REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRET DU 22 AOÛT 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10275 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY32
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2021 - Tribunal judiciaire de MELUN RG n° 19/01253
APPELANT
Monsieur [P] [F]
né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et assisté par Me Jean-Marc BORTOLOTTI de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, substitué à l'audience par Me Pauline ZACCARDI de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉE
Société LE MASSIF DE CHARLEVOIX, société de droit québécois, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
[Localité 5] - QUEBEC - CANADA
Représentée et assistée par Me Juliette VOGEL de la SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0581, subsitué à l'audience par Me Etienne PIC de la SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été plaidée le 06 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 10 janvier 2015, Monsieur [P] [F], ressortissant français, résidant temporairement au Canada, a été victime d'un accident de ski sur le domaine skiable administré par la société Le massif de Charlevoix en heurtant un pylône de canon à neige.
Cet accident lui a causé plusieurs séquelles nécessitant cinq interventions chirurgicales ainsi que des séances de rééducation.
Par ordonnance en date du 23 mars 2018, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Melun a désigné le Docteur [K] [Y] en qualité d'expert. Ce dernier a rendu son rapport le 5 octobre 2018.
Par une demande aux fins de signification à l'étranger d'un acte judiciaire en date du 12 avril 2019, Monsieur [P] [F] a fait assigner la société Le massif de Charlevoix aux fins de reconnaissance de responsabilité et d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Melun a :
- Déclaré prescrite l'action engagée par Monsieur [P] [F] à l'encontre de la société Le massif de Charlevoix ;
- Déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur [P] [F] ;
- Débouté la société Le massif de Charlevoix de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
- Condamné Monsieur [P] [F] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Honig Mettedal Ndiaye & Associés.
Monsieur [P] [F] a interjeté appel de ce jugement le 1er juin 2021.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 27 août 2021, Monsieur [P] [F] demande à la cour de :
Vu les articles 1231-1 et suivants du code civil,
- Dire Monsieur [P] [F] recevable et bien fondé en son appel du jugement en date
du 4 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Melun ;
- Infirmer le jugement en date du 4 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Melun qui a :
' déclaré prescrite l'action engagée par Monsieur [P] [F] à l'encontre de la société Le massif de Charlevoix ;
' déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur [P] [F] ;
' condamné Monsieur [P] [F] aux dépens dont distraction au profit de la SCP Honig Mettetal Ndiaye & Associés ;
Invitant la cour à statuer de nouveau,
- Déclarer la société Le massif de Charlevoix responsable de l'accident subi par Monsieur [P] [F], le 10 janvier 2015 ;
- Condamner la société Le massif de Charlevoix à lui verser la somme de 114.275 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices patrimoniaux ;
- Condamner la société Le massif de Charlevoix à lui verser la somme de 279.767 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices extra-patrimoniaux ;
- Réserver les dépenses de santé futures, eu égard aux interventions chirurgicales à venir ;
En toute conséquence,
- Condamner la société Le massif de Charlevoix à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Le massif de Charlevoix aux entiers dépens.
Il soutient qu'il convient d'appliquer l'alinéa 3 de l'article 4 du Règlement du parlement européen dit « Rome I » qui dispose que :
« 3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente
des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. ».
Selon lui le litige présente des liens plus étroits avec la France qu'avec le Canada dans la mesure où il est un ressortissant français, réside en France, pays où il a reçu un grand nombre de soins suite à son accident.
Il ajoute qu'en vertu du principe de la loi du for, la loi applicable est celle du lieu où se trouve installé le tribunal devant lequel l'affaire est portée et que le tribunal judiciaire de Melun étant installé en France, la loi du for est la loi française.
Il fait valoir que son action, introduite par assignation en date du 2 avril 2019, n'est pas prescrite :
-l'action en responsabilité contractuelle ne serait prescrite que le 10 janvier 2020 en application de l'article 2224 du code civil français, cinq ans après l'accident,
-l'action en responsabilité délictuelle ne serait prescrite que le 19 juillet 2029, dix ans à compter de la date de consolidation, fixée par l'expert au 19 juillet 2019.
Au regard de la loi québécoise qui prévoit un délai de prescription de trois ans, il soutient que l'assignation en référé-expertise a été transmise au ministère de la justice du Québec par acte en date du 10 janvier 2018, soit avant l'expiration du délai de prescription le 11 janvier 2018 et que le fait que la demande de signification ait été reçue par le ministère de la justice du Québec le 16 janvier 2018 ou par la société Le massif de Charlevoix le 25 janvier 2018 est sans conséquence.
