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09/08/2024 | FRANCE | N°24/00442

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 09 août 2024, 24/00442


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12



SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 09 AOUT 2024



(n° 442 , 4 pages)





N° du répertoire général : N° RG 24/00442 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJZ37



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02388



L'audience a été prise au siè

ge de la juridiction, en audience publique, le 08 Août 2024



COMPOSITION



Nathalie RECOULES, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du premier président de la cour...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 09 AOUT 2024

(n° 442 , 4 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00442 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJZ37

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02388

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 08 Août 2024

COMPOSITION

Nathalie RECOULES, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Paris,

assisté de Damien GOVINDARETTY, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur LE PREFET DE POLICE

[Adresse 2]

représenté par Me DIVINE ZOLA DUDU, substituant Me ALI SAIDJI, avocat au barreau de Paris, toque J076

INTIMÉ

Monsieur [Y] [D] (Personne faisant l'objet de soins)

né le 12 Avril 1999 à [Localité 8] ( Côte-d'Ivoire)

demeurant [Adresse 1]

Actuellement hospitalisé au Ghu [Localité 4] Psychiatrie et Neurosciences Site [7]

comparant, assisté de Me Karim ANWAR,, avocat commis d'office au barreau de PARIS

CURATEUR

Association ATFPO [Localité 4] OUEST

demeurant [Adresse 3]

non comparant, non représenté

PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DU GHU [Localité 4] PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [7]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Perrin , avocate générale,

Comparante,

Faits et procédure

M. [Y] [D] a été admis en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État le 10 juin 2020, bénéficiant d'un programme de soins entériné par arrêté préfectoral du 20 juin 2023 et lui permettant de résider chez sa mère à [Localité 5] avec un suivi médical mensuel, des entretiens infirmiers réguliers avec la mise en place de son pilulier hebdomadaire, et la prise du traitement retard au CMP de secteur. Il a, par ailleurs, poursuivi son suivi en addictologie au sein même du site [7] à [Localité 6]

Par certificat médical de réintégration en date du 22 juillet 2024, le médecin informait le Préfet de [Localité 4] de la réintégration à l'hôpital de M. [Y] [D] le même jour, après qu'il se soit spontanément présenté au centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA) pour une reprise des soins après une rupture de suivi dans un contexte de consommation quotidienne des toxiques, sous-tendue par une demande de logement social sa famille ne souhaitant plus l'accueillir. Le médecin a constaté que l'intéressé présente « un contact fuyant, de nombreux rires immotivés, la verbalisation d'idées délirantes mystiques, expliquant appartenir à la communauté des illuminatis », « une désorganisation psychique ainsi que des troubles du jugement et du raisonnement » et conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques en hospitalisation complète.

Dans ce contexte, par arrêté du 23 juillet 2024, le préfet de Police a abrogé le programme de soins en cours et ordonné la reprise des soins sous la forme de l'hospitalisation complète, pour une réévaluation clinique et la remise en place d'un traitement adapté.

L'avis motivé d'hospitalisation complète en date du 28 juillet 2024 constate que M. [Y] [D] « verbalise des idées délirantes à thématique spirituelle et mystique centrées sur les illuminatis, de mécanisme interprétatif, qu'il a dépensé des sommes importantes auprès de différentes communautés et a effectué des rituels dans le cadre de ses croyances délirantes. Le discours est intarissable, désorganisé et rationalisé, avec une participation affective importante, [qu'il] n'a pas conscience du caractère pathologique de ses troubles. [Aussi,] compte-tenu de son état clinique, le patient n'est pas en mesure de consentir durablement aux soins : la mesure de contrainte doit donc être maintenue. »

Saisi sur requête du préfet, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris a, aux termes d'une ordonnance rendue le 31 juillet 2024, notamment, accueilli l'irrégularité soulevée, ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement dont fait l'objet Monsieur [Y] [D], décidé cependant que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique.

