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05/07/2024 | FRANCE | N°22/11253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 05 juillet 2024, 22/11253


Copies exécutoires





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1





ARRÊT DU 05 JUILLET 2024



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11253 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7CY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2022 - Tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 20/10551







APPELANTE



S.A. CAPELLI

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 306 140 039, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée ...

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 JUILLET 2024

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11253 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7CY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2022 - Tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 20/10551

APPELANTE

S.A. CAPELLI immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 306 140 039, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Dalila AHMEDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0387

INTIMÉS

Monsieur [H] [R] né le 11 septembre 1958 à [Localité 11] (Maroc)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [K] [W] [U] épouse [R] née le 22 août 1950 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Tous deux représentés par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Société EULER HERMES FRANCE, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° B 799 33 312, succursale française d'Euler Hermes SA, Société d'assurance belge prise en son établissement français, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440 et assistée de Me Salima LOUKILI, avocat au barreau de PARIS, toque : A 385

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame. Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour intialement prévue le 29 mars 2024 puis prorogée au 14 juin 2024 puis au 05 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte authentique du 20 novembre 2018, M. [H] [R] et Mme [K] [W] [U] épouse [R] (ci-après les époux [R]) ont consenti une promesse unilatérale de vente à la société Capelli, portant sur un terrain à bâtir situé lieu-dit [Localité 10], cadastrée section CN n°[Cadastre 3], à [Localité 7] (33) moyennant le prix de 1.450.000 €.

La promesse de vente a été consentie pour une durée expirant le 20 avril 2020 à seize heures, avec possibilité de prorogation d'une durée maximale de dix-huit mois, soit au plus tard le 20 mai 2020.

L'acte stipulait plusieurs conditions suspensives, dont une condition suspensive relative à l'obtention par le bénéficiaire d'un permis de construire, expurgé de tous recours et retrait administratif, pour « la construction d'une résidence de tourisme ou résidence hôtelière sans logement sociaux, d'une surface plancher minimum de 5.000m², sans participation extérieure ni prescription spécifique de construction, et notamment une taxe d'aménagement n'excédant pas 5% (part communale uniquement) ».

L'indemnité d'immobilisation était fixée à 72.500 € soit 5% du prix de vente. Le versement de celle-ci a été garanti par le cautionnement de la société Euler Hermes en application d'un acte du 7 décembre 2018 (acte de cautionnement n°2365668, ref. 10000917-01).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 juin 2020, les promettants, se prévalant du défaut de réalisation de la promesse ont sollicité de la société Euler Hermes le versement du montant de l'indemnité d'immobilisation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 juillet 2020, la société Euler Hermes a répondu qu'elle ne procéderait pas au versement de l'indemnité d'immobilisation au motif qu'aucune défaillance de la société Capelli ne pouvait être retenue, la défaillance de la condition suspensive d'obtention du permis de construire ne lui étant pas imputable.

Par courrier en date du 3 septembre 2020, la société Capelli a informé le conseil des époux [R] qu'à la suite d'une rencontre avec les services de la mairie le 14 décembre 2018, le maire de la commune d'[Localité 7] avait opposé un refus ferme et définitif au projet de résidence de tourisme envisagé, de sorte qu'aucune demande de permis de construire n'avait pu être déposée.

Par exploit d'huissier en date du 16 octobre 2020, les époux [R] ont fait assigner la société Euler Hermes devant le tribunal judicaire de Paris, aux fins essentielles qu'elle soit condamnée à leur verser le montant de l'indemnité d'immobilisation en sa qualité de caution. Par jugement en date du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué ainsi :

-Condamne la société Capelli et la société Euler Hermes solidairement à verser à Monsieur [H] [R] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble, la somme de 72.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020.

-Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

-Rejette les demandes de la société Capelli et la société Euler Hermes de réduction du montant de l'indemnité d'immobilisation.

