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05/07/2024 | FRANCE | N°22/10244

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 05 juillet 2024, 22/10244


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 05 JUILLET 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10244 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4L3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mars 2022 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 13/03280





APPELANTS



Madame [H], [A] [W] née le 24 novembre 1976 à [Localité 15]

[A

dresse 10]

[Localité 17]



Monsieur [ZU], [V] [F] né le [3] novembre 1976 à [Localité 19]

[Adresse 10]

[Localité 17]



Tous deux représentés par Me Aurélie BELGRAND de la SCP...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10244 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4L3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mars 2022 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 13/03280

APPELANTS

Madame [H], [A] [W] née le 24 novembre 1976 à [Localité 15]

[Adresse 10]

[Localité 17]

Monsieur [ZU], [V] [F] né le [3] novembre 1976 à [Localité 19]

[Adresse 10]

[Localité 17]

Tous deux représentés par Me Aurélie BELGRAND de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : 172

INTIMÉS

Monsieur [C], [E] [D] né le 12 juillet 1965 à [Localité 18]

[Adresse 1]

[Localité 17]

SCI DES GUISANTS immatriculée au RCS de Bobigny sous lenuméro 483 790 846, prise en la personne de ses associés, Madame [M] [L] et Monsieur [C] [D]

[Adresse 11]

[Localité 17]

Tous deux représentés et assistés de Me Jean-yves CHABANNE de la SELARL Bâti-juris, avocat au barreau de PARIS, toque : A0679 substitué par Me Isabelle CANUS LACOSTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1404

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame. Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévu le 29 mars prorogée au 14 juin 2024 puis au 05 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Selon acte authentique du 21 décembre 2005 la SCI des Guisants représentée par ses deux associés Mme [L] et M. [D], a acquis une propriété enclavée comprenant une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section M[Cadastre 6] lieudit [Adresse 14] située [Adresse 14] à [Localité 17].

Par acte authentique du 20 septembre 2006, M. et Mme [Y], par ailleurs propriétaires d'une maison sur une parcelle M[Cadastre 12] située [Adresse 9], ont vendu à M. [D] un terrain non constructible situé [Adresse 14] à [Localité 17] cadastré section M[Cadastre 5] [Adresse 16].

Cette parcelle M182 se situe entre la parcelle M633 de M. et Mme [Y] et le [Adresse 14] appartenant à la commune de [Localité 17]. Elle est contiguë à la parcelle M183 acquise par la SCI des Guisants et bordée comme celle-ci par le [Adresse 14].

La parcelle M633 de M. et Mme [Y] possède un accès à la voie publique du côté de l'[Adresse 13].

Par acte d'huissier du 7 décembre 2012, M. et Mme [Y] ont fait signifier à la SCI des Guisants, propriétaire de la parcelle M183 un retrait de l'autorisation précaire de passage qu'ils avaient consentie sur leur parcelle M633 pour rejoindre l'[Adresse 13] et une interdiction d'entrer dans leur propriété.

Considérant que les parcelle M[Cadastre 6] et M[Cadastre 5] appartenant respectivement à la SCI des Guisants et à M. [D] étaient enclavées, Mme [L] et M. [D] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny M. et Mme [Y], par acte d'huissier signifiés le 28 février 2013, aux fins de voir ordonner l'établissement d'un titre constitutif d'une servitude de passage piétonnière et carrossable au bénéfice de leurs parcelles sur le fonds de M. et de Mme [Y]. Par actes d'huissier du 21 mars 2013, la SCI des Guisants et M. [D] ont assigné M et Mme [Y] aux mêmes fins.

Par acte authentique du 24 juillet 2014 reçu par Me [J], notaire associé à [Localité 17], M et Mme [Y] ont vendu à M. [F] et Mme [W] leurs parcelles cadastrées, section M[Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 12]. Ces derniers sont intervenus volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 16 octobre 2014, le juge de la mise en état a invité la SCI des Guisants et M. [D] à appeler en intervention forcée les autres riverains :

- Mme [P] épouse [T], domiciliée [Adresse 8],

- Mme [K] épouse [S], domiciliée [Adresse 7],

- La commune de [Localité 17], propirétaire de la parcelle M554,

- Mme [X] propriétaire de la parcelle M184

Par acte d'huissier signifié les 11 février et 3 mars 2015, la SCI des Guisants, prise en la personne de ses associés Mme [L] et M. [D] d'une part et M. [D] d'autre part ont fait assigner Mme [P], Mme [K], la commune de [Localité 17] et Mme [X] en intervention forcée.