Il expose ensuite que cette dernière a manqué à son obligation générale de sécurité en négligeant non seulement de procéder à une signalisation spécifique des plaques de verglas mais encore en omettant de mettre en place un dispositif de protection adapté sur les canons à neige situés aux abords immédiats de la piste et que de ce fait, elle engage sa responsabilité.
Il se décrit comme un skieur émérite, régulier, avisé et prudent dans sa pratique et conteste, comme l'écrit le docteur [Y] dans son rapport d'expertise en s'appuyant sur les dires des équipes de secours qui n'ont pourtant pas assisté à l'accident et alors qu'il dépassait sa mission, être arrivé avec une vitesse excessive ou avoir manqué de contrôle à cause d'une blessure au genou qu'il nie.
Il fait état le jour de l'accident d'un ciel dégagé, d'une visibilité bonne alors qu'il faisait jour.
Il critique le rapport d'accident rédigé trois mois après par les équipes de secours qui n'ont pas été témoins.
Il argumente ensuite ses différents préjudices.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, la société Le massif de Charlevoix demande à la cour de :
Vu le règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,
Vu les articles du code civil du Québec, et la jurisprudence des juridictions québécoises,
Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile français,
Vu l'article 1147 ancien du code civil français, et la jurisprudence des juridictions françaises,
Vu le jugement rendu 04 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Melun (RG n°19/01253),
Vu les conclusions et les pièces communiquées,
A titre liminaire,
- Confirmer le jugement en ce qu'il fait application de la loi du Québec (Canada) comme
loi applicable au présent litige opposant Monsieur [P] [F] à la société Le massif de Charlevoix, entité de droit québécois ;
A titre principal,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en indemnisation initiée
au fond par Monsieur [P] [F] en raison de l'acquisition de la prescription extinctive ;
A titre subsidiaire,
- Débouter, en application de la loi québécoise, et subsidiairement en application de la loi française, Monsieur [P] [F] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société Le massif de Charlevoix ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que, en application du principe de la réparation intégrale, le préjudice de
Monsieur [P] [F], en lien direct et certain avec l'accident dont il a été victime, sera liquidé de la manière suivante :
' Au titre de l'assistance par tierce personne : 10.207,50 euros
' Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 5.421 euros
' Au titre de l'incidence professionnelle : 1.000 euros
' Au titre des souffrances endurées : 12.000 euros
' Au titre du préjudice esthétique temporaire : 2.000 euros
' Au titre du déficit fonctionnel permanent : 32.500 euros
' Au titre du préjudice esthétique permanent : 10.000 euros
Soit la somme totale de 73.128,50 euros
- Débouter Monsieur [P] [F] de ses autres prétentions indemnitaires ;
En tout état de cause,
- Débouter Monsieur [P] [F] du surplus des demandes formées à l'encontre de la société Le massif de Charlevoix ;
- Condamner Monsieur [P] [F] à verser une somme de 10.000 euros à la société Le massif de Charlevoix en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [P] [F] à supporter les entiers dépens, dont distraction sera faite au profit de la SELAS HMN et partners, conformément à l'article 699 du code de
procédure civile.
Elle fait valoir que lorsque se présente à une juridiction française, et plus généralement à une juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne, un litige comprenant un élément d'extranéité et un potentiel conflit de lois, les règlements Rome I en matière contractuelle ou Rome II en matière extra-contractuelle ont vocation à s'appliquer.
Elle ajoute qu'il n'est pas contesté que Monsieur [F] avait acheté un forfait de ski lui permettant d'utiliser les remontées mécaniques du domaine skiable administré par ses soins et que la relation juridique entre un détenteur de forfait de ski et la société gérante du domaine skiable est d'ordre contractuel . Elle conclut que l'article 4.1 b) du règlement Rome 1, qui conduit à retenir l'application de la loi du Québec, a vocation à s'appliquer, le contrat ne présentant pas de liens manifestement plus étroits avec la France comme l'appelant le soutient à tort en demandant que les dispositions de l'article 4.3 soient appliquées.
Elle précise qu'en application de l'article 2925 du code civil du Québec, l'action se prescrit par 3 ans et qu'une demande aux fins de signification à l'étranger n'est pas interruptive de prescription au sens de l'article 2892 de ce code.
