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12/07/2024 | FRANCE | N°22/10777

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 12 juillet 2024, 22/10777


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 12 JUILLET 2024



(n° , 13 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10777 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5Z6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020039813





APPELANTE



la société Carat International Realty non commercial

L'Immobilier d'[C] immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 829 603 752, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qual...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 12 JUILLET 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10777 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5Z6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020039813

APPELANTE

la société Carat International Realty non commercial L'Immobilier d'[C] immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 829 603 752, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Jean-marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

INTIMÉE

S.A.R.L. AB IMMO 51 immatriculée au RCS de la Roche sur Yon sur le numéro B 450 141 312, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Mathieu CAVARD de l'AARPI L'OFFICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0145

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame. Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 14 juin 2024 prorogée au 05 juillet 2024 puis au 12 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société SAS [Localité 5] Capital représenté par son président Monsieur [Y] [B] a consenti le 5 février 2018 en qualité de mandant à la société Sarl AB Immo 51, en qualité de mandataire un Mandat de Vente non exclusif portant le n°3273 aux fins de céder alternativement :

le fonds de commerce de l'agence immobilière situé [Adresse 1] au prix de 336 000 euros HAI TTC soit 300 000 euros net vendeur

la totalité des parts sociales ou actions de la société [Localité 5] Capital SAS (') à un prix rémunération du mandataire incluse, correspondant au montant de l'actif net actualisé de ladite société au jour de la cession, les éléments corporels et incorporels représentatifs du fonds de commerce étant évalués à la somme de 336 000 euros HAI TTC soit 300 000 euros net vendeur

La clause Rémunération du Mandataire est ainsi rédigée : « En cas de réalisation de l'opération avec un acheteur présenté par le mandataire ou un mandataire substitué, le présent mandataire ou son substitué aura droit à une rémunération fixée à 10 % de la valeur du fonds de commerce ou du droit au bail si celui-ci est cédé seul, avec un minimum de 12 500 euros HT et à 8%HT de la valeur des murs commerciaux si cédés dans les 3 ans suivant la présente opération, TVA non comprise ( 20 % taux actuellement en vigueur) à la charge du repreneur. Ces honoraires sont à la charge du cessionnaire et payables sur les 1ers fonds versés au jour de la cession. Aucune rémunération ne sera due du Mandant au Mandataire au cas où le cessionnaire ou son substitué ne se porterait pas acquéreur des biens proposés. Une majoration de 10 % de la commission HT sera appliqué si le paiement de la commission n'est pas effectué dans les 30 jours suivant la transaction. »

Madame [T] [G], « représentant toute société constituée ou en cours de constitution ou toute personne physique ou morale qui se substituerait totalement ou partiellement » a mandaté selon acte daté et signé du 21 novembre 2018 sous le numéro 3531, intitulé Mandat de Recherche Sans Exclusivité d'une Agence Immobilière à Acquérir, la société dite Agence immobilière à ceder.com exerçant sous l'enseigne AB Immo 51, en vue de la recherche d'un fonds de commerce, au prix maximum de 200 000 euros, hors frais annexes et enregistrement.

Le mandat contient une clause intitulée Rémunération selon laquelle : « En cas de réalisation de l'opération avec un vendeur présenté par le mandataire ou un mandataire substitué, (y compris en cas de procédure collective) le présent mandataire ou son substitué aura droit à une rémunération fixée à 10% HT de la valeur du fonds de commerce avec un minimum de 12.500 euros HT et à 8% HT de la valeur des murs commerciaux si cédés dans les 3 ans. Ces honoraires sont à la charge du mandant payables sur les 1ers fonds versés au jour de la cession. Si le défaut de réalisation de l'une des conditions suspensives était imputable au Mandant en raison notamment de sa faute, sa négligence ou sa mauvaise foi, celui-ci devra indemniser le mandataire du préjudice causé par le versement du montant des honoraires prévus à la cession. Si nonobstant la réalisation de l'ensemble des conditions suspensives le Mandant refusait de réaliser la cession définitive ou encore si le Mandant convenait de résilier purement et simplement la cession suite à un accord amiable avec le cédant, le Mandataire sera indemnisé à hauteur des honoraires qu'il aurait dû percevoir majoré de 20%. En cas de substitution de l'acquéreur sur ladite opération, le Mandant restera solidaire du droit à paiement total de la rémunération TVA non comprise (20% au taux actuellement en vigueur), à la charge du Mandant. Aucune rémunération ne sera due du Mandant au Mandataire au cas où il ne se porterait pas acquéreur des biens proposés. Aucune rémunération ne sera due du mandant au mandataire au cas où le cessionnaire ou son substitué ne se porterait pas acquéreur des biens proposés. Une majoration de 10% de la commission HT sera appliqué si le paiement de la commission n'est pas effectué dans les 30 jours suivant la transaction. »

