La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/08/2024 | FRANCE | N°24/03725

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 11, 16 août 2024, 24/03725


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU 16 AOUT 2024

(1 pages)



Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 24/03725 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ3M4



Décision déférée : ordonnance rendue le 14 août 2024, à 13h37, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris



Nous, Sandrine Moisan, conse

illère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Valentin Hallot, greffier aux débats et au pr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 16 AOUT 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 24/03725 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ3M4

Décision déférée : ordonnance rendue le 14 août 2024, à 13h37, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Sandrine Moisan, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Valentin Hallot, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Brigitte de Moussac, avocat général,

2°) LE PRÉFET DE POLICE,

représenté par Me Romain Dussault du cabinet Centaure Avocats, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ:

M. [J] [O] [U]

né le 02 Janvier 1985 à [Localité 1]

de nationalité Guinéenne

RETENU au centre de rétention de [Localité 2] / [Localité 3],

ayant refusé de comparaître à l'audience de ce jour

représenté par Me Farah Loques, avocat de permanence au barreau de Paris

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 14 août 2024, à 13h37, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris ordonnant la mise en liberté de M. [J] [O] [U], disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle, rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national, disant que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef de rétention administrative de Paris (avec traduction écrite du dispositif faite par l'interprète).

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 14 août 2024 à 17h39 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 14 août 2024, à 17h59, par le préfet de police ;

- Vu l'ordonnance du 15 août 2024 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu le courriel émanant du CRA de [Localité 3] le 16 août 2024 à 09h37 indiquant que M. [U] refuse de comparaître à l'audience de ce jour ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 15 jours ;

- du conseil de M. [J] [O] [U], qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

En application de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :

« A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

Les critères énoncés ci-dessus n'étant pas cumulatifs, il suffit à l'administration d'établir l'un d'eux pour justifier d'une prolongation de la rétention.

La demande de quatrième prolongation objet de la présente procédure est soumise à ces dispositions et fondée sur une menace à l'ordre publique, eu égard notamment à une condamnation de l'intéressé à une peine criminelle pour viol sur personne vulnérable.

Le premier juge a rejeté la demande de prolongation aux motifs de l'impossibilité pour l'administration d'exécuter la mesure d'éloignement du fait de l'interruption depuis mi-décembre 2023 de la coopération avec les autorités consulaires guinéennes, sans qu'aucune date de reprise soit prévue, la reconnaissance de la citoyenneté guinéenne par le consulat ne pouvant ainsi intervenir à bref délai.

Sur la démonstration de la délivrance à bref délai

Lorsque l'impossibilité d'exécuter l'éloignement résulte, comme en l'espèce, de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage, il appartient au juge de rechercher les éléments permettant de considérer que l'administration établit une délivrance à bref délai au regard notamment des réponses apportées par les autorités consulaires. Un faisceau d'indices concordants peut conduire à considérer que les obstacles doivent être surmontés à bref délai.

En l'espèce, les autorités consulaires somaliennes ont été saisies le 3 juin 2024, puis ont été relancées à plusieurs reprises, sans qu'aucune réponse n'ait été apportée de sorte qu'aucune reconnaissance n'est intervenue, qu'aucune audition n'est prévue et qu'à ce jour, il n'y a pas de perspective de délivrance d'un laissez-passer.

Or, malgré les diligences de l'administration française, le préfet ne fait valoir aucune circonstance particulière qui permettrait à la cour d'être informée sur les délais d'un retour, de sorte que l'administration ne peut se fonder sur le 3° de l'article 742-5 du code précité pour solliciter une quatrième prolongation de rétention, l'ordonnance déférée devant être confirmée de ce chef.

Sur la menace à l'ordre public

Pour l'application du dernier alinéa de l'article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.

S'agissant de la menace à l'ordre public, critère pouvant être mobilisé par l'administration à l'occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

La menace à l'ordre public doit faire l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé.

La commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l'intérieur, n° 365644, A).

L'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l'intérieur, B).

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que M. [U] a été condamné le 20 septembre 2019 par la cour d'assises de Meurthe et Moselle pour des faits de viol sur personne vulnérable à une peine de huit ans d'emprisonnement et à une interdiction définitive du territoire français.

Cette peine a été exécutée, M. [U] étant sorti de prison récemment, soit le 8 janvier 2024, étant précisé que sa demande de relèvement de l'interdiction définitive du territoire français a été rejetée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy aux termes d'un arrêt du 29 juin 2023, eu égard notamment à l'absence de gage de réinsertion en raison de son comportement en prison et à ses difficultés à accepter les règles, ce qui est corroboré par le fait que l'intéressé a été placé en garde à vue avant son placement en rétention du fait du non-respect de son assignation à résidence, de sorte que la menace actuelle à l'ordre public est établie, une quatrième prolongation de sa rétention administrative sur ce seul critère étant ainsi justifiée.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance critiquée et, statuant à nouveau, de prolonger le maintien en rétention de l'intéressé pour une durée de 15 jours.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARONS la requête du préfet recevable,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [J] [O] [U] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 15 jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 16 août 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant

L'avocat de l'intéressé L'avocat général


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 24/03725
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-16;24.03725 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award