-Condamne la société Capelli à relever et garantir la société Euler Hermes de sa condamnation à verser à Monsieur [H] [R] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble la somme de 72.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020.

-Condamne la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum aux dépens,

-Condamne la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum à verser à Monsieur [H] [R] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble, la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire par provision.

La SA Capelli a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel remis au greffe le 14 juin 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 21 décembre 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2022, la SA Capelli invite la cour à :

Vu les dispositions des articles 1104,1304-6 et 1231-5 du code civil,

Vu les dispositions des articles 6, 9 et 15 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du même code,

Vu les pièces versées aux débats,

-Infirmer le jugement du 19 mai 2022 en ce qu'il a :

Condamné la société Capelli et la société Euler Hermes solidairement à verser à Monsieur [H] [R] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble, la somme de 72 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020,

Ordonné la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,

Rejeté les demandes de la société Capelli et la société Euler Hermes de réduction du montant de l'indemnité d'immobilisation,

Condamné la société Capelli à relever et garantir la société Euler Hermes de sa condamnation à verser à Monsieur [H] [V] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble la somme de 72 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020,

Condamné la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum aux dépens,

Condamné la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum à verser à Monsieur [H] et Madame [I] [U] épouse [R], pris ensemble, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef,

- Juger que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire autorisant l'édification d'une résidence de tourisme ou hotellière d'une surface de plancher minimale de 5.000m² ne pouvait pas être réalisée en l'état de l'opposition des services instructeurs, et est défaillie.

- Juger qu'il ne peut, dès lors, être reproché à la société Capelli ne pas voir déposé une demande pour un permis de construire conforme aux préconisations de la promesse.

- Juger que Monsieur et Madame [R] ne démontrent pas que les conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente du 28 novembre 2018 ont toutes été remplies.

- Juger défaillie la condition relative à l'obtention d'une garantie financière d'achèvement

- Juger par suite que les conditions autorisant le versement de l'indemnité d'immobilisation au profit des époux [R] ne sont pas satisfaites.

En conséquence :

- Dire et juger mal fondés Monsieur et Madame [R] à réclamer le versement à leur profit de l'indemnité d'immobilisation contractuellement stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 28 novembre 2018.

- Débouter Monsieur et Madame [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et moyens.

- Condamner Monsieur et Madame [R] in solidum à rembourser à la société Capelli l'intégralité des sommes leur ayant été versées par cette dernière au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt.

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le montant de l'indemnité d'immobilisation dont le paiement est réclamé par Monsieur et Madame [R] présente un caractère manifestement excessif.

- Prononcer en conséquence l'anéantissement ou à tout le moins la minoration à hauteur de l'euro symbolique du montant de cette indemnité.

A tous les titres,

- Condamner in solidum Monsieur et Madame [R] à payer à la société Capelli la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner in solidum Monsieur et Madame [R] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Dalila Ahmedi, avocat, autorisée, sur son affirmation de droit qu'elle en a fait l'avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, les époux [R] demandent à la cour de :

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu l'acte de cautionnement,

Vu l'article 1304-3 du code civil,

Vu la promesse de vente du 2 novembre 2018,

CONFIRMER dans l'intégralité de ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de PARIS le 19 Mai 2022 sous le numéro 20/10551,

En conséquence,

Saisie par l'effet dévolutif de l'appel,

CONSTATER la défaillance de la société CAPELLI dans la réalisation de la promesse de vente,

CONSTATER la mise en 'uvre de l'acte de caution de la société EULER HERMES,

CONDAMNER in solidum la société EULER HERMES et la société CAPELLI à verser aux époux [R] la somme de 72 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 Juin 2020,

CONDAMNER in solidum la société EULER HERMES et la société CAPELLI à verser aux époux [R] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTER les Sociétés CAPELLI et EULER HERMES FRANCE de l'intégralité de leurs demandes,

REJETER toutes demandes plus amples et contraires,

CONDAMNER in solidum la société EULER HERMES et la société CAPELLI aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022, la SA Euler Hermes invite la cour à :