La société L'Immobilier d'[C], représentée par Mme [C] [P], et la société [Localité 5] Capital, représentée par M. [Y] [B], ont signé, le 26 juin 2019, un acte de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives pour un achat du droit au bail et de la clientèle ainsi que des éléments corporels du fonds pour un montant de 250.000 euros.

Mme [T] [G] a été nommée co-gérante de la SARL L'Immobilier d'[C] par l'assemblée générale extraordinaire de la société tenue le 1er juillet 2019.

La cession du fonds de commerce a été réitérée dans un acte définitif en date du 17 octobre 2019.

Le 19 novembre 2019, la société AB Immo 51 a adressé une mise en demeure à Mme [G], en qualité de co-gérante de L'Immobilier d'[C], de régler la somme de 30.000€ TTC au titre des honoraires de mise en relation fixés à 10% HT du prix du fonds de commerce cédé par référence aux conditions générales du mandat.

La mise en demeure étant restée vaine, la société AB Immo 51 a assigné la société [Localité 5] Capital aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement en date du 11 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué ainsi :

-Déboute la SARL L'Immobilier d'[C] de sa demande de jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 2020039813 et RG 2020003150,

-Condamne la SARL L'Immobilier d'[C] à verser à la SARL AB Immo 51 la somme de 30.000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal majoré de quatre points depuis la mise en demeure du 29 novembre 2019,

- Condamne la SARL L'Immobilier d'[C] à payer à la SARL AB Immo 51 la somme de 3.000 euros TTC, au titre des pénalités contractuelles de retard,

-Déboute la SARL AB Immo 51 de sa demande de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

-Déboute la SARL L'Immobilier d'[C] de ses demandes de 130.000 euros et de 20.000 euros,

-Condamne la SARL L'Immobilier d'[C] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 € de TVA,

-Condamne la SARL L'Immobilier d'[C] à payer à la SARL AB Immo 51 la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La S.A.R.L L'Immobilier d'[C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel remise au greffe le 3 juin 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 21 décembre 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 juillet 2023, la société Carat International Realty non commercial L'Immobilier d'[C], demande à la cour de :

Vu les articles 6, 7 de la Loi du 2 Janvier 1970,

Vu l'article 78 du décret du 20 Juillet 1972 ;

Vu les dispositions des articles L111-1 et L111-2 du Code de la consommation et les dispositions des articles L221-1 et suivant du même Code,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Débouté la SARL L'IMMOBILIER D'[C] de sa demande de jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 2020039813 et RG 2020003150,

- Condamné la SARL L'IMMOBILIER D'[C] à verser à la SARL AB IMMO 51 la somme de 30.000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal majoré de quatre points depuis la mise en demeure du 29 novembre 2019,

- Condamné la SARL L'IMMOBILIER D'[C] à payer à la SARL AB IMMO 51 la somme de 3.000 euros TTC, au titre des pénalités contractuelles de retard,

- Débouté la SARL L'IMMOBILIER D'[C] de ses demandes de 130.000 euros et de 20.000 euros,

- Condamné la SARL L'IMMOBILIER D'[C] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 € dont 12,12 € de TVA,

- Condamné la SARL L'IMMOBILIER D'[C] à payer à la SARL AB IMMO 51 la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

JUGER que l'absence de mention du mandat conféré à la société AB IMMO 51 et de son numéro dans l'engagement des parties constitue une violation des dispositions de l'article 78 du décret du 20 Juillet 1972 et entraîne la nullité de l'engagement de payer pris par la Société CARAT INTERNATIONAL REALTY, nom commercial « L'IMMOBILIER D'[C] ».

JUGER qu'en l'absence de communication du registre des mandats de la société AB IMMO 51, cette dernière ne peut prétendre à aucun honoraire.

JUGER que les mandats conférés tant par la société [Localité 5] CAPITAL que par Madame [G] [T], sont nuls et de nul effet et ne peuvent engager la Société CARAT INTERNATIONAL REALTY, nom commercial « L'IMMOBILIER D'[C] ».