Les instances ont été jointes le 7 mai 2015.

Par jugement du 10 septembre 2018, le tribunal a :

- Déclaré recevable l'action de la SCI des Guisants et de Monsieur [D] à l'encontre de la commune de [Localité 17],

- Ordonné une mesure d'expertise judiciaire et désigné pour y procéder Monsieur [Z] [U],

- Rejeté les demandes de dommages et intérêts de la SCI des Guisants et de Monsieur [D],

- Sursis à statuer sur les autres demandes des parties, les demandes au titre des frais irrépétibles et les dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire

L'expert a déposé son rapport le 1er septembre 2020.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué ainsi :

-Ordonne l'établissement d'un titre constitutif d'une servitude de passage piétons, véhicules légers et réseaux en tréfonds, telle que définie en page 34 du rapport d'expertise de Monsieur [Z] [U], grevant la parcelle M[Cadastre 12], [Adresse 7], à [Localité 17] au profit des parcelles M[Cadastre 6], lieudit [Adresse 14] et M[Cadastre 5], [Adresse 16], et ce aux frais de la SCI des Guisants et de Monsieur [C] [D], 

-Condamne Monsieur [C] [D] et la SCI des Guisants à payer à Madame [H] [W] et à Monsieur [ZU] [F] les sommes suivantes :

31 000 euros au titre de la perte de jouissance,

14 640 euros au titre de la dépréciation de leur fonds,

-Rejette le surplus des demandes indemnitaires ainsi que la demande relative aux travaux nécessaires au passage des réseaux en sous-sol,

-Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,

-Condamne in solidum Monsieur [C] [D] et la SCI des Guisants aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judicaire, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

-Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Mme [W] et M. [F] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel remise au greffe le 24 mai 2022.

Par conclusions d'appel n°1 signifiées le 24 août 2022 Madame [H] [W] et Monsieur [V] [F] demandent à la cour de :

Recevoir les concluants en leur appel;

Y faisant droit dans les limites de cet appel,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées

Statuant à nouveau de ce chef

Condamner in solidum Monsieur [C] [D] et la SCI DES GUISANTS à payer aux concluants, à titre de dommages et intérêts:

- la somme de [3].000€, en réparation du préjudice né de la nécessite d'isoler le terrain d'assiette de la servitude du reste de la propriété à usage personnel exclusif

- la somme de 25.000€, en réparation du préjudice spécial résultant de la perte de jouissance d'un emplacement de stationnement de véhicule clos et surveillé

- celle de 7.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC en première instance

Condamner les mêmes, sous la même solidarité, à payer aux consorts [W] [F], au même titre, une indemnité de 3.000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel.

Par ordonnance du 12 janvier 2023 le Conseiller de la Mise en Etat a déclaré irrecevable Monsieur [C] [D] et la SCI des Guisants à conclure et a enjoint aux appelants de produire les pièces, le bordereau de communication de pièces et les dernières conclusions de première instance de Monsieur [D] et la SCI des Guisants.

La procédure devant la cour a été clôturée par une ordonnance du 21 décembre 2023.

SUR QUOI,

LA COUR

Prolégomènes

Il sera liminairement observé que l'appel ne porte que sur l'appréciation des préjudices subis par le fonds servant et non sur la constitution et l'assiette de la servitude profitant à la SCI des Guisants et Monsieur [D], définitivement jugée par le tribunal.

I L'indemnisation des préjudice consécutifs à la constitution de la servitude

Le tribunal a fait droit à la demande de Monsieur [F] et Madame [W] au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 31 000 euros, au titre de la dépréciation de la valeur du fond à hauteur de 5% de sa valeur soit 14 640 euros. Il a rejeté l'indemnisation au titre de la perte de jouissance d'une place de stationnement non retenue par l'expert et non étayée ainsi que le préjudice résultant de la nécessité de clôturer le reste de la propriété, l'établissement de la servitude ne modifiant pas la disposition des lieux.

