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10/07/2024 | FRANCE | N°23/08387

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 10 juillet 2024, 23/08387


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 10 JUILLET 2024



(n°38, 25 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 23/08387 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHST5



Décisions déférées : Ordonnance rendue le 20 mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de BOBIGNY et ordonnances de prorogation de l'ordonnance du

20 mars 2023 rendues les 24 mai 2023 et 12 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de BOBIGNY





Nature de la décision : Contradictoire



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Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 10 JUILLET 2024

(n°38, 25 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/08387 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHST5

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 20 mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de BOBIGNY et ordonnances de prorogation de l'ordonnance du 20 mars 2023 rendues les 24 mai 2023 et 12 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de BOBIGNY

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Olivier TELL, président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article 450-4 du code de commerce ;

Assisté de Mme Véronique COUVET, greffier présent lors des débats et du prononcé ;

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au parquet général représenté lors des débats par Madame Jocelyne AMOUROUX, avocat général.

Après avoir appelé à l'audience publique du 27 Mars 2024 :

SOCIETE NATIONALE SNCF S.A.

Prise en la personne de son Président du Conseil d'administration et Directeur général

Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 552 049 447

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

SNCF VOYAGEURS S.A.

Prise en la personne de son Président du Conseil d'administration et Directeur général

Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 519 037 584

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

SNCF VOYAGES DEVELOPPEMENT S.A.S.

Prise en la personne de son Président

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 392 847 315

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

SNCF CONNECT S.A.S.

Prise en la personne de son Président

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 431 810 621

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

SNCF CONNECT & TECH S.A.S.

Prise en la personne de son Président

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 432 672 236

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

SNCF CONNECT & TECH SERVICES S.A.S.

Prise en la personne de son Président

Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 483 815 619

Elisant domicile au cabinet Lexavoué Paris Versailles

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD, de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistées de Maîtres Christophe LEMAIRE et Guillaume VATIN du CABINET ASHURST LLP, avocats au barreau de PARIS, toque J 034

APPELANTES

et

L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Prise en la personne de son Rapporteur général

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Monsieur [I] [C], dûment mandaté

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 27 mars 2024, les conseils des appelantes et le représentant de l'autorité de la concurrence ;

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 27 mars 2024, Madame Jocelyne AMOUROUX, avocat général, en son avis ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 11 septembre 2024 puis avancé au 10 juillet 2024, pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 462 du Code de procédure pénale.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Par ordonnance du 20 mars 2023, au visa de l'article L. 450-4 du code de commerce, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a autorisé des opérations de visite et de saisie dans les locaux des entreprises suivantes :

- Société nationale SNCF, [Adresse 6], et [Adresse 1], [Localité 15], et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " SNCF";

- SNCF Voyageurs, [Adresse 7], [Localité 15], et les sociétés du même goupe sises aux mêmes adresses, ci-après " SNCF " ;

- Société nationale SNCF, [Adresse 13], [Localité 15], et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " SNCF " ;

- Société nationale SNCF, [Adresse 2] [Localité 15], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " SNCF " ;

- SNCF voyages développement, [Adresse 17], [Localité 14], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " SNCF " ;

- SNCF Voyageurs (SNCF site de [Localité 8] [Adresse 16]), [Adresse 16], [Localité 8], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " SNCF " ;

- SNCF Connect & Tech, [Adresse 5], [Localité 8], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " SNCF " ;

- SNCF Voyageurs, [Adresse 4], [Localité 9], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " SNCF " ;

Cette ordonnance faisait suite à une requête en date du 10 mars 2023 et des pièces qui y sont jointes, du Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (ci-après ' le rapporteur général'), à la suite de saisines déposées auprès de l'Autorité de la concurrence (ci-après 'l'Autorité') par l'Association professionnelle les Entreprises du Voyage ('EDV') et la société Trainline, aux fins d'établir si ladite entreprise SNCF se livre à la pratique d'abus de position dominante prohibée par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après ' TFUE') ;.

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées les 11, 12, 16 et 22 mai 2023.

Après avoir rappelé, qu'à cette requête, outre la demande d'enquête du Rapporteur général du 9 mars 2023 accompagnée de la copie de la note des rapporteurs, étaient annexés 17 autres documents contenant des pièces communiquées par le Rapporteur général, que ces documents ont été recueillis ou reçus par les agents de l'Autorité de la concurrence en application des articles L. 450-1, L. 450-2 et L. 450-3 du code de commerce ou remis par EDV et Trainline lors du dépôt de leurs saisines respectives (annexe 14 à la requête) en application de l'article L. 462-5 II du code de commerce ; que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation d'études, d'avis, de sites Internet et de banques de données électroniques accessibles au public, de l'exercice par l'Autorité de la concurrence de son droit de communication dont elle semble avoir usé de manière régulière, mais également de la possibilité pour l'Autorité de la concurrence d'être saisie par des entreprises de la pratique mentionnée à l'article L. 420-2 du code de commerce ; que plusieurs des pièces annexées à la requête ont été rendues pour partie anonymes (annexes 1 bis 1, 1 bis 2 et 12-1); que cette " anonymisation " partielle est justifiée par la préservation de la protection du secret des affaires et des données personnelles de personnes physiques, le juge des libertés et de la détention a mentionné dans sa requête ce qui suit.

Le Rapporteur général fait état d'éléments d'information selon lesquels la société nationale SNCF, notamment par l'intermédiaire de ses sociétés du groupe telles que SNCF Voyageurs, SNCF Voyages développement, SNCF Connect & Tech, SNCF Connect, SNCF Connect et Tech services, l'agence Oui.sncf, aurait mis en 'uvre des agissements susceptibles d'être qualifiés d'abus de position dominante dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, et ce, en violation des dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

La consultation de ces documents lui a permis de retenir les points suivants :

La SNCF, dont le capital est intégralement détenu par l'Etat, est un groupe verticalement intégré présent sur l'ensemble des secteurs économiques susmentionnés et a pour mission d'exploiter les services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national. La distribution des billets de train qui est une activité ouverte à la concurrence est assurée par des canaux directs - des services commerciaux dépendant directement de la société mère ou par ses filiales - et des canaux indirects - les agences de voyages agréées par la SNCF.

Il est affirmé que la SNCF occupe une position susceptible d'être qualifiée de dominante dans le secteur du fransport ferroviaire de voyageurs et dans celui de la distribution des billets de train au motif que, même si elle ne dispose plus du monopole légal des services conventionnés depuis décembre 2019 et commerciaux depuis décembre 2020, la pénétration de concurrents semble tout à fait marginale. Il est également indiqué qu'il en est de même s'agissant des services de transport ferroviaire transfrontalier de voyageurs et que SNCF serait en position monopolistique pour la fourniture de l'accès à son offre ferroviaire à destination des intermédiaires techniques et des distributeurs. Il est relaté qu'en 2014, l'Autorité de la concurrence a relevé que les canaux de SNCF détenaient environ 80 % de parts de marché sur le marché des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisirs (annexe 1 bis 1, 147, à la requête) et qu'en 2021, lors de l'examen d'une demande de révision d'engagements présentée par la SNCF, l'Autorité de la concurrence a relevé que ' les positions de SNCF restent prépondérantes sur ces deux marchés : en quasi-monopole de fait sur le transport de voyageurs et prééminente sur la distribution ' (annexe 1 bis 2, 41, à la requête).

Il est encore exposé que l'ART (anciennement ARAFER) souligne que ' le dynamisme de la concurrence pour le transport ferroviaire de voyageurs peut être accru en permettant à des acteurs de l'économie numérique, dits ' pure players ', de réaliser la comparaison d'offres de service et la distribution de titres. Ces plateformes, en servant d'intermédiaires entre, d'une part, les entreprises ferroviaires et, d'autre part, les consommateurs, présentent l'avantage d'offrir une comparaison complète et objective des offres existantes sur le marché, tout en réduisant les coûts de transaction pour les consommateurs dès lors que ces derniers ne sont plus obligés, dans ce cas, de mener de nombreuses comparaisons. De surcroît, ces plateformes permettent de réduire le déficit de notoriété qui pénalise les nouveaux entrants (annexe 2.1, page 21, à la requête). Il est noté que la Commission européenne relève que ' les vendeurs de billets et les entreprises ferroviaires devraient être en mesure de proposer des places sur un pied d'égalité, y compris longtemps avant le voyage en train. Ils devraient également être en mesure de proposer des billets attrayants sans se heurter à des barrières commerciales excessives, en bénéficiant d'un accès aux canaux de distribution de billets existants, aux données relatives aux billets et aux tarifs, ainsi qu'aux données et aux opérations des systèmes de réservation ' (annexe 2.2, page 15, à la requête).

