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17/07/2024 | FRANCE | N°23/09929

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 17 juillet 2024, 23/09929


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 17 JUILLET 2024



(n°45, 22 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 23/09929 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHXI3 auquel est joint le RG 23/09931 (recours)



Décisions déférées : Ordonnance du 30 mai 2023 n° 23/21 et ordonnance délivrant commission rogatoire en date du 30 mai 2023 rendues par le J

uge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de CRETEIL



Procès-verbal de visite en date du 1er juin 2023 clos à 17 h pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 3...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 17 JUILLET 2024

(n°45, 22 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/09929 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHXI3 auquel est joint le RG 23/09931 (recours)

Décisions déférées : Ordonnance du 30 mai 2023 n° 23/21 et ordonnance délivrant commission rogatoire en date du 30 mai 2023 rendues par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de CRETEIL

Procès-verbal de visite en date du 1er juin 2023 clos à 17 h pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 30 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de CRETEIL

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Olivier TELL, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article 64 du code des douanes ;

Assisté de Mme Véronique COUVET, Greffier présent lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 21 février 2024 :

KERMAZ S.A.R.L.

Prise en la personne de ses représentants légaux

Elisant domicile au cabinet LX PARIS VERSAILLES REIMS

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [D] [O]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 8]

Elisant domicile au cabinet LX PARIS VERSAILLES REIMS

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentés par Me Audrey HINOUX, de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistés de Me Blandine THELLIER DE PONCHEVILLE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2148

APPELANTS ET REQUERANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUETES DOUANIERES - DNRED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Monsieur [W] [Z], inspecteur des douanes, dûment mandaté

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AU RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 février 2024, le conseil des appelants et le représentant de la DNRED ;

Les débats ayant été clos avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 12 Juin 2024 puis prorogée au 17 juillet suivant pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 30 mai 2023, le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRETEIL a rendu, en application de l'article 64 du code des douanes, une ordonnance d'autorisation d'opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

- domicile de M. [D] [O] : [Adresse 3] à [Localité 11] (69), tant les pièces à usage d'habitation que les éventuelles pièces à usage professionnel, parkings, caves, dépendances et annexes.

- siège social de l'entreprise KERMAZ : [Adresse 12] (38) tant les pièces à usage professionnel que les éventuelles pièces à usage d'habitation, parkings, caves, dépendances et annexes.

- véhicules détenus ou utilisés par la société KERMAZ ainsi que tous les véhicules dont les dirigeants de la société KERMAZ, [D] [O] et M. [E] [S] ont l'usage dans le cadre de leurs activités professionnelles ou personnelles, si ces véhicules sont situés dans l'un des lieux susvisés ou à proximité immédiate.

Cette ordonnance se fondait sur une requête de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après DNRED) présentée le 30 mai 2023.

La requête de l'administration était accompagnée de 7 pièces ou annexes.

Le 30 mai 2023, le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRETEIL a rendu, en application de l'article 64 du code des douanes, une ordonnance délivrant commission rogatoire au juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Vienne (38) pour contrôler les opérations de visite et saisie à effectuer dans le ressort de cette juridiction en application de son ordonnance précitée.

Dans ses motifs, cette ordonnance se réfère au règlement (UE) 2021/821 du 20 mai 2021 qui institue un régime de l'Union de contrôle des exportations du courtage, de l'assistance technique, du transit et des transfert en ce qui concerne les biens à double usage ; au sens du règlement, on entend par " biens à double usage ", " les produits y compris les logiciels et les technologies, susceptibles d'avoir une utilisation tant civile que militaire: ils incluent les biens susceptibles d'être utilisés aux fins de la conception, de la mise au point, de la fabrication ou de l'utilisation d'armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou de leurs vecteurs, y compris tous les biens qui peuvent à la fois être utilisés à des fins non explosives et intervenir de quelque manière que ce soit dans la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs'.

L'ordonnance rappelle que l'article 3 du règlement (UE) 2021/821 prévoit d'une part que l'exportation des biens à double usage énumérés à l'annexe I du règlement est soumise à autorisation et d'autre part, la possibilité de soumettre à autorisation des biens à double usage non énumérés à l'annexe I ; que selon l'article 21du règlement (UE) 2021/821, 'lorsqu'il accomplit les forrnalités pour l'exportation de biens à double usage l'exportateur apporte la preuve que toute autorisation d'exportation nécessaire a été obtenue.'

L'ordonnance rappelle qu'en France et en vertu du Décret n° 2020-74 du 31 janvier 2020, le " Service des biens à double usage " (SBDU) est autorité de classement concernant les " biens à double usage " et autorité de délivrance des autorisations d'exportation.

Dans ses motifs, cette ordonnance se réfère aux articles 38 (1,2,3), 428, 409, 414 du code des douanes.

L'ordonnance énonce que :

- M. [D] [O], domicilié [Adresse 3] à [Localité 11] (69), est l'un des deux gérants, avec M. [E] [S], de la société KERMAZ, SIREN 440 363 307, dont le siège social est situé [Adresse 12] (38) (cf. pièce jointe n°1, document coté INSEE 1; RNE1 à RNE3) ;

- la société KERMAZ a pour activité le commerce de gros (vente interentreprises) de fournitures et équipements industriels divers (cf. pièce jointe n° l. document coté RNE1) et a obtenu le 05 octobre 2022 auprès du Service des Biens à Double Usage (SBDU) une licence d'exportation FRI-22-97854 relative à des biens à double usage (cf. Pièce jointe n°2, documents cotés B8 à B 13) ;

- la licence d'exportation FRI-22-97854 permettait l'exportation de biens à double usages classés 2B350.g au sens du règlement (UE) 2021/821, à destination de l'entreprise turque ARARAT Endustri Marina Tic Ltd Sti (cf. pièce jointe n° 2 documents cotés B8 à B 13) ; et que le destinataire final des biens à double usage repris sur la licence d'exportation FRI-22-97854 est l'entreprise irakienne MASS IRAQ for Iron Steel Industry Co. (Cf. pièce jointe n° 2. documents cotés B8 à B10) ;

- la licence d'exportation FRI-22-97854 indique que seule la société KERMAZ peut être l'exportateur des marchandises, et ce sans possibilité de représentation (cf. pièce jointe n°2. documents cotés B8 à B10) ;

- la DNRED a été informée, le 26 janvier 2023, de la suspension par le SBDU de la licence d'exportation FRI-22-97854 en raison d'un risque de détournement des marchandises vers un destinataire sensible et que M. [D] [O] a déclaré avoir été avisé le 1er février 2023 de la suspension de la licence d'exportation FRI-22-97854 initialement délivrée par le SBDU (cf pièce n° 6, documents cotés GI à-G6) ;

- malgré cette suspension de licence, M. [D] [O], pour le compte de la société KERMAZ, a mis à disposition le 02 février 2023, auprès d'un transitaire mandaté par le destinataire des marchandises, une partie des biens à double usage visés par la licence d'exportation suspendue (cf. pièce 4) :

- les agents du bureau des douanes de Lyon, à la demande des enquêteurs de la DNRED, ont procédé à un contrôle dans les locaux du transitaire HEPPNER à [Localité 10], où ils ont découvert les biens à double usage en question dans une caisse en bois et dépourvus de toute licence d'exportation, même suspendue (cf. pièce jointe n° 3. documents cotés C1 à C24) ;

