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10/08/2024 | FRANCE | N°24/03608

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 11, 10 août 2024, 24/03608


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU 10 AOUT 2024

(1 pages)



Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 24/03608 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ2YC



Décision déférée : ordonnance rendue le 08 août 2024, à 16h25, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux



Nous, Raoul Carbonaro, prés

ident de chambre, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Céline Richard, greffière aux débats ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 10 AOUT 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 24/03608 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ2YC

Décision déférée : ordonnance rendue le 08 août 2024, à 16h25, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Raoul Carbonaro, président de chambre, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Céline Richard, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Mme Sylvie Schlanger, avocat général,

2°) LE PRÉFET DU VAL-D'OISE,

représenté par Me Diana Capuano du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne

INTIMÉ:

M. [H] [E] [Z] [O]

né le 03 octobre 1987 à [Localité 4], de nationalité bangladaise

RETENU au centre de rétention du [2]

assisté de Me Sophie Weinberg, substituant Me Ruben Garcia, avocats au barreau de Paris et de M. [Y] [F] (interprète en langue bengali) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 8 août 2024, à 16h25 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la procédure irrégulière, rejetant la requête du préfet du Val d'Oise, ordonnant la remise en liberté de M. [H] [E] [Z] [O] sous réserve de l'appel suspensif du procureur de la République, rappelant à M. [H] [E] [Z] [O] qu'il devra se conformer à lea mesure d'éloignement ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 8 août 2024 à 17h55 par le procureur de la republique pres le tribunal judiciaire de Meaux, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 9 août 2024, à 10h10, par le préfet du Val-d'Oise ;

- Vu l'ordonnance du vendredi 9 août 2024 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu les conclusions et pièces reçues le 9 août 2024 à 17h20 et 17h33 par le conseil de M. [H] [E] [Z] [O] ;

- Vu les pièces complémentaires reçues le 9 août 2024 à 23h38 par le conseil de M. [H] [E] [Z] [O] ;

- Vu les observations :

- de M. [H] [E] [Z] [O], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 26 jours ;

- M. [H] [E] [Z] [O] indique que l'interprète précédent s'est comporté violemment et ne l'a pas laissé parler.

SUR QUOI,

- Sur la recevabilité de l'appel :

En application de l'article R. 743-12 du ceseda, « Lorsque le ministère public entend solliciter du premier président de la cour d'appel qu'il déclare son recours suspensif, il interjette appel dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification qu'il a reçue de l'ordonnance. Il fait notifier la déclaration d'appel, immédiatement et par tous moyens, à l'autorité administrative, à l'étranger et, le cas échéant, à son avocat, qui en accusent réception ».

Il résulte de la procédure que la déclaration d'appel avec demande d'effet suspensif été notifiée le 8 août 2024 à 18 h 14 à l'intéressé, à 18h09 à son avocat et à 18h10 au préfet du Val-d'Oise de telle sorte que le moyen, non repris à l'audience, manque en fait.

L'appel doit donc être déclaré recevable.

- Sur le défaut de signification régulière de l'ordonnance du 9 août 2024 :

Il résulte de la procédure que l'ordonnance a été notifiée le 9 août 2024 à l'intéressé qui l'a signée. Un interprète est mentionné sans pour autant qu'il ait signé. Il en résulte qu'il a été fait appel à un interprète par téléphone.

Lorsqu'il est prévu qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance peut, en cas de nécessité, se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes prévues ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. En ce cas, le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

En l'espèce, l'acte de notification de l'ordonnance accordant l'effet suspensif de l'appel ne porte pas les mentions exigées de l'article R. 343-1 et R. 744-17 du ceseda.

Il n'est cependant prouvé aucun grief, dès lors d'une part que l'ordonnance n'est susceptible d'aucun recours et que d'autre part, l'intéressé a été présent à l'audience mentionnée dans ladite ordonnance.

Pour le même motif tiré de l'absence de grief, il ne saurait être fait reproche à l'acte de notification de ne pas comporter de mention d'heure, l'intéressé ayant été présent à l'audience et l'ordonnance notifiée n'étant susceptible d'aucun recours.

- Sur l'irrecevabilité de l'appel qui ne peut tendre à la réformation, à défaut de demande formulée dans le délai d'appel relative à la prolongation de la rétention administrative :

En l'espèce, la déclaration d'appel avec demande d'effet suspensif reprend dans son dispositif la demande de réformation de l'ordonnance et motive au fond les raisons pour lesquelles le ministère public demande la réformation de l'ordonnance.

L'appel est donc recevable.

- Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel

En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.

A la différence de l'article 901 du code de procédure civile, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933 du même code, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d' appel .

Il se déduit de l'article 562, alinéa 1, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d' appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull. 2020, II). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, II).

Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d' appel ne serait pas de nature à y remédier.

Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d' appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d' appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

L'exception soulevée sera donc rejetée.

- Sur l'étendue de la saisine du juge d'appel :

Le juge d'appel est appelé à statuer que sur les moyens soulevés dans l'acte d'appel, l'appelant ne pouvant compléter par de nouveaux moyens en cours de procédure ceux qu'il a développés dans cet acte.