Le juge des libertés et de la détention relève, en premier lieu : que les éléments d'information détenus par l'Autorité de la concurrence permettent de présumer que le groupe SNCF est susceptible d'avoir mis en 'uvre des pratiques tarifaires anticoncurrentielles ; que les distributeurs de billets de train puisent leur principale source de revenus dans les commissions reçues de la part de SNCF en contrepartie de la vente de ses billets ; que tous les trois ans, EDV et SNCF négocient un contrat d' agrément régissant les relations entre les opérateurs de voyages agréés et SNCF et qui précise les conditions de distribution de la plupart des billets de la SNCF à travers les contrats ; qu'une convention, qui y est annexée, prévoit notamment les conditions de rémunération des distributeurs agréés ; qu'une convention triennale est arrivée à échéance le 31 décembre 2022 ; que jusqu'à cette date, les commissions octroyées aux membres d'EDV en application du contrat cadre les liant à SNCF pour les ventes en France étaient de l'ordre de 3 % du prix du billet pour tous les produits SNCF, hors Ouigo (environ 0,5 % ou 0,7 %) et TER (4 %) (annexes 3.1, 6.1, 8.1, page 16, 8.2, page 7, 8.3, page 13, et 8.5, page 20, à la requête) ; qu'une nouvelle convention a été signée par EDV et SNCF pour une période de cinq ans à compter du 1er janvier 2023 ; qu'elle prévoit que les commissions s'élèveront à 3% du 1er janvier 2023 jusqu'à la mise à disposition de la gamme tarifaire Ouigo France dans les systèmes SNCF pour les intermédiaires technologiques, puis 2,9 % dès la mise à disposition de la gamme tarifaire Ouigo France dans les systèmes SNCF pour les intermédiaires technologiques jusqu' au 31 décembre 2024, puis 2,8 % pour les années 2025 et 2026 et 2,7 % pour l'année 2027 (hors cas particuliers tels que les gammes tarifaires Ouigo France et Eurostar, les tarifs domestiques négociés ou ceux exclus de toute contribution) ; que la contribution de la gamme tarifaire Ouigo France sera calculée suivant un taux de 1 % appliqué sur le montant des ventes nettes pour toute la durée de la convention (annexe 303, page 9, à la requête) ; que la baisse des commissions relatives à l'offre générale de la SNCF et le niveau plus faible de rémunération relative à l'offre Ouigo sont susceptibles d'avoir un effet d'éviction des concurrents ; que du montant de ces commissions doit être déduit le coût d'accès au portail d'accès aux offres (ci-après " PAO ") prévu dans les contrats conclus entre EDV et SNCF ; qu'en effet, les utilisateurs du PAO paient des redevances définies par une grille tarifaire dégressive, négociée par SNCF avec EDV et réévaluée tous les ans par SNCF Mobilités (devenue SNCF Voyageurs) (annexe 3.2 à la requête) ; que cette grille de référence est basée sur un calcul fondé sur le ' passager segment brut ' (ci-après 'PSEG') (annexe 5.1, page 3, à la requête) ; que le montant de prix PSEG varie selon des paliers en fonction des volumes de vente (annexe 5,1, page 26, à la requête).

Il est relevé que cette politique dégressive du niveau des commissions et la méthode de calcul des frais mensuels de maintenance et d'exploitation du PAO viseraient à favoriser les volumes importants et seraient de nature à favoriser la filiale de la SNCF - Oui.sncf (devenue SNCF Connect), premier distributeur de billets de train en France, en lui accordant un avantage concurrentiel non négligeable;

qu'en outre, des commissions variables sont négociées par chacun des distributeurs avec SNCF et des remises sont accordées notamment sur les frais d'émission et de développement à certains d'entre eux (annexes 5,1, pages 28 et 29, et 5.2, pages 44 et 45, à la requête) ; que de ce fait, les coûts d'accès au PAO ne sont probablement pas supportés de manière équitable par toutes les agences de voyage, certaines bénéficiant de rabais calculés sur la base de pourcentages appliqués au volume de PSEG réalisé.

Il est avancé qu'eu égard à ces éléments, il est possible que SNCF Connect bénéficie de conditions tarifaires plus avantageuses que les autres distributeurs ; que ces niveaux de rémunération seraient suffisamment comprimés pour générer un effet de ciseau tarifaire et produire un effet d'éviction des concurrents (annexe 4 à la requête).

En deuxième lieu, le juge des libertés et de la détention relève que la SNCF est susceptible d'avoir adopté des comportements discriminatoires relatifs, d'une part, à la distribution des offres promotionnelles et de certains types de billets régionaux et, d'autre part, à la distribution de l'offre Ouigo. Il est ainsi exposé qu'il ressort des pièces communiquées qu'en été 2020, la SNCF aurait refusé aux distributeurs indépendants la commercialisation de billets à petit prix et d'un 'passjeune ' ; qu'elle aurait justifié cette décision par la nécessité de développements informatiques dans des délais très courts qu'elle n'était pas en mesure de réaliser (annexes 7.2 et 7.3 à la requête) ; que l'offre TER n'est pas incluse dans la convention triennale conclue entre EDV et SNCF en 2019 à l'exception des TER en correspondance avec TGV-Intercités (annexe 3.1, page 5, à la requête) ; qu'en 2021, la SNCF aurait proposé à EDV et à des agences de voyage une connexion à une ' prise TER ' dont l'accès est payant selon une grille de prix unique permettant la distribution des billets régionaux, afin de respecter les obligations de la loi d'orientation des mobilités dite LOM (annexe 7.5 à la requête) ; qu'il ressort des pièces communiquées, qu'avant cette disposition de la loi applicable au 1 juillet 2021, la SNCF n'aurait pas donné accès à l'intégralité de l'offre TER aux agences de voyage alors qu'elle la commercialise de longue date via ses canaux digitaux directs (annexe 7.4 à la requête).

Il est encore exposé que l'offre Ouigo est commercialisée sur les sites sncf-connect.com et Ouigo.com; qu'elle n'était pas couverte par la convention cadre conclue entre EDV et SNCF appliquée jusqu'en décembre 2022 (annexe 3.1, page 5, à la requête) ; que les distributeurs indépendants devaient conclure des accords particuliers pour pouvoir la commercialiser ; que SNCF leur imposerait des conditions techniques spécifiques telles qu'une connexion directe au PAO ; que le niveau des commissions serait plus faible que celui appliqué à l'offre générale négocié par EDV (annexe 8 à la requête) ; que les commissions censées rémunérer la prestation de distribution des billets seraient si basses qu'une fois les coûts de distribution imputés, la rémunération de la prestation de distribution serait inférieure aux rémunérations de 4 % consenties aux partenaires affiliés se contentant de relayer l'offre en renvoyant vers les canaux de distribution de SNCF (annexe 8.5, page 43, à la requête) ; que par ailleurs, il existerait des restrictions applicables aux agences de voyage relatives à toute l'activité après-vente et aux méthodes de distribution (annexe 8.1 à la requête) et de paiement liées à l'offre Ouigo (annexe 8.3 à la requête) alors que celles-ci n'existeraient pas pour les autres types de billets SNCF commercialisés et ce, sans justification objective (annexes 5.3 et 8.1 à la requête).

Il est également avancé que le refus opposé par SNCF s'agissant de la distribution de certains produits et les conditions particulières imposées par SNCF aux distributeurs relatives à d'autres produits sont susceptibles de s'inscrire dans le cadre d'une stratégie commerciale de SNCF pour empêcher ou retarder le plus longtemps possible la commercialisation de ces produits par les agences de voyages tiers. La SNCF a invoqué des contraintes techniques relatives à la connexion des distributeurs tiers à l'offre régionale et à l'intégration de l'offre Ouigo dans son PAO mais que la réalité de ces contraintes reste à vérifier ; qu'au regard de la stratégie de croissance de l'offre low-cost proposée par Ouigo (annexe 8.6 à la requête), la stratégie de distribution décidée par SNCF est susceptible de constituer un comportement abusif.

En troisième lieu, le juge des libertés et de la détention ajoute que la qualité des services de réservation et d'information sur les trajets multimodaux des distributeurs indépendants dépend notamment de la précision, de la fiabilité et de l'actualisation en temps réel des données des opérateurs de transport et des gestionnaires d'infrastructure ; qu'une rétention des informations, au détriment des agences de voyages, sur les travaux futurs et les motifs des retards et des annulations pourrait être mise en 'uvre par la SNCF (annexes 11.1 et 11.2 à la requête) ; que les conditions restrictives dans lesquelles les agences de voyages peuvent avoir accès à certaines informations relatives aux retards et aux annulations sont susceptibles de limiter la diffusion d'informations en temps réel à leurs clients (annexes 11.1 et 11.3 à la requête).

En quatrième lieu, le juge des libertés et de la détention relève que les effets des comportements anticoncurrentiels présumés pourraient être renforcés par une confusion entre les activités de transporteur et de distributeur de SNCF qui se manifesterait par des renvois sur ses sites de distribution et ses applications ainsi que par la création d'un identifiant unique et la fusion d'applications informatiques du groupe SNCF (annexes 9, 10 et 12 à la requête).

Il est donc relevé que les différents types de comportements rapportés ci-dessus risquent, s'ils sont avérés, d'empêcher les distributeurs de billets de train tiers d'exercer normalement leur activité et de priver les consommateurs de services d'émission de billets, d'accès à des gammes complètes, et d'options combinant notamment les offres de plusieurs opérateurs de transport.

Il est considéré que la mesure de vérification demandée par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence aura pour objectif de confirmer ou d'infirmer l'existence de tels agissements.

Le juge des libertés et de la détention considère que l'ensemble de ces éléments d'information constituent les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un abus de position dominante de la SNCF dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, susceptible de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-2 du code de commerce, ce d'autant plus qu'ils présentent un certain nombre de similitudes avec des comportements déjà appréhendés par l'Autorité de la concurrence dans ses décisions n° 09-D-06 relative à des pratiques mises en 'uvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne et n° 14-D1 1 du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de billets de train (annexes 1 bis 1 et 1 bis 3 à la requête). Il est considéré en outre que si la pratique illicite présumée peut toucher potentiellement l'ensemble du territoire national, elle est également susceptible d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres et de relever ainsi de l'application de l'article 102 du TFUE.

Il est indiqué que la portée de ces présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE et le juge des libertés et de la détention considère que la recherche de la preuve de cette pratique apparaît justifiée. Il est en outre relevé que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d' abus de position dominante n'est pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations de la pratique prohibée dont la preuve est recherchée dans les secteurs concernés ; qu'au surplus, rien n'interdit de retenir, comme éléments de présomptions des faits non prescrits, des documents ou des éléments d'informations datant de plus de 5 ans (annexe 16 à la requête).

Il est donc affirmé que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons. En effet, les comportements suspectés pouvant constituer un abus de position dominante, reposent nécessairement sur des stratégies établies de manière secrète au sein du goupe SNCF, de sorte que les documents nécessaires à la preuve de la pratique prohibée sont vraisemblablement détenus et conservés en des lieux et sous des formes qui facilitent leur dissimulation, destruction ou altération en cas de vérification.

Dans ces conditions, il est considéré que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché alors qu'en outre les opérations de visite et de saisie sollicitées n'apparaissent pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre puisque les intérêts et droits de l'entreprise SNCF concernée sont garantis dès lors que les pouvoirs des agents mentionnés à l'article L. 450-1 du code de commerce sont utilisés sous son contrôle.