- que le bureau des douanes de Lyon ainsi que les enquêteurs de la DNRED, ont demandé au transitaire HEPPNER le blocage de ces marchandises le temps de procéder aux investigations nécessaires ;

L'ordonnance relève qu'il résulte des éléments qui précèdent que la société KERMAZ et son dirigeant M. [O] sont formellement susceptibles d'avoir effectué des man'uvres en vue de permettre l'exportation de biens à double usage en dehors du cadre légal et réglementaire. Il est encore relevé qu'en application des articles 38 et 428 du Code des douanes, sont considérés comme exportation sans déclaration de marchandises prohibées toute infraction aux dispositions, soit législatives, soit réglementaires portant prohibition d'exportation ou bien subordonnant l'exportation à l'accomplissement de formalités particulières lorsque la fraude a été faite ou tentée par les bureaux et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par une autre disposition du présent code. Ces infractions sont réprimées par l'article 414 du Code des douanes, deuxième alinéa, qui prévoit un emprisonnement maximal de 5 ans et avec une amende qui peut aller jusqu'à trois fois la valeur de l'objet de la fraude soit lorsque les faits de contrebande, d'importation ou d'exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne

L'ordonnance énonce ainsi que la mise en 'uvre du droit de visite domiciliaire prévu à l'article 64 du Code des douanes, lequel prévoit la possibilité de procéder à des visites dans des lieux tant professionnels que privés, est susceptible d'apporter la preuve du délit précité. Il est en outre relevé que la requête de l'administration des douanes, appuyée sur des pièces dont l'origine est apparemment licite, est donc justifiée et que la preuve du délit visé ci-dessus peut être apportée par une visite domiciliaire dans les lieux désignés ci-dessus, afin de rechercher et de saisir des éléments permettant de matérialiser l'infraction, de rechercher et d'en appréhender les auteurs.

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 1er juin 2023.

Le 14 juin 2023, la société KERMAZ et M. [O] [D] ont interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CRETEIL du 30 mai 2023, en ce qu'elle ordonnait les visites domiciliaires aux lieux susmentionnés (RG 23/09929) et ont formé un recours contre les opérations de visite domiciliaire qui se sont déroulées dans les locaux de l'entreprise KERMAZ : [Adresse 12] (38) tant les pièces à usage professionnel que les éventuelles pièces à usage d'habitation, parkings, caves, dépendances et annexes. (RG 23/09931).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 21 février 2024.

SUR L'APPEL (RG 23/09929)

- Par conclusions n° 2 sur l'appel déposées au greffe le 9 février 2024, il est demandé par les appelants de :

- Annuler l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CRETEIL ;

Subséquemment,

- Annuler les opérations de visite et de saisie en date du 1er juin 2023 dans les locaux de la Société KERMAZ et le procès-verbal en rendant compte ; la demande et l'autorisation d'extension des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM en date du 1er juin 2023 ; la requête en date du 15 juin 2023 sollicitant une autorisation de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM ; l'ordonnance en date du 19 juin 2023 autorisant les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM et l'extension de l'autorisation en date du 21 juin 2023 ; les opérations de visite et de saisie en date du 22 juin 2023 dans les locaux de la Société ONE SYSTEM et le Procès-verbal en rendant compte, les auditions de Monsieur [D] [O] et de Monsieur [E] [S] en date du 20 novembre 2023 portant sur les éléments saisis lors des opérations de visite et de saisie entachées de nullité ;

- Ordonner la restitution de tout document, dossier, pièce de toute nature, marchandises saisis, ainsi que la destruction définitive de tout fichier informatique copié à l'occasion des visites domiciliaires des 1er juin et 22 juin 2023, sous 48 heures à compter de la date du prononcé de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

En tout état de cause :

- Rejeter les demandes de la Direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières,

- Condamner la Direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières à payer la somme de 3.000 € à chacune des parties requérantes au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile et aux dépens.

- Dans ses conclusions visées le 21 février 2024, la Directrice générale des douanes et droits indirects demande à cette juridiction de :

- Rejeter l'ensemble des prétentions exposées par la société KERMAZ et ses représentants dans le cadre de ce recours ;

- Confirmer la validité de l'ordonnance rendue le 30 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil et celle de l'extension de l'ordonnance rendue le 1er juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil,

la validité des procès-verbaux suivants :

' Procès verbal du 05/05/2023 de matérialisation des recherches et les documents saisis et cotés RNE 1 à 4 et INSEEI (PJ 6)

' Procès-verbal du 13/04/2023 de matérialisation des recherches sur le portail EGIDE et les documents saisis et cotés B1 à B 14 (PJ 7)

' Procès verbal du 28/03/2023 de compte-rendu de contrôle, ses deux annexes et les documents saisis et cotés C1 à C24 (PJ 8)

' Procès-verbal du 27/03/2023 de droit de communication à l'entreprise HEPPNER, son annexe et les documents saisis et cotés A1 à A 15 (PJ 9)

' Procès verbal du 19/05/2023 de matérialisation des recherches sur le portail DGFIP et le document saisi et coté F1 (PJ 10)

' Procès verbal du 19/05/2023 de compte-rendu de transmission d'information et les documents saisi et cotés G1 à G6 (PJ 11).

- Condamner les parties requérantes à payer, chacune, la somme de 3 000 € à la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR LE RECOURS (RG 23/09931) :

- Par conclusions n° 2 sur le recours déposées au greffe le 9 février 2024, il est demandé par les requérants de :

A titre principal, d'annuler les opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de la Société KERMAZ le 1er juin 2023 et d'annuler le Procès-verbal les relatant ;

Subséquemment,

- Annuler la demande et l'autorisation d'extension des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM en date du 1er juin 2023 ; la requête en date du 15 juin 2023 sollicitant une autorisation de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM ; l'ordonnance en date du 19 juin 2023 autorisant les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la Société ONE SYSTEM ; les opérations de visite et de saisie en date du 22 juin 2023 dans les locaux de la Société ONE SYSTEM et le Procès-verbal en rendant compte ; les auditions de Monsieur [D] [O] et de Monsieur [E] [S] en date du 20 novembre 2023 portant sur les éléments saisis lors des opérations de visites et de saisies entachées de nullité ;

- Ordonner la restitution de tout document, dossier, pièce de toute nature, marchandises saisis, ainsi que la destruction définitive de tout fichier informatique copié à l'occasion des visites domiciliaires en date des 1er et 22 juin 2023, sous 48 heures à compter de la date du prononcé de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

A titre subsidiaire, annuler les saisies informatiques réalisées dans les locaux de la Société KERMAZ et ordonner la restitution de tout document, dossier, pièce de toute nature ayant fait l'objet de la saisie informatique, ainsi que la destruction définitive de tout fichier informatique copié à l'occasion de la visite domiciliaire en date du 1er juin 2023, sous 48 heures à compter de la date du prononcé de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

A titre très subsidiaire, renvoyer deux questions préjudicielles à la CJUE en ces termes :

'L'article 16 § 1 du TFUE, et l'article 28 du Règlement (UE) 2021/821 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 instituant un régime de l'Union de contrôle des exportations, du courtage, de l'assistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens à double usage, lu à la lumière de l'article 8 de la CDFUE, s'opposent-ils à la saisie globale et indifférenciée de données à caractère personnel ''

