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05/07/2024 | FRANCE | N°21/13498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 05 juillet 2024, 21/13498


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 05 JUILLET 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13498 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECUM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 avril 2021 rendu par le Tribunal judiciaire de Paris hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 18/04988





APPELANT



Monsieur [F]

[V] né le 05 mai 1960 à [Localité 5] (63)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau d...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 JUILLET 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13498 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CECUM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 avril 2021 rendu par le Tribunal judiciaire de Paris hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 18/04988

APPELANT

Monsieur [F] [V] né le 05 mai 1960 à [Localité 5] (63)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

INTIMÉES

Madame [G] [J] née le 14 novembre 1937 à [Localité 4] (Algèrie),

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Christophe BORÉ de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 19

SDC de l'Immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic la Société CABINET CRAUNOT immatriculée au RCS de Paris sous lenuméro B 335 149 647, agissant poursuites et diligences en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie BUNIAK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1260

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2024 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 14 juin 2024 prorogée au 12 juillet 2024 rendu le 05 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La cour est saisie sur renvoi d'un arrêt rendu le 2 juin 2023 qui a, sur l'appel interjeté le 13 juillet 2021 par Monsieur [F] [V] du jugement rendu le 15 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Paris dans le litige l'opposant à Madame [G] [J] statué en ces termes :

Mme [J] est propriétaire du lot n° 3 dans le bâtiment A de l'immeuble situé à [Adresse 1], composé, au rez-de-chaussée, d'un dégagement, d'un bureau, d'une réserve et d'un WC.

M. [V] est propriétaire dans le bâtiment B de cet immeuble de plusieurs lots situés au 1er étage auxquels on accède par un escalier, fermé au rez-de-chaussée par une porte et jouxtant l'entrée du local de Mme [J].

Faisant valoir que M. [V], en procédant à des travaux sur l'escalier, a détruit le mur fermant l'escalier au niveau du rez-de-chaussée pour le reconstruire à côté et a ainsi annexé son débarras situé entre le sol du rez-de-chaussée et le dessous de l'escalier, Mme [J], invoquant une voie de fait, l'a assigné en démolition de ce mur et à le reconstruire dans ses limites et son état d'origine et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné M. [V] à démolir le mur litigieux et à rétablir le débarras de Mme [J] dans ses limites initiales, sous astreinte, et à payer à Mme [J] la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice causé par l'empiétement, la somme de 869 euros en réparation de son préjudice matériel, la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu, alors que selon le titre de M. [V], celui-ci ne justifie pas d'un droit de propriété sur l'escalier menant à son appartement situé au 1 er étage, Mme [J] a rapporté la preuve par un titre de la propriété du lot n° 3 au rez-de-chaussée du bâtiment A, que le certificat de mesurage annexé à ce titre mentionne l'existence d'un débarras d'une superficie de 1,37 m² qui a disparu à la suite des travaux réalisés par M. [V] qui, en déplaçant le mur sous l'escalier menant à son lot, a récupéré la surface située sous cet escalier.

M. [V] a interjeté appel de ce jugement et conclu au rejet des demandes de Mme [J] et à sa condamnation à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que le débarras, situé sous l'escalier qui est sa propriété et mène à son lot, se situe dans le bâtiment B, que Mme [J] n'est pas propriétaire dans le bâtiment B puisque son lot est situé dans le bâtiment A, que le débarras litigieux, qui en réalité ne correspond qu'à un vide sous l'escalier, n'est pas identifié dans le règlement de copropriété comme constituant un lot et ne figure pas sur son titre de propriété. Il ajoute que l'accès à la sous-pente par le lot de Mme [J] n'a été rendu possible que par le retrait du fond du placard qui séparait le lot n° 3 du bâtiment B et qu'en réalisant les travaux litigieux, il n'a fait que rétablir la situation qui existait précédemment sans démolir un mur. Il indique enfin que la sous-pente est soit une partie commune spéciale au bâtiment B, soit une partie privative lui appartenant en sa qualité de propriétaire de l'escalier qui la surplombe, de sorte que dans l'un ou l'autre cas Mme [J] ne peut revendiquer aucun droit de propriété source débarras situé dans le bâtiment B à usage exclusivement d'habitation qu'elle a annexé en le joignant à son lot, à usage commercial, situé dans le bâtiment A.