Il est rappelé que le juge peut, en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, autoriser des visites et saisies en tous lieux dès lors qu'il constate que des documents se rapportant à des pratiques anticoncurrentielles présumées sont susceptibles de s'y trouver (annexe 15 à la requête).

Aux termes de la requête qui lui a été présentée, le juge des libertés et de la détention considère qu'il est vraisemblable que les documents et les supports d'information utiles à l'apport de la preuve recherchée se trouvent dans les locaux des différentes filiales de la SNCF ; que dès lors que les locaux de l'ensemble de ces sociétés sont situés en des lieux différents, il est nécessaire de permettre aux agents mentionnés à l'article L. 450-1 du code de commerce d'intervenir simultanément afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels de preuve.

La requête du rapporteur général apparaissant fondée, il y a été fait droit.

LA PROCÉDURE :

La Société nationale SNCF, la société SNCF Voyageurs, la société SNCF voyages développement, la société SNCF Connect, la société SNCF Connect & Tech la société SNCF Connect & Tech Services ont interjeté appel de cette ordonnance le 11 mai 2023 et exerçaient des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie le même jour.

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 27 mars 2024.

- Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 18 mars 2024, au visa des articles 6 et 8 de la CESDH, 9 du code civil, 7, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article L. 450-4 du code de commerce et des articles L. 420-1 du code de commerce et 102 TFUE, les sociétés appelantes demandent au Premier président de la cour d'appel de Paris de bien vouloir :

A titre principal,

- Annuler l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention près le Tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mars 2023 et tous ses actes subséquents, à savoir, l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention près le Tribunal judiciaire de Bobigny du 24 mai 2023 et l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention près du Tribunal judiciaire de Bobigny du 12 juin 2023 ;

- En conséquence, ordonner la restitution effective aux sociétés requérantes de l'intégralité des pièces saisies dans leurs locaux, aucune copie ou original ou présence physique sur un quelconque support ne pouvant être conservé ou utilisé par une autre personne ou autorité que son propriétaire ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mars 2023 et tous ses actes subséquents ;

et

- Statuant à nouveau, de réformer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention près le Tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mars 2023 et tous ses actes subséquents pour en limiter le champ d'application aux seules pratiques alléguées dans le secteur de la distribution de services et de produits d'agence de voyages et des systèmes et outils de mobilité après 2018 ;

- En conséquence, ordonner la restitution effective aux sociétés requérantes de l'intégralité des pièces saisies dans leurs locaux ne visant pas le secteur de la distribution de services et de produits d'agence de voyages et des systèmes et outils de mobilité et antérieures à 2018, aucune copie ou original ou présence physique sur un quelconque support ne pouvant être conservé ou utilisé par une autre personne ou autorité que son propriétaire ;

En tout état de cause, condamner l'Autorité de la concurrence au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à parfaire et aux dépens.

- Dans ses observations en date du 28 février 2024, l'Autorité de la concurrence demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de bien vouloir :

- Confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 20 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Bobigny ;

- rejeter la demande de restitution de l'intégralité des pièces saisies dans les locaux de la SNCF et de ses filiales ;

- rejeter la demande, à titre subsidiaire, de limitation du champ de l'ordonnance d'autorisation aux secteurs de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité et à la période postérieure à 2018 ;

- condamner la SNCF et ses filiales au paiement de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIVATION

L'APPEL :

Sur le moyen selon lequel la requête de l'autorité était infondée au regard de l'article L. 450-4 alinéa 2, du code de commerce

Les sociétés appelantes soutiennent que les opérations de visite domiciliaire ont été diligentées en contradiction totale avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les principes généraux du droit européen, du fait de la transposition de la Directive ECN+, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, mais également la jurisprudence des juridictions françaises, qui conditionnent toute violation par l'Autorité du respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile des entreprises à l'existence d'indices sérieux et probants de présomptions de pratiques anticoncurrentielles. En l'espèce, il est soutenu que l'Autorité ne disposait pas d' 'indices suffisamment sérieux et probants', qu'ils soient analysés isolément ou ensemble, pour justifier d'une telle violation des droits de SNCF. Il est ainsi argué que ni les rapports d'Autorités de concurrence ou de régulation, ni les décisions passées de l'Autorité, ni les articles de presse, les contrats et courriers attachés au contrat, les notes internes de l'Autorité ou encore les sommaires des plaintes de concurrents ne sont susceptibles de constituer des indices suffisamment sérieux des pratiques reprochées à SNCF et ses filiales.

Les sociétés appelantes soutiennent que les éléments repris à l'ordonnance, pris dans leur ensemble ne constituent en aucun cas des indices sérieux et suffisants permettant de caractériser des présomptions de pratiques d'abus de position dominante contre SNCF pour les raisons suivantes :

- Premièrement, la requête repose sur des documents publics et librement accessibles tels que des rapports sur le fonctionnement du marché, des articles de presse ou des décisions passées de l'Autorité qui ne tendent pas à confirmer l'existence de pratiques anticoncurrentielles, dont le contenu est explicité dans les écritures des appelantes, qui ne permettrait pas de les considérer comme des présomptions valables et auxquel il sera référé (n° 39 à 42).

Deuxièmement, les éléments produits par les plaignantes annexés à la requête ne fourniraient aucun indice sérieux de comportements anticoncurrentiels mis en 'uvre par SNCF. Il est argué que les deux conventions conclues entre EDV et SNCF, soit la Convention EDV/SNCF du 18 novembre 2019 applicable à compter du 1er janvier 2020 (Annexe n° 3.1 à l'Ordonnance, Pièce n° 17) et la Convention EDV/SNCF de 2022 applicable à compter du 1er janvier 2023 (Annexe n° 3.3 à l'Ordonnance, Pièce n° 18), ainsi que les grilles tarifaires correspondantes, et les courriers de négociation se rapportant à la signature de cette dernière convention, au même titre que les contrats conclus entre Trainline et SNCF tels que le Contrat "d'accès au PAO" du 16 décembre 2020 (Annexe n° 5.1 à l'Ordonnance, Pièce n° 19), le Contrat "de fourniture de distribution d'une solution de services" du 5 avril 2019 (Annexe n° 5.2 à l'Ordonnance, Pièce n° 20), le Contrat "d'agrément opérateur de voyages et de séjours" du 4 mars 2019 (Annexe n° 5.3 à l'Ordonnance, Pièce n° 21) et l'accord commercial 2022 "sur le périmètre France" du 20 mai 2022 (Annexe n° 5.4 à l'Ordonnance, Pièce n° 22), sont insusceptibles de démontrer les pratiques anticoncurrentielles présumées. En effet, outre que ces éléments ne permettent d'aucune manière de déduire "un effet d'éviction des concurrents" ou une méthode de calcul visant "à favoriser la filiale de SNCF", ils prouvent que les niveaux de commission ont fait l'objet d'une négociation entre SNCF et EDV, d'une part, et SNCF et Trainline, d'autre part.

Les sociétés appelantes soutiennent donc que ces documents ne sont pas susceptibles de faire naitre une présomption selon laquelle la politique dégressive du niveau des commissions et la méthode de calcul des frais mensuels de maintenance et d'exploitation du PAO viserait à favoriser les volumes importants et serait de nature à favoriser la filiale de SNCF. Plus précisément, dans leurs écritures (n° 43), les sociétés appelantes soutiennent que les deux plaintes, l'une reçue des EDV, l'autre de Trainline (Annexe n° 14.1 à l'Ordonnance, Pièce n° 3 et Annexe n° 14.2 à l'Ordonnance, Pièce n° 4) sont anciennes comme datant respectivement du 28 mars 2022 et du 22 juillet 2022. Surtout, l'Autorité n'a pas présenté au JLD les plaintes elles-mêmes, mais des sommaires et la liste des pièces de ces plaintes. Il est encore argué à ce sujet que les plaintes ont été adressées respectivement neuf et six mois avant la signature de la Convention EDV/SNCF de 2022 applicable à compter du 1er janvier 2023 (Annexe n° 3.3 à l'Ordonnance, Pièce n° 18), alors que la requête de l'Autorité ne mentionne pas du fait que, durant cette période, les négociations se sont poursuivies entre les parties et ont abouti à accorder un taux de commission plus élevé que celui qui avait initialement été proposé. Sur le même registre, il est encore fait grief à l'Autorité de ne pas avoir mentionné que ' la politique dégressive du niveau des commissions et la méthode de calcul des frais mensuels de maintenance et d'exploitation du PAO', qui serait selon l'Autorité ' ' de nature à favoriser la filiale de la SNCF ['] en lui accordant un avantage concurrentiel non négligeable ', n'est autre que la grille WDI (devenu PAO), bien connue des services de l'Autorité puisqu'elle était au c'ur de l'affaire ayant donné lieu à la décision n° 14 D-11 du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de billets de train (Annexe n° 1.1 à l'Ordonnance, Pièce n° 14). Enfin, en page 18 des écritures des appelantes, il est fait grief à l'Autorité de s'appuyer sur des pratiques ou des éléments également validés par la décision n° 14-D-11 de l'Autorité du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de billets de train ou créés pour l'appliquer (existence de renvois entre SNCF et son distributeur SNCF Connect , échanges entre Kombo et SNCF Voyageurs (Annexe n° 12.2 à l'Ordonnance, Pièce n° 39).

Troisièmement, les sociétés appelantes soutiennent que la prétendue analyse du service économique de l'Autorité relative aux pratiques de ciseau tarifaire (Annexe n° 4 à l'Ordonnance, Pièce n° 24) est insusceptible de caractériser une quelconque présomption de pratique anticoncurrentielle, dès lors qu'elle n'est donc en pratique qu'un ' indice ' construit de toute pièce par l'Autorité. Cette analyse présente en outre, un graphique montrant l'évolution à la baisse du taux de commission de base versé par SNCF aux entreprises du voyage sur la période 2001-2007, soit une période largement antérieure aux pratiques alléguées.