'A quelles conditions les saisies de données à caractère personnel peuvent-elles être considérées comme conformes aux exigences l'article 16 § 1 du TFUE, et l'article 28 du Règlement (UE) 2021/821 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 instituant un régime de l'Union de contrôle des exportations, du courtage, de l'assistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens à double usage, lu à la lumière de l'article 8 de la CDFUE ''

En tout état de cause :

- Rejeter les demandes de la Direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières,

- Condamner la Direction nationale des renseignements et des enquêtes douanières à payer la somme de 3.000 € à la société KERMAZ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

- Dans ses conclusions sur le recours visées le 21 février 2024, la Directrice générale des douanes et droits indirects demande à cette juridiction de :

- Rejeter l'ensemble des prétentions exposées par la société KERMAZ et ses représentants dans le cadre de ce recours et de confirmer la validité des opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de la société KERVIAZ le 1er juin 2023 et celle du procès-verbal de visite du 1er juin 2023 (PJ n° 2) ;

- Condamner les parties requérantes à payer chacune la somme de 3 000 € à la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières au titre de rarticle 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE

SUR LA JONCTION :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient, en application de l'article 367 du code de procédure civile et eu égard au lien de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/09929 (appel) et RG 23/09931 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR L'APPEL ( RG n° 23/09929) :

Sur le moyen tiré du défaut d'habilitation des agents des douanes

Dans leurs écritures, auxquelles il sera référé pour de plus amples détails sur leur argumentation (p. 7 à 18), il est soutenu que les agents des douanes ayant procédé aux opérations de visite et de saisie n'étaient pas spécialement habilités en application de l'article 64 du code des douanes.

Il est argué en premier lieu que l'agent ayant sollicité l'autorisation du juge des libertés et de la détention n'était pas valablement habilité. L'ordonnance déférée a été rendue au visa de ' la requête présentée le 30/05/2023, par Monsieur [F] [X], Chef de l'agence de poursuites de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) (')'. Il est donc soutenu que cette ordonnance a ainsi été délivrée à la requête d'un agent sans préciser que celui-ci a été spécialement habilité à réaliser des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article 64 du Code des douanes et, qu'aucune habilitation le concernant n'est jointe à l'ordonnance de sorte que l'ordonnance déférée est entachée de nullité de ce premier chef.

Il est soutenu en second lieu que la grande majorité des agents ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisie n'étaient pas spécialement habilités à défaut de délégation de signature en ce sens consentie à l'auteur de l'habilitation, le Directeur de la DNRED. Il est argué que la DNRED ayant été créée par arrêté, le directeur de la DNRED ne bénéficie pas d'une délégation directe de signature du Ministre et, afin de pouvoir habiliter les agents des douanes à réaliser des opérations de visite et de saisies précitées, le Directeur de la DNRED doit pouvoir justifier d'une délégation de signature en ce sens de la part du directeur général des douanes et des droits indirects. Il est constaté qu'aucun arrêté du directeur général des douanes et des droits indirects n'a conféré à Monsieur [N] [Y], ès-qualités de Directeur de la DNRED, ou à Mme [T], ès-qualités de Directrice de la DNRED, de délégations de signature aux fins d'habilitation des agents des douanes à réaliser des opérations sur le fondement de l'article 64 du Code des douanes.

En troisième lieu, les appelants soutiennent, s'agissent de l'agent ayant le numéro de matricule 60823, en fonction à la direction des enquêtes douanières (direction au sein de la DNRED, Pièce n°2) que s'il a été habilité par Monsieur [U] [B] en vertu d'un arrêté du 27 juin 2019 lui ayant consenti une délégation de signature à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des douanes, et dans la limite de ses attributions, (') les habilitations des agents des douanes visées à l'article 64 du code des douanes (') " (art. 26), cette délégation de signature n'était plus valable en raison de la cessation des fonctions du délégant en qualité de Directeur général des douanes et des droits indirects au jour de la signature de l'habilitation en date du 6 septembre 2019.

L'administration des douanes réplique sur le grief tiré des défauts d'habilitation de ses agents :

- s'agissant de l'habilitation de l'agent ayant sollicité l'autorisation du juge des libertés et de la détention, que le chef de service, dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite, n'a pas à être spécialement habilité pour les effectuer, s'il ne les réalise pas comme rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 janvier 2004 (n°02-86063).

- s'agissant de l'habilitation des agents ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisie, qu'en application du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, visé dans les habilitations délivrées, le Directeur Général et les Chefs de services à compétence nationale sont, de par leur nomination dans leurs fonctions, automatiquement habilités à signer les décisions relevant du ministre. L'administration soutient que l'article 2 du décret du 9 mai 1997 dans son alinéa n°2, dispose quant à lui que " les services à compétence nationale rattachés à un directeur d'administration centrale, à un chef de service ou à un sous-directeur sont créés par arrêté du ministre dont ils relèvent. Toutefois, ils sont créés par décret lorsqu'ils exercent des compétences par délégation du ministre. " L'administration des douanes allègue qu'en l'espèce, la DNRED a été créée par l'arrêté du 1er mars 1988 et son organisation interne est fixée dans l'arrêté du 29 octobre 2007, qui entérine son caractère de service à compétence nationale. Elle ajoute que le directeur de la DNRED, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du directeur général des douanes et droits indirects, a donc, en vertu du décret du 27 juillet 2005 susvisé lu à la lumière de l'article 2 du décret du 9 mai 1997, compétence pour signer au nom du ministre et par délégation, les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaires visées à l'article 64 du code des douanes. Elle en conclut que les habilitations signées successivement par Mme [A] [T] et M. [H] [Y] sont donc régulières en ce sens qu'elles ont été signées par une autorité ayant délégation de signature du ministre.

- S'agissant de l'habilitation contestée de l'agent portant le matricule 60823, l'administration des douanes réplique qu'il n'a pas effectivement participé à la visite domiciliaire dans les locaux de la société KERMAZ, ce comme en atteste le procès verbal du 1er juin 2023 ; par suite, les appelants ne peuvent se prévaloir d'aucun grief du fait de l'absence supposée d'habilitation valide de l'agent matricule 60 823.

Sur ce, le magistrat délégué :

Selon l'article 64 du code des douanes, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2020 au 20 juillet 2023, '1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

Les agents des douanes habilités peuvent procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités. Si, à l'occasion d'une visite autorisée en application du 2 du présent article, les agents habilités découvrent des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités, ils peuvent procéder à leur saisie après en avoir informé par tout moyen le juge qui a pris l'ordonnance et qui peut s'y opposer.

2. a) Hormis le cas de flagrant délit, chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

L'ordonnance comporte : (...)

-le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; (...)'.

- S'agissant de l'habilitation de l'agent ayant présenté la requête et donc sollicité l'autorisation du juge des libertés et de la détention, dont le nom est mentionné en page 1 de l'ordonnance, 3ème paragraphe, il convient de rappeler que si, afin de satisfaire aux prescriptions de l'article 64 du code des douanes précitées, les fonctionnaires désignés pour procéder aux visites domiciliaires doivent être choisis parmi les enquêteurs habilités, une telle exigence ne concerne pas le chef de service sous l'autorité administrative duquel ils sont placés et dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite susvisées (Crim., 14 janvier 2004, pourvoi n° 02-86.063).

- S'agissant de l'habilitation des agents de la DNRED ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisie (dont les numéros de matricule et les qualités figurent en page 4 à 5 de l'ordonnance précitée), il convient de rappeler que selon l'article 64 du code des douanes, dans sa version applicable, '1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

Les chefs de service à compétence nationale qui sont mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, créée par arrêté du 29 octobre 2007, est un service à compétence nationale.