Mme [J] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il limite à 2 500 euros et 4 000 euros l'indemnisation de ses préjudices.

Elle ajoute qu'elle est également fondée à se prévaloir de l'acquisition de la propriété du débarras par une possession trentenaire puisque l'aménagement de cet espace de rangement situé sous l'escalier du bâtiment B remonte aux années 1970 ainsi que l'atteste son vendeur dont la possession peut être jointe à la sienne.

A titre subsidiaire, Mme [J] fait valoir qu'indépendamment de la question de la propriété du débarras litigieux, elle est fondée à obtenir la protection de la possession de ce local contre les troubles qui l'affectent à la suite de son appropriation par M. [V].

Formant un appel incident, elle sollicite la condamnation de M. [V] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé cette appropriation illicite du local litigieux et la somme de 10 000 en réparation de son préjudice moral.

Elle réclame enfin l'allocation d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Attendu qu'il résulte de l'article 4 du règlement de copropriété de l'immeuble que les parties communes 'comprennent notamment : (...) Les vestibules et couloirs d'entrée, l'escalier, sa cage et les paliers, l'escalier, descente, couloirs et dégagements des caves...';

que la présence du syndicat des copropriétaires paraît ainsi utile à la solution puisque selon cette disposition, le local situé en sous-pente de l'escalier du bâtiment B menant à l'appartement de M. [V] a les caractères d'une partie commune ; qu'il convient d'inviter M. [V] à mettre en cause ce syndicat ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et avant dire droit

Révoque l'ordonnance de clôture rendue le 23 mars 2023 ;

Invite M. [V] à mettre en cause le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, [Adresse 1] à [Localité 7] ;

Renvoie à l'audience de mise en état du 26 octobre 2023 à 13h00, salle PORTALIS, escalier Z, 2 étage, 2Z60 ;

Par acte du 26 juillet 2023 Madame [G] [J] a fait assigner en intervention forcée le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1].

Par conclusions d'intimé signifié le 23 octobre 2022 le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] demande à la cour de :

« PRENDRE acte que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 8] s'en rapporte à justice concernant les demandes de Monsieur [V], ainsi que celles de Madame [J].

CONDAMNER la partie succombante au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la partie succombante aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Nathalie BUNIAK, Avocat à la Cour, en vertu de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Réserve les droits des parties ainsi que les dépens.

Monsieur [F] [V] et Madame [G] [J] n'ont pas reconclu.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 mars 2024.

SUR QUOI

LA COUR

Monsieur [F] [V] a acquis selon acte authentique du 22 décembre 1989 les biens et droits immobiliers dépendant d'un ensemble sis à [Adresse 1] ainsi désignés :

« Lot n°141 dans le bâtiment B au rez-de-chaussée :

Un escalier d'accès au premier étage

Au premier étage : un couloir, une cuisine, une salle à manger, deux chambres, un water-closets.

Et les Deux Cent Vingt Quatre/Dix Millièmes des parties communes générales de l'ensemble immobilier ( 224/10 000 ièmes). »

Madame [G] [J] a acquis selon acte authentique du 8 juin 2015 les biens et droits immobiliers dans le même ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 8]

« Lot numéro trois (3)

Dans le bâtiment A rez-de-chaussée ;

Un dégagement, un bureau, une réserve, un water-closet

Les cent trente/dix mille dixièmes ( 130/10010èmes) de la propriété du sol et des parties communes. Tels que ces biens ont été désignés aux termes de l'état descriptif de division ci-après énonce et ainsi qu'il résulte du plan ci-après annexé avec tous immeubles par destination pouvant en dépendre. »

Les deux lots sont soumis au même règlement de copropriété établi selon acte reçu par Maître [S] Notaire à [Localité 6] (Creuse) le 28 décembre 1988 et ses actes modificatifs des 16 et 21 décembre 1988, 9 mars 1989, 25 mai 1989, 6 avril 2006, tous publiés au Bureau des Hypothèques de [Localité 7] 4ème Bureau.