Vu les articles 1103, 1231-5 et 1304 et suivants du Code civil,

Vu les articles 2288 et suivants et 2305 et suivants du Code civil,

Vu l'Acte de cautionnement solidaire n°2365668,

Vu le Contrat de caution n°10000917-01,

Il est demandé à la Cour de :

-déclarer recevable et bien fondée Euler Hermes France en son appel incident,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu le 19 mai 2022 par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a:

- condamné la société Capelli et la société Euler Hermes solidairement à verser à Monsieur et Madame [R], pris ensemble, la somme de 72 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

- rejeté les demandes de la société Capelli et la société Euler Hermes de réduction du montant de l'indemnité d'immobilisation,

- condamné la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum aux dépens,

- condamné la société Capelli et la société Euler Hermes in solidum à verser à Monsieur et Madame [R], pris ensemble, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau, de :

A titre principal :

- juger défaillies, sans faute imputable à la société Capelli, les conditions suspensives relatives à l'obtention d'un permis de construire ;

- juger que les époux [R] ne justifient pas de la bonne réalisation des conditions suspensives qui leur incombent au titre de la promesse unilatérale de vente du 28 novembre 2018 ;

En conséquence,

- juger que M. et Mme [R] sont mal fondés à revendiquer le versement de l'indemnité d'immobilisation à leur profit ;

- juger que M. et Mme [R] ne justifient pas d'un préjudice résultant de l'immobilisation de leur bien ;

- en conséquence, débouter M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre d'Euler Hermes France ;

Subsidiairement :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Capelli à garantir Euler Hermes de toute somme pouvant être mise à sa charge en exécution de son engagement de caution ;

-Pour le surplus statuant à nouveau :

- juger que M. et Mme [R] ne justifient pas du montant de leur demande au titre de l'indemnité d'immobilisation ;

- prononcer l'anéantissement ou à tout le moins la minoration de l'indemnité d'immobilisation à hauteur de l'euro symbolique ;

- juger que qu'Euler Hermes ne peut être tenue au-delà de la somme à laquelle Capelli est tenue au titre de l'indemnité d'immobilisation ;

- condamner la société Capelli à garantir Euler Hermes de toute somme pouvant être mise à sa charge en exécution de son engagement de caution en principal et accessoires, incluant par suite les condamnations prononcées par application de l'article 700 du CPC et les dépens

En tout état de cause :

- condamner in solidum M. et Mme [R] et toute partie succombante à payer à la société Euler Hermes la somme de 10.000€ conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. et Mme [R] et toute partie succombante aux entiers frais et dépens d'instance avec distraction au profit de Maître Virginie Domain, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code

SUR CE,

La cour

Sur l'indemnité d'immobilisation

Le tribunal a jugé que la bénéficiaire ne peut se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive relative à la purge du droit de préemption urbain à laquelle aucune des parties ne pouvait renoncer, que les promettants justifient de la réalisation des conditions suspensives qui dépendaient d'eux et que les sociétés Capelli et Euler Hermès ne peuvent sérieusement se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive d'obtention d'une garantie financière d'achèvement en l'absence de dépôt de permis de construire par la bénéficiaire pour condamner solidairement la société Capelli et la société Euler Hermes à verser aux époux [R] l'indemnité d'immobilisation de 72 500 euros.

La société Capelli fait grief au jugement de n'avoir pas tiré les conséquences de la constatation selon laquelle l'obtention d'un accord de principe de la mairie sur le projet était une condition préalable à l'obtention du permis de construire et que l'opposition clairement exprimée par la commune d'[Localité 7] lors de la réunion de présentation du projet tenue le 14 décembre 2018 exposait toute demande de permis de construire à un refus de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité d'immobilisation.