Dès lors, elle conclut que l'action de Monsieur [F], qui n'a pas été intentée avant le 11 janvier 2018, ce dernier n'ayant mis au rôle l'assignation en référé expertise que tardivement et après le 25 janvier 2018 date de signification de l'acte à elle-même, est prescrite.
Elle conteste, à titre subsidiaire, supporter une quelconque responsabilité dans la survenance de l'accident de Monsieur [F], la présence d'une plaque de verglas sur une piste constituant un risque inhérent à la pratique du ski accepté par les skieurs, précisant qu'un panneau de signalisation demandant aux pratiquants de skier lentement avait été placé en amont du lieu de la chute.
Elle ajoute qu'au Canada, l'exploitant d'un domaine skiable n'a pas à installer un matelas de protection autour des canons à neige situés en bordure de piste.
Elle précise que la présence de plaques de glace et de canons à neige était mentionnée dans les conditions générales relatives au forfait de ski acheté par Monsieur [F] au titre des risques acceptés par le skieur. De plus, elle fait valoir qu'il s'agissait d'une piste de difficulté moyenne nécessitant moins de précautions pour l'exploitant qu'une piste pour débutants.
Elle conclut ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité. A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la minoration des demandes indemnitaires de Monsieur [F].
La clôture a été prononcée le 15 mai 2024.
MOTIFS
Sur la loi applicable :
Les premiers juges ont retenu leur compétence ainsi que l'application de la loi québécoise en se fondant sur l'article 4, 1 b) du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil en date du 17 juin 2008 dit Rome I.
La compétence des juridictions françaises pour juger le présent litige n'est remise en cause par aucune des parties devant la cour.
Monsieur [F] sollicite « l'application du principe de la loi du for », en l'occurrence la loi française.
Cependant lorsque se présente à une juridiction française, et plus généralement à une juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne, un litige comprenant un élément d'extranéité, ici constitué par le fait que l'intimée a son siège social au Québec, et un potentiel conflit de lois, les règlements Rome I en matière contractuelle ou Rome II en matière délictuelle ont vocation à s'appliquer.
La relation juridique entre un détenteur de forfait de ski et la société gérante du domaine skiable est d'ordre contractuel.
Il en résulte que le règlement Rome I est applicable en l'espèce.
En l'absence de clause de choix de la loi applicable dans le contrat conclu entre les parties, à savoir le forfait de ski ou les éventuelles conditions de vente de la société Le massif de Charlevoix, il convient de se référer à l'article 4 intitulé « loi applicable à défaut de choix ».
L'article 4.1 du règlement Rome I prévoit à cet égard que : « À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit : a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle (.) »
En l'espèce, Monsieur [F] ne conteste pas que le contrat souscrit par lui est un contrat de prestation de services.
L'article 19 du règlement européen précité prévoit en outre que « la résidence habituelle » de la personne morale est déterminée en prenant en considération le lieu où la société, association ou autre personne morale a établi son administration centrale.
Il est constant que la société Le massif de Charlevoix est une société ayant sa résidence habituelle au Canada et dont le siège social est situé [Adresse 1], [Localité 8] dans la province du Québec.
La désignation d'une loi d'un Etat non-membre de l'Union européenne est possible en vertu de l'article 2 du règlement Rome I, qui prévoit notamment que les règles de rattachement du règlement Rome I peuvent désigner la loi de tout Etat, fût-il membre ou tiers.
Monsieur [F] revendique l'application de l'article 4.3. du Règlement Rome I du 17 juin 2008.
Cet article prévoit une « clause d'exception » ou « clause échappatoire », et précise que la loi normalement applicable au contrat, à défaut de choix par les parties, peut être écartée « s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 1 ou 2 la loi de cet autre pays s'applique ».
L'application de l'article 4.3 du règlement Rome I doit rester exceptionnelle pour ne pas compromettre l'objectif général de prévisibilité et de sécurité juridique du règlement.
Monsieur [P] [F] invoque au soutien de la caractérisation de « liens manifestement plus étroits » avec la loi française :
- sa nationalité,
- sa résidence actuelle en France,
- les soins reçus en France dans les suites de son accident.
Force est de constater que ces arguments (par ailleurs contestables puisque des soins ont également été prodigués au Canada, pays où il résidait ( pièce 8 de Monsieur [F] )), concernent l'appelant et non le contrat.
Il sera relevé que Monsieur [F] a acheté un forfait de ski en contractant avec un prestataire de services au Québec (Canada) et qu'au moment de l'accident, il skiait au Canada sur le domaine skiable administré par une société de droit québécois, Le Massif de Charlevoix, et que le contrat présente ainsi des liens étroits avec ce pays.