Par suite, le directeur de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du directeur général des douanes et droits indirects, dispose en application de ces textes combinés, d'une délégation pour signer au nom du ministre, les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaires visées à l'article 64 du code des douanes.

- S'agissant de l'habilitation contestée de l'agent portant le matricule 60823, le défaut d'habilitation allégué ne saurait entraîner la nullité de l'ordonnance, dès lors qu'il sera constaté qu'il n'a pas participé aux opérations de visite et de saisie. Dans le cas contraire, la question de son défaut d'habilitation serait à poser dans le cadre du recours.

Les moyens seront écartés.

Sur le moyen tiré du défaut d'origine licite des pièces soumises au juge des libertés et de la détention :

- Les appelants font grief à la pièce n°2, le procès-verbal du 13 avril 2023 de matérialisation des recherches sur le portail EGIDE, de mentionner que les agents des douanes se sont connectés au portail du service de télé-procédure d' Enregistrement et Gestion Interministériels des Dossiers à l'Export (EGIDE) du Service des Biens à Double Usage (SBDU) alors qu'ils ne pouvaient légalement y avoir accès que sur désignation de leur autorité hiérarchique ; de sorte que cette consultation serait illicite. Ils demandent donc que les pièces résultant de cette consultation illicite, cotées B1 à B14, soient écartées c'est-à-dire la licence d'exportation FRI-22-97854 concernant les biens à double usage visés à la présente procédure et l'ensemble des pièces attachées à cette licence sur le portail EGIDE et annexées au procès-verbal.

Les appelants font grief à la pièce n° 3, qui est un ' Procès-verbal de compte-rendu de contrôle, ses deux annexes et les documents saisis et côtés A1 à A15" daté du 28 mars 2023, d'avoir mis en 'uvre le droit de visite des marchandises fondé sur l'article 60 du code des douanes chez le déclarant en douane HEPPNER, alors que le Conseil Constitutionnel a déclaré cet article inconstitutionnel dans sa décision du 22 septembre 2022. Ils ajoutent que l'article 60 du code des douanes méconnaissant le droit au respect de la vie privée viole également l'article 8 de la CEDH, étant rappelé que ce droit implique la protection du " domicile ", " incluant pour une société le droit au respect de son siège social, son agence ou ses locaux professionnels " (CEDH, 16 avril 2002, [Y] EST c./ France, §41). Ils considèrent que le report de la date d'abrogation de la disposition critiquée du code des douanes par le Conseil constitutionnel est indifférent dans la présente affaire dès lors que les Etats adhérents à la Convention précitée sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Ils soutiennent donc que les éléments issus de l'exercice d'un tel droit de visite des marchandises sont manifestement illicites et doivent être écartés.

Les appelants font grief à la pièce n°5 qui est un ' Procès-verbal de matérialisation des recherches sur le portail DGFIP et le document saisi et côté F1 " et qui relate la consultation d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel, de matérialiser la consulation de ce portail par des agents de la DNRED qui ne seraient pas habilités pour ce faire.

- L'Administration des douanes, s'agissant de la pièce n° 2, soit le procès-verbal du 13 avril 2023 de matérialisation des recherches sur le portail EGIDE, réplique que les agents des douanes de la Direction des Enquêtes Douanières, Division lutte contre la prolifération (DED CP) sont tous habilités à consulter EGIDE, directement par les services du ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et sans formalisme particulier, pour l'exercice de leurs missions, qui consistent, notamment, à contrôler les flux de biens à double usage.

S'agissant de la pièce n° 3, soit le' Procès-verbal de compte-rendu de contrôle, ses deux annexes et les documents saisis et côtés A1 à A15" daté du 28 mars 2023, mettant en 'uvre le droit de visite des marchandises fondé sur l'article 60 du code des douanes, l'administration des douanes réplique que la partie appelante n'est pas fondée à soulever l'irrégularité de la mise en 'uvre de l'article 60 chez le déclarant HEPPNER car la société KERMAZ n'est pas concernée par ce contrôle, qui ne lui a causé aucun préjudice, ni fait aucun grief. Il est ajouté que si le Conseil Constitutionnel a bien déclaré l'article 60 du code des douanes inconstitutionnel, il a reporté au 1er septembre 2023 l'effet de cette inconstitutionnalité dans le temps ; or à la date du contrôle douanier chez HEPNER, cette disposition était, selon le Conseil Constitutionnel, toujours applicable. Enfin, l'administration des douanes expose que l'article 60 ne saurait être considéré comme contraire à l'article 8 de la CESDH.

S'agissant de la pièce n°5, soit un ' Procès-verbal de matérialisation des recherches sur le portail DGFIP et le document saisi et côté F1, l'administration des douanes expose que dans le cadre de la coopération administrative intra-ministérielle, DGDDI / DGFIP, formalisée par des protocoles de coopération, les agents des deux administrations disposent d'accès croisés à certaines de leurs applications respectives et que les agents des douanes, assermentés, ont accès à certaines bases de la DGFIP, leur permettant de réaliser des consultations simples, comme c'est le cas en l'espèce. Elle rappelle que le procès-verbal n° 5, incriminé par les représentants de la société KERMAZ, ne concerne qu'une consultation des données DGFIP permettant simplement d'établir le jour et le lieu naissance ainsi que le domicile fiscal de M. [O] [D].

Sur ce, le magistrat délégué :

Conformément à l'article 64 du code des douanes, le juge des libertés et de la détention a vérifié de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée et qu'elle comporte tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. Le juge des libertés et de la détention a considéré que la requête de l'administration des douanes est appuyée sur des pièces dont l'origine est apparemment licite et est donc justifiée.

Si, se référant à des solutions adoptées dans le cadre de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales qu'elles estiment transposables à l'espèce, les appelantes soutiennent que cette juridiction doit procéder au contrôle de la licéité des pièces produites par l'administration des douanes, et qu'elles estiment obtenues de manière illicite, le Premier président, en vérifiant que les éléments d'information fournis par l'administration requérante avaient été obtenus par elle de manière licite, procède au contrôle qui lui incombe.

Sur le grief afférent à la licéité des pièces n° 2 et 5, qui a trait à la prétendue absence d'habilitation ou d'accès des agents de la DNRED pour consulter le portail EGIDE et de la base de données de la DGFIP, il n'est pas contesté que les pièces n° 2 et 5 ont été obtenues par la consultation par des agents de la DNRED des fichiers EGIDE et Adonis du ministère des finances. Par suite, ces pièces ont donc une origine licite. La question d'une éventuelle irrégularité due à un manque d'habilitation des agents y ayant eu accès relève du juge du fond.

Sur la licéité de la pièce n° 3, relatant la mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes au sein de l'entreprise HEPPNER, il convient de rappeler que le Conseil Constitutionnel a reporté au 1er septembre 2023 la date d'abrogation de cette disposition jugée inconstitutionnelle (Cons. const. 22 sept. 2022, n° 2022-1010). En outre, ce contrôle de conformité à la Constitution opéré par le Conseil Constitutionnel sur les dispositions de l'article 60 du code des douanes ainsi abrogé, fait écran à ce que cette juridiction opère un contrôle de conventionnalité sur le contrôle opéré par les agents des douanes au sein de l'entreprise HEPPNER.