En l'espèce, le procureur de la République a formé appel en articulant comme moyen la régularité de la mesure de retenue administrative préalable liée à la notification régulière de ses droits.

- Sur la régularité de l'interpellation :

Relativement à l'interpellation, le procès-verbal établi par les APJ adjoints de la police municipale de [Localité 1] met en évidence qu'ils agissaient sur une opération conjointe avec la police nationale de [Localité 3] et que l'interpellation s'est opérée en présence du commissaire de police, chef de l'opération, qui assurait la direction de ces agents. Le moyen sera donc écarté.

- sur la régularité de la garde à vue :

Il résulte de la procédure que l'intéressé a été placé en garde à vue le 2 août 2024 à 12 heures 16 pour deux infractions. Le procès-verbal mentionne que l'intéressé s'est vu notifier ses droits mentionnés aux articles 63-1 à 63-4-2 et 706-112-1 et 706-112-2 du code de procédure pénale, et a renoncé à bénéficier d'un examen médical, à s'entretenir avec une personne de son choix et à bénéficier de l'assistance d'un avocat. L'ensemble des droits a été notifié en présence d'un interprète en langue banguali. Le procès-verbal mentionne qu'il peut bénéficier de l'assistance d'un avocat au début de la mesure ainsi qu'au début de la prolongation, si elle est accordée. Ce droit comprend la possibilité de s'entretenir avec un avocat et de bénéficier de sa présence lors des auditions et confrontations mais également les des reconstitutions d'infractions et de présentation pour identification à victime ou témoin. Cette mention est conforme aux dispositions en vigueur depuis le 24 avril 2024. La renonciation aux droits est expresse et le procès-verbal rappelle que l'intéressé a reconnu qu'il pouvait revenir sur ce choix à tout moment de la procédure. Il n'est pas allégué d'audition antérieure à cette notification.

Aucune atteinte aux droits de l'intéressé n'est donc démontrée.

Relativement au fait d'aviser une personne de son choix, le droit qui a été notifié ne correspond pas au texte en vigueur au jour de la garde à vue, dès lors que la version qui lui a été notifiée limite les personnes qualifiées qui peuvent être prévenues de la mesure. Le procès-verbal mentionne par la suite que l'intéressé prend acte de son droit, le cas échéant, et sauf incompatibilité avec la mesure en cours, de demander à communiquer avec la personne de son choix. Toutefois, la demande de communication ne peut suppléer le défaut d'avertissement de toute personne de son choix. Dès lors, l'acte de notification n'est pas conforme aux dispositions actuelles de l'article 63-2 du code de procédure pénale.

L'intéressé ne démontre cependant pas d'atteinte à ses droits dès lors que, n'indiquant pas la personne qu'il aurait dû prévenir, aucun grief précis n'est articulé.

Ce moyen sera rejeté.

La notification des droits a été opérée par un officier de police judiciaire. Le moyen tiré d'une absence de contrôle par ce dernier est donc inopérant.

La garde à vue est donc régulière.

L'annulation de la garde à vue supplétive pour défaut d'information du parquet, moyen pertinent, reconnu comme constitué devant le premier juge, n'a pour effet que d'invalider les actes subséquents. L'intéressé ayant été interpellé et placé en garde à vue antérieurement pour d'autres faits, la mesure de rétention prononcée à l'issue de la garde à vue initiale n'est pas subséquente à la garde à vue supplétive. Le moyen sera donc écarté.

Lorsqu'en application de l'article 65 du code de procédure pénale, une personne gardée à vue est entendue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime, l'officier de police judiciaire doit, afin de permettre un contrôle effectif de la mesure, informer sans délai le procureur de la République, tant des soupçons pesant sur l'intéressé que de la qualification susceptible de lui être notifiée.

Si l'absence d'une telle information fait nécessairement grief aux intérêts de la personne gardée à vue, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale, et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition sur les nouveaux faits, ainsi que, le cas échéant, celle des actes subséquents qui trouvent dans ceux-ci leur support nécessaire et exclusif, elle n'entraîne pas la nullité de la garde à vue en son ensemble.

Dès lors, en présence d'une telle irrégularité, la mainlevée de la mesure de rétention ne peut être prononcée que s'il est établi une atteinte aux droits de l'étranger.

En l'espèce, dès lors qu'une garde à vue supplétive a été notifiée pour des faits nouveaux et que le procureur de la République n'a pas été avisé, l'audition doit être annulée. Or, l'arrêté de rétention ne repose pas sur les déclarations faites en garde à vue, de telle sorte qu'il n'est pas démontré d'atteinte à ses droits.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée.

Au fond, l'intéressé ne présente aucun titre de transport et n'a pas remis de passeport à l'autorité préfectorale. L'adresse donnée n'est pas vérifiable et il n'est justifié d'aucune ressource. Il ne présente donc aucune garantie de représentation.

Le maintien en rétention sera donc ordonné.

PAR CES MOTIFS

DECLARONS l'appel recevable

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

REJETONS les moyens de nullité,

DECLARONS la requête du préfet du Val d'Oise recevable,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [H] [E] [Z] [O] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-six jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 10 août 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé L'avocat général

L'intéressé L'interprète


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 24/03608
Date de la décision : 10/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-10;24.03608 ?
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