DEBOUTER en conséquence la société AB IMMO 51 de ses demandes.

CONFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté la société la société AB IMMO 51 de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

CONDAMNER la Société AB IMMO 51 à rembourser la somme de 41.725,36€ à la société L'IMMOBILIER D'[C].

Subsidiairement, et pour le cas ou par impossible des condamnations seraient prononcées

JUGER que la société AB IMMO 51 ne peut réclamer plus de 25.000 euros à titre d'honoraires par application de l'article 78 du décret du 20 Juillet 1972.

CONDAMNER en conséquence la société AB IMMO 51 à rembourser le trop-perçu à la société la Société CARAT INTERNATIONAL REALTY, nom commercial « L'IMMOBILIER D'[C] ».

En tous les cas,

CONDAMNER la société AB IMMO 51 à payer à la société la Société CARAT INTERNATIONAL REALTY, nom commercial « L'IMMOBILIER D'[C] » la somme de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de valeur de son fonds de commerce et celle de 20.000 euros en raison du retard dans l'exploitation du fonds de commerce en l'absence de mandats.

CONDAMNER la société AB IMMO 51 à payer à la Société CARAT INTERNATIONAL REALTY, nom commercial « L'IMMOBILIER D'[C] », la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, la SARL AB Immo 51 invite la cour à :

Vu l'article 1104 du Code Civil,

Vu la loi Hoguet du 2 janvier 1972 et le décret du 20 juillet 1972,

Confirmer à titre principal la décision en ce qu'elle a condamné la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) à verser à la société AB IMMO 51 la somme de 30.000 Euros TTC, augmentée des intérêts de retard au taux légal majoré de quatre points depuis la mise en demeure du 29 novembre 2019,

- Subsidiairement, condamner la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) à payer à la société AB IMMO 51 la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa commission,

- Confirmer la décision en ce qu'elle a condamné la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) à verser à la société AB IMMO 51 la somme de 3.000€ TTC au titre des pénalités contractuelles de retard,

- Confirmer la décision en ce qu'elle a condamné la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) à verser à la société AB IMMO 51 la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700,

- Infirmer la décision en ce qu'elle a débouté la société la société AB IMMO 51 de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et statuant de nouveau, condamner la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) au paiement de la somme de 5.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

En tout état de cause :

- Condamner la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) à verser à la société AB IMMO 51 la somme de 4.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et des dépens d'instance,

- Débouter la société CARAT INTERNATIONAL REALTY (L'IMMOBILIER D'[C]) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner l'appelante aux entiers dépens,

SUR CE,

La COUR

Sur la rémunération du mandataire et la clause pénale

La société L'Immobilier d'[C] fait grief au jugement d'avoir, pour entrer en voie de condamnation, écarté les règles de droit d'ordre public régissant les rapports entre l'agent immobilier et son client.

Au rappel que l'acte de cession ne comporte aucun paragraphe de négociation stipulant la charge et le montant des honoraires et que le mandat ne figure pas en annexe de l'acte de cession, elle soutient que le défaut de respect des dispositions de l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 d'ordre public a pour conséquence que la société AB Immo ne peut prétendre au versement de ses honoraires.

Elle affirme que selon l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, l'indication du montant des honoraires de négociation et de la partie qui en supportera la charge est prévue à peine de nullité du mandat or, selon l'appelante, une contradiction existe entre le paragraphe prix et le paragraphe rémunération du mandataire ainsi qu'une absence de précision de la personne ayant la charge du paiement des honoraires ce dont elle infère la nullité du mandat conféré par [Localité 5] Capital à AB Immo 51 le 5 février 2018.

Elle affirme que le mandat signé par Madame [G] est également nul pour non respect des dispositions des articles L 111-1 et 111-2 du Code de la consommation et qu'il ne comporte pas de date contrairement aux stipulations d'ordre public de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970.

Elle fait en outre valoir que le mandat signé par Madame [G] qui n'a aucune qualité pour engager et consentir un mandat au nom de la société L'immobilier d'[C] est sans effet dans les rapports avec la société L'Immobilier d'[C].

Elle souligne enfin que l'engagement de confidentialité assimilable à un bon de visite aux termes duquel Madame [C] [P] s'engage, sous peine de dommages et intérêts, à ne pas négocier la vente en dehors de l'intervention de la société AB Immo 51 ne respecte pas les conditions de fond et de forme de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970.

