REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 07 AOUT 2024
(n° 438 , 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 24/00438 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJZQT
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/05821
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 05 Août 2024
COMPOSITION
Nathalie RECOULES, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Paris,
assistée de Damien GOVINDARETTY, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision
APPELANT
Monsieur [E] [T] (Personne faisant l'objet de soins)
né(e) le 16 mai 1970
demeurant [Adresse 1]
Actuellement hospitalisé à L'EPS DE [Localité 3]
comparant, assisté de Me Benoît DENIS, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PREFET DE LA SEINE SAINT DENIS
non comparant, non représenté,
PARTIE INTERVENANTE
M.LE DIRECTEUR DE L'EPS DE [Localité 3]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme LIFCHITZ , avocate générale,
Comparante,
Faits et procédure
Aux termes de l'expertise psychiatrique diligentée sur réquisition du procureur de la République du tribunal judiciaire de Bobigny, le 15 juillet 2024, par le docteur [X] [O] que M. [E] [T], interpellé sur la voie publique suite à des faits de dégradation volontaire de biens publics, l'expert conclut que « l'examen de l 'intéressé met en évidence une psychose avec une symptomatologie décompensée, [laquelle] apparaît comme d'origine toxique, les troubles de comportement sont en rapport avec sa psychose dysthymique, ce jour l'intéressé présente des éléments en faveur d'une dangerosité significative, M. [T] nécessite une prise en charge psychiatrique en urgences, ses troubles rendent impossible son consentement et son état nécessite des soins psychiatriques immédiats, assortis soit d'une surveillance médicale constante [..].
Il s'en est suivi un arrêté du maire de [Localité 2] de placement provisoire d'une personne présumée atteinte de troubles mentaux en vue d'une admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État.
Le certificat des 24 heures, en date du 16 juillet 2024, constate la persistance des troubles et, notamment, une adhésion partielle à certaines idées délirantes, une humeur maniaque et conclut à la nécessité de maintenir les soins sur décision du représentant de l'État.
Le Préfet de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 17 juillet 2024 au visa des articles L.3211-2-2 alinéa 1, L. 3211-12-1, L. 3213-1 et L. 3213-2 du code de la santé publique, ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M. [E] [T].
Le certificat des 72 heures, en date du 18 juillet 2024, constate « une excitation psychomotrice se manifestant par une logorrhée témoignant d'une tachypsychie, l'humeur est joviale, le patient est dans la banalisation de ses troubles du comportement, en les mettant en lien avec une consommation de toxiques. Son consentement aux soins est aléatoire » et conclut à la nécessité de maintenir la SDRE maintenir en hospitalisation à temps complet.
Le Préfet de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 19 juillet 2024, prolongé la mesure sous forme d'une hospitalisation complète.
Sur requête du préfet, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a, par ordonnance en date du 24 juillet 2024, ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de M. [E] [T].
Par courrier reçu le 25 juillet 2024, M. [T] a interjeté appel de la décision au motif que « son état physique et psychique a changé depuis une semaine » et qu'il était mieux suivi en ville avec une infirmière qui lui fait son pilulier hebdomadaire.
M. [T] a été entendu à l'audience de ce jour et son conseil a fait part de ses observations concernant l'ambivalence du certificat de situation et rappelé a minima les demandes de son client relatives à un changement de secteur, à l'octroi de permissions de sortie et de visites et à l'élaboration d'un programme de soins.
Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions et sollicite la confirmation de l'ordonnance.
SUR CE,
Aux tenues de l'article L.3213-l du code de la santé publique, le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
L'article L.3211-12-1 du même code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État dans le département, n'ait statué sur cette mesure :
1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L.3214-3 ;
2° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle la directrice de
1'établissement ou le représentant de l'État a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L.3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3 du même code.
Le premier juge a notamment constaté qu'il résultait des pièces du dossier et des certificats médicaux établis dans les 24 et 72 heures de la décision d'admission et de celle de maintien des soins, que M. [E] [T] est connu de la psychiatrie, qu'il est dans la banalisation des troubles du comportement présentés en amont de son hospitalisation et que son consentement aux soins reste aléatoire et en a déduit que les soins devaient se poursuivre en hospitalisation complète, en raison des risques que ses troubles représentent pour la sûreté des personnes et ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public, et a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
A l'audience de ce jour, M. [T] n'a pas manifesté d'opposition à la poursuite de son hospitalisation évoquant des rencontres journalières avec le psychiatre et une adaptation de son traitement à ses besoins. Il s'est montré soucieux de ses difficultés à dormir. Il a exprimé le souhait de pouvoir être changé de secteur, bénéficier de permissions de sortie et de visites, comme repris par son conseil.
Il ressort du certificat de situation établi le 2 août 2024 que « Après plusieurs jours d'hospitalisation, le contact reste facile, la présentation est bonne. Il persiste une logorrhée, une tachypsychie, même s'il s'en défend. Il est dans de multiples demandes envers l'équipe soignante et n'hésite pas à se mêler de la prise en charge des uns et des autres. Les fonctions instinctuelles sont perturbées avec des troubles du sommeil persistants.
La conscience des troubles est partielle et l'adhésion aux soins est ambivalente. I1 entend finalement nos explications sur son état maniaque et la contre-indication à la prescription d'un traitement antidépresseur.
Il reconnaît une mauvaise gestion émotionnelle, en particulier dans les relations avec ses enfants.
La mesure de contrainte sous la forme d'une hospitalisation complète est à maintenir.
Le patient est auditionnable et a été informé de manière adaptée à son état de santé, de la décision de maintien des soins sans consentement.
Les soins psychiatriques sont à maintenir en la forme. »
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les faits à l'origine de l'interpellation et l'hospitalisation à la demande du représentant de l'Etat ont porté un trouble grave à l'ordre public en raison de dégradations de biens publics et sont consécutifs à un épisode de décompensation psychotique de M. [T] engendré, notamment, par la prise de toxique. A ce jour, M. [T] reste, au regard de la reconnaissance partielle qu'il a de ses troubles, des troubles du comportement toujours caractérisés, de l'absence de garantie quant à sa capacité à suivre en ambulatoire un traitement adapté à son état et à ne pas poursuivre la prise de toxiques, ce qu'il reconnaît, la poursuite des soins en hospitalisation complète sous contrainte reste nécessaire afin notamment de stabiliser son programme de soins.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance rendue, tout en soulignant, sauf contre-ordre médical, le l'intérêt pour le patient à bénéficier de permissions de sortie et de visites.
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président, statuant en dernier ressort, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe
Confirme l'ordonnance rendu par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny le 24 juillet 2024 en toutes ses dispositions ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Ordonnance rendue le 07 AOUT 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 07 août 2024 par fax / courriel à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris