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05/07/2024 | FRANCE | N°21/03259

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 05 juillet 2024, 21/03259


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 05 Juillet 2024



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/03259 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPIZ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Evry RG n° 20/00120



APPELANTE

Madame [X] [M]

[Adresse 5]

[Localité 7]

comparante en personne, as

sistée de Me Claire DANIS DE ALMEIDA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 123



INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

Département juridique

[Adresse 3]

[Loca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 05 Juillet 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/03259 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPIZ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Evry RG n° 20/00120

APPELANTE

Madame [X] [M]

[Adresse 5]

[Localité 7]

comparante en personne, assistée de Me Claire DANIS DE ALMEIDA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 123

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

Département juridique

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Chirstophe LATIL, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffièreà laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [M] d'un jugement rendu le 4 mars 2021par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry (20/120) dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que, le 4 juillet 2017, Mme [X] [M] a été victime d'un accident survenu sur le trajet domicile - travail que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (ci-après désigné 'la Caisse') a pris en charge au titre du risque professionnel par décision du 1er août 2017.

Le certificat médical initial établi le 5 juillet 2017 par le docteur [C] mentionnait une «chute de sa hauteur, douleur cervico-dorsale et du coccyx ; douleur des deux épaules, des deux poignets et bras et cheville droites » prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 10 août 2017.

L'état de santé de Mme [M] a été considéré comme consolidé par le médecin-conseil de la Caisse au 1er septembre 2018 et, au regard de séquelles persistantes à cette date consistant en une « gêne modérée au niveau du rachis cervical, pas de séquelle indemnisable au niveau du rachis lombaire, coccyx, ni des épaules, ni des poignets, bras, ni cheville droite », il lui a été reconnu une incapacité permanente partielle de 6 %.

Le 1er avril 2019, Mme [M] a adressé à la Caisse un certificat médical établi par le docteur [T] [G] faisant état d'une rechute de son accident du trajet qui était ainsi décrite « depuis la chute sur les fesses, se plaint de fessalgies bilatérales des pertes de la sensibilité au niveau de la plante des pieds, douleurs (illisibles). L'IRM montre des kystes de Tarlov qui peuvent décompenser suite à un traumatisme (suite avis neurologue) ».

Après avis défavorablement de son médecin-conseil, la Caisse a, par décision du 15 avril 2019, refusé de reconnaître ces lésions au titre du risque professionnel.

Mme [M] ayant contesté cette décisison, une expertise médicale technique a été mise en oeuvre et confiée au docteur [R], lequel, après examen de l'intéressée le 5 juillet 2019, a confirmé la décision du médecin-conseil de la Caisse.

Tenue par ces conclusions, la Caisse a, par décision du 8 juillet 2019, maintenu son refus de prendre en charge, au titre du risque professionnel, les lésions mentionnées au certificat médical du 1er avril 2019.

C'est dans ce contexte que Mme [M] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry lequel, par jugement du 4 mars 2021, a :

- déclaré Madame [X] [M] recevable en son recours ;

- l'a déboutée de ses demandes ;

- dit que chacune des parties garderait la charge de ses dépens.

Pour juger ainsi, le tribunal a retenu que les différents éléments médicaux produits par Mme [M] et notamment le certificat médical du 1er avril 2019 faisant état de « lombalgie, fessalgies et troubles sphinctériens », ces éléments n'étaient pas de nature à démontrer que ces lésions étaient en relation avec l'accident de trajet du 4 juillet 2017, ne faisant qu'émettre une hypothèse probable. Il s'est également fondé sur l'avis du docteur [R] selon lequel « ni le médecin traitant, ni le neurochirurgien traitant, ni l'état actuel de la médecine, ne peuvent affirmer avec certitude si les kystes de Tarlov et les symptômes en lien avec les kystes de Tarlov ont été révélés ou aggravés par l'accident de trajet pour cette rechute ». Il a conclu à l'absence de toute démonstration d'un lien de causalité direct et certain et d'une aggravation de l'état de santé de Mme [M] en lien avec l'accident de trajet du 4 juillet 2017.

Par déclaration électronique reçue au greffe le 26 mars 2021, Mme [M] a régulièrement interjeté appel de la décision notifiée le 10 mars 2021.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 5 juin 2024 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées et ont plaidé.

Mme [M], assistée de son Conseil, fait reprendre oralement ses conclusions et demande à la cour de :

- avant dire droit, ordonner une expertise médicale et y commettre pour y procéder le médecin choisi par ses soins avec pour mission de dire s'il existe un lien de causalité entre l'accident du travail dont elle a été victime le 04 juillet 2017 et les lésions et troubles invoqués à la date du 1er avril 2019, et s'il existe une aggravation de son état de santé en lien avec cet accident,

- dire que l'expertise aura lieu aux frais avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,

- réserver toutes autres demandes.

Sur le fond, Mme [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- annuler la décision implicite de la commission de recours amiable du 27 novembre 2019, confirmant le refus du 15 avril 2019 et 08 juillet 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne de prendre en charge au titre de la rechute de l'accident de trajet du 04 juillet 2017, les lésions et troubles invoqués le 1er avril 2019,

- reconnaître en tant que rechute de l'accident du 04 juillet 2017, les lésions et troubles invoqués le 1er avril 2019 et lui reconnaître en conséquence le bénéfice des dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, pour les lésions invoquées en date du 1er avril 2019 au titre des nouvelles lésions de l'accident de trajet survenu le 04 juillet 2017,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse, développe oralement ses conclusions, et demande à la cour de :

- déclarer Mme [M] [X] mal fondée en son appel,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 5 juin 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 5 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le refus de prise en charge de la rechute

Moyens des parties

Au soutien de son recours, Mme [M] fait valoir, en substance, que si les avis entre les différents médecins et experts ne sont pas concordants, il ne peut en être déduit que les kystes qu'elle présente ne sont pas en lien avec l'accident de trajet. Elle estime que les différents certificats médicaux, notamment ceux des docteurs [S], [G] et [B], sont suffisamment probants pour établir le lien de causalité entre les lésions mentionnées au certificat médical du 1er avril 2019, le premier médecin indiquant que « le traumatisme de chute a pu décompenser les kystes qui sont devenus symptomatiques », le deuxième qui estime qu'il existe un « lien entre la chute et la décompensation des kystes » ainsi que « dégradation de l'état de santé de Madame [M] à la suite de sa chute du 04/07/2017 » et le troisième qui considère que la chute a été « responsable de l'installation d'un déficit sensitif périnéal de troubles sphinctériens et de lombo-sciatalgies S1 bilatérales ainsi que dorsalgies cervicales ». Si les médecins ne peuvent affirmer avec certitude le lien de causalité c'est parce que l'examen qui a permis de révéler les kystes a été effectué tardivement, ainsi que l'atteste le docteur [C]. Mme [M] relève en outre que les douleurs provoquées par ces kystes sont apparues après l'accident, n'en ayant jamais souffert auparavant. En tout état de cause, Mme [M] estime que l'expert ne pouvait déduire de l'absence de certitude sur le fait que l'accident a révélé ou aggravé les lésions, l'absence de toute aggravation. Enfin, s'agissant de l'aggravation de son état de santé, elle renvoie aux divers certificats médicaux qu'elle produit, notamment un rapport d'expertise sur le DFP, qui en font la démonstration ainsi que la décision de la maison départementale des personnes handicapées lui reconnaissant, postérieurement à la date de consolidation la qualité de travailleur handicapée.

La Caisse rappelle que la rechute se caractérise soit par l'aggravation de la lésion dont est atteinte une victime consolidée soit par l'apparition d'une lésion résultant de l'accident chez une victime considérée comme guérie. Au contraire des lésions constatées immédiatement après l'accident ou dans un temps voisin des faits, les lésions invoquées à titre de rechute ne bénéficient pas de la présomption d'imputabilité de sorte que c'est à celui qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Pour sa part, son médecin conseil a considéré qu'il n'existait pas de modification de l'état consécutif à l'accident de trajet justifiant des soins ou une incapacité de travail, et qu'il a été confirmé en son analyse par le docteur [R], commis comme expert technique. Les conclusions de celui-ci étant claires et sans ambiguïté et Mme [M] ne présentant aucun nouvel élément pour les contredire, elle s'imposent à elle tout comme à l'organisme.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations.

Il résulte de l'article L. 443-2 du même code que si l'aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.

Il est de principe que seules peuvent être prises en compte l'aggravation de la lésion initiale après consolidation ou les nouvelles lésions en lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail et non les troubles qui, en l'absence d'aggravation de l'état de la victime retenue par l'expert, ne constituent qu'une manifestation de séquelles.

La victime d'une rechute ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale et doit prouver qu'il existe une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses postérieures à la consolidation de son état de santé et le traumatisme initial (Soc., 12 juillet 1990, n° 88-17.743).

Les juges du fond apprécient souverainement la portée des éléments de preuve qui leur sont soumis pour juger qu'un état de rechute est caractérisé (2e Civ., 12 juin 2007, n° 06-16.906;