Les moyens seront écartés.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance à établir une présomption de fraude :

- Les appelants soutiennent que les éléments soumis au juge des libertés et de la détention dont l'origine licite n'est pas discutée sont insusceptibles d'établir une présomption de tentative d'exportation de biens à double usage malgré la suspension de la licence d'exportation. Se fondant sur la pièce n°4 ('Procès-verbal de droit de communication à l'entreprise HEPPNER, son annexe et les documents saisi et cotés A1 à A15"), ils font valoir que la facture de la Société KERMAZ à la Société ARARAT datée du 23 janvier 2023 (A12), précisant que les marchandises sont vendues " EXWORK " Incoterm signifiant que le vendeur met les marchandises à la disposition de l'acheteur " à la sortie d'usine ", à la charge pour ce dernier de réaliser les opérations d'enlèvement, de transport et de dédouanement déchargerait de toute responsabilité la société KERMAZ de la tentative d'exportation d'un bien à double usage malgré la suspension de la licence d'exportation. Ils allèguent même qu'il ne résulte d'aucune des pièces contenues dans le procès-verbal n°4 ou y afférentes, que les marchandises concernées relèvent de la règlementation des biens à double usage et qu' aucun élément de preuve ne permet de faire le lien entre les marchandises concernées par ces documents et celles ayant fait l'objet de la licence d'exportation, celle-ci n'ayant pas été obtenue de manière licite. Ils soutiennent ainsi qu'il résulte de différents documents que le mode de vente est intervenu sous l'Incoterm " EXWORK " c'est-à-dire que la seule obligation pour la Société KERMAZ était de mettre à disposition de l'acheteur les marchandises à leur sortie d'usine (Pièce n°4, A12 ; A10) et que seule la Société SUNLOG, en charge des opérations d'exportation, "habilitée à décider de l'envoi des biens hors du territoire douanier de l'Union ", peut juridiquement avoir la qualité d' " exportateur " au sens de l'article 2 § 3 du Règlement (UE) 2021/821.

- L'administration des douanes réplique que dans le cadre de la procédure de visite domiciliaire sur ordonnance du juge des libertés et de la détention permet à l'administration de solliciter une autorisation pour réaliser une visite domiciliaire lorsque l'infraction n'est, par nature, pas caractérisée. Il est ainsi soutenu que les documents transmis au juge des libertés et de la détention de [Localité 7] sont largement suffisants pour établir une présomption d'existence d'exportation ou de tentative d'exportation non autorisée de BDU par la société KERMAZ.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler que, sauf pour les appelants à apporter la preuve de l'illicéité des pièces fournies par l'administration, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il est de jurisprudence constante qu'en se référant et en analysant les seuls éléments d'information fournis par l'administration, le juge apprécie souverainement l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée. Pour rappel également, les procès-verbaux de douanes rédigés par des agents assermentés font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles relatées.

Il convient en outre de rappeler, qu'à ce stade de l'enquête douanière, en application des dispositions de l'article 64 du code des douanes, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des délits douaniers recherchés étaient réunis mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés.

En l'espèce, s'agissant des éléments caractérisant l'existence de présomptions d'agissement frauduleux retenus par le juge des libertés et de la détention, la décision d'autorisation querellée mentionne par une appréciation pertinente du dossier qui lui a été présenté :

- qu'une licence d'exportation de biens à double usage avait été initialement accordée à l'entreprise KERMAZ avant d'être suspendue par le SBDU en raison d'un risque de détournement des marchandises ; la lettre de suspension ne nécessite pas d'être jointe à la procédure, sa seule mention au procès-verbal douanier étant suffisante ;

- que cette société et M. [D] [O], bien qu'avisés de la suspension de cette licence le 1er février 2023, ont remis, le 2 février 2023, les biens à double usage à un transitaire affrété par le destinataire, qui avait alors pour mission d'exporter ces marchandises ; la DNRED ayant été en mesure de détecter cette tentative d'exportation et de faire immobiliser les marchandises par l'entremise du bureau de douane de Lyon [Localité 9] au cours d'un contrôle douanier opéré dans un entrepôt de la société de transport HEPPNER ;

- que lors de ce contrôle, il a été constaté que les marchandises en question circulaient sans aucune licence d'exportation ; que même si la licence d'exportation n'avait pas été suspendue, les conditions d'exportation n'étaient pas remplies pour que ces biens à double usage puissent quitter le territoire douanier européen, alors que les pièces versées établissent que l'intervention du service des douanes auprès de la société HEPPNER a permis d'empêcher l'exportation illicite de ces biens à double usage; alors que la vente avec l'Incoterm EX WORK et mise à disposition de l'acheteur les marchandises dès la sortie d'usine rendait l'opération d'exportation de ces biens à double usage difficilement détectable du fait de l'absence d'accompagnement de la marchandise par des documents relatifs aux biens à double usage et d'une tentative d'exportation de ces biens par l'intermédiaire d'un tiers non renseigné sur la licence initialement délivrée ;

- que la société KERMAZ était bien désignée sur la licence d'exportation délivrée avant d'être suspendue par le SBDU comme " exportateur " et aucun représentant n'a été désigné en case n°7 de cette licence.

L'ensemble de ses présomptions suffisaient pour permettre la délivrance de l'autorisation de visite domiciliaire.

Le moyen sera écarté.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance des pièces soumises au juge des libertés et de la détention

- Les appelants rappellent que l'enquête concerne " une tentative d'exportation de biens à double usage par la société KERMAZ et l'un de ses dirigeants, M. [D] [O], alors que la licence d'exportation initialement délivrée par le SBDU venait de faire l'objet d'une suspension " (Ordonnance, p. 3/9) et affirment que le caractère prohibé des marchandises résulte de la suspension de la licence d'exportation. Ils font valoir qu'il résulte d'un courriel de Monsieur [D] [O] qu'il n'a été informé de cette suspension que par un courrier reçu le 1er février 2023 (Pièce n°6, G6.), alors que la Société KERMAZ a mis à disposition les marchandises en vue de leur enlèvement sur son site le 31 janvier 2023, comme l'atteste le bon d'enlèvement que les agents des DNRED se sont abstenus de produire tout en le visant dans le procès-verbal de droit de communication à l'entreprise HEPPNER (Pièce n°4). Ils reprochent donc à la DNRED de ne pas avoir soumis au juge de la liberté et de la détention, en violation du principe de loyauté, des pièces à décharge déterminantes soit, le bon d'enlèvement des marchandises en date du 31 janvier 2023, à compter duquel la Société KERMAZ a perdu toute emprise juridique sur les biens et la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la suspension de la licence d'exportation reçue le 1er février 2023.

- L'administration des douanes réplique que ces arguments ne sauraient prospérer et entacher l'ordonnance de nullité. Elle soutient qu'elle a transmis toute les pièces utiles et à sa disposition au JLD, accompagnées de sa demande d'autorisation à réaliser une visite domiciliaire. Elle affirme que les documents évoqués ne sont pas de nature à apporter un quelconque " élément à décharge " dans ce dossier. Elle soutient ainsi que la production d'une " lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la suspension de la licence d'exportation reçue le ler février 2023 " n'apporterait rien de plus en ce qu'il n'est pas contesté que la société KERMAZ a appris la suspension de la licence le 1er février. Elle ajoute que les modalités contractuelles d'enlèvement des marchandises et les relations commerciales entretenues par la société KERMAZ avec ses prestataires (transitaire, logisticien, etc.) ne sauraient l'exonérer de ses responsabilités douanières.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient en outre de rappeler, comme indiqué précédemment, qu'à ce stade de l'enquête douanière, en application des dispositions de l'article 64 du code des douanes, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des délits douaniers recherchés étaient réunis mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés.

