RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 22 AOUT 2024
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/03820 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ4HL
Décision déférée : ordonnance rendue le 20 août 2024, à 11h23, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Caroline Tabourot, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Liselotte Fenouil, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [U] [O] [B]
né le 07 novembre 1975 à [Localité 1], de nationalité algérienne
RETENU au centre de rétention : [2]
assisté de Me Me Oumar THIAM , avocat de permanence au barreau de Paris et de Mme [G] [K] (Interprète en arabe) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté,
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Alexis N'DIAYE du cabinet Mathieu, avocats au barreau de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;
- Vu l'ordonnance du 20 août 2024 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ordonnant la prolongation du maintien de M. [U] [O] [B], dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu'au 04 septembre 2024 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 21 août 2024, à 10h31, par M. [U] [O] [B] ;
- Après avoir entendu les observations :
- de M. [U] [O] [B], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. L'article R 743-11 du même code prévoit que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur la quatrième prolongation
Il résulte des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
Il ressort des pièces de la procédure que l'impossibilité d'exécuter la mesure résulte sans conteste de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage.
Sur la délivrance à bref délai
Malgré les diligences et la bonne foi non contestées des services de la préfecture qui ont saisi les autorités consulaires algériennes et procédé aux relances utiles dont la dernière en date le 12 aout 2024, il y a lieu de constater qu'à défaut d'établir que la délivrance de documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé doit intervenir à bref délai, l'administration ne peut se fonder sur le 3° de l'article 742-5 du code précité pour solliciter une quatrième prolongation de rétention au-delà du délai de 60 jours. En effet, la relance le 12 aout 2024 au consulat algérien n'implique pas que celui-ci va délivrer à bref délai un document de voyage, peu importe la présence d'un passeport périmé.
En conséquence, ce motif ne pouvait être retenu pour fonder la prolongation de la rétention.
Sur la menace à l'ordre public
Cette menace impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de cette prolongation, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
La menace pour l'ordre public doit faire l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé.
En l'espèce, si M. [B] a fait l'objet d'une mesure de garde à vue pour tentative de vol, la procédure s'est achevée par un classement et il n'est pas établi qu'il ait été condamné ou poursuivi antérieurement.Si M. [B] a fait l'objet de plusieurs signalements dont le dernier en 2022, aucun n'a donné lieu à condamnation.
Il convient donc de considérer que la seule procédure justifiée, à l'origine de la rétention, ne suffit pas à établir que constitue une menace actuelle à l'ordre public telle qu'une quatrième prolongation de sa rétention administrative soit justifiée.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rejeter la requête du préfet aux fins de prolongation de la rétention administrative, et d'ordonner la remise en liberté immédiate de
M. [B].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE le recours recevable en la forme,
INFIRME l'ordonnance entreprise,
REJETTE la requête du préfet aux fins de prolongation de la rétention administrative,
ORDONNE la remise en liberté immédiate de M. [B],
RAPPELLE à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à PARIS le 22 août 2024 à h
LE GREFFIER LE PRESIDENT
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'interprète L'avocat de l'intéressé