La société AB Immo51, au soutien de la confirmation du jugement qui a fait droit au paiement de sa rémunération, expose que tant la matérialité du mandat que la détermination et le paiement de la rémunération de l'intermédiaire sont conformes à l'article 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 1972, qu'elle a donc droit à sa rémunération outre la majoration contractuelle de 10 % pour non-paiement dans le délai de 30 jours suivant la transaction prévue au mandat. Elle souligne la mauvaise foi de la société appelante qui excipe du défaut de mention du montant des honoraires dans l'acte de cession alors que la société AB Immo51, écartée de la cession par la société L'Immobilier d'[C], ne peut valablement se voir reprocher une irrégularité rédactionnelle concernant ledit acte. Elle observe que le mandat de vente répond en tous points aux prescriptions de la loi Hoguet et qu'il n'existe aucune contradiction entre le prix de vente du fonds de commerce indiqué au mandat : 300 000 euros HAI TTC soit 300 000 euros net vendeur et le montant des honoraires de la société AB Immo 51, les honoraires étant bien de 10 % HT du prix de cession soit 30 000 euros HT ou 36 000 euros TTC.

Elle observe que Madame [G] au demeurant non partie à l'instance, s'est substituée l'agence Immobilière d'[C] laquelle est une personne morale, professionnelle de l'immobilier, qui ne peut se prévaloir des dispositions du Code de la consommation. Elle affirme que le mandat de recherche est, comme le mandat de vente, en tous points conforme à la loi Hoguet, aucun manquement à son devoir de conseil n'étant établi à son encontre, les deux parties étant des professionnelles de l'immobilier et l'appelante particulièrement informée de ses obligations. Elle soutient que la mauvaise foi de l'appelante est d'autant plus établie que la lettre d'intention émanant de la société L'Immobilier d'[C] en date du 29 mai 2019, adressée à la société [Localité 5] Capital portant offre d'achat du fonds de commerce fait expressément mention de la prise en charge des honoraires de AB Immo51 par la société L'Immobilier d'[C].

Réponse de la cour

L'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 modifiée par l'Ordonnance du 10 février 1976 énonce :

« -Les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat :

les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d'argent, biens, effets ou valeurs à l'occasion de l'opération dont il s'agit ;

les modalités de la reddition de compte ;

les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge.

les moyens employés par ces personnes et, le cas échéant, par le réseau auquel elles appartiennent pour diffuser auprès du public les annonces commerciales afférentes aux opérations mentionnées au 1° du même article 1er.

En outre, lorsqu'une convention comporte une clause d'exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.

Les dispositions de l'article 1375 du code civil leur sont applicables.

Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

Toutefois, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. La somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant fixé par décret en Conseil d'Etat.

Lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes d'argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à l'article 1er avant qu'une opération visée au même article n'ait été effectivement conclue et constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

La convention conclue entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er et le propriétaire du bien inscrit sur la liste ou le fichier, ou le titulaire de droits sur ce bien, comporte une clause d'exclusivité d'une durée limitée aux termes de laquelle ce dernier s'engage, d'une part, à ne pas confier la location ou la vente de son bien à une autre personne exerçant une activité mentionnée à l'article 1er et, d'autre part, à ne pas publier d'annonce par voie de presse.

II-Entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er et son client, une convention est établie par écrit. Cette convention dont, conformément à l'article 1325 du code civil, un original est remis au client précise les caractéristiques du bien recherché, l'ensemble des obligations professionnelles qui incombent au professionnel mentionné au présent alinéa, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier. Elle précise également les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération lorsque la prestation fournie au client n'est pas conforme à la nature promise dans ladite convention.

Les conditions et les modalités d'application de la mesure de remboursement partiel ou total prévue au premier alinéa du présent II sont définies par décret.

Aucune somme d'argent ou rémunération de quelque nature que ce soit n'est due à une personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er ou ne peut être exigée par elle, préalablement à la parfaite exécution de son obligation de fournir effectivement des listes ou des fichiers, que cette exécution soit instantanée ou successive. »

Les dispositions de l'article 72 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 modifiées par le décret n°2016-1278 du 29 septembre 2016 précisent : 

« Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention : " Transactions sur immeubles et fonds de commerce " ne peut négocier ou s'engager à l'occasion d'opérations spécifiées à l'article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties. Le mandat précise son objet et contient les indications prévues à l'article 73. Lorsqu'il comporte l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention. Tous les mandats sont mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats conforme à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Le numéro d'inscription sur le registre des mandats est reporté sur celui des exemplaires du mandat, qui reste en la possession du mandant. Ce registre est à l'avance coté sans discontinuité et relié. Il peut être tenu sous forme électronique dans les conditions prescrites par les articles 1365 et suivants du code civil. Les mandats et le registre des mandats sont conservés pendant dix ans. »