Madame [W] et Monsieur [F] font valoir au soutien de leur appel que l'instauration de la servitude modifie l'usage des lieux puisqu'elle devient une servitude carrossable pour véhicule léger et non seulement piétonne entraînant pour eux l'obligation d'isoler le terrain d'assiette de la servitude du reste de la propriété à usage personnel exclusif qu'ils estiment à [3] 000 euros.

Ils soutiennent en outre qu'ils seront désormais empêchés d'utiliser le passage à des fins de stationnement de leurs deux véhicules dont les dimensions ne permettent pas d'être stationnés dans leur garage, les obligeant ainsi à financer auprès d'un prestataire extérieur deux emplacements de parking, préjudice qu'ils estiment à 25 000 euros.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 682 du Code de procédure civile :

« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. »

La perte de jouissance du parking

Les appelants rapportent la preuve par les attestations circonstanciées de Monsieur [N] [B] en date du 3 août 2022, Monsieur [I] [R] du 30 juillet 2022, Madame [PD] [G] du 3 août 2022, Monsieur [CU] [O] du 10 août 2022 que les dimensions trop étroites de l'entrée de leur garage ( Hauteur 1.85m, Largeur 2,08 m) justifiées par un constat photographique, ne leur ont jamais permis d'y rentrer leur véhicule respectif, Mercédès Break et Opel Safira dont les fiches techniques produites établissent les longueurs respectives de 4 299 cm et 4467 cm. Les témoins affirment avoir personnellement constaté de manière habituelle le stationnement des deux véhicules dans la voie de passage à chacune de leur venue au domicile des appelants.

Des photographies du passage, du portail et du garage sont par ailleurs produites permettant de caractériser l'étroitesse de la porte d'entrée et la commodité du stationnement des deux véhicules sur l'allée formant la servitude de passage pour desservir l'accès à la maison tout en laissant libre un passage piéton.

Il est donc démontré que la nécessité de laisser le passage libre pour les véhicules légers rend désormais impossible du fait de la constitution de la servitude, le stationnement des véhicules dans l'allée. Il n'est cependant produit aucune justification par les appelants du coût représenté par la location d'un parking pour deux véhicules, seul le préjudice lié à la privation de la jouissance du stationnement des deux véhicules dans l'allée étant établi.

De ce chef et sur infirmation du jugement qui les a déboutés de leur demande au titre du préjudice résultant de la perte de la possibilité de stationner leur véhicule, Monsieur [D] et la SCI des Guisants seront condamnés in solidum à régler une somme de 10 000 euros de ce chef en sus du préjudice de jouissance reconnu par le jugement à Monsieur [F] et Madame [W].

L'isolation de l'assiette de la servitude

Le passage de véhicules légers alors qu'antérieurement l'usage de l'allée n'était que piétonnier a pour conséquence légitime l'obligation de se clore pour préserver l'intimité de la jouissance du fonds servant lors du passage des véhicules.

Le devis de la société Mondial Construction établi le 19 juillet 2022 s'élevant à la somme de 16 236 euros TTC sera actualisé sur la valeur de l'indice du coût de la construction base 3ème trimestre 2022 jusqu'au jour de l'arrêt dans la limite de la somme totale de [3] 000 euros.

Sur infirmation du jugement qui les a déboutés de ce chef, Monsieur [D] et la SCI des Guisants seront condamnés in solidum à ce paiement.

II Les frais irrépétibles et les dépens

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement qui a débouté Madame [W] et Monsieur [F] du chef des frais irrépétibles. Statuant à nouveau, Monsieur [D] et la SCI des Guisant seront condamnés à régler à Madame [W] et Monsieur [F] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2 500 euros au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Madame [W] et Monsieur [F] au titre du préjudice résultant de la perte de la possibilité de stationner leur véhicule, au titre du droit de se clore et au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE in solidum Monsieur [C] [D] et la SCI des Guisants à régler à Madame [H] [W] et Monsieur [ZU] [F] les sommes de :

10 000 euros au titre du préjudice de jouissance

16 236 euros TTC actualisée dans la limite de la somme de [3] 000 euros au total sur la valeur de l'indice BT 01 du coût de la construction base 3ème trimestre 2022 jusqu'au jour de l'arrêt, au titre du droit de se clore

- 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance

- 2 500 euros au titre de la procédure d'appel

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [C] [D] et la SCI des Guisants aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/10244
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.10244 ?
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