COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
N° RG 23/16686 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILU7
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 12 Octobre 2023
Date de saisine : 25 Octobre 2023
Nature de l'affaire : Appel sur les décisions relatives à la modification de la date de la cessation des paiements
Décision attaquée : n° 2023L00362 rendue par le Tribunal de Commerce de Créteil le 04 Octobre 2023
Appelantes :
S.A.R.L. RICKHER 1, Prise en la personne de ses représentants légaux, agissant conformément aux dispositions de l'article L641-9 du code de commerce pour l'exercice des droits propres du débiteur, la société ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0203
S.A.S. ATLANTE CONSTRUCTION Société en liquidation judiciaire représentée par la SARL RICKHER 1, elle-même représentée par ses cogérants Madame [M] [H] et Monsieur [G] [V], agissant en vertu de ses droits propres,, représentée par Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0203
Intimée :
S.E.L.A.R.L. S21Y société d'exercice libérale à responsabilité limitée immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 813 660 693, dont le siège social est sis 9, Rue des Champs Corbilly [Localité 4], prise en la personne de sa gérante en exercice, Maître [B] [N], mandataire judiciaire inscrite sur la liste nationale, ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SAS ATLANTE CONSTRUCTION, représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 - N° du dossier 20230294
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 5 pages)
Nous, Alexandra PELIER-TETREAU, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Michèle FOUCAULT, adjointe administrative faisant fonction de greffier lors des plaidoiries et de Saoussen HAKIRI, greffier lors de la mise à disposition,
Exposé des faits et de la procédure
Suivant jugement du 9 mars 2022, le tribunal de commerce de Créteil, saisi sur déclaration de cessation des paiements, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS Atlante Construction, dont l'activité est une activité de travaux de bâtiment, maçonnerie, béton armé, peinture,
carrelage, et une activité de lotisseur et marchand de biens.
Ce même jugement a désigné la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Me [Y] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire, avec une mission d'assistance, et la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [N], ès qualités de mandataire judiciaire de la société.
La date de cessation des paiements de la la SAS Atlante Construction a été fixée provisoirement au 25 février 2022, date du dépôt de la déclaration de cessation des paiements.
La procédure de redressement judiciaire a été convertie en procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du 8 juin 2022 à l'issue de l'arrêt d'un plan de cession au bénéfice de la SAS Financière Terideal suivant jugement du 8 juin 2022 également.
À l'occasion de sa mission, le liquidateur judiciaire a constaté des éléments permettant de remonter la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle initialement et provisoirement fixée par le tribunal de commerce de Créteil.
Sur requête déposée le 6 juin 2023, le liquidateur judiciaire a sollicité du juge-commissaire qu'il désigne un technicien aux fins d'analyser les flux financiers entre les sociétés Atlante Construction et Rickher 1 et déterminer la date exacte de cessation des paiements de la société Atlante Construction.
Par ordonnance du 28 juin 2023, le juge-commissaire a désigné la SARL CPA Advisory aux fins de :
- Procéder à l'analyse des flux financiers entre la société Atlante Construction et Rickher 1 ; et
- Déterminer la date exacte de cessation des paiements de la société Atlante Construction.
Par jugement du 4 octobre 2023, le tribunal de commerce de Créteil a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Atlante Construction au 1er janvier 2022.
Par déclaration du 12 octobre 2023, la SARL Rickher 1 a interjeté appel du jugement de report.
Aux termes de leurs conclusions n°1 signifiées le 8 janvier 202, les appelants sollicitent l'annulation du rapport du technicien sur le fondement des articles 6.1 et 16 de la convention européenne des droits de l'Homme et, subsidiairement, sur le fondement des articles 16 et 114 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions d'intimée n°1, le liquidateur judiciaire sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement de report en ce qu'il a déclaré recevable la désignation du technicien, le rejet de la demande de la SAS Atlante Construction et la SARL Rickher 1 de leur demande de nullité du rapport du technicien pour défaut du respect du contradictoire. A titre subsidiaire, il sollicite que soit constaté que la nullité du rapport du technicien pour défaut de respect du contradictoire a été couverte et que soit rejetée la demande de la SAS Atlante Construction et la SARL Rickher 1 de nullité du rapport du technicien pour défaut du respect du contradictoire. Au fond et à titre principal, il sollicite la confirmation du jugement de report ayant reporté la date de cessation des paiements de la SAS Atlante Construction au 1er janvier 2022. A titre subsidiaire, il sollicite la désignation d'un expert judiciaire dans les dispositions de l'article 144 du code de procédure civile ayant pour mission la détermination de la date de cessation des paiements de la SAS Atlante Construction.
Par ordonnance de référé du 26 mars 2024, l'exécution provisoire du jugement a été suspendue au motif qu'il existe un moyen d'appel sérieux, le technicien ne s'étant pas entretenu avec le dirigeant de la société Atlante Construction, peu important que l'ordonnance ayant désigné le technicien n'ait pas fait l'objet de recours.
Par conclusions du 8 avril 2024, le liquidateur judiciaire demande au conseiller de la mise en état la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission la détermination de la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction.
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Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [N], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Atlante Construction demande à la cour, au visa des articles L. 621-9 et R. 621-23 du code de commerce, des articles 114 et 115, 143, 144 et 265 du code de procédure civile, de :
Déclarer la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Atlante Construction recevable et bien fondée en ses fins et conclusions ;
Désigner un expert judiciaire dans les dispositions de l'article 144 du code de procédure civile ayant pour mission la détermination de la date de cessation des paiements de la SAS Atlante Construction ;
Mettre les provisions à verser à l'expert désigné et les frais d'expertise à la charge de la SARL Rickher 1 et de la SELARL S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Atlante Construction à parts égales ;
Débouter la SARL Rickher 1 et la SAS Atlante Construction de leur demande de paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2023, la SARL Rickher 1 et la SAS Atlante Construction demandent à la cour de :
Donner acte à la société Rickher 1 et à M. [V] qu'ils ne s'opposent pas à la mesure d'expertise sollicitée ;
Mettre les provisions à verser à l'expert et les frais d'expertise à la charge de la SELARL S21Y ès qualités ;
Condamner la SELARL S21Y ès qualités au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code civil à la société Rickher 1 et à M. [V].