L'article 73 précise que : « Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention " Transactions sur immeubles et fonds de commerce ", son ou ses représentants légaux ou statutaires, s'il s'agit d'une personne morale, qui doit recevoir le mandat prévu à l'article 72 ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d'autre rémunération ou d'autres honoraires à l'occasion d'une opération spécifiée à l'article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 que celle dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat.Le mandat doit préciser si cette rémunération est à la charge exclusive de l'une des parties à l'opération ou si elle est partagée. Dans ce dernier cas, les conditions et modalités de ce partage sont indiquées dans le mandat et reprises dans l'engagement des parties. Le montant de la rémunération ou des honoraires, ainsi que l'indication de la ou des parties qui en ont la charge sont portés dans l'engagement des parties. Il en est de même, le cas échéant, des honoraires de rédaction d'actes et de séquestre. Le titulaire de la carte ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, des honoraires ou des rémunérations à l'occasion de cette opération d'une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties. Le titulaire de la carte professionnelle perçoit sans délai sa rémunération ou ses honoraires une fois constatée par acte authentique l'opération conclue par son intermédiaire. »

Selon les dispositions de l'article 78 alinéa 1 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 modifié par le décret n°2015-724 du 24 juin 2015 :

« Lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause, mentionnée en caractères très apparents, ne peut prévoir le paiement d'une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération à réaliser. »

La société AB Immo51 produit la copie de sa carte professionnelle et la copie de l'extrait du Registre des mandats mentionnant :

le mandat de recherche donné par Madame [T] [G] pour la période du 21 novembre 2018 au 21 février 2021 sous le n°3531

le mandant de vente donné par Monsieur [Y] [B] du fonds de commerce agence immobilière [Adresse 1] sous le n°3273

Le mandant de recherche énonce par écrit conformément à l'article 6 de la loi les conditions et les modalités du paiement de la rémunération due au mandataire chargé de la mise en relation avec le ou les professionnels susceptibles de lui vendre l'objet de ses recherches.

Le mandant de recherche et le mandat de vente numérotés sont corroborés par l'extrait du registre des mandats produit par la société AB Immo51 et sont conformes aux dispositions du décret du 20 juillet 1972. Ils n'encourent donc aucune nullité du chef du formalisme édicté par ce texte.

Madame [T] [G] s'est portée acquéreur aux termes du mandat de recherche, d'un fonds de commerce ne devant pas dépasser le prix de 200 000 euros, en qualité de « représentant de toute société constituée ou en cours de constitution ou toute personne physique ou morale qui s'y substituerait » or, l'extrait du journal d'annonces légales Infolegale du 15 novembre 2019 fait mention de Madame [T] [G] en qualité de co-gérante de la Sarl L'Immobilier d'[C] : ceci fait la preuve, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, laquelle au demeurant ne conteste pas les mentions de cet extrait d'annonce légale, de l'engagement de cette même société, dûment représentée par sa co-gérante, par les termes du mandat de recherches et, partant, de la qualité de la société AB Immo51 à agir à l'encontre de cette dernière, co-contractante du mandat de recherche, en paiement des honoraires contractualisés.

La société L'immobilière d'[C], personne morale professionnelle de l'Immobilier, n'a cependant pas qualité dans le contentieux qui l'oppose à un autre professionnel de l'immobilier, en l'occurrence la société AB Immo51, à agir du chef des dispositions du Code de la consommation, applicables aux consommateurs et non aux professionnels entre eux.

L'acte de cession du fonds de commerce sis [Adresse 1] sous conditions suspensives, entre la société L'Immobilier d'[C] représentée par [C] [P] et la société [Localité 5] Capital représentée par [Y] [B], a été signé le 26 juin 2019 à hauteur du prix de 250 000 euros, la taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas mentionnée. L'article 14 de l'acte mentionne : « Chaque partie s'engage irrévocablement à supporter le montant des frais, honoraires, des conseils et émoluments engagés par elle à l'occasion du présent contrat, étant rappelé que les honoraires de AB Immo51 pour mise en relation seront intégralement supportés par le Cessionnaire. »