Le Règlement de copropriété prévoit notamment que « les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire (') les séparations entre les appartements, quand elles ne font pas partie du gros-'uvre et les séparations des caves mitoyennes entre les co-propriétaires voisins. »

La comparaison des titres de propriété établit que l'escalier donnant accès au premier étage de l'appartement de Monsieur [V] est réservé à son usage exclusif et correspond donc à une partie privative de son lot.

Pour fonder la propriété de Madame [J] le tribunal, tout en énonçant la primauté de la preuve par titre en matière immobilière, a inféré d'un métrage réalisé dans le dossier de diagnostic technique annexé à l'acte de vente de Madame [J] que la superficie de 1,37 m2 n'existant plus du fait des travaux réalisés par Monsieur [V], ferait la preuve de la propriété de Madame [J], par ailleurs corroborée par le courrier de son vendeur indiquant que le renfoncement sous l'escalier du local de Madame [J] a été créé à la fin des années 70.

Cependant la preuve par titre suppose, au sens des dispositions de l'article 1320 du Code civil un acte, soit authentique, soit sous seing privé, faisant foi entre les parties, même de ce qui n'y est exprimé qu'en termes énonciatifs, pourvu que l'énonciation ait un rapport direct à la disposition. Les énonciations étrangères à la disposition ne pouvant servir que d'un commencement de preuve.

La cour observe qu'une déduction arithmétique d'une superficie manquante sur un plan de diagnostic, ne caractérisant pas au demeurant l'emplacement de la sous-pente de l'escalier, en outre non mentionnée comme étant une partie privative du bâtiment A duquel dépend le lot de Madame [J], alors que cet escalier dépend précisément du lot 141 du bâtiment B formant la propriété de Monsieur [V], ne saurait valoir titre au profit de Madame [J].

La déclaration de Monsieur [O] [N] envoyée par courriel le 27 février 2019 à Madame [J] caractérise l'existence du renfoncement avec les marches depuis plus de 40 ans utilisé à usage de penderie et zone de stockage depuis 1986.

L'attestation de Monsieur [Z] [W] établie le 7 octobre 2021 produite par Monsieur [V] retrace l'historique de l'aménagement du placard situé au fond du local dont le père de Monsieur [W] était locataire de 1991 à 2015 dans le lot 3 du bâtiment A.

Il précise de manière circonstanciée que le placard au fond du local a été démoli en 2008 à la suite de dégâts des eaux pour en déterminer l'origine, que c'est du fait de la dépose du placard que l'accès à la sous-pente litigieuse a été rendu possible et que fin 2015, profitant de l'absence de son père, Madame [J] a annexé les espaces mitoyens à droite et à gauche de l'arrière-boutique.

La prescription possessoire suppose, en vertu des articles 2261et 2272 du Code civil, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire pendant 30 ans sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. 

Les attestations précitées se rejoignent pour caractériser l'existence d'un placard sous l'escalier du bâtiment A et l'absence d'accès à la sous pente litigieuse antérieurement aux travaux effectués en 2008 qui ont conduit à la dépose du fonds du placard séparant le lot 3 du bâtiment B ensuite de quoi Madame [J] a pris la liberté d'utiliser les espaces mitoyens à droite et à gauche de son arrière-boutique à partir de la date de son acquisition en 2015.

Selon l'article 2262 du Code civil : « Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. »

Madame [J] qui ne justifie pas d'un titre lui conférant la propriété de la sous-pente de l'escalier ne peut valablement invoquer une possession résultant d'un usage toléré, au demeurant depuis moins de 30 ans, de l'espace situé sous l'escalier privatif de Monsieur [V] dont celui-ci a acquis la propriété privative accessoirement à celle de l'escalier.

Madame [J] sera donc, sur infirmation du jugement, déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Le sens de l'arrêt conduit, sur infirmation, à condamner Madame [J] aux entiers dépens, à verser à Monsieur [V] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et au syndicat des copropriétaires une somme de 800 euros au même titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Madame [G] [J] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [G] [J] aux entiers dépens et à verser :

à Monsieur [F] [V] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles

au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] une somme de 800 euros.

LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/13498
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;21.13498 ?
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