L'administration des douanes dispose de toute latitude afin de présenter au juge des libertés et de la détention les pièces qui lui paraissent de nature à fonder les présomptions des agissements prohibés et recherchés ; l'article 64 du code des douanes ne prescrivant pas que l'administration doive présenter des éléments à décharge de l'entreprise faisant l'objet des soupçons. Il a été jugé et est établi que la procédure d'autorisation de visite domiciliaire devant le juge des libertés et de la détention ne se déroule pas à charge et à décharge.

En l'espèce, ainsi qu'il a été énoncé précédemment, s'agissant des éléments caractérisant l'existence de présomptions d'agissement frauduleux retenus par le juge des libertés et de la détention, la décision d'autorisation querellée mentionne de manière pertinente au vu des pièces du dossier qui lui a été présenté qu'il résulte de ces éléments que la société KERMAZ et son dirigeant M. [O] sont susceptibles d'avoir effectué des man'uvres en vue de permettre l'exportation de biens à double usage en dehors du cadre légal et réglementaire.

Le moyen sera écarté.

Par suite, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRETEIL du 30 mai 2023 sera confirmée et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRETEIL du 30 mai 2023 délivrant commission rogatoire au juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Vienne (38) pour contrôler les opérations de visite et saisie à effectuer dans le ressort de cette juridiction en application de son ordonnance précitée sera également confirmée.

SUR LE RECOURS ( RG n° 23/09931) :

Sur le moyen tiré du défaut d'habilitation des agents des douanes ayant procédé aux opérations de visite et de saisie

Dans leurs écritures sur le recours, auxquelles il sera référé pour de plus amples détails sur leur argumentation (p. 6 à 14), il est soutenu par les requérants que les agents des douanes ayant procédé aux opérations de visite et de saisie n'étaient pas spécialement habilités en application de l'article 64 du code des douanes.

Il est soutenu que les agents dont les numéros de matricule repris en pages 13 et 14 de leurs écritures, ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisies, n'étaient pas spécialement habilités à défaut de délégation de signature en ce sens consentie à l'auteur de l'habilitation, le Directeur de la DNRED.

Il est argué que la DNRED ayant été créée par arrêté et non par décret, le directeur de la DNRED ne bénéficie pas d'une délégation directe de signature du Ministre et, afin de pouvoir habiliter les agents des douanes à réaliser des opérations de visite et de saisies précitées, le Directeur de la DNRED doit pouvoir justifier d'une délégation de signature en ce sens de la part du directeur général des douanes et des droits indirects. Il est constaté qu'aucun arrêté du directeur général des douanes et des droits indirects n'a conféré à Monsieur [N] [Y], ès-qualités de Directeur de la DNRED, ou à Mme [T],ès-qualités de Directrice de la DNRED, de délégations de signature aux fins d'habilitation des agents des douanes à réaliser des opérations sur le fondement de l'article 64 du Code des douanes.

L'ensemble des opérations de visite et de saisie du 1er juin 2023 seraient donc entachées de nullité à défaut d'habilitation régulière des agents des douanes.

- L'administration des douanes réplique sur le grief tiré des défauts d'habilitation de ses agents ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisie, qu'en application du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, visé dans les habilitations délivrées, le Directeur Général et les Chefs de services à compétence nationale sont, de par leur nomination dans leurs fonctions, automatiquement habilités à signer les décisions relevant du ministre. L'administration soutient que l'article 2 du décret du 9 mai 1997 dans son alinéa n°2, dispose quant à lui que " les services à compétence nationale rattachés à un directeur d'administration centrale, à un chef de service ou à un sous-directeur sont créés par arrêté du ministre dont ils relèvent. Toutefois, ils sont créés par décret lorsqu'ils exercent des compétences par délégation du ministre " L'administration des douanes allègue qu'en l'espèce, la DNRED a été créée par l'arrêté du 1er mars 1988 et son organisation interne est fixée dans l'arrêté du 29 octobre 2007, qui entérine son caractère de service à compétence nationale. Elle ajoute que le directeur de la DNRED, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du Directeur général des douanes et droits indirects, a donc, en vertu du décret du 27 juillet 2005 susvisé lu à la lumière de l'article 2 du décret du 9 mai 1997, compétence pour signer au nom du ministre et par délégation, les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaires visées à l'article 64 du code des douanes. Elle en conclut que les habilitations signées successivement par Mme [A] [T] et M. [H] [Y] sont donc régulières en ce sens qu'elles ont été signées par une autorité ayant délégation de signature du ministre.

Sur ce, le magistrat délégué :

Selon l'article 64 du code des douanes, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2020 au 20 juillet 2023, '1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

Les agents des douanes habilités peuvent procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités. Si, à l'occasion d'une visite autorisée en application du 2 du présent article, les agents habilités découvrent des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités, ils peuvent procéder à leur saisie après en avoir informé par tout moyen le juge qui a pris l'ordonnance et qui peut s'y opposer.

2. a) Hormis le cas de flagrant délit, chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

L'ordonnance comporte : (...)

-le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; (...)'.

S'agissant de l'habilitation des agents de la DNRED ayant été autorisés par le juge des libertés et de la détention à réaliser les opérations de visite et de saisie (dont les numéros de matricule et les qualités figurent en page 4 à 5 de l'ordonnance précitée), il convient de rappeler que selon l'article 64 du code des douanes, dans sa version applicable, '1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

Les chefs de service à compétence nationale qui sont mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, créée par arrêté du 29 octobre 2007, est un service à compétence nationale.

Par suite, le directeur de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du Directeur général des douanes et droits indirects, dispose en application de ces textes combinés, dont l'article 64 à valeur législative, d'une délégation pour signer au nom du ministre, les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaires visées à l'article 64 du code des douanes.

Le moyen sera écarté.

Sur l'absence alléguée de contrôle effectif par l'autorité judiciaire des opérations de visite:

- Les requérants soutiennent qu'aucune pièce de la procédure ne permet d'établir que le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de VIENNE, auxquel le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CRETEIL a délivré une commission rogatoire, les opérations de visites et de saisies du 1er juin 2023 se déroulant au siège de la Société KERMAZ, soit dans le ressort du Tribunal judiciaire de VIENNE, n'ait été informé de la date des opérations et ait pu exercer son contrôle, notamment en se rendant dans les locaux pendant l'opération, le procès-verbal de visite et de saisie n'en faisant aucunement état. Il est également allégué qu'il n'est pas établi que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de VIENNE ait pu exercer un contrôle a posteriori de ces opérations.

- L'administration des douanes réplique que les magistrats compétents ont bien été avisés du déroulement des opérations ; l'article 64 du code des douanes leur laissant toute latitude dans l'exercice de leur contrôle.

Sur ce, le magistrat délégué :

L'article 64 du code des douanes énonce que : ' 2. a) Hormis le cas de flagrant délit, chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

Il désigne l'officier de police judiciaire ou l'agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.

La visite s'effectue sous le contrôle du juge qui l'a autorisée. Lorsqu'elle a lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, il délivre une commission rogatoire, pour exercer ce contrôle, au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel s'effectue la visite.

Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention.

A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.'

Il est établi que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de VIENNE a été avisé de l'opération de visite domiciliaire dans son ressort. Aucune disposition de l'article 64 du code des douanes ne prescrit que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de VIENNE, désigné sur commission rogatoire de son homologue compétent à raison du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, soit le tribunal judiciaire de Créteil, se rende obligatoirement sur les lieux afin de contrôler les opérations de visite domiciliaire.

Le procès-verbal du 1er juin 2023 retraçant les opérations de visite domiciliaire au siège de la société KERMAZ mentionne que les agents des douanes ont informé l'occupante des lieux que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de VIENNE a été désigné pour contrôler la visite domiciliaire, qui s'est en outre déroulée en présence d'un officier de police judiciaire, dont le rôle consiste, outre d'assister à ces opérations , de tenir informé le juge de leur déroulement. Les droits de la société KERMAZ ont été respectés à cet égard.

Le moyen sera écarté.

Sur le moyen tiré de l'absence de proportionnalité des saisies :

- Les requérants soutiennent que, en pages 22 à 27 de leurs écritures, auxquelles il sera référé pour de plus amples détail sur les griefs soulevés, que " les opérations informatiques " relatées en page 6 suiv. du procès-verbal de saisie précise que la saisie du contenu de certains supports de données informatiques a été réalisé de manière générale sans sélection. Ils font valoir que ces différentes saisies ont été globales et indifférenciées, puisqu'elles ont porté sur la saisie de l'ensemble des messages, photos et autres contenus de ces supports, sans qu'il soit fait état de la moindre opération de sélection, caractérisent une atteinte disproportionnée au droit au secret des correspondances et au droit à la protection des données à caractère personnel (copie des données de contacts issus d'un ordinateur de bureau de marque Apple modèle iMac " dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-FIC-02.ad1.cvs ", copie des données de messagerie issues de l'ordinateur de bureau de marque Apple modèle iMac " dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-MAIL-01.ad1.cvs " , copie du téléphone de marque Apple modèle iPhone 12 Pro " (p. 8) dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-TEL-01.ad1.cvs ").

Concernant les autres " opérations informatiques " (p. 6 s.), les requérants soutiennent que le procès-verbal de saisie vise " les fichiers intéressant l'affaire en cours " sans précision sur les critères de sélection, notamment par référence à des mots clés. Ces griefs ont trait aux données issues de : un ordinateur de bureau de marque Apple modèle iMac " (p.6-7) dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-DD-01.ad1.cvs', des fichiers issus de l'ERP de marque EBP utilisé par l'entreprise KERMAZ " (p.7) dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-ERP-01.ad1.cvs " , " une sélection de fichiers intéressant l'affaire en cours issus d'un ordinateur de bureau de marque Appel modèle iMac " (p.7) dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-FIC-01.ad1.cvs " et une 'sélection de fichiers intéressant l'affaire en cours issus d'un ordinateur de bureau de marque Apple modèle iMac " (p.7) dont l'inventaire du support est repris dans le fichier " KER-FIC-03.ad1.cvs ".

Ils allèguent en outre que le CDRom comprenant " les fichiers inventaires " ne permet pas le moindre contrôle quant à la nature et au contenu des données saisies, ni par les requérantes, ni par la juridiction. Il est soutenu que la copie des saisies informatiques placée sous scellé n'a pas été mise à la disposition de la juridiction, de sorte que le conseil du requérant n'a pas été en mesure de les consulter. Il allègue donc que même pour les saisies dont il est argué qu'elles ont été différenciées, il est ainsi impossible de déterminer si les fichiers sont en lien avec la fraude alléguée et si des correspondances saisies sont couvertes par le secret professionnel.

- L'administration des douanes réplique en premier lieu que les requérants ne peuvent démontrer aucun grief. Elle ajoute que les enquêteurs ne sont pas tenus de communiquer avec précision les critères de sélection des données saisies, ni de révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés comme indiqué par la jurisprudence de la Cour de cassation.

L'administration des douanes fait valoir que M. [O], représentant de la société KERMAZ, a eu le loisir d'assister à l'ensemble des opérations de visite et de saisie et n'a pas émis de réserve quant à celles-ci ; l'officier de police judiciaire n'a opposé aucun refus d'accès aux données saisies et aux extractions informatiques. Elle fait encore valoir que les requérants n'établissent pas en quoi les documents et données saisis seraient sans rapport avec les soupçons d'actes prohibés, ni ne démontrent une atteinte disproportionnée à leurs droits au regard du but légitime poursuivi par les enquêteurs de recherche des infractions. Elle observe que les enquêteurs ont fait preuve d'un discernement largement suffisant et de proportionnalité dans la recherche de documents en relation avec les agissements reprochés. L'administration des douanes expose qu'en effet, la copie intéerale de fichiers de messagerie sans individualisation de chaque message au regard de leur nornbre et des difficultés techniques de procéder à une individualisation de toutes les saisies, a rendu celles-ci nécessaires. Elle soutient qu'en particulier, en matière d'exportation de biens à double usage, au regard de la complexité des schémas commerciaux possiblement mis en place pour contourner la réglementation et de la nécessité d'identifier le destinataire final des marchandises et de mettre en lumière les opérations concernées, la saisie d'un grand nombre de données, en particulier du téléphone portable et des ordinateurs du dirigeant de la société a été nécessaire. Elle souligne que malgré cela, les enquêteurs ont procédé à la copie sélective des fichiers présents sur les ordinateurs iMac comme en témoigne la faible quantité de lignes relatives aux fichiers saisis, ce qui démontre la volonté des enquêteurs de limiter le périmètre des saisies de documents à ceux contenant des éléments utiles à la preuve des agissements présumés.

Sur ce, le magistrat délégué :

En premier lieu, sur le grief tiré de la non-communication des mots-clés, il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais la solution est transposable à l'article 64 du code des douanes, que lors d'une opération de visite et de saisie, les enquêteurs ne sont pas tenus de préciser sur quels critères ils se sont fondés afin de déterminer que les documents saisis ont un lien avec l'enquête ou que des éléments saisis sont susceptibles d'être en lien avec l'enquête diligentée, ni de révéler les mots-clés qu 'ils ont utilisés. Ainsi, les mots-clés et critères de sélection utilisés par les enquêteurs pour identifier les documents saisis n'ont pas à être communiqués à la partie faisant l'objet des saisies. En effet, permettre à la partie qui subit la visite de prendre connaissance des mots-clés ou moteurs de recherche utilisés et, partant lors du déroulement des opérations de visite et de saisie, priverait lesdites opérations d'effet utile.

Le moyen selon lequel le procès-verbal du 1er juin 2023 ne permettrait pas un contrôle des éléments saisis à défaut d'indication des critères de recherche ou des mots clés sera écarté.

En outre, sur le grief fait aux enquêteurs d'avoir procédé à des saisies massives, il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais dont la solution est transposable à l'article 64 du code des douanes, que peut être saisi un élément susceptible, en tout ou partie, d'intéresser l'enquête. S'il résulte en effet de l'article 64 du code des douanes que les agents des douanes habilités ne peuvent procéder à la saisie que des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux agissements prohibés retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire, ils peuvent en outre saisir des documents pour partie utiles à la preuve des agissements recherchés (Com. 4 nov. 2020, n° 19-17.911) ; la saisie d'une pièce est ainsi valide dès lors que cette pièce est utile même pour partie à la manifestation de la vérité.

