qui aurait eu pour effet de constituer une contestation sérieuse excédant les pouvoirs du juge des référés - et elle reproche au premier juge, au motif du non respect du calendrier qu'il avait fixé pour les échanges, d'avoir non seulement d'avoir rejeté cette exception mais d'avoir délaisser toute son argumentation.
Toutefois, ces considérations sont sans conséquences sur la question de l'arrêt de l'exécution provisoire dès lors que, par l'effet dévolutif de l'appel et dans la mesure où ce n'est pas l'acte introductif de l'instance qui est contesté - le seul dont la nullité entraîne celle de l'instance elle-même - il reviendra à la cour, même dans l'hypothèse d'une annulation de l'ordonnance pour violation du principe du contradictoire, de trancher le litige, de sorte qu'il convient bien d'examiner notamment si des moyens sérieux d'infirmation de l'ordonnance sont soutenus.
Or, tel n'est pas le cas.
En effet, il y a lieu de rappeler que l'ordonnance constate l'acquisition de la clause résolutoire comprise dans la convention de location gérance du 30 mai 2022 alors que la société Ofy St-Germain ne conteste pas ne s'être pas acquittée des sommes réclamées dans le commandement de payer du 16 février 2024 représentant les redevances, loyers et factures d'eau et d'énergie depuis le mois de septembre 2023 échus, et ce, en dehors de sommes payées ultérieurement aux mois de février et mars 2024 pour un total de seulement 32 000 euros.
Contrairement à ce que soutient la société Ofy St-Germain, le décompte est parfaitement précis puisqu'il détaille toutes les sommes dues imputées à chaque type de créance et sa délivrance, conforme aux dispositions contractuelles qui stipulent classiquement que tout défaut de paiement entraînera la résiliation du contrat, ne constitue que l'exécution des prévisions du contrat sans pouvoir former un abus de droit du loueur de fonds puisque le paiement des sommes courantes dues n'intervient plus depuis le mois échus de septembre 2023, de sorte que la mauvaise foi de M. [I] et Mme [L] n'est pas caractérisée.
Contrairement, encore, à ce que soutient la société Ofy St-Germain et comme l'a rappelé le juge de l'exécution - saisi par elle d'une demande de délais de paiement dont il l'a déboutée dans son jugement du 9 août 2024 - le sort du dépôt de garantie stipulé au contrat et séquestré entre les mains des loueurs est indifférent au sort du litige soumis à la cour et, partant, à celui sur l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance entreprise puisqu'il a, tout aussi classiquement, pour seul objet de garantir le loueur de l'exécution du contrat jusqu'au terme de la relation contractuelle et qu'il n'est jamais entré dans la commune intention des parties qu'il puisse servir à apurer, en cours d'exécution de la location gérance, les dettes de loyers, redevance et charges de la société Ofy St-Germain, à telle enseigne qu'il est prévu sa restitution au terme du contrat.
La simple lecture du dit contrat de location gérance ne fait naître aucun doute sur sa nature juridique exacte - sur laquelle la société commerciale, par actions simplifiée, Ofy-St Germain n'a pu se méprendre -, et aucun argument n'est invoqué militant en faveur de sa requalification.
Le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 8 avril 2024, non précédé d'une quelconque réclamation aux loueurs, sur certains désordres des lieux donnés en location gérance, affectant les abords de voirie et le sous sol, n'est pas de nature à modifier la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire alors que M. [I] et Mme [L] exposent que les travaux en surface sont imputables à GRDF, qu'on ne voit pas à quel titre ils pourraient en répondre en leurs qualités et qu'il n'est pas démontré que l'humidité constatée au sous-sol empêche l'exploitation.
La seule demande utile d'arrêt de l'exécution provisoire, fondée sur l'espérance d'obtenir, en cause d'appel, une suspension des effets de la clause résolutoire exigeait de former des propositions d'apurement de la dette et de mettre en exergue des perspectives d'amélioration de la situation financière de la société, ce que la société Ofy St-Germain s'abstient de faire comme l'a déjà pourtant déjà relevé, dans le champ de compétence qui est le sien, le juge de l'exécution dans son jugement du 9 août 2024.
En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, de condamner la société Ofy St-Germain aux dépens de la présente instance ainsi qu'à payer à M. [N] [I] et Mme [U] [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non recevoir opposée par M. [N] [I] et Mme [U] [L] à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la société Ofy St-Germain ;
Rejette, au fond, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 21 mai 2024 portant le n° de RG 2024018756 ;
Condamne la société Ofy St-Germain à payer à M. [N] [I] et Mme [U] [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ofy St-Germain aux dépens.
ORDONNANCE rendue par M. Marc BAILLY, président, assisté de Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président