Quatrièmement, il est fait grief à la requête de ne prendre pas en compte les éléments remettant en cause les présomptions d'infraction. Les appelants soutiennent que le refus de la distribution du 'Pass Jeune' a été justifié par des raisons objectives par SNCF, soit que les développements du système informatique étaient en l'état trop complexes et longs à mettre en 'uvre (Annexe 7.3 à l'Ordonnance, Pièce n° 25). Il est prétendu que les éléments annexés à la requête démontreraient que, dès le départ, SNCF a montré son intention de permettre la distribution de ce "pass" par les EDV (Annexe n° 7.2 à l'Ordonnance, Pièce n° 26 et Annexe n° 7.3 à l'Ordonnance, Pièce n° 25) et la distribution de ce pass a été ouverte dix mois plus tard grâce à la mise en place d'un service permettant cette vente (Annexe n° 7.5 à l'Ordonnance, Pièce n° 27).

Dans cette partie de leur argumentation, les appelants soulignent que l'Autorité semble vouloir s'attacher à démontrer la culpabilité de SNCF en présentant de manière erronée des éléments relatifs au 'Pass Jeune'et à l'offre Ouigo (pages 20 et 21).

- L'Autorité de la concurrence, dans ses observations, rappelle que l'article L. 450-4 alinéa 6 du code de commerce offre une voie de recours devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris concernant exclusivement la légalité de l'ordonnance d'autorisation. Par conséquent, toute discussion relative à la requête est inopérante dès lors que celle-ci ne constitue qu'une simple demande du Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence qui ne pourrait recevoir aucune suite en l'absence de l'ordonnance d'autorisation du JLD. L'Autorité de la concurrence soutient en outre que le juge des libertés et de la détention a bien vérifié l'existence du bien-fondé de la requête et a formulé plusieurs présomptions de comportements anticoncurrentiels de la SNCF et de ses filiales, qu'elle analyse une par une dans ses écritures auxquelles il sera référé (p. 4 à 52), en réponse aux arguments contraires développés par les appelantes. L'Autorité de la concurrence rappelle qu'en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, le juge des libertés et de la détention n'a pas à instruire à charge ou à décharge, mais qu'il doit simplement vérifier, de manière concrète, par l'appréciation des d'éléments d'information qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur une ou plusieurs simples présomptions de fraude, sans d'ailleurs être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écarte. Elle souligne que la technique du faisceau d'indices reconnue par la jurisprudence permet d'établir l'existence de présomptions d'agissements illicites, en présence de plusieurs indices, alors même que de tels indices pris individuellement ne seraient pas suffisants pour établir une telle présomption.

- Le ministère public est d'avis qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a intégralement rempli son rôle en s'assurant d'abord de la recevabilité de la requête, puis du caractère suffisant des faits exposés par l'Autorité de la concurrence à l'appui de sa requête, à savoir des soupçons de comportements illicites dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et de systèmes et outils numériques de mobilité. Son ordonnance décrit et analyse la requête et ses 59 annexes (pages 5 à 9 de l'ordonnance), cette analyse se concluant par l'existence des premiers éléments d'un faisceau d'indices solides laissant présumer l'existence de quatre agissements anticoncurrentiels :

- des pratiques tarifaires anticoncurrentielles,

- des comportements discriminatoires relatifs à la distribution d'offres promotionnelles et de certains types de billets régionaux et la distribution de l'offre Ouigo ;

- une rétention d'informations mise en 'uvre par la SNCF au détriment des entreprises du voyage ;

- une confusion entre les activités de transporteur et de distributeur de la SNCF.

Le ministère public rappelle qu'au stade de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, selon la jurisprudence constante, il est inutile de caractériser des ' présomptions précises, graves et concordantes ' au sens de l'article 1382 du code civil, de simples présomptions de pratiques prohibées suffisant, sans aucunement préjuger sur le fond du dossier, qui n'est pas en jeu à ce moment. De même, la seule exigence quant aux documents communiqués à l'appui de la requête est que la licéité de ces derniers ne soit pas sérieusement contestée, peu important leur forme, leur source leur caractère inédit, secret ou connu. Il est conclu que le moyen d'annulation ne pourra donc qu'être rejeté.

Sur ce, le magistrat délégué :

En premier lieu, s'agissant de la référence par les appelantes aux articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles (" CESDH ") et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la " Charte "), il convient de rappeler que l'article L. 450-4 du code de commerce qui énonce que : ' Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'économie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.(...); Le juge vérifie que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée., est entouré de garanties procédurales, en particulier outre une autorisation judiciaire préalable et le contrôle du juge, la possibilité de recours à l'encontre de la décision d'autorisation et de contester le déroulement des opérations de visite et de saisie (voir Cons. conc. n° 08-D-30 du 4 déc. 2008 : CCC 2009, n° 56, obs. [F].).

Il a ainsi été jugé postérieurement à l'arrêt RAVON contre France (CEDH 21 févr. 2008, Ravon et a. c/ France, req. n° 18497/03) que les dispositions de l'article L. 450-4 assurent un contrôle effectif, par le juge, de la nécessité de chaque visite et lui donnent les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents portant notamment sur la saisie, par l'Administration, de documents de nature personnelle, confidentielle ou couverts par le secret professionnel et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment (..) ( Crim. 27 juin 2012, n° 12-90.028). En outre, d'une part, l'article L. 450-4 du code de commerce renvoie expressément à l'article L. 450-1, lequel permet de définir avec suffisamment de précision le cadre des enquêtes dans lesquelles les agents de l'administration peuvent procéder sur le fondement de ce texte aux opérations de visites et de saisies, soit les enquêtes liées à l'application des titres II et III du livre IV du code de commerce, destinées à rechercher les preuves de pratiques anticoncurrentielles ou d'opérations de concentration prohibées. D'autre part, selon l'interprétation de ce texte par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le juge du fond doit exercer un contrôle effectif sur les présomptions de pratiques prohibées et les agissements dont la preuve est recherchée. (Crim. 9 déc. 2020, n° 20-83.001).

En outre, l'article 7 de la Charte selon lequel ' Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.', est applicable aux Etats membres lorsqu'ils mettent en 'uvre le droit de l'Union (article 51, paragraphe 1 de la Charte), ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; la référence à l'article 102 du TFUE dans l'ordonnance n'impliquait pas la mise en 'uvre des pouvoirs d'enquête du règlement n° 1/2003, mais bien ceux de l'article L. 450-4 du code de commerce, dès lors que la référence à l'article 102 du TFUE avait pour objet de préciser que les pratiques prohibées présumées étaient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres. De surcroît, l'article 52 paragraphe 3 de la Charte, énonce que ' dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CESDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention ', d'ou il suit qu'une éventuelle violation de l'article 7 de la Charte devrait être également analysée de la même manière qu'une prétendue violation de l'article 8 de la CESDH, ainsi qu'il sera vu plus loin.

En second lieu, il convient de rappeler qu'au stade de l'ordonnance d'autorisation, qui ne se fonde que sur la réunion de simples indices et non de 'présomptions précises, graves et concordantes', il n'y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou telle infraction sont réunis. Le juge doit se limiter à apprécier si, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions simples d'agissements prohibés sans qu'il soit nécessaire d'exiger une preuve suffisante de chacun d'eux pris isolément (Cass crim, 8 novembre 2017, n° 16-84525 ; n° 16-84531).

A ce stade de l'enquête, de simples présomptions de l'existence de pratiques anticoncurrentielles suffisent donc pour fonder l'autorisation délivrée. Il convient de rappeler en effet, qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de l'existence de pratiques anticoncurrentielles (ou démontrer la réalité de celles-ci), mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

Il est constant en outre qu'il suffit au juge des libertés et de la détention de ne retenir qu'un seul indice laissant apparaître de simples présomptions d'agissements prohibés pour lui permettre de délivrer une ordonnance d'autorisation de visite et de saisie.

- Sur le fait que le document repose en partie sur des documents publics, il convient de rappeler que le juge des libertés et de la détention a relevé que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation d'études, d'avis, de sites Internet et de banques de données électroniques accessibles au public ; ce qui n'est pas contesté. Il ressort en outre de la procédure que sur 59 documents présentés, s'ils sont classés par sources, seulement 24 d'entre eux sont accessibles en ligne ou émanant de l'Autorité de la concurrence (articles de presse ; communication, de la Commission européenne, décisions, notes e rapports d'autorités, décisions de justice, extraits du site intranet de la SNCF), tandis que 23 documents sont relatifs aux sociétés concernées (échanges de courriers ou courriels, contrats), deux documents sont des constats ou des procès-verbaux et 10 documents sont nécessaires à la procédure (demande d'enquête du rapporteur, extraits de Kbis, extraits de saisine).

Le grief selon lequel des documents sont publics et librement accessibles est en l'espèce inopérant. Les pièces annexées à la requête constituent un tout cohérent en l'espèce et un faisceau d'indices et les considérer séparément ou en distinguer, comme les appelantes y prétendent, les documents publics des autres, n'est pas pertinent pour ce motif. Il est ainsi usuel que les faisceaux d'indices sur lesquels reposent les ordonnances d'autorisation, comme en l'espèce, soient fondés à la fois sur des documents accessibles publiquement et des documents émanant des sociétés plaignantes lors de saisines de l'Autorité de la concurrence ainsi que des témoignages. Cette circonstance ne permet pas de déterminer que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas exercé, en l'espèce, de contrôle sur le bien-fondé de la requête. Dans ce cadre et pour les mêmes motifs, il est loisible à ce juge de se fonder sur des documents, comme en l'espèce, établis par l'Autorité elle-même, tels ses propres décisions ou des analyses économiques.