Il résulte donc des mentions claires et univoques du mandat de recherche et de l'acte de cession que la société Carat International Realty venant aux droits de la SARL L'Immobilier d'[C] doit à la société AB Immo51 la rémunération du mandataire prévue au mandat de recherche n°3531 du 21 novembre 2018, à hauteur de 10% hors taxe, de la valeur du fonds de commerce dès lors que les échanges de courriels produits non remis en cause par l'appelante font la preuve :

de la présentation du dossier de l'agence [Localité 5] Capital de [Y] [B] située [Adresse 1] à [T] [G] par l'agence AB Immo51 le 18 avril 2019 par le représentant de l'agence AB Immo51, [X] [H]

du rendez-vous organisé par l' agence AB Immo51 entre [T] [G] et [Y] [B] pour la visite de l'agence immobilière le 25 avril 2019 et de la transmission des comptes de l'agence objet de la vente pour examen par l'acquéreur

de l'organisation par [X] [H] d'un nouveau rendez-vous entre [Y] [B] et [T] [G] le 15 mai 2019

de l'envoi de la lettre d'intention d'achat par [C] [P] au représentant de l'agence AB Immo51 le 4 juin 2019

du suivi de l'affaire par l'agence AB Immo51 sollicitant la transmission du compromis de vente signé avec [Y] [B] pour l'acquisition du fonds de commerce par un courriel resté sans réponse du 9 juillet 2019.

Cependant l'acte de cession stipulant le prix de 250 000 euros et non 300 000 euros hors taxe comme le soutient l'intimée, c'est donc la somme de 25 000 euros ( 10% de la valeur du fonds de commerce) qui est due au titre de la rémunération du mandataire à laquelle s'ajoutent :

les intérêts au taux légal majoré de quatre points depuis la mise en demeure du 29 novembre 2019

la clause pénale, applicable ensuite du refus injustifié de la société L'Immobilière d'[C] de régler la rémunération du mandataire soit 20% de 25 000 euros représentant la somme de 5 000 euros.

Ayant été fait droit au paiement de la rémunération il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de l'intimée au titre de la perte de chance du droit à rémunération.

Du chef du montant de la rémunération, le jugement qui a alloué 30 000 euros majorés de 3 000 euros au titre des pénalités contractuelles de retard sera infirmé, au rappel que l'exécution du présent arrêt emporte restitution de plein droit des sommes éventuellement dues ensuite de l'infirmation du jugement dont appel.

2- Sur la résistance abusive

Le tribunal a jugé non fautive la résistance au paiement opposée par la société L'Immobilière d'[C] à la société AB Immo51.

La société AB Immo51 ne développe aucun moyen à l'appui de la résistance de l'appelante qu'elle estime abusive.

Réponse de la cour

La résistance à un demande en paiement et l'exercice d'une voie de recours qui en est la conséquence procèdent du droit fondamental de se défendre et d'agir en justice lequel ne peut ouvrir à la partie adverse une action en réparation qu'à la condition de faire la preuve d'un exercice fautif au sens des dispositions de l'article 1240 du Code civil et d'un dommage imputable à cette faute or, il n'est justifié ni d'une faute ni d'un dommage autre que celui réparé par la présente instance.

La société AB Immo51 sera donc sur confirmation du jugement, déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement qui a débouté la société L'Immobilier d'[C] de l'intégralité de ses demandes.

3- Les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement qui a condamné la société L'Immobilier d'[C] aux dépens et au règlement d'une somme de 4 000 euros à la société AB Immo51 au titre des frais irrépétibles sera confirmé.

Y ajoutant, la société l'Immobilière d'[C] sera condamnée à régler à la société AB Immo51 la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

INFIRME le jugement sur le montant de la rémunération, le montant de la clause pénale et l'assiette des intérêts au taux légal majorés ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs

CONDAMNE la société Carat International Realty non commercial L'Immobilier d'[C] à régler à la société AB Immo51 les sommes de :

25 000 euros au titre de la rémunération due au mandataire

5 000 euros au titre de la clause pénale

DIT que les intérêts au taux légal majoré de 4 points sont dus sur la somme de 25 000 euros à compter du 25 novembre 2019 ;

RAPPELLE que l'exécution du présent arrêt emporte restitution de plein droit des sommes éventuellement dues ensuite de l'infirmation du jugement dont appel.

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Carat International Realty non commercial de la société L'Immobilier d'[C] aux entiers dépens ainsi qu'à régler à la société AB Immo 51 une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/10777
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.10777 ?
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