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05/07/2024 | FRANCE | N°24/00361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 05 juillet 2024, 24/00361


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 05 JUILLET 2024



(n°361, 6 pages)







N° du répertoire général : N° RG 24/00361 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJT5V



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2024 -Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02598



L'audie

nce a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 01 Juillet 2024



Décision réputée contradictoire



COMPOSITION



Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissa...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 05 JUILLET 2024

(n°361, 6 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00361 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJT5V

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2024 -Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/02598

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 01 Juillet 2024

Décision réputée contradictoire

COMPOSITION

Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté de Joanna FABBY, greffier lors des débats et de Roxane AUBIN, lors de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur [I] [N] (Personne faisant l'objet de soins)

né le 02/08/1982 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

Actuellement hospitalisé à l'hôpital intercommunal de [Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Cécile CHAUMEAU, avocat commis d'office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL DE [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

non comparant, non représenté,

TIERS

M. [U] [N]

demeurant [Adresse 3]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Brigitte AUGIER DE MOUSSAC, avocate générale,

Comparante,

DÉCISION

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [I] [N] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 10 juin 2024 par une décision prise par le directeur d'établissement, en urgence à la demande d'un tiers (son père).

Le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention dans le cadre du contrôle obligatoire de la mesure prévu à l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 21 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de la mesure.

M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance le 25 juin 2024.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 1er juillet 2024.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.

L'avocat de M. [N] soutient que la procédure est irrégulière pour trois raisons :

- Absence de la notification de la décision du 12 juin 2024 ;

-Irrégularité de la période d'observation, les certificats médicaux étant établis prématurément ;

-Irrégularité de l'avis motivé du 28 juin 2024.

M. [N] indique que le dernier certificat indique indûment que la garde de son enfant lui a été retirée, ce qui est inexact. Il conteste les observations qui sont sans lien avec une appréciation médicale, comme le fait de marcher pieds nus.

Le Ministère public soutient au contraire que la procédure est régulière, M. [N] a signé la notification de la décision du 10 Juin et le défaut de preuve d'une remise de la décision du 12 juin, dont il n'est pas contesté que M. [N] a été informé, ne fait pas grief à l'intéressé. De même le fait que le certificat de 72 heures soit intervenue avant les 72 heures ne porte pas atteinte à ses intérêts. Enfin l'avis du 28 juin est suffisamment motivé en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la mesure la plus adaptée à la situation du patient.

Le certificat médical de situation du 28 juin 2024 relève que le patient, âgée de 41 ans, est " bien connu du secteur ". Il ajoute les éléments suivants : " Il a été amené par la police aux urgences pour des troubles du comportement de type hétéro agressivité dans un contexte de décompensation psychotique. En rupture de soins. Le patient a été admis dans notre unité en SPDTU le 10/06/2024. Mr [N] est célibataire, il a une fille dont il aurait perdu la garde récemment (avait la garde alternée). Il vit seul. Il est issu d'une fratrie de 5 enfants : 2 garçons et 3 filles. Les parents sont tous les deux médecins et présents. Le patient est diplômé en BTS électronique. Actuellement il est sans emploi et perçoit l'AAH. Il a bénéficié de plusieurs hospitalisations dans notre service : - du 29 décembre 2004 au 18 janvier 2005 ; - du 21 au 30 juin 2006 ; - du 9 juillet au 22 août 2006 ; - du 23 juin au 13 juillet 2009 ; - du 01 janvier au 8 mars 2012 ; - Du 20 avril au 3 juillet 2015 ; - Du 1" août au 3 septembre 2018; - Du 27 mars au 1* juillet 2019. - Du 06 septembre au 15 octobre 2020 - Du 16 novembre au 11 décembre 2020 - Du 14 décembre 2020 au 08 janvier 2021 Il est suivi à la clinique de [4] par le Dr [V]. Ce jour, il est calme, coopérant, de bon contact. Le patient est tout le temps pieds nus dans le service. Les idées de persécution envers ses parents sont toujours présentes. Il en veut à ses parents d'avoir été à l'origine de son retour à l'hôpital. La méconnaissance des troubles aussi, est là. Le patient ne semble pas comprendre la nécessité de l'hospitalisation. La contrainte est nécessaire au risque d'une rupture de soins. "

La décision a été mise en délibéré au 5 juillet 2024.

MOTIVATION,

L'office du juge judiciaire implique un contrôle relatif à la fois à la régularité de la décision administrative d'admission en soins psychiatriques sans consentement et au bien-fondé de la mesure, en se fondant sur des certificats médicaux.

Il résulte de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique que l'irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet. Il appartient donc au juge de rechercher, d'abord, si l'irrégularité affectant la procédure est établie, puis, dans un second temps, si de cette irrégularité résulte une atteinte aux droits de l'intéressé.

Dans l'exercice de son office, le juge ne saurait se substituer au médecin dans l'appréciation de l'état mental du patient et de son consentement aux soins (1re Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544).

Sur l'établissement du certificat des 72 heures

Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique,

I.- Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L.3211-2-1.

Le II. du même article prévoit que le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission soit à la demande d'un tiers, soit, lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une telle demande et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins.

Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.

Il est rappelé que les conditions d'urgence et de risque d'atteinte à l'intégrité doivent être caractérisées lors de l'admission mais non lors des prolongations des mesures (1re Civ., 20 mars 2024, pourvoi 22-21.919).