- Sur les griefs selon lesquels les éléments produits par l'Autorité, y inclus ceux produits par les plaignantes, ne constituent pas des indices sérieux de comportement anticoncurrentiels mis en oeuvre par la SNCF et ses filiales, il convient de rappeler qu'à ce stade, celui de l'ordonnance d'autorisation des visites domiciliaires, le juge des libertés et de la détention n'a pas à prouver que l'élément matériel de la pratique prohibée était caractérisée. Il est inopérant de soutenir d'une part, que les plaintes des EDV et de Trainline respectivement datées du 28 mars 2022 et du 22 juillet 2022 soient 'anciennes' comme allégué par les appelantes et, n'aient pas été entièrement communiquées au juge des libertés et de la détention, qui n'a pas à en connaître et ne se prononce pas sur leur bien-fondé, dès lors qu'il n'est pas le juge du fond. Ce juge doit seulement apprécier si les éléments fournis constituent des indices d'une pratique anticoncurrentielle. La circonstance que ces mêmes plaintes soient antérieures à la requête de l'Autorité ne signifie pas que les griefs des EDV et de Trainline articulés dans ses plaintes, nonobstant la conclusion postérieure de convention entre elles et la SNCF, ne subsistent pas dans le chef des plaignantes.

Il n'existe aucune obligation pour l'Autorité de produire des pièces qui seraient considérées comme à décharge par les appelantes. Le juge des libertés et de la détention n'a pas non plus à instruire à charge et à décharge, mais doit seulement vérifier, de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur une ou de simples présomptions suffisantes de fraude, sans être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écarte (Cass com, 8 décembre 2009, n° 08-21017).

Le fait que l'ordonnance d'autorisation se réfère à des pratiques ayant donné lieu à des constats ou des engagements de la SNCF dans le cadre de la Décision n° 14-D-11 de l'Autorité du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des billtes de train (application de la grille WDI, échanges concernant Combo et SNCF Voyageurs, existence de renvois entre la SNCF et son distributeur SNCF Connect et offre OUIGO ex. IdTGV) n'est pas de nature à écarter ou exonérer ces faits du champ de la recherche de l'existence de pratiques prohibées.

Sur le troisième grief selon lequel le prétendue analyse du service économique relative aux pratiques de ciseaux tarifaire de l'Autorité est insusceptible de caractériser une présomption de pratique anticoncurrentielle, il convient de rappeler qu'il est loisible à l'Autorité de produire des éléments qu'elle a constitués elle-même, comme en l'espèce. En effet, si à lui seul ce seul élément ne peut constituer un indice susceptible de présumer de l'existence de la pratique anticoncurrentielle recherchée, il contribue à éclairer les autres indices présentés.

- Sur le grief selon lequel la requête ne prend pas en compte les éléments remettant en cause les présomptions d'infraction, il convient de nouveau de rappeler que les éléments mis en avant par la SNCF et ses filiales dans ses écritures concernant ces points ne remettent pas en cause le fait que 'OUI' devenue SNCF Connect ait été traitée comme les agences de voyage ne remet pas en cause l'existence de cet élément comme indice d'une pratique prohibée, ainsi qu'il sera vu ci-dessous.

Il en est de même des éléments présentés par la SNCF et ses filiales (p. 21) qui remettraient en cause les allégations de pratiques anticoncurrentielles formulées par l'Autorité.

En outre, l'ensemble de ces faits justificatifs présentés par la SNCF concernant le ' Pass Jeune ' dans ses écritures (n°45) n'ont pas à être validés par le juge des libertés et de la détention qui ne se prononce pas sur le fond ; outre le fait que les éléments mis en avant par les sociétés appelantes ne lui ayant pas permis d'étendre aux EDV le 'Pass Jeune', en raison de contraintes techniques qui ne sont pas établies.

En l'espèce, s'agissant des éléments caractérisant l'existence de présomptions d'agissement frauduleux retenus par le juge des libertés et de la détention, la décision d'autorisation querellée mentionne par une appréciation pertinente des éléments du dossier qui lui a été présenté et que cette juridiction fait sienne ce qui suit :

Il est affirmé que la SNCF occupe une position susceptible d'être qualifiée de dominante dans le secteur du fransport ferroviaire de voyageurs et dans celui de la distribution des billets de train au motif que même si elle ne dispose plus du monopole légal des services conventionnés depuis décembre 2019 et commerciaux depuis décembre 2020, la pénétration de concurrents semble tout à fait marginale.

Il est relaté qu'en 2014, l'Autorité de la concurrence a relevé que les canaux de SNCF détenaient environ 80 % de parts de marché sur le marché des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisirs (annexe 1 bis 1, 147, à la requête) et qu'en 2021, lors de l'examen d'une demande de révision d'engagements présentée par la SNCF, l'Autorité de la concurrence a relevé que ' les positions de SNCF restent prépondérantes sur ces deux marchés : en quasi-monopole de fait sur le transport de voyageurs et prééminente sur la distribution ' (annexe 1 bis 2, 41, à la requête).

Le juge des libertés et de la détention relève à juste titre, en premier lieu : que les éléments d'information détenus par l'Autorité de la concurrence permettent de présumer que le groupe SNCF est susceptible d'avoir mis en 'uvre des pratiques tarifaires anticoncurrentielles à travers :

- le contrat d' agrément négocié tous les trois ans entre EDV et SNCF et régissant les relations entre les opérateurs de voyages agréés et SNCF, qui précise les conditions de distribution de la plupart des billets de la SNCF ainsi qu'une convention, qui y est annexée, qui prévoit notamment les conditions de rémunération des distributeurs agréés (annexes 3.1, 6.1, 8.1, page 16, 8.2, page 7, 8.3, page 13, et 8.5, page 20, à la requête) ;

- les conditions figurant dans la convention triennale signée par EDV et SNCF pour une période de cinq ans à compter du 1er janvier 2023, qui prévoient que les commissions s'élèveront à 3% du 1er janvier 2023 jusqu'à la mise à disposition de la gamme tarifaire Ouigo France dans les systèmes SNCF pour les intermédiaires technologiques mais seront ensuite réduites jusqu'à 2.7% en 2027 (hors cas particuliers tels que les gammes tarifaires Ouigo France et Eurostar, les tarifs domestiques négociés ou ceux exclus de toute contribution) alors que la contribution de la gamme tarifaire Ouigo France sera calculée suivant un taux de 1 % appliqué sur le montant des ventes nettes pour toute la durée de la convention (annexe 303, page 9, à la requête) ;

- le coût d'accès au portail d'accès aux offres (ci-après " PAO ") prévu dans les contrats conclus entre EDV et SNCF vient en déduction du montant de ces commissions puisque les utilisateurs du PAO paient des redevances définies par une grille tarifaire dégressive, négociée par SNCF avec EDV et réévaluée tous les ans par SNCF Mobilités (devenue SNCF Voyageurs) (annexe 3.2 à la requête) ; alors que cette grille de référence est basée sur un calcul fondé sur le ' passager segment brut ' (ci-après 'PSEG') en sorte que le montant de prix PSEG varie selon des paliers en fonction des volumes de vente (annexe 5.1, page 3, à la requête et annexe 5,1, page 26, à la requête).

Le juge des libertés et de la détention relève ainsi que la baisse des commissions relatives à l'offre générale de la SNCF et le niveau plus faible de rémunération relative à l'offre Ouigo sont susceptibles d'avoir un effet d'éviction des concurrents. En outre, les coûts d'accès au PAO ne sont probablement pas supportés de manière équitable par toutes les agences de voyage, certaines bénéficiant de rabais calculés sur la base de pourcentages appliqués au volume de PSEG réalisé (annexes 5,1, pages 28 et 29, et 5.2, pages 44 et 45, à la requête).

Le juge des libertés et de la détention relève ainsi que cette politique dégressive du niveau des commissions et la méthode de calcul des frais mensuels de maintenance et d'exploitation du PAO viseraient à favoriser les volumes importants et seraient de nature à favoriser la filiale de la SNCF - Oui.sncf (devenue SNCF Connect), premier distributeur de billets de train en France, en lui accordant un avantage concurrentiel non négligeable.

En second lieu, le juge des libertés et de la détention relève à juste titre que les éléments d'information détenus par l'Autorité de la concurrence permettent de présumer que le groupe SNCF est susceptible d'avoir mis en 'uvre des pratiques tarifaires anticoncurrentielles également à travers les éléments suivants :

- la SNCF est susceptible d'avoir adopté des comportements discriminatoires relatifs, d'une part, à la distribution des offres promotionnelles et de certains types de billets régionaux et, d'autre part, à la distribution de l'offre Ouigo :

- en 2020, la SNCF aurait refusé aux distributeurs indépendants la commercialisation de billets à petit prix et d'un 'passjeune ' au motif de la nécessité de développements informatiques dans des délais très courts qu'elle n'était pas en mesure de réaliser (annexes 7.2 et 7.3 à la requête) ;

- avant la loi d'orientation des mobilités dite LOM (annexe 7.5 à la requête) applicable au 1 juillet 2021, la SNCF n'aurait pas donné accès à l'intégralité de l'offre TER aux agences de voyage alors qu'elle la commercialise de longue date via ses canaux digitaux directs (annexe 7.4 à la requête).

- l'offre Ouigo, commercialisée sur les sites sncf-connect.com et Ouigo.com, n'était pas couverte par la convention cadre conclue entre EDV et SNCF appliquée jusqu'en décembre 2022 (annexe 3.1, page 5, à la requête) ; les distributeurs indépendants devaient conclure des accords particuliers pour pouvoir la commercialiser dans le cadre de laquelle la SNCF leur imposerait des conditions techniques spécifiques (une connexion directe au PAO) ; le niveau des commissions serait plus faible que celui appliqué à l'offre générale négocié par EDV (annexe 8 à la requête) ; les commissions censées rémunérer la prestation de distribution des billets seraient si basses qu'une fois les coûts de distribution imputés, la rémunération de la prestation de distribution serait inférieure aux rémunérations de 4 % consenties aux partenaires affiliés se contentant de relayer l'offre en renvoyant vers les canaux de distribution de SNCF (annexe 8.5, page 43, à la requête) ; il existerait des restrictions applicables aux agences de voyage relatives à toute l'activité après-vente et aux méthodes de distribution (annexe 8.1 à la requête) et de paiement liées à l'offre Ouigo (annexe 8.3 à la requête) alors que celles-ci n'existeraient pas pour les autres types de billets SNCF commercialisés et ce, sans justification objective (annexes 5.3 et 8.1 à la requête).