Aux termes de ses écritures remises au greffe de la cour le 2 août 2024, Monsieur le préfet de police, représentant de l'État, a déclaré appel de la décision ainsi rendue motifs pris , d'une part, de la régularité de la mesure d'hospitalisation sous contrainte au regard des dispositions des articles L.3213-3 II et R.3211-1 du code de la santé publique, d'autre part, de l'absence de grief caractérisé, enfin, de la nécessité du maintien des soins sous contrainte.

A l'audience de ce jour, M. [D] a été entendu en ses observations.

Le conseil du représentant de l'État a développé oralement ses écritures.

Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions et sollicite l'infirmation de l'ordonnance.

SUR CE,

Sur la régularité de l'arrêté de réintégration

L'article R.3211-1 du code de la santé publique dispose que « Le préfet du département ou à [Localité 4], le préfet de police doit être informé de la modification du programme de soins lorsque celle-ci a pour effet de changer substantielle la modalité de prise en charge du patient, afin de lui permettre, le cas échéant, de prendre un nouvel arrêté ''.

Il ressort des dispositions de l'article L.3213-3 Il du même code que « Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l'article L.3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'État dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée ''.

Aux termes de ces dispositions légales, aucun délai n'est expressément prévu pour la prise de l'arrêté du préfet du département en cas de modification du programme de soins lorsque celle-ci a pour effet de changer de façon substantielle la modalité de prise en charge du patient, de sorte qu'aucune irrégularité ne peut être tiré du non-respect d'un délai.

Il est néanmoins constant que la décision doit être établie dans un délai raisonnable, tenant au temps nécessaire à l'élaboration de la décision.

Au cas d'espèce, le certificat médical de réintégration a été établi le 22 juillet 2024, sans que ne soit mentionnée l'heure de présentation de M. [D] au CPOA. L'arrêté du préfet a été pris le 23 juillet 2024 à 15h06 de sorte qu'il n'est pas démontré que le délai de prise de la décision serait déraisonnable alors que, surabondamment, peut être relevé que la transmission du certificat médical au préfet a été faîte le 23 juillet 2024 à 11h21.

Au demeurant, aucun grief n'est démontré M. [D] étant venu, de sa propre initiative, demander son hospitalisation complète.

Il se déduit de ces éléments qu'aucune irrégularité de l'arrêté ne pouvait être accueillie et que l'ordonnance dont appel doit être infirmé de ce chef.

Sur le fond

Il ressort du certificat médical de situation en date du 6 août 2024 que, depuis la « mainlevée ['] réalisée le 31/07/2024 un SPDTU est remis en place le 01/08 devant la persistance d'une symptomatologie psychotique envahissante. A l'entretien, ce jour, le patient est calme, le contact s'améliore [mais] reste pauvre, le regard fuyant et la présentation demeure étrange. Il persiste une légère accélération psychique avec un discours diffluent et désorganisé, marqué par des rationalismes morbides. L'humeur reste exaltée mais les fonctions instinctuelles sont conservées. Il persiste des idées délirantes de grandeur et de persécution à mécanisme imaginatif et interprétatif. Il a un critique faible de ses troubles et il présente un trouble du jugement. Il refuse les soins.

Nous prévoyons de faire sortir le patient en programme de soin de SPTDU pour assurer le suivi ambulatoire. Au total, la mauvaise conscience des troubles et l'adhésion aux soins très fragile imposent un maintien de la mesure de contrainte. »

Il se déduit de ces éléments que la fragilité de M. [D] est manifeste dans un contexte de rechute psychotique tel que cela ressort des constatations ci-dessus et qu'un temps reste nécessaire dans l'élaboration d'un programme de soins consentie par M. [D] avec l'équipe médicale de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de l'appelant.

PAR CES MOTIFS 

Le délégué du premier président, statuant en dernier ressort, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris le 31 juillet 2024 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Ordonne la poursuite de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

Ordonnance rendue le 09 AOUT 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 09 août 2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

X préfet de police

X avocat du préfet

X tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00442
Date de la décision : 09/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-09;24.00442 ?
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