En l'espèce, le certificat des 72 heures, contesté comme étant intervenu de manière prématurée, a été corroboré dans son contenu par les examens ultérieurs et, en dernier lieu, par le certificat de situation du 28 juin 2024, de sorte qu'aucune atteinte aux droits de l'intéressé ne résulte de ce qu'il est daté du 1é juin, soit 48 heures après l'admission, dans un contexte où le patient est connu du service pour des hospitalisations antérieures. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur la notification de la décision de maintien du 12 juin 2024

Le deuxième alinéa de l'article L.3211-3 du code de la santé publique prévoit que " Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. "

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1. "

Il résulte des pièces du dossier que la décision d'admission a été notifiée le 10 juin 2024, par un acte signé par l'intéressé, et que la décision contenait la mention de voies et délais de recours. Il n'est pas contesté que M. [N] a été informé, ainsi que cela résulté des certificats médicaux, du projet de poursuite de la mesure puis de la poursuite de celle-ci puis de la saisine du juge des libertés et de la détention. Or la décision de maintien est la continuation de la décision du 10 juin dont l'ensemble des motifs sont connus. Ainsi, s'il est exact que l'absence de preuve de la notification effective de la décision de maintien du 12 juin constitue une irrégularité, la preuve n'est pas rapportée que cette irrégularité aurait porté atteinte aux droits de l'intéressé. Le moyen ne peut donc prospérer.

Sur la réunion des conditions de poursuite de la mesure et la régularité du certificat de situation du 28 juin 2024

A titre liminaire, il est rappelé que la différence entre hospitalisation complète et programme de soins résulte des dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, lequel prévoit qu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement est prise en charge :

1° Soit sous la forme d'une hospitalisation complète (laquelle permet la mise en 'uvre d'une contrainte permettant d'administrer des soins de manière coercitive) ;

2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1 : un tel programme de soins ne permettant aucune mesure de contrainte à l'égard de la personne prise en charge (Conseil constitutionnel, décision n°2012-235 QPC du 20 avril 2012, Cons. 12 " Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en permettant que des personnes qui ne sont pas prises en charge en " hospitalisation complète " soient soumises à une obligation de soins psychiatriques pouvant comporter, le cas échéant, des séjours en établissement, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 n'autorisent pas l'exécution d'une telle obligation sous la contrainte ; que ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissement prévus par le programme de soins ; qu'aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en 'uvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ").

Le certificat médical de situation du 28 juin 2024 indique que le patient, âgé de 41 ans, est " bien connu du secteur ". Il ajoute les éléments suivants : " Il a été amené par la police aux urgences pour des troubles du comportement de type hétéro agressivité dans un contexte de décompensation psychotique. En rupture de soins. Le patient a été admis dans notre unité en SPDTU le 10/06/2024. Mr [N] est célibataire, il a une fille dont il aurait perdu la garde récemment (avait la garde alternée). Il vit seul. Il est issu d'une fratrie de 5 enfants : 2 garçons et 3 filles. Les parents sont tous les deux médecins et présents. Le patient est diplômé en BTS électronique. Actuellement il est sans emploi et perçoit l'AAH. Il a bénéficié de plusieurs hospitalisations dans notre service : - du 29 décembre 2004 au 18 janvier 2005 ; - du 21 au 30 juin 2006 ; - du 9 juillet au 22 août 2006 ; - du 23 juin au 13 juillet 2009 ; - du 01 janvier au 8 mars 2012 ; - Du 20 avril au 3 juillet 2015 ; - Du 1" août au 3 septembre 2018; - Du 27 mars au 1* juillet 2019. - Du 06 septembre au 15 octobre 2020 - Du 16 novembre au 11 décembre 2020 - Du 14 décembre 2020 au 08 janvier 2021 Il est suivi à la clinique de [4] par le Dr [V]. Ce jour, il est calme, coopérant, de bon contact. Le patient est tout le temps pieds nus dans le service. Les idées de persécution envers ses parents sont toujours présentes. Il en veut à ses parents d'avoir été à l'origine de son retour à l'hôpital. La méconnaissance des troubles aussi, est là. Le patient ne semble pas comprendre la nécessité de l'hospitalisation. La contrainte est nécessaire au risque d'une rupture de soins. "

En indiquant que la contrainte est nécessaire et que le patient ne semble pas comprendre la nécessité de l'hospitalisation ce certificat prescrit clairement le maintien de la mesure sous la forme d'une hospitalisation complète et ne peut être lu comme envisageant un programme de soins ou comme ne prenant pas parti sur les modalités de soins. Le certificat n'est en l'espèce entaché d'aucune irrégularité.

Enfin, il est rappelé que les conditions d'urgence et de risque d'atteinte à l'intégrité doivent être caractérisées lors de l'admission mais non lors des prolongations des mesures (1re Civ., 20 mars 2024, pourvoi 22-21.919)

Les pièces du dossier permettent d'établir que :

- L'arrêté d'admission souligne des troubles de comportements ayant justifié la mesure.

- Le certificat médical de situation du 28 juin 2024 relève la persistance de troubles psychiques, le déni partiel du patient et la nécessité de poursuivre les soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Au regard de ces éléments, un suivi dans le cadre ambulatoire s'avère actuellement prématuré et la mise en place d'un strict cadre de soins s'impose, dans la perspective d'une sortie que l'amélioration du diagnostic permet d'envisager.

Il se déduit de ces circonstances que les conditions légales du maintien de la mesure sont réunies au regard de l'article L.3212-3 précité. Il y a donc lieu d'adopter pour le surplus les motifs pertinents relevés par le premier juge et de confirmer l'ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué du premier président, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

CONFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Ordonnance rendue le 05 JUILLET 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 05/07/2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

X tiers par LS

' préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00361
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;24.00361 ?
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