Le juge des libertés et de la détention relève donc à juste titre que le refus opposé par SNCF s'agissant de la distribution de certains produits et les conditions particulières imposées par SNCF aux distributeurs relatives à d'autres produits sont susceptibles de s'inscrire dans le cadre d'une stratégie commerciale de SNCF pour empêcher ou retarder le plus longtemps possible la commercialisation de ces produits par les agences de voyages tiers.

En troisième lieu, le juge des libertés et de la détention relève que les effets des comportements anticoncurrentiels présumés pourraient être renforcés par une confusion entre les activités de transporteur et de distributeur de SNCF qui se manifesterait par des renvois sur ses sites de distribution et ses applications ainsi que par la création d'un identifiant unique et la fusion d'applications informatiques du groupe SNCF (annexes 9, 10 et 12 à la requête). Il est donc relevé que les différents types de comportements rapportés ci-dessus risquent, s'ils sont avérés, d'empêcher les distributeurs de billets de train tiers d'exercer normalement leur activité et de priver les consommateurs de services d'émission de billets, d'accès à des gammes complètes, et d'options combinant notamment les offres de plusieurs opérateurs de transport.

Il résulte de tout ce qui précède que les éléments décrits ci-dessus et relevés dans l'ordonnance entreprise constituent les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un abus de position dominante de la SNCF dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, susceptible de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-2 du code de commerce, alors en outre qu'il est relevé qu'ils présentent un certain nombre de similitudes avec des comportements déjà appréhendés par l'Autorité de la concurrence dans ses décisions n° 09-D-06 relative à des pratiques mises en 'uvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne et n° 14-D1 1 du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de billets de train (annexes 1 bis 1 et 1 bis 3 à la requête).

C'est ainsi que la SNCF et ses filiales, dans leurs écritures, analysent séparément chaque annexe à la requête pour en critiquer la pertinence au regard des soupçons pesant sur ses activités et au regard de l'autorisation donnée. Toutefois, conformément à l'article L 450-4 du code de commerce et de la jurisprudence établie, le juge des libertés et de la détention s'est fondé, ainsi qu'il a été démontré précédemment, sur un faisceau d'indices qui englobe l'ensemble des annexes à la requête produites et en particulier les annexes précitées, laissant présumer l'existence d'un risque de pratique anticoncurrentielle à l'encontre des appelantes résultant de leurs pratiques dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité.

Le moyen pris en toutes ses branches sera écarté.

Sur l'absence de contrôle effectif par la juge des libertés et de la détention du bien-fondé de la demande d'autorisation

- Les sociétés appelantes font grief à l'ordonnance de ne pas contenir d'éléments d'appréciation des éléments soumis par le Rapporteur général, ni aucune analyse de leur valeur probante. Il est soutenu qu'en effet, l'ordonnance reproduit mot pour mot les termes de la requête sans jamais en apprécier la pertinence au regard des éléments soumis à son soutien. Il est allégué que si tel avait été était le cas, le juge des libertés et de détention aurait notamment constaté que les allégations de l'Autorité ne sont pas étayées par des pièces révélant des indices suffisamment sérieux des pratiques anticoncurrentielles soupçonnées. Il est encore soutenu que l'administration n'a pas communiqué l'ensemble des documents utiles en sa possession pour fonder son autorisation. Les appelantes, comme précédemment, font valoir que de nombreuses allégations reposent sur des documents publics (rapports, articles de presse, etc.) ne comprenant aucun indice sur les pratiques alléguées mais que les rares documents qui pourraient le cas échéant contenir des éléments sur les pratiques alléguées, tels que les deux plaintes, ne sont pas annexés dans leur totalité à la requête (Annexe n° 14.1 à l'ordonnance, Pièce n° 3 et Annexe n° 14.2 à l'ordonnance, Pièce n° 4) et seuls quelques extraits de deux pages ne présentant aucun élément précis et circonstancié sur les pratiques ou présentant des éléments illisibles (Annexe n° 8.5 à l'Ordonnance, Pièce n° 30) sont joints à l'ordonnance.

- L'autorité de la concurrence réplique qu'en l'espèce, les annexes à la requête sont bien listées et décrites succinctement en pages 2 à 5 de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui a pris le soin d'analyser et d'indiquer, pour chaque élément de fait fondant son appréciation, ainsi que pour les citations reprises dans l'ordonnance, l'annexe à la requête dont ils sont issus. Sur la critique des appelantes portant sur le fait que ce juge n'aurait pas effectué de contrôle de cohérence approfondi en autorisant la mesure de vérification demandée dans leurs locaux, l'Autorité réplique que les juges sont habitués à traiter des dossiers fournis en quelques heures, alors qu'en l'espèce, le dossier a été présenté au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny le 10 mars 2023 pour l'obtention de l'autorisation judiciaire qui n'est intervenue que le 20 mars 2023, alors que ce dossier n'était pas particulièrement volumineux (59 annexes à la requête). L'Autorité soutient que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a parfaitement procédé au contrôle de la cohérence des éléments qui lui ont été soumis dans sa requête et au contrôle du bien-fondé de la demande d'autorisation.

Il est encore affirmé que dans son ordonnance du 20 mars 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny n'a commis aucune erreur matérielle, ni ajouté des éléments d'information qui ne figuraient pas dans les annexes à la requête ou fait une analyse inexacte de celles-ci. L'Autorité rappelle qu'il convient de ne pas faire d'amalgame entre la technique du " faisceau d'indices", utilisée au stade de l'ordonnance d'autorisation, et les indices suffisamment "précis, graves et concordants " au stade de la preuve et du dossier au fond. Dès lors, il est argué que les appelantes ne peuvent prétendre que ce juge n'aurait pas exercé un contrôle effectif de la requête.

Sur le grief des appelantes selon lequel, ' le JLD n'a pas noté le caractère totalement illisible de la capture d'écran intégrée à la plainte des EDV pour supporter son allégation de pratiques discriminatoires selon laquelle le niveau de rémunération pour l'offre Ouigo serait plus faible pour Trainline que celui octroyé aux partenaires affiliés'" en se référant à l'annexe à la requête n°8.5., et que ' cet élément constitue le principal indice apporté par la plaignante pour présumer des pratiques alléguées " et qu' 'en son absence, ces allégations ne reposent que sur les propos subjectifs d'un concurrent', l'Autorité réplique que l'annexe à la requête n°8.5 est un extrait de la saisine EDV, pages 19-20 et 43. L'Autorité ajoute que, nonobstant le fait que ladite capture d'écran soit difficilement lisible, elle n'enlève en rien sa pertinence au document, et n'a qu'une fonction illustrative ; dès lors il est argué qu'il est possible d'analyser cette pièce sans que la capture d'écran soit parfaitement lisible et que l'on peut y lire plusieurs éléments prouvant bien la corrélation entre le texte de l'annexe à la requête n°8.5 et la capture d'écran, tels que les mots : " SNCF Lowcost OUIGO ", " Tradedoubler ", " Autres programmes d'affiliation ", " Catégorie ", " Affiliation " " Club Affiliation ", " Lexique ", " Actualités ", " postuler sur la plateforme ". Dans l'ovale rouge, on devine les mots " Rémunération ", puis un signe " % " en bleu, " vente au pourcentage " et ensuite en orange " 4.00% ".

L'Autorité ajoute que l'annexe à la requête n°8.5 n'est qu'un élément d'un important faisceau d'indices, tel qu'amplement décrit dans ses écritures et que, s'agissant de la mise en place supposée de pratiques tarifaires discriminatoires par la SNCF, il est soutenu que l'ordonnance du 20 mars 2023 cite 13 pièces : les annexes à la requête n°3.1, 3.2, 3.3, 4, 5.1, 5.2, 5.3, 6.1, 8.1, 8.2, 8.3, 8.5 et 8.6.

- Le ministère public est d'avis qu'aucun élément ne permet de soutenir que le juge des libertés et de la détention n'a pas effectué un examen attentif des 59 annexes utiles jointes à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de son ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il devait opérer quant à l'existence de présomptions d'un abus de position dominante. Au contraire, le ministère public estime que l'ordonnance attaquée repose sur une analyse précise des indices fournis, sans que la licéité ou le caractère probant de ces derniers ne puisse être contredite. Il est conclu que ce moyen d'annulation ne pourra donc qu'être rejeté.

Sur ce, le magistrat délégué

Il convient de rappeler que les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'administration est sans incidence sur la régularité de la décision (Cass crim, 14 octobre 2015, n° 14-83303, n° 14-83302 et 14-83301 ; 11 juillet 2017, n° 16-81042)

Il convient également de rappeler que l'article L. 450-4 alinéa 2 ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision (Crim. 9 févr. 2005, n° 03-85.302 P). En toute hypothèse, en rendant sa décision dix jours après le dépôt de la requête, le juge des libertés et de la détention a pris le temps nécessaire à l'exercice d'un contrôle approfondi de la requête et de ses pièces (Cass crim, 5 décembre 2023, n° 22-84460).

En l'espèce, au vu des énonciations de l'ordonnance, cette juridiction considère qu'il n'est pas établi que le juge des libertés et de la détention n'a pas procédé à un examen attentif des 59 annexes utiles jointes à la requête, afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les motifs de cette ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence de présomptions d'un abus de position dominante.

Enfin, s'agissant du caractère prétendument illisible de la capture d'écran intégrée à la plainte des EDV pour supporter son allégation de pratiques discriminatoires selon laquelle le niveau de rémunération pour l'offre Ouigo serait plus faible pour Trainline que celui octroyé aux partenaires affiliés (Annexe à la requête n°8.5.), il ressort de l'ordonnance (page 8) :

" Que l'offre Ouigo est commercialisée sur les sites sncf-connect.com et Ouigo.com; qu'elle n'était pas couverte par la convention cadre conclue entre EDV et SNCF appliquée jusqu'en décembre 2022 (annexe 3.1, page 5, à la requête); que les distributeurs indépendants devaient conclure des accords particuliers pour pouvoir la commercialiser; que SNCF leur imposerait des conditions techniques spécifiques telles qu'une connexion directe au PAO ; que le niveau des commissions serait plus faible que celui appliqué à l'offre générale négocié par EDV (annexe 8 à la requête); que les commissions censées rémunérer la prestation de distribution des billets seraient si basses qu'une fois les coûts de distribution imputés, la rémunération de la prestation de distribution serait inférieure aux rémunérations de 4 % consenties aux partenaires affiliés se contentant de relayer l'offre en renvoyant vers les canaux de distribution de SNCF (annexe 8.5, page 43, à la requête); que par ailleurs, il existerait des restrictions applicables aux agences de voyage relatives à toute l'activité après-vente et aux méthodes de distribution (annexe 8.1 à la requête) et de paiement liées à l'offre Ouigo (annexe 8.3 à la requête) alors que celles-ci n'existeraient pas pour les autres types de billets SNCF commercialisés et ce, sans justification objective (annexes 5.3 et 8.1 à la requête); " (page 8 de l'ordonnance du 20 mars 2023).

Il en résulte que nonobstant le peu de lisibilité de la capture d'écran précitée, le juge des libertés et de la détention a correctement saisi le sens et la pertinence de cette pièce, qui jointe à d'autres annexes, constitue un faisceau d'indice et qui corrobore la présomption de l'existence d'agissements tarifaires discriminatoires reprochés à la SNCF et à ses filiales dont la preuve est recherchée ; ainsi qu'il a été démontré précédemment.

Il y a lieu en outre de rappeler que l'ensemble des éléments justificatifs présentés par la SNCF concernant le ' Pass Jeune ' dans ses écritures n'ont pas à être validés par le juge des libertés et de la détention qui n'instruit pas à charge et à décharge et ne se prononce pas sur le fond.

Sur le moyen tiré du caractère disproportionné de l'enquête diligentée en l'absence d'indices sérieux

- Les sociétés appelantes soutiennnent encore que le juge des libertés et de la détention est tenu d'effectuer un contrôle de proportionnalité de la mesure d'enquête demandée et soutiennent qu'il n'a pas suffisamment motivé ce qu'elle appelle le recours à une enquête 'lourde'. Il est argué qu'en l'espèce, les pouvoirs d'enquête prévus à l'article L. 450-3 du code de commerce auraient largement suffi pour atteindre l'objectif recherché par l'Autorité. Il est argué que les enquêtes lourdes en matière d'abus de position dominante ne sont pas systématiques. Les sociétés appelantes soutiennnent donc comme précédemment, que l'examen in concreto des pièces visées au soutien de la requête, prises dans leur ensemble, ne permet pas de présumer de l'existence d'un abus de position dominante. Il est encore soutenu que les pratiques alléguées contre SNCF et les éléments sur lesquels elles reposent ne peuvent pas être qualifiés de secrets ou d'occultes et ne sont pas susceptibles d'être détruits. Il est soutenu en outre que le risque de déperdition des moyens de preuve ne pourrait justifier les opérations litigieuses, puisque de nombreux documents sont déjà en possession de l'Autorité ou ne peuvent être dissimulés, tels les contrats, qu'il suffit du reste s'ils ne sont pas déjà en la possession de cette dernière, de les demander aux appelantes. Il est encore argué que si un risque de destruction ou d'altération des preuves existait réellement, l'Autorité de la concurrence n'aurait pas attendu près de 14 mois après le dépôt de la première plainte des entreprises du voyage pour lancer des opérations de visites domiciliaires et de saisies.

- L'Autorité de la concurrence réplique que s'agissant du principe de proportionnalité dont les appelantes se prévalent, l'article L.450-4 du code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales ; la violation de l'article 8-1 de la CESDH étant écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2. Il est ajouté que, contrairement à l'assertion des appelantes, au regard de la complexité des agissements illicites présumés et de leur caractère secret, l'Autorité n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure dite " lourde ", de l'article L. 450-4 du code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

L'Autorité soutient que la mesure autorisée par le juge avait notamment pour objet de vérifier si les comportements suspectés des appelantes étaient motivés par la volonté de faire obstacle au libre jeu du marché et de mettre en 'uvre des stratégies visant à évincer, empêcher, retarder ou entraver l'entrée ou le maintien des concurrents en abusant de leur position dominante dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, et ce, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce et de l'article 102 du TFUE.

Il est argué que seule la visite inopinée des bureaux et la saisie des notes, documents et le cas échéant des messageries électroniques des principaux responsables de la SNCF et de ses filiales, pouvaient permettre de contrôler la volonté des appelantes de mettre à profit la position particulière qu'elles détiennent dans les secteurs susvisés pour affecter le libre jeu de la concurrence. Il est encore soutenu qu'en effet, si la SNCF et ses filiales avaient décidé de mettre en 'uvre des stratégies visant à abuser de leur position dominante dans lesdits secteurs, il est fort probable que ces agissements qui seraient susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence auraient été élaborés et opèreraient dans des conditions de secret absolu, et que la connaissance de leur existence et de leur mise en 'uvre serait limitée aux dirigeants et/ou cadres supérieurs et/ou à un nombre restreint de membres du personnel.

Il est encore avancé qu'il est de la même manière vraisemblable que les documents se rapportant à l'abus de position dominante présumé seraient notamment détenus dans les locaux de la SNCF et de ses filiales et sous une forme facilitant leur dissimulation, leur rétention ou leur destruction en cas de demande de pièces prévue à l'article L. 450-3 du code de commerce qui n'autorise que la mise en 'uvre du simple droit de communication dont l'efficacité est incertaine, celui-ci ne permettant pas de donner aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence des pouvoirs suffisants dès lors que les preuves recherchées de cette pratique prohibée présumée sont par nature occultes, la SNCF et ses filiales ayant même la possibilité de nier l'existence de tels documents.

- Le ministère public est d'avis qu' en l'espèce, le juge des libertés et de la détention n'avait nullement à se lancer dans une appréciation de la subsidiarité,dès lors que selon une jurisprudence constante de cette juridiction, ' en décidant de rendre une ordonnance de visite et saisie, le juge des libertés et de la détention a de ce fait, en examinant les documents qui lui étaient soumis, estimé que les autres moyens de recherche de preuve moins coercitifs dont dispose l'administration étaient insuffisants et a exercé de fait un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte porté aux libertés et les objectifs poursuivis par l'administration' . Le ministère public est en outre d'avis que le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bobigny a parfaitement justifié, pages 9 et 10 de son ordonnance du 20 mars 2023, de l'existence de la proportionnalité des opérations de visites domiciliaires et de saisies par rapport à la gravité du comportement suspecté. Le fait que de précédentes enquêtes n'aient pas donné lieu à des opérations de visites domiciliaires et de saisies n'a, en ce sens, aucune pertinence, d'autres enquêtes encore, voire les mêmes, ayant aussi donné lieu à des opérations lourdes. Il est donc d'avis que ce moyen d'annulation ne pourra donc qu'être rejeté.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres modes de preuve. L'enquête dite ' lourde ' n'est pas subsidiaire et devient inévitable lorsque les pratiques anticoncurrentielles qui sont présumées procèdent d'agissements complexes et secrets, comme il est allégué en l'espèce. Il est de jurisprudence établie en matière d'opérations de visite et de saisie diligentées par l'administration qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres procédures moins intrusives (Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-70.509 ; Cass crim, 10 janvier 2023, n° 21-85524).

Dès lors qu'existent des présomptions d'agissements constitutifs de pratiques anticoncurrentielles, la procédure de visite domiciliaire est justifiée en ce qu'elle permet de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d'accéder à des documents de gestion quotidienne des entreprises ou relatifs à leur organisation interne, que les représentants des entreprises n'ont pas l'obligation de remettre dans le cadre d'une procédure de contrôle classique.

Du reste, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny dans sa décision a justifié à bon droit la proportionnalité de son autorisation (pages 9 et 10 de l'ordonnance) comme suit :

' Attendu que, par ailleurs, l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons ;

Qu'en effet, les comportements suspectés pouvant constituer un abus de position dominante, reposent nécessairement sur des stratégies établies de manière secrète au sein du groupe SNCF, de sorte que les documents nécessaires à la preuve de la pratique prohibée sont vraisemblablement détenus et conservés en des lieux et sous des formes qui facilitent leur dissimulation, destruction ou altération en cas de vérification ;

Que dans ces conditions, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché ;

Qu'en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées n'apparaissent pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre puisque les intérêts et droits de l'entreprise SNCF concernée sont garantis dès lors que les pouvoirs des agents mentionnés à l'article L. 450-1 du code de commerce sont utilisés sous notre contrôle ;'.

Sur l'absence de proportionnalité alléguée par l'appelante, il convient en outre de rappeler que les dispositions de l'article L 450-4 du code de commerce énoncent que les agents des administrations visées à l'article L 450-1 du même code disposent d'un droit de visite et de saisie, soit dans le cadre d'une enquête demandée comme en l'espèce par l'Autorité de la concurrence, soit visant à conforter les indices selon lesquels une entité aurait commis une infraction aux dispositions du livre IV du même code. Cette mesure, prévue par l'article L. 450-4 du code de commerce est encadrée par des règles de fond et procédurales et, notamment, ces visites sont autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui même si rendue non contradictoirement, peut faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel, de même que le déroulement des opérations de visite et de saisie. La décision du Premier président de la cour d'appel pouvant faire l'objet d'un pourvoi.

Il convient de rappeler qu'en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'Autorité administrative indépendante, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'autorité requérante à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs (par exemple ' enquête simple '..). En autorisant le 20 mars 2023 les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder au Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ce mode d'investigations plus intrusif en fonction de la requête présentée. Le juge des libertés et de la détention en prenant sa décision a donc bien procédé à un contrôle de proportionnalité.

En l'espèce, en effet, conformément à la jurisprudence constante en matière d'opérations de visite et de saisie, et ainsi que cela a été évalué lors de la réponse au moyen y afférent soulevé par les appelantes, le juge des libertés et de la détention s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par le rapporteur général et a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux, visés à l'article L. 450-4 du code de commerce.

