Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 05 JUILLET 2024
(n° 285 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07569 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQLB
Décision déférée à la cour : ordonnance du 29 mars 2023 - président du TJ de Paris - RG n° 22/58880
APPELANTE
S.A.R.L. CRECHE LES PETITS TOURBILLONS, RCS de Paris n°530056464, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Ayant pour avocat plaidant Me Daria BLANK, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.I. NOSOANO, RCS de Bernay n°438489874, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Delphine MARATRAY-BACCUZAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1066
PARTIES INTERVENANTES
S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL CRECHE LES PETITS TOURBILLONS, suivant jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 11 juillet 2023, prise en la personne de Maître [J] [O]
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. FIDES, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL CRECHE LES PETITS TOURBILLONS suivant jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 juillet 2023, prise en la personne de Maître [Z] [E]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Ayant pour avocat plaidant Me Daria BLANK, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne-Gaël BLANC, conseillère, le président de chambre empêché, et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Par acte sous seing privé du 13 juillet 2016, la SCI Nosoano a donné à bail à la société Crèche les petits tourbillons un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 3] pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2016, pour un loyer annuel de 22 800 euros hors charges et hors taxes.
La SCI Nosoano a fait signifier à la société Crèche les petits tourbillons un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 8 599,34 euros au principal le 1er juillet 2022.
Par acte extrajudiciaire du 8 novembre 2022, la SCI Nosoano a fait assigner la société Crèche les petits tourbillons devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins notammen de :
constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 1er août 2022 ;
débouter la défenderesse de sa demande de délais de paiement ;
ordonner l'expulsion de la société locataire ainsi que de tous occupants de son chef des lieux loués, avec le cas échéant le concours de la force publique et d'un serrurier ;
ordonner la séquestration des objets personnels de la société locataire en exécution des dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamner la société Crèche les petits tourbillons à lui payer :
au titre des loyers et charges locatives jusqu'au 31 juillet 2022, la somme de 9 067,05 euros arrêtée au mois de juillet 2022 inclus, majorée des intérêts légaux à la date de délivrance de l'assignation,
à compter du 1er août 2022, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majorée de la provision pour charges locatives, jusqu'à la libération complète des lieux et la remise des clés par le preneur,
juger que cette indemnité d'occupation sera indexée annuellement au 1er octobre de chaque année en fonction de la variation de l'indice Insee des loyers commerciaux 2ème trimestre base 2021 ;
par provision, la société Crèche les petits tourbillons sera condamnée à l'indemnité d'occupation suivante arrêtée au 30 novembre 2022, soit la somme de 8 885,48 euros pour la période d'août à novembre 2022 inclus, majorée des intérêts légaux à la date de délivrance de l'assignation ;
en conséquence, condamner par provision la société Crèche les petits tourbillons au paiement de la somme de 17 952,53 euros arrêtée au 4 novembre 2022,
Par ordonnance contradictoire du 29 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
condamné la société Crèche les petits tourbillons à payer à la SCI Nosoano la somme provisionnelle de 9 067,05 euros à valoir sur les loyers et charges arrêtés au 31 juillet 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2022 ;
rejeté la demande de délais de paiement de la société Crèche les petits tourbillons ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 1er août 2022 ;
ordonné l'expulsion de la société Crèche les petits tourbillons et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3] avec le concours, en tant que besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
dit que le sort des meubles et autres objets garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné la société Crèche les petits tourbillons à payer à la SCI Nosoano une indemnité d'occupation égale au montant du loyer tel qu'il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés ;
condamné la société Crèche les petits tourbillons à payer à la SCI Nosoano, à titre provisionnel, la somme de 17 954,58 euros à valoir sur les indemnités d'occupation mensuelles ayant couru du mois d'août 2022 au mois de mars 2023, ave intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2022 ;
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Crèche les petits tourbillons aux dépens comprenant le coût du commandement de payer délivré le 1er juillet 2022, de la délivrance de l'extrait Kbis et de l'état des inscriptions sur le fonds de commerce et le coût de la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit.
Par déclaration du 19 avril 2023, la société Crèche les petits tourbillons a relevé appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.
Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Crèche les petits tourbillons.
Par arrêt du 5 décembre 2023, l'interruption de l'instance a été constatée.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 30 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Crèche les petits tourbillons, les sociétés AJ associés et Fides ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de cette société demandent à la cour de :
déclarer la société Crèche les petits tourbillons recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et, y faisant droit ;
infirmer l'ordonnance du 29 mars 2023 en toutes ses dispositions ;
dire n'y avoir lieu à référé.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Nosoano demande à la cour de :
radier la présente instance du rôle de la Cour faute de mise en cause à l'instance de la SELARL Fides prise en la personne de Me [E] es qualités de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons nommé à cette fonction par jugement du tribunal de commerce en date du 11 juillet 2023 ;
à titre subsidiaire
débouter la société Crèche les petits tourbillons de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
dire n'y avoir lieu à reprise d'instance, les conditions de l'article L. 622-21 et L.622-22 n'étant pas applicables à l'instance ;
condamner la société Crèche les petits tourbillons à lui payer une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Crèche les petits tourbillons à l'ensemble des dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Contrairement à ce que soutient la SCI Nosoano, la société Fides prise en la personne de Me [E], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons est à la cause puisqu'elle intervient volontairement à l'instance.
La société AJ associés, prise en la personne de Me [O], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons intervient également volontairement à l'instance.
Dès lors, les conditions d'une reprise d'instance sont réunies.
La demande de radiation de l'affaire formée par la SCI Nosoano sera rejetée.
La cour déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés AJ associés et Fides, ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons.
Ensuite, selon l'article L. 622-21 I du code de commerce, applicable en procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14 du même code, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
Au cas présent, la décision entreprise date du 29 mars 2023, l'appel a été interjeté le 9 avril 2023 et la procédure de redressement judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 juillet 2023.
En outre, la société Crèche les petits tourbillons a formé appel contre l'ordonnance entreprise notamment en ce qu'elle a constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail au 1er août 2022, a ordonné son expulsion et l'a condamnée au paiement de sommes provisionnelles.
Dès lors, à l'ouverture de la procédure collective de la société Crèche les petits tourbillons, l'ordonnance dont appel, en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, a ordonné son expulsion et a condamné la société Crèche les petits tourbillons au paiement de sommes provisionnelles, n'était pas passée en force de chose jugée.
L'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut donc être poursuivie.
Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et sur les demandes subséquentes.
L'ordonnance sera infirmée de ces chefs.
De même, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé.
L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle condamne la société Crèche les petits tourbillons au paiement de provisions.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles ainsi que sur les dépens.
A hauteur d'appel, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés AJ associés et Fides, ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons ;
Rejette la demande tendant à la radiation de l'affaire ;
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour à l'exception de celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Nosoano ;
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés à hauteur d'appel ;
Rejette les demandes formées en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE