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05/07/2024 | FRANCE | N°22/20285

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 05 juillet 2024, 22/20285


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 05 JUILLET 2024



(n° 284 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20285 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZED



Décision déférée à la cour : ordonnance du 24 octobre 2022 - président du TJ de Paris - RG n° 22/56157





APPELANTE



S.A.R.L. CRECHE [8], RCS de Paris n°530056464, placée en

redressement judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 05 JUILLET 2024

(n° 284 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20285 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZED

Décision déférée à la cour : ordonnance du 24 octobre 2022 - président du TJ de Paris - RG n° 22/56157

APPELANTE

S.A.R.L. CRECHE [8], RCS de Paris n°530056464, placée en redressement judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Daria BLANK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. BUSSIERE ARTS GRAPHIQUES, RCS de Paris n°542008909, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marine PARMENTIER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 283

PARTIES INTERVENANTES

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL CRECHE [8], suivant jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 11 juillet 2023, prise en la personne de Maître [V] [T]

[Adresse 7]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. FIDES, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL CRECHE [8] suivant jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 juillet 2023, prise en la personne de Maître [P] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentées par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Daria BLANK, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Gaël BLANC, conseillère, le président de chambre empêché et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Aux termes d'un acte sous seing privé du 19 juin 2013, la société Bussière arts graphiques a consenti à la société Crèche [8] un bail portant sur un local commercial situé [Adresse 3] pour une durée de neuf ans, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 30 000 euros hors taxes, ainsi qu'une provision sur charges annuelle de 3 360 euros hors taxes.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a délivré au preneur, par acte d'huissier de justice du 25 mai 2022, un commandement de payer la somme de 18 555,14 euros au titre des loyers échus à cette date.

Par acte extrajudiciaire du 15 juillet 2022, la société Bussière arts graphiques a fait assigner la société Crèche [8] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de notamment de voir :

constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 26 juin 2022 ;

ordonner l'expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, outre la séquestration des meubles ;

condamner la défenderesse au paiement par provision de la somme de 26 214,40 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2022 sur la somme de 18 555,14 euros de la citation pour le surplus ;

condamner la défenderesse au paiement par provision d'une indemnité d'occupation mensuelle de 7 620, 20 euros taxes comprises à compter du 26 juin 2022 jusqu'à libération des lieux, puis si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition de la clause résolutoire, indexer l'indemnité d'occupation sur l'indie des loyers commerciaux publiée par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru la date de l'acquisition de la clause résolutoire ;

condamner la défenderesse au paiement d'une indemnité de 2 621,40 euros à titre la clause pénale au jour de la citation à parfaire ;

juger qu'elle est fondée à conserver le montant du dépôt de garantie soit la somme de 2 876,75 euros à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance réputée contradictoire du 24 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, par provision, tous les moyens des parties étant réservés ;

constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail au 26 juin 2022 ;

dit que la société Crèche [8] devra libérer les locaux situés [Adresse 3] et, faute de l'avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec le cas échéant, le concours de la force publique ;

rappelé que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

condamné la société Crèche [8] à payer à la société Bussière arts graphiques :

à compter du 26 juin 2022, une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer et des charges, dûment justifiées au stade l'exécution, indexée, à compter du 26 juin 2023, sur l'indice des loyers commerciaux publiée par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire, et ce, jusqu'à la libération effective les lieux ;

en conséquence, et d'ores et déjà, la somme de 20 084,61 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation échus au 14 septembre 2022, terme de septembre 2022 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2022 sur la somme de 18 555,14 euros et à compter du 15 juillet 2022 pour le surplus ;

la somme de 2 008,46 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité forfaitaire ;

la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

condamné la société Crèche [8] au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 2 décembre 2022, la société Crèche [8] a relevé appel de l'ensemble des chefs de dispositif de cette décision sauf en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, par provision, tous les moyens des parties étant réservés et dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Crèche les petits tourbillons.

Par arrêt du 3 octobre 2023 la cour a constaté l'interruption de l'instance.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Crèche les petites tourbillons et les sociétés AJ associés et Fides, ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de cette société, demandent à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et, y faisant droit ;

rejeter l'ensemble des demandes de la société Bussière arts graphiques ;

infirmer l'ordonnance du 24 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

dire n'y avoir lieu à référé ;

et statuant à nouveau,

condamner la société Bussière arts graphiques à payer à la société Crèche [8] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Bussière arts graphiques à payer une somme de 1 500 euros à la société AJ Associés ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Crèche [8] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Bussière arts graphiques à payer une somme de 1 500 euros à la société Fides ès qualités de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Bussière arts graphiques aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Bussière arts graphiques demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance en l'ensemble de ses dispositions, sauf à actualiser la dette locative de la société Crèche [8] à la somme de 42 495, 99 euros à la date du 1er juillet 2023, sans préjudice de son actualisation postérieure ;

constater l'existence d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective, à hauteur de 22 093,07 euros ;

fixer la créance d'un montant de 22 093,07 euros au passif de la société Crèche les  petits tourbillons ;

condamner la société Crèche [8] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés AJ associés  et Fides, ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Crèche [8].

Sur les demandes principales de la société Bussière arts graphiques

Pour soutenir qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de la société Bussière arts graphiques, les appelantes arguent de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire pendant l'instance d'appel à l'égard de la société Crèche les petits tourbillons.

Selon l'article L. 622-21 I du code de commerce, applicable en procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14 du même code, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

La société Bussière arts graphiques soutient qu'au cas présent l'ordonnance entreprise, assortie de l'exécution provisoire de droit, a force de chose jugée.

Aux termes de l'article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.

Il résulte des articles 527 et 539 du code de procédure civile que le délai de recours par l'appel, voie ordinaire, suspend l'exécution du jugement et que le recours exercé dans le délai est également suspensif.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'exécution provisoire de droit, attachée à l'ordonnance entreprise, ne remet pas en cause l'effet suspensif de l'appel quant à l'exécution définitive de cette décision.

Par ailleurs, la décision entreprise date du 24 octobre 2022, l'appel a été interjeté le 2 décembre 2022 et la procédure de redressement judiciaire de la société Crèche les petits  tourbillons a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 juillet 2023.

En outre, la société Crèche [8] a formé appel contre l'ordonnance entreprise notamment en ce qu'elle a constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail au 26 juin 2022, a ordonné son expulsion et l'a condamnée au paiement de sommes provisionnelles.

Dès lors, à l'ouverture de la procédure collective de la société Crèche [8], l'ordonnance dont appel, en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, a ordonné son expulsion et a condamné la société Crèche [8] au paiement de sommes provisionnelles, n'était pas passée en force de chose jugée.

L'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut donc être poursuivie.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et sur les demandes subséquentes.

L'ordonnance sera infirmée de ces chefs.

De même, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé.

L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle condamne la société Crèche les petits tourbillons au paiement de provisions.

Enfin, la société Bussière arts graphiques demande de fixer sa créance d'un montant de 22 093,07 euros au passif de la société Crèche [8].

Mais seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire. La provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'est par nature qu'une créance provisoire et ne peut donc faire l'objet d'une telle fixation.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

Sur les demandes accessoires

L'infirmation de l'ordonnance intervient en raison de l'évolution de la situation de la société Crèche des petits tourbillons, placée en redressement judiciaire. L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles ainsi que sur les dépens.

A hauteur d'appel, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention volontaire des sociétés AJ associés et Fides, ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Crèche les petits tourbillons ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour à l'exception de celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Bussière arts graphiques ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés à hauteur d'appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 22/20285
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.20285 ?
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