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12/07/2024 | FRANCE | N°24/00390

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 12 juillet 2024, 24/00390


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024



(n°390, 6 pages)





N° du répertoire général : N° RG 24/00390 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJV5W



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02025



L'audience a é

té prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 11 Juillet 2024



Décision réputée contradictoire



COMPOSITION



Anne CHAPLY, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur dél...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

(n°390, 6 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00390 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJV5W

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02025

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 11 Juillet 2024

Décision réputée contradictoire

COMPOSITION

Anne CHAPLY, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté de Laure POUPET, greffier lors des débats et de lamise à disposition de la décision

APPELANTE

Madame [O] [N] (Personne faisant l'objet de soins)

née le 13/04/1969 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 3]

Actuellement hospitalisée au GHU [7]

comparante en personne assistée de Me Stéphanie GOZLAN, avocat commis d'office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE PRÉFET DE POLICE

demeurant [Adresse 2]

non comparant, non représenté,

PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DU GHU [7]

demeurant [Adresse 1]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Florence LIFCHITZ, avocate générale,

Comparante,

DÉCISION

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE,

Mme [O] [N] a été admise en soins psychiatriques sur décision du préfet le 21 juin 2024 au décours de troubles du comportement dans un bar (agression de personnes sur une terrasse avec une bombe lacrymogène) dans un contexte d'excitation psycho-motrice.

Les certificats médicaux font état de trouble psychotique et d'une élation thymique constitutive d'un risque de nouveau passage à l'acte.

Saisi par requête du préfet du 26 juin 2024 d'une demande de poursuite de la mesure, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète par décision du 1er juillet 2024.

Par acte enregistré le 8 juillet suivant, Mme [N] a interjeté appel de cette ordonnance par l'intermédiaire de son conseil.

Les parties ont été convoquées et l'audience s'est tenue le 11 juillet 2024, au siège de la juridiction, en audience en chambre du conseil.

Mme [O] [N] a indiqué qu'elle allait mieux, elle reconnaît ses troubles et précise que le nouveau traitement lui convient mieux.

L'avocate de Mme [N], reprenant oralement ses écritures enregistrées le 8 juillet 2024, demande la mainlevée de la mesure au motif que :

- l'arrêté d'admission a été notifié tardivement,

- l'absence d'information de la famille et de la CDSP

- l'avis médical accompagnant la requête fait état de la disparition des éléments persécutifs.

L'avocate générale sollicite la confirmation de la décision critiquée. Elle considère que Mme [N] n'a subi aucun grief du fait d'éventuelles irrégularités et que la mesure doit être maintenue au regard des constatations médicales.

Le préfet, partie intimée, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Le certificat de situation du juillet 2024 relève que Mme [N] présente les troubles suivants :

Patiente âgée de 55 ans, admise en soins sous contrainte au décours de graves du comportement avec passage à l'acte hétéro-agressif à l'encontre d'inconnus dans un restaurant.

A l'examen : Présentation extravagante, calme sur le plan moteur, contact familier, les exagérés, l'humeur exaltée, le discours hyper-débité logorrhéique avec une fuite d*idée traduisant une tachypsychie manifeste

méconnaît les troubles et l'état morbide, compliance à la prise des traitements mais l'adhésion au projet thérapeutique est lâche et fluctuante.

Son état de santé actuel nécessite la poursuite des soins hospitaliers et il est incompatible avec la levée de la mesure de contrainte, Patiente auditionnable

MOTIVATION,

Sur le moyen pris du retard de la notification de la décision d'admission,

Mme [N] fait valoir que la décision d'admission du 21 juin 2024 a été notifiée avec retard le 25 juin 2024.

Selon l'article L.3216-1 du code de la santé publique " Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet "

L'article L.3211-3 du code de la santé publique prévoit que " Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible."

Si le code de la santé publique ne précise pas le délai entre la date de la décision et celle de sa notification, il s'infère des textes précités que celle-ci doit intervenir le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à l'état de la santé du patient.

En l'espèce, la décision d'admission a été prise le 21 juin 2024 et n'a été notifiée que le 25 juin 2024, or il ne résulte des pièces du dossier aucune explication du délai séparant la prise de décision et sa notification, sauf à justifier de circonstances exceptionnelles au moment de la notification, ce qui n'est pas le cas. Ce délai est donc irrégulier.

Cependant, les pièces de la procédure établissent que lors de l'examen donnant lieu au certificat médical initial, il y a eu un échange avec la patiente et qu'à l'issue de cet examen, elle a été informée des conclusions du médecin lequel a préconisé une prise en charge en soins psychiatriques, que le certificat médical des 24 heures du 22 juin 2024 à 10h mentionne qu'elle a été informée de manière adaptée à son état de la décision d'admission des soins sans consentement en hospitalisation complète et a été mise à même de faire valoir ses observations, tout comme le certificat médical des 72 heures établi le 24 juin 2024 à 10h15.

Il s'en déduit que l'information sur la procédure de soins contraints a été portée à la connaissance de l'intéressée au gré des différents examens médicaux de manière adaptée, et ce, dès le premier certificat médical.

Rien dans la procédure ne démontre que Mme [N] aurait, dans ces circonstances et alors qu'elle n'a contesté aucune des décisions ni aucun acte de la procédure, avant la décision du JLD du 1er juillet 2024, subi un grief tiré du retard dans la notification administrative de la décision du préfet du 21 juin 2024.