La société Euler Hermès fait valoir, au soutien de l'infirmation du jugement, que la mairie a refusé le projet qui lui a été présenté par la société Capelli, que ce refus est justifié par la communication du compte rendu de réunion du 18 décembre 2018 qui fait foi dans la mesure où aucun formalisme n'a été prévu dans la promesse afin de constater la non-réalisation de cette condition laquelle n'est pas imputable à la société Capelli. Elle oppose que son cautionnement ne peut pas être actionné du fait de son caractère accessoire et qu'étant tenue de la dette du débiteur dans les limites de son engagement elle peut se prévaloir de toutes les exceptions inhérentes à la caution. Elle soutient en outre que le créancier bénéficiaire en vertu de l'acte d'engagement de caution a l'obligation de rapporter par tous moyens la preuve de sa créance et de la défaillance du débiteur non rapportée en l'espèce.

Au visa de l'article 1231-5 la société Capelli et la société Euler Hermès sollicitent la modération de l'indemnité d'immobilisation excessive en l'absence de toute justification du préjudice subi par les époux [R].

Monsieur et Madame [R] opposent, au soutien de la confirmation du jugement, que la bénéficiaire, contrairement à ce qu'elle tente de faire valoir, s'est engagée dans l'acte à justifier auprès du promettant d'un dépôt de dossier complet de demande de permis de construire au plus tard le 28 juin 2019 au moyen d'un recipissé délivré par l'autorité compétente et que faute pour elle d'avoir satisfait à son obligation dans ce délai elle ne peut se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive tenant à la non obtention du permis de construire et alors que la promesse ne contient aucune référence à un accord de principe préalable lequel au demeurant n'est pas une notion admise en droit de l'urbanisme.

Ils font valoir que s'ils ont accepté de supporter le risque inhérent à une promesse unilatérale de vente c'est précisément parce que ce risque était compensé par une « clause pénale sanctionnant les fautes du bénéficiaire » (sic) et qu'elle n'est au demeurant nullement excessive puisqu'elle représente 5 % seulement du prix de vente pour 18 mois d'immobilisation

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 1124 du Code civil : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.

Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul. »

Aux termes de la clause Indemnité d'immobilisation-Caution de la promesse de vente passée par devant Maître [X] [J] notaire à [Localité 9] le 20 novembre 2018 les parties ont convenu de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation due au promettant par le bénéficiaire à la somme de 72 500 euros soit 5 % du prix de vente.

En page 10 de l'acte sont énoncées les conditions suspensives auxquelles seul le Bénéficiaire pourra renoncer au rang desquelles figure : « L'obtention d'un permis de construire exprès expurgé de tous recours et retrait administratif pour la construction d'une résidence de tourisme ou résidence hôtelière (') »

La clause énonce ensuite : « À cet effet, le bénéficiaire s'engage à rencontrer la mairie dans les meilleurs délais, afin d'obtenir un accord de principe sur le projet et de déposer un certificat d'urbanisme opérationnel dont la réponse positive entraînera le dépôt du permis de construire. Il est précisé que le bénéficiaire devra pour se prévaloir de la présente condition suspensive, justifier auprès du promettant du dépôt d'un dossier complet de demande de permis de construire et ce au plus tard, le 28 juin 2019, au moyen d'un récépissé délivré par l'autorité compétente.
Au cas où le bénéficiaire ne respecterait pas son engagement et ce huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, la promesse sera caduque sans indemnité de part et d'autre. »

Cette clause met donc à la charge du bénéficiaire, pour se prévaloir de la condition suspensive une double obligation tenant au dépôt d'un certificat d'urbanisme opérationnel et en cas de réponse positive, au dépôt d'un permis de construire.

L'étude de Maître [J] a sollicité par courriel du 24 juin 2019 le récipissé de la demande de permis de construire par l'autorité compétente or la société Capelli n'a pas satisfait à cette double obligation puisqu'elle n'a pas donné suite à la rencontre avec la mairie ayant eu lieu le 14 décembre 2018, au motif d'un refus opposé par la mairie dont elle ne peut valablement se prévaloir faute de justifier du dépôt d'un dossier de permis de construire comme stipulé à l'acte.