Dès lors Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve que le contrat (et non lui-même) présente des liens plus étroits avec la France qu'avec le Canada, il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions de l'article 4.1.b) du règlement Rome 1 en vertu desquelles la loi applicable au contrat est la loi québécoise.
De plus, l'article 3112 du code civil du Québec dispose que : « En l'absence de désignation de la loi dans l'acte ou si la loi désignée rend l'acte juridique invalide, les tribunaux appliquent la loi de l'État qui, compte tenu de la nature de l'acte et des circonstances qui l'entourent, présente les liens les plus étroits avec cet acte ».
L'article 3113 du même code prévoit pour sa part que « Les liens les plus étroits sont présumés exister avec la loi de l'État dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique de l'acte a sa résidence ou, si celui-ci est conclu dans le cours des activités d'une entreprise, son établissement ».
Il en résulte qu'en matière contractuelle, les règles de droit international privé du Québec sont similaires à celles de la France dans la mesure où la loi applicable désignée est celle de la résidence de la partie qui doit fournir « la prestation caractéristique de l'acte ».
Dès lors, la décision déférée, qui a retenu l'application de la loi du Québec, est confirmée.
Sur la prescription :
Le premier juge a retenu que la loi applicable à la prescription est la loi applicable au fond du litige, soit la loi québécoise, et faisant application des règles de procédure françaises a estimé qu'en l'absence de remise de l'assignation au défendeur avant le 11 janvier 2018, l'action était prescrite.
En application de l'article 12 du règlement Rome I, la loi applicable au contrat en vertu du présent règlement régit notamment :
d) les divers modes d'extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai.
Selon l'article 2921 du code civil du Québec, la prescription extinctive est un moyen d'éteindre un droit par non-usage ou d'opposer une fin de non-recevoir à une action.
Il résulte de l'article 2925 du code civil du Québec que l'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans, de l'article 2926 du même code que lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois et que le jour à partir duquel court la prescription n'est pas compté dans le délai ( article 2879).
Dès lors, le point de départ de la prescription est le 11 janvier 2015, lendemain de l'accident qui a eu lieu le 10 janvier 2015.
Aux termes de l'article 2892 du code civil du Québec, le dépôt d'une demande en justice, avant l'expiration du délai de prescription, forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, au plus tard dans les 60 jours qui suivent l'expiration du délai de prescription.
Cet article offre au demandeur qui dépose sa demande en justice dans le délai de prescription un délai de grâce de 60 jours suite à l'expiration du délai de prescription pour signifier la procédure au défendeur.
Contrairement à l'analyse du premier juge, l'application de cette cause de suspension doit s'effectuer conformément à la loi du Québec, définie aux termes du règlement Rome I comme applicable à la fin de non-recevoir de la prescription.
Monsieur [F] soutient que la transmission de l'assignation en référé-expertise au ministère de la justice du Québec par acte en date du 10 janvier 2018, avant l'expiration du délai de prescription le 11 janvier 2018 (reçue le 16 janvier 2018 puis par la société Le massif de Charlevoix le 25 janvier 2018), aurait interrompu la prescription.
Cependant une demande aux fins de signification à l'étranger, si tant est qu'une assignation en référé expertise puisse être considérée en droit québécois comme une demande en justice au sens de l'article 2892 du code civil précité, ne peut être assimilée au dépôt d'une demande en justice au sens de la loi québécoise lequel s'entend du dépôt de la procédure au greffe du tribunal compétent, par lequel la demande en justice est portée à la connaissance de la juridiction (ou saisine du tribunal) équivalent en droit français au placement de l'assignation au greffe du tribunal comme cela résulte du rapport d'expertise juridique sur l'application du droit civil Québécois par Maître [Z] [V] du cabinet Robinson Sheppard Shapiro, [Localité 7], Québec, non critiqué par l'appelant concernant son interprétation de ladite loi.
Dès lors en l'absence de placement de l'assignation auprès du greffe du tribunal au plus tard le 11 janvier 2018, l'action de Monsieur [F] est prescrite.
Par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, la décision déférée, qui a déclaré l'action de Monsieur [F] à l'encontre de la société Le massif de Charlevoix prescrite, est confirmée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [F] est condamné à verser à la société Le massif de Charlevoix une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel distraits au profit de la SELAS HMN et partners, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [F] à verser à la société Le massif de Charlevoix une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [F] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse la SELAS HMN et partners conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,