Mme [N] fait valoir que sa lettre d'appel n'a jamais été transmise à la cour, qu'elle n'a pu interjeter appel que par l'intermédiaire de son conseil et que l'ordonnance du JLD ne lui a jamais été notifiée.

Cependant, d'une part, la lettre d'appel produite au dossier ne permet pas de savoir si elle a été réellement remise à l'établissement aux fins de transmission au greffe et d'autre part, Mme [N] a pu interjeter appel par l'intermédiaire de son conseil et n'a donc subi aucun grief.

Ainsi, à défaut d'atteinte aux droits de la personne et en considération de sa situation qui nécessitait une prise en charge adaptée, il y a lieu de rejeter le moyen.

Sur le moyen pris de l'absence d'information de la famille et de la CDSP

En application de l'article L3213-9 du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure :

1° Le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement d'accueil de la personne malade et le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;

2° Le maire de la commune où est implanté l'établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;

3° La commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5;

4° La famille de la personne qui fait l'objet de soins ;

5° Le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé.

Le représentant de l'Etat dans le département informe sans délai les autorités et les personnes mentionnées aux 1° à 5° de toute décision de prise en charge du patient sous une autre forme que celle d'une hospitalisation complète.

En l'espèce, la préfecture mentionne dans sa saisine que l'information des personnes mentionnées à l'article L 3213-9 du code de la santé publique, notamment la commission départementale des soins psychiatriques de [Localité 4] a été réalisée par courriers du 21 juin 2024. Il n'est pas apporté d'éléments contraires qui viendraient démontrer que la préfecture n'a pas, contrairement à ses dires, procéder à cette information, notamment, Mme [N] n'allègue ni ne justifie avoir communiqué les coordonnées de membres de sa famille qui auraient du être avisés et ne justifie pas davantage d'une atteinte à ses droits qui aurait résulté du défaut d'information, au visa de l'article L. 3216-1 précité. L'argument selon lequel la famille, informée, aurait pu exercer les voies de recours n'est pas pertinent dès lors que Mme [N], informée de ses droits et voies de recours, ne les a pas exercés contre ces décisions.

Par ailleurs, le GHU de [Localité 6] tient à la disposition de la commission CDSP, de manière permanente, sur un logiciel sécurisé, l'ensemble des pièces de la procédure d'hospitalisation des personnes prises en charge sur l'établissement, de sorte que l'obligation d'information visée à l'article L3213-9 du code de la santé publique a été respectée.

Le moyen doit être rejeté.

Sur la réunion des conditions de poursuite de la mesure au titre de l'article L.3213-1 du code de la santé publique

Aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, l'admission en soins psychiatriques sans consentement décidée par le représentant de l'Etat dans le département vise des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Il appartient au préfet de motiver ses décisions au regard de ces dispositions.

Dans l'exercice de son office, le juge ne saurait se substituer au médecin dans l'appréciation de l'état mental du patient et de son consentement aux soins (1re Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544). Pour autant, la motivation sur le trouble à l'ordre public ne relève pas du médecin mais du représentant de l'Etat dans le département et les articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique n'exigent pas la mention, dans le certificat médical circonstancié qu'ils prévoient, que les troubles nécessitant des soins " compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ", une telle qualification relevant, sous le contrôle du juge, des seuls pouvoirs du préfet, sauf à prévoir, lorsqu'un certificat conclut à la nécessité de lever une mesure, les incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes.

Au visa de ces textes, il appartient au juge judiciaire d'apprécier si les troubles mentaux qui ont justifié la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Mme [N] persistent, nécessitent des soins et sont de nature à compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les certificats médicaux au dossier et notamment le certificat médical de situation évoquent, après avoir rappelé que Me [N] avait été admise en soins sous contrainte au décours de graves du comportement avec passage à l'acte hétéro-agressif à l'encontre d'inconnus dans un restaurant,

- A l'examen, une présentation extravagante, calme sur le plan moteur, contact familier, les exagérés, l'humeur exaltée, le discours hyper-débité logorrhéique avec une fuite d'idée traduisant une tachypsychie manifeste,

- une méconnaissance de ses troubles et l'état morbide,

- une compliance à la prise des traitements mais l'adhésion au projet thérapeutique est lâche et fluctuante,

- son état de santé actuel nécessite la poursuite des soins hospitaliers et il est incompatible avec la levée de la mesure de contrainte.

Ainsi, au vu des pièces débattues contradictoirement, notamment de l'ensemble des certificats médicaux, malgré le souhait de Mme [N] de mettre fin à l'hospitalisation complète et les observations de son conseil, les troubles persistent et sont de nature à compromettre la sécurité des personnes ou de risque d'atteinte à l'ordre public.

Un suivi dans le cadre ambulatoire s'avère actuellement prématuré selon les examens médicaux au dossier. La mise en place d'un strict cadre de soins s'impose dès lors que les troubles psychiques décrits rendent l'hospitalisation complète nécessaire pour un ajustement thérapeutique et un contrôle des conditions de sortie.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué du premier président, statuant en dernier ressort, en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

DÉCLARE l'appel recevable,

CONFIRME l'ordonnance critiquée,

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Ordonnance rendue le 12 JUILLET 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 12/07/2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

X préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00390
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.00390 ?
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