Il en résulte que c'est donc par le fait de la société Capelli que la condition suspensive tenant au dépôt du permis de construire a défailli.

La société Capelli n'a pas renoncé à la condition suspensive relative au permis de construire stipulée en sa faveur dans le délai d'échéance de la promesse expirant le 20 avril 2020 et n'a pas non plus sollicité de prorogation de l'échéance.

Selon les dispositions de l'article 1304-3 du Code civil : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. »

La clause dite Indemnité d'immobilisation Caution prévoit que le versement de ladite indemnité est due au Promettant par le Bénéficiaire au cas de la non réalisation de la vente et sera garanti par la remise entre les mains du notaire rédacteur des présentes pour le compte du Promettant d'un engagement de caution, cet établissement devant s'engager par cette caution, en renonçant aux bénéfices de discussion et de division, à verser au Promettant en cas de défaillance du Bénéficiaire, l'indemnité d'immobilisation, ledit engagement devant pouvoir être mis en jeu dans les 19 mois à compter des présentes.

Les Promettants se sont prévalus de la non réalisation de la promesse dans le délai contractuel par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juin 2020 soulignant l'absence de toute demande de prorogation du terme par la Bénéficiaire.

L'indemnité d'immobilisation est donc due aux Promettants par la société Capelli solidairement avec la caution, la société Euler Hermès, en vertu de l'engagement de caution solidaire consenti le 7 décembre 2018 à hauteur de 72 500 euros expirant le 20 juin 2020 et alors que le montant de l'indemnité d'immobilisation est exactement justifié par l'acte authentique.

Le jugement qui a condamné solidairement la société Euler Hermès et la société Capelli à ce paiement avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2020 sera donc confirmé

2- La condition suspensive relative à l'obtention d'une garantie financière d'achèvement

La société Capelli et la société Euler Hermès font valoir que le refus opposé par la société HSBC son partenaire habituel de lui consentir une garantie financière d'achèvement ne lui est pas imputable cette société n'ayant pas voulu s'engager dans ce type d'opération.

Les époux [R] opposent que là encore la société Capelli qui a empêché l'accomplissement de la condition en ne déposant pas un dossier de demande de garantie financière.

Réponse de la cour

L'obtention de cette garantie est stipulée en page 13 de l'acte en faveur du bénéficiaire comme devant être réalisée au plus tard le jour prévu pour la levée d'option or elle est liée à la condition tenant au dépôt du permis de construire sans laquelle elle est dépourvue de cause.

Par conséquent au vu de la défaillance de la condition suspensive tenant au dépôt du permis de construire imputable à la société Capelli les parties sont sans intérêt à se prévaloir de la défaillance de cette condition.

3- Les conditions suspensives stipulées en faveur de la Bénéficiaire

La société Capelli et la société Euler Hermès font valoir que la condition suspensive tenant à la délivrance des renseignements d'urbanisme n'a pas été remplie :

la purge du droit de préemption qui incombait aux époux [R] dès lors que ceux-ci avaient l'intention de céder leur bien,

la justification de tous les éléments permettant d'établir un droit de propriété incommutable qui ne peut s'évincer, contrairement à ce qui a été jugé, du courriel du notaire daté du 10 mai 2021soit postérieurement au délai d'expiration de la promesse

Ils en infèrent que faute de justifier de la levée de ces conditions suspensives mises à leur charge ils ne peuvent solliciter le bénéfice de l'indemnité d'immobilisation.

Monsieur et Madame [R], au soutien de la confirmation du jugement, rappellent que la chronologie des conditions suspensives prévues à l'acte est primordiale : la demande de permis de construire devait être déposée avant le 28 juin 2019 et eux-mêmes disposaient d'un délai expirant au 20 mai 2020, échéance de la promesse pour lever ces conditions suspensives. Ils observent que c'est bien la défaillance de la société Capelli qui a entraîné la non réalisation de la condition tenant à la purge du droit de préemption et que le notaire et les pièces produites font la preuve de l'origine de propriété trentenaire et de la situation hypothécaire.