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MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte de l'article 143 du code de procédure civile que Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
L'article 144 du même code dispose que Les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
Il s'ensuit qu'un expert peut être désigné à tout moment au cours de l'instance dès lors que le juge saisi ne dispose pas d'éléments suffisants pour trancher le litige.
En l'espèce, le rapport présenté par l'expert-comptable désigné par la société Atlante Construction conclut sur le fait que « l'actif disponible est supérieur au passif exigible au 31 décembre 2023, au 31 janvier 2021 et encore au 4 février 2022 ».
Le rapport présenté par le technicien désigné par le juge-commissaire sur requête du liquidateur judiciaire conclut : « ['] nous sommes d'avis que l'état de cessation des paiements était patent dès le 1er janvier 2022 et que c'est bien dans ce contexte que le remboursement significatif de compte courant d'associé pour 117 000 euros est intervenu le 24 février 2022 ».
Deux professionnels rendent des conclusions divergentes s'agissant de la fixation de l'état de cessation des paiements de la société Atlante Construction antérieur au 25 février 2024. L'expert-comptable désigné par la société Atlante Construction, conformément à sa mission, ne précise pas la date de cessation des paiements.
En présence d'une telle divergence, il apparaît utile de désigner un expert indépendant, soumis aux dispositions des articles 264 à 272 du code de procédure civile avec pour mission de déterminer la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction.
Aussi, convient-il de désigner un expert en la personne de M. [J] [X], comme il est dit au dispositif de la présente ordonnance.
PAR CES MOTIFS
Le conseiller de la mise en état,
Ordonnons une mesure d'expertise judiciaire pour déterminer la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction, commettant pour y procéder M. [J] [X], demeurant [Adresse 2] [Localité 3] - tél. [XXXXXXXX01] - [Courriel 5], expert judiciaire près la cour d'appel de Paris, avec mission ci-après libellée, en se conformant aux règles du code de procédure civile:
Entendre les parties et tous sachants ;
Se faire communiquer l'ensemble des documents nécessaires à sa mission, notamment les comptes de la société Atlante Construction au titre des exercices 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 (liasses fiscales, comptes annuels et rapports du commissaire aux comptes), le fichier des écritures comptables au titre de ces mêmes exercices, les rapports de l'expert-comptable, les conventions intra-groupe (notamment de trésorerie) et le rapport du cabinet CPA Advisory, technicien désigné par ordonnance du juge-commissaire du 6 juin 2023 ;
Les examiner ;
Prendre connaissance approfondie de la situation de la société Atlante Construction et du contexte dans lequel est survenue l'ouverture d'une procédure collective ;
Dans la limite de sa compétence technique, donner son avis sur la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction ;
Fournir les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie d'apprécier la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction ;
Proposer, sur la base de ses conclusions, une date à laquelle la société Atlante Construction ne disposait plus d'un actif suffisant pour faire face à son passif exigible ;
Plus généralement, donner toutes indications techniques et de fait pouvant apparaître utiles à la détermination de la date de cessation des paiements de la société Atlante Construction ;
Disons que l'expert commis pourra sur simple présentation de la présente ordonnance requérir la communication, soit par les parties, soit par des tiers de tous documents relatifs à cette affaire ;
Disons que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;
Disons que l'expert commis, saisi par le greffe, devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs dires et explications, en leur impartissant un délai de rigueur pour déposer leurs dires écrits et fournir leurs pièces justificatives ;
Disons qu'en application de l'article 38 du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement ; qu'à défaut, elles sont réputées abandonnées par elles ;
Rappelons en tant que de besoin à l'expert judiciaire commis son obligation de répondre à tout dire dûment formalisé par écrit par l'une quelconque des parties par une note elle-même écrite et motivée ;
Disons que la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Atlante Construction, fera l'avance des frais d' expertise et devra consigner au secrétariat-greffe une provision de 2 500 euros TTC avant le 30 septembre 2024 ;
Disons qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera CADUQUE à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, décide une prolongation du délai ou un relevé de la caducité ;
Disons que l'expert devra commencer ses opérations d' expertise dès qu'il sera averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ;
Disons que lors de la première réunion d'expertise laquelle devra se dérouler dans un délai de deux mois à compter de l'avis donné par le greffe de la consignation de la provision, l'expert devra, en concertation avec les parties, dresser un programme de ses investigations, et proposer d'une manière aussi précise que possible que le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date de dépôt du rapport avant d'adresser ces informations au juge chargé du contrôle de l'expertise, à l'appui d'une demande d'ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport ;
Disons que l'expert commis devra communiquer aux parties et à leur conseil respectif un pré-rapport contenant l'ensemble de ses appréciations littérales et chiffrées, ainsi que l'ensemble de ses conclusions, au moins un mois avant la date de dépôt du rapport d' expertise, en invitant les parties à présenter leurs observations ;
Disons qu'après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées par les parties, l'expert commis devra déposer au greffe un rapport définitif de ses opérations avant le 1er janvier 2025, date de rigueur, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le conseiller de la mise en état sur demande de l'expert ;
Disons que le conseiller de la mise en état assumera la charge du contrôle de cette expertise, le suivi des opérations et statuera, le cas échéant, sur tous incidents ;
Réservons les dépens et les frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
Paris, le 23 Juillet 2024
Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état