Si l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) énonce que 'Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance', c'est sous réserve qu' ' Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.'.

Il a été jugé par la Cour de cassation que 'Les dispositions de l'article L 450-4 ne contreviennent pas à celles des articles 6, 8 et 13 de la CEDH dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et que les droits à un procès équitable et à un recours effectif sont garantis, tant par l'intervention du juge des libertés et de la détention qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration que par le contrôle exercé par la Cour de cassation.' (Cass crim, 11 juillet 2017, n° 16-81065).

En l'espèce, il s'infère donc de ce qui précède qu'il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 8 de la CESDH et que la mesure ordonnée conformément aux dispositions de l'article L 450-4 du code de commerce précité était nécessaire et n'a pas été disproportionnée eu égard au but poursuivi rappelé ci-dessus.

Ce moyen, pris en toutes ses branches, sera rejeté.

Sur le moyen tiré d'une prétendue absence de délimitation précise du champ matériel et temporel de l'ordonnance

Les sociétés appelantes font valoir que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser des visites et saisies ayant un objet indéterminé ou général selon le droit au respect des droits de la défense et à l'inviolabilité de leur domicile consacré notamment par l'article 7 de la Charte. Il est donc soutenu que l'ordonnance autorisant les opérations doit préciser limitativement les agissements sur lesquels peuvent porter les recherches autorisées.

En l'espèce, les appelantes soutiennent que l'Autorité ne pouvait pas viser dans sa requête, outre ' la distribution de services et de produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité', ' le secteur du transport ferroviaire de voyageurs ', non seulement car celui-ci correspond, au regard de l'activité de SNCF, à une réalité bien trop large, mais également car l'Autorité ne fait état d'aucun indice sur ce secteur. Il est donc argué que le champ visé par l'ordonnance a été spécifié de manière infiniment trop générale, ce qui ne permettrait pas à l'entreprise de savoir quel est le périmètre de l'investigation et au juge de vérifier l'adéquation entre les indices avancés par l'Autorité et le champ de la demande d'enquête.

Les appelantes, au moyen d'un tableau mettant en corrélation les annexes et la matière sur laquelle elles portent ( p. 35 à 44 de leurs écritures), affirment qu'aucune des pièces versées au soutien de la requête ne concerne un autre secteur ou marché que celui de la distribution des billets de train (voire de la distribution de services et de produits d'agence de voyages) et/ou des systèmes et outils de mobilité. Il est soutenu que seuls deux documents publics émanant d'autorités publiques (n° 2 dans le tableau précité) visent le secteur ferroviaire en général, mais l'Autorité ne les utilise comme prétendus "indices" que pour les développements sur la distribution des billets de train. Les appelantes en concluent que la désignation du secteur du ' transport ferroviaire ' est donc illégale.

Les sociétés appelantes font en outre valoir que le champ temporel de l'ordonnance n'est pas défini par l'Autorité dans sa requête, dès lors que l'ensemble des annexes de l'ordonnance, hormis les décisions de l'Autorité qui concernent des pratiques passées et qui ne sont aucunement apportées en tant qu'indices de pratiques actuelles, se rapporte à une période récente située entre 2018 et 2023. Il s'ensuit que le juge des libertés et de la détention ne disposait d'aucun élément pour autoriser des opérations de visite et saisie au-delà de cette période et en tout état de cause sans limitation de durée.

- L'Autorité de la concurrence réplique qu'il ne revient pas aux sociétés contrôlées de déterminer elles-mêmes le champ matériel de l'ordonnance et des agissements susceptibles de relever de la pratique anticoncurrentielle poursuivie.

Il est soutenu que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un ou des "secteurs" économiques et non sur un ou des marchés pertinents (plus restreints que les précédents) dont la délimitation relèvera de l'Autorité de la concurrence et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée, c'est-à-dire les pratiques illicites qui pourraient être relevées. Il est ainsi argué qu'en effet, au stade des investigations, les visites et saisies autorisées ont pour but de vérifier, si dans un secteur ou des secteurs économiques donnés, en l'espèce, ceux du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, les règles de la concurrence jouent pleinement et, qu'à ce stade, aucune accusation n'est portée à l'encontre des appelantes de mise en 'uvre de comportements prohibés sur un marché pertinent. Il est encore argué que c'est uniquement dans un second temps, lors de l'examen des pièces saisies que des griefs circonscrits à un ou des marchés pertinents pourraient être, le cas échéant, formulés par le rapporteur en charge de l'instruction du dossier.

Il est rappelé que selon une jurisprudence constante, le juge des libertés et de la détention ne délivre pas une autorisation indéterminée et respecte les prescriptions de l'article L. 450-4 du code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques dans un ou des secteurs de l'économie.

En l'espèce, il est argué que le juge des libertés et de la détention de Bobigny a bien précisé, dans son ordonnance du 20 mars 2023, les secteurs économiques concernés par son autorisation, soit ceux ' du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité'. L'Autorité fait valoir que le transport ferroviaire de voyageurs serait visé directement ou indirectement dans au moins 11 annexes à la requête (dans un tableau en pages 90 à 98 de ses conclusions).

Sur le grief d'absence de limitation du champ temporel de recherche des preuves, l'Autorité rappelle que le juge des libertés et de la détention n'a pas l'obligation de limiter dans le temps la recherche de la preuve des agissements anticoncurrentiels. En l'espèce, ce juge n'avait donc pas à limiter les saisies à une période postérieure à l'année 2018.

- Le ministère public est d'avis que l'ordonnance attaquée définit sans ambiguïté les secteurs économiques concernés par l'autorisation . Il s'agit de ceux ' du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité'. Il ne peut être reproché à l'ordonnance, à ce stade de recherche des preuves, de ne pas être suffisamment précise, notamment en ne déterminent pas les marchés pertinents au sens du droit de la concurrence. Comme souligné à plusieurs reprises par la jurisprudence, le juge des libertés et de la détention a l'obligation de déterminer le ou les secteurs économiques concernés par son autorisation, mais pas plus, la définition des marchés pertinents se faisant à un stade ultérieur. De même, limiter au moment des visites domiciliaires le champ temporel de la recherche de preuves, notamment en prenant comme limite les indices déjà relevés, n'aurait aucun sens puisqu'il limiterait l'appréhension de la réalité : c'est la raison pour laquelle, là aussi, une telle limitation ne correspond nullement à la jurisprudence.

Sur ce, le magistrat délégué :

L'Autorité de la concurrence n'est pas tenue de définir précisément les marchés pertinents au stade de son enquête. Il est établi qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit à l'Autorité d'étendre ses investigations à un secteur économique, comme en l'espèce (Cass. crim, 4 mai 2017, n° 16-81.063 et 16-81.070).

Le champ matériel de l'ordonnance est repris comme suit en page 1 : 'Vu la demande d'enquête en date du 9 mars 2023 relative à la pratique susceptible d'être relevée dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, signée par M. [O] [D], rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, en application de l'arrêté du 7 janvier 2021 portant nomination du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ; Vu la requête du 10 mars 2023, et les pièces qui y sont jointes, de M. [O] [D], rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ;' .

L'ordonnance mentionne également, en page 10 : Autorisons M. [O] [D], rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, à faire procéder, dans les locaux suivants du groupe SNCF, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements, qui entrent dans le champ de la pratique prohibée par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, relevés dans les secteurs du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité, ainsi que toute manifestation de cet abus de position dominante prohibé'.

En l'espèce, le juge des libertés et de la détention a donc défini à bon droit des secteurs et non pas un marché pertinent ou segment de marché ; cette définition intervenant le cas échéant après la notification éventuelle des griefs.

En outre, et de manière surabondante, comme souligné par l'Autorité dans ses écritures (p. 89 et suiv.), il ressort des pièces versées en annexe à la requête et visées par l'ordonnance que plusieurs annexes ont trait au ' transport ferroviaire de voyageurs' ou y font référence (Annexe à la requête n°1bis.1, Annexe à la requête, Annexe à la requête n°1bis3, Annexe à la requête n°2.1, Annexe à la requête n°2.2, Annexe à la requête n°7.1, Annexe à la requête n°7.5, Annexe à la requête n°8.4, Annexe à la requête n°8.6, Annexe à la requête n°14.1 et 14.2).

En effet, compte tenu des liens mis en évidence par l'ordonnance entre les autres secteurs économiques concernés de ' la distribution de services et produits d'agence de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité ', qui se déploient dans le secteur du transport ferroviaire de voyageurs, au stade de l'ordonnance d'autorisation de mesures de visites domiciliaires, il n'était pas dénué de toute pertinence que cette mesure couvre dans son champ ce dernier secteur économique.

Sur le grief concernant le champ temporel de l'ordonnance, il convient de rappeler que le juge des libertés et de la détention n'a pas délivré en l'espèce une autorisation indéterminée, a satisfait aux dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce, qui ne prescrivent pas de circonscrire dans le temps les mesures de visite domiciliaire qu'il autorise.

Le moyen sera écarté en toutes ses branches.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Les circonstances de l'espèce et l'équité justifient qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'Autorité de la concurrence, la SNCF et ses filiales seront ainsi condamnées au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par contre, les circonstances de l'espèce et l'équité ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SNCF et de ses filiales qui succombent en toutes leurs prétentions sur le fond.

SUR LES DÉPENS :

La SNCF et ses filiales, qui succombent en leurs prétentions seront tenues aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort,

Confirmons l'ordonnance rendue le 20 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny et les ordonnances rendues les 24 mai 2023 et 12 juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny,

Condamnons la Société nationale SNCF, la société SNCF Voyageurs, la société SNCF voyages développement, la société SNCF Connect, la société SNCF Connect & Tech la société SNCF Connect & Tech Services à payer à l'Autorité de la concurrence la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus des demandes,

Condamnons la Société nationale SNCF, la société SNCF Voyageurs, la société SNCF voyages développement, la société SNCF Connect, la société SNCF Connect & Tech la société SNCF Connect & Tech Services aux dépens.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Olivier TELL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 23/08387
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;23.08387 ?
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