Réponse de la cour

Il est stipulé en page 9 que l'indemnité d'immobilisation ne sera pas acquise au Promettant et la somme restituée au Bénéficiaire s'il se prévaut de l'un des cas suivants : » (') Si le Promettant n'avait pas communiqué au bénéficiaire ou à son notaire l'ensemble des pièces ou documents permettant l'établissement complet et régulier de la publication de l'acte de vente, devant entraîner la transmission au Bénéficiaire d'un droit de propriété incommutable. Cette communication devant comporter la remise du titre de propriété et la justification d'une origine de propriété régulière et incommutable au moins trentenaire remontant à un titre translatif. »

La condition suspensive Droit de préemption- priorité-préférence stipulée à l'acte comme celle à laquelle aucune des parties ne peut renoncer, mettant à la charge du Promettant les formalités de purge et mandatant à cet effet son notaire, n'est pas enfermée dans un autre délai que celui de l'échéance de la promesse.

Ces clauses sont stipulées en faveur du Bénéficiaire et sont soumises au délai de réalisation de la promesse de vente arrivant à échéance au 20 avril 2020 à 16 heures et dès lors que le dépôt de permis de construire qui devait être justifié au plus tard le 28 juin 2019, antérieurement à l'échéance de la promesse ne l'a pas été et que la défaillance de la société Capelli a été jugée comme lui étant imputable, la société Capelli et la société Euler Hermès sont sans intérêt à s'en prévaloir.

4- Le recours en garantie de la société Euler Hermès

Le tribunal a condamné la société Capelli à relever et garantir la société Euler Hermès du chef du paiement de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 20 novembre 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020.

La société Euler Hermès sollicite la confirmation du jugement de ce chef mais fait valoir que le tribunal a omis d'étendre la condamnation de la société Capelli à relever et garantir la caution des condamnations prononcées à son encontre au profit des époux [R] au titre des frais irrépétibles et des dépens et sollicite l'extension de son recours de ce chef.

La société Capelli et les époux [R] concluent au débouté de l'intégralité des demandes de la société Euler Hermès.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 2309 du Code civil alinéa 1 et 2 : « La caution, même avant d'avoir payé, peut agir contre le débiteur, pour être par lui indemnisée :

1° Lorsqu'elle est poursuivie en justice pour le paiement ; »

La société Euler Hermès solidairement condamnée au paiement de l'indemnité d'immobilisation dispose donc d'un recours contre la société Capelli bénéficiaire de la promesse de vente et débitrice principale qui sera condamnée à la relever et garantir du paiement de la somme de 72 500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020 et la capitalisation des intérêts à compter du 5 août 2021 date des conclusions présentées en première instance par les époux [R].

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions sauf a y ajouter le point de départ de la capitalisation des intérêts ainsi qu'il a été dit.

6-Sur les dépens et frais irrépétibles

Le tribunal a condamné la société Capelli et la société Euler Hermès in solidum à verser à Monsieur et Madame [R] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens in solidum également.

Dans leurs rapports entre elles les dépens et les frais irrépétibles seront supportés par chacune par moitié et la société Euler Hermès sera déboutée de sa demande de recours en garantie.

Ajoutant au jugement la société Capelli et la société Euler Hermès seront condamnées aux entiers dépens et dans leurs rapports entre elles, chacune les supportera par moitié.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toues ses dispositions

Y Ajoutant,

DIT que la capitalisation des intérêts est due à compter du 5 août 2021 ;

CONDAMNE la société Capelli et la société Euler Hermès aux entiers dépens et dans leurs rapports entre elles, DIT que chacune les supportera par moitié

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/11253
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.11253 ?
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