Il a été également jugé que la présence, dans une messagerie électronique, de courriels couverts par le secret professionnel, n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments de cette messagerie. Selon la jurisprudence également, un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son intégralité s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête. En effet, une messagerie électronique étant insécable, la saisie de la totalité de la messagerie est possible, dès lors qu'il a été constaté que, pour partie, elle contient des fichiers ou documents qui entrent dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention.

Par suite, la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies et, par conséquent, le cas échéant, la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret de la correspondance ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 12-86.427 ; Cass. crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248).

En l'espèce, il ressort du procès-verbal du 1er juin 2023 qu'avant de procéder aux saisies de donnés informatiques, ils ont constaté la présence de documents susceptibles d'intéresser l'enquête en cours et que la visite de certains espaces ne donnenet lieu à aucune découverte de document utile, ni à aucune saisie (bureau RV, bureau 01). S'agissant des opérations informatiques, il est exposé au procès-verbal que les agents ne sélectionnent que les éléments particulièrement susceptibles de présenter un intérêt, eu égard aux éléments recherchés. Il est mentionné que tous les éléments saisis sont répertoriés à l'inventaire figurant en annexe 5 au procès-verbal.

Le moyen sera écarté.

Sur le grief tiré d'une atteinte aux droits de la défense, il ressort en outre d'une jurisprudence établie que les pièces contestées doivent être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier notamment comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat (Com. 7/06/2011, n° 10-19.585). Cette nécessité de verser les documents contestés est rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 2 avril 2015 (CEDH 2 avril 2015 Vinci Construction et GTM génie civil).

Ainsi, la charge de la preuve de ce que certains documents devraient être exclus du champ des saisies incombe aux requérants. Il appartient aux requérants de verser aux débats, afin qu'il puisse en être jugé, les documents dont ils estiment qu'ils n'étaient pas saisissables au regard du champ de l'autorisation. En l'espèce, les requérants en avaient la possibilité dès lors qu'une copie de l'inventaire des éléments saisis leur a été laissée conformément à l'article 64 du code des douanes. Or, aucune pièce n'est communiquée.

Le moyen sera écarté.

Sur le grief tiré du manque de proportionnalité des saisies, il convient de rapeller que selon l'article 64 du code des douanes, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance d'autorisation, « 1. Pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire ou d'un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale.

Les agents des douanes habilités peuvent procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités. Si, à l'occasion d'une visite autorisée en application du 2 du présent article, les agents habilités découvrent des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités, ils peuvent procéder à leur saisie après en avoir informé par tout moyen le juge qui a pris l'ordonnance et qui peut s'y opposer. ».

Il est de jurisprudence établie dans des saisies opérées par les agents de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en application de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, mais dont la solution est transposable à l'article 64 du code des douanes, que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux. Ce texte, tout comme l'article 64 du code des douanes, poursuit un but légitime, à savoir la recherche et la constatation des délits douaniers et la lutte contre la fraude douanière, est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre cet objectif. Il ne porte donc pas une atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dès lors, d'une part, que les opérations de visite et de saisies ont préalablement été autorisées par un juge qui s'est assuré du bien-fondé de la demande, qu'elles s'effectuent sous son autorité et son contrôle, en présence d'un officier de police judiciaire, chargé de le tenir informé de leur déroulement, et de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui prennent connaissance des pièces avant leur saisie, qu'elles ne peuvent se dérouler que dans les seuls locaux désignés par ce juge, que l'occupant des lieux et les personnes visées par l'ordonnance sont informés, par la notification qui leur en est faite, de leur droit de faire appel à un avocat de leur choix et que ces opérations peuvent être contestées devant le Premier président de la cour d'appel par toutes les personnes entre les mains desquelles il a été procédé à de telles saisies, d'autre part, que seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués (Cass., ass. plén., 16 déc. 2022, n° 21-23.719).

En outre, il convient de rappeler que les dispositions de l'article 64 du code des douanes qui énoncent que les agents de l'administration des douanes disposent d'un droit de visite et de saisie visent à conforter les présomptions selon lesquelles des délits douaniers auraient été commis. Cette mesure est donc encadrée par des règles de fond et procédurales et, notamment, ces visites sont autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui même si rendue non contradictoirement, peut faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel, de même que le déroulement des opérations de visite et de saisie. La décision du Premier président de la cour d'appel pouvant faire l'objet d'un pourvoi.

Il convient donc de rappeler qu'en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'administration des douanes à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs. En autorisant les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder à l'administration des douanes ces modes d'investigations plus intrusifs en fonction du dossier présenté.

En l'espèce, conformément à la jurisprudence constante, le juge des libertés et de la détention s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration des douanes et a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux, visés à l'article 64 du code des douanes et aux articles d'incrimination et de sanctions visés à l'ordonnance, justifiant la mesure autorisée.

Si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) énonce que 'Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance', c'est sous réserve qu' 'Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.'.

En l'espèce, il s'infère de ce qui précède qu'il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 8 de la CESDH et que la visite domiciliaires ordonnée s'est déroulée conformément aux dispositions de l'article 34 du code des douanes précité et n'a pas induit de saisies disproportionnées eu égard au but poursuivi rappelé ci-dessus.

Ce moyen sera rejeté.

Il suit de ce qui précède que les opérations de visite et de saisie effectuées au siège social de l'entreprise KERMAZ seront déclarées régulières. Par suite, les demandes d'annulation du procès-verbal du 1er juin 2023 et des actes subséquents formés par les requérants dans leurs écritures en pages 29 à 31, seront rejetées.

Par suite, il n' y a pas lieu à poser de questions préjudicielles.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'administration des douanes qui se verra ainsi allouer la somme de 3000 euros à la charge des appelants.

Les circonstances de l'espèce justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des appelants qui succombent sur l'ensemble de leurs demandes.

SUR LES DEPENS :

Selon l'article 367 du code des douanes, en matière douanière, en première instance et sur appel, l'instruction est verbale et sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre.

Dès lors, il n'y aura pas lieu à dépens.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 23/09929 et RG 23/09931 et disons que l'instance se poursuivra sous le numéro RG le plus ancien, soit le numéro de RG 23/09929.

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRÉTEIL du 30 mai 2023 et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de CRÉTEIL du 30 mai 2023 délivrant commission rogatoire au juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Vienne (38) pour contrôler les opérations de visite et saisie à effectuer dans le ressort de cette juridiction en application de son ordonnance précitée,

Déclarons régulières les opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées au siège social de l'entreprise KERMAZ : [Adresse 12] (38) tant les pièces à usage professionnel que les éventuelles pièces à usage d'habitation, parkings, caves, dépendances et annexes ; et dans les véhicules détenus ou utilisés par la société KERMAZ ainsi que tous les véhicules dont les dirigeants de la société KERMAZ, [D] [O] et M. [E] [S] ont l'usage dans le cadre de leurs activités professionnelles ou personnelles, si ces véhicules sont situés dans l'un des lieux susvisés ou à proximité immédiate,

Condamnons KERMAZ S.A.R.L. et Monsieur [D] [O] à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de TROIS MILLE EUROS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus des demandes,

Disons n'y avoir lieu à dépens.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Olivier TELL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 23/09929
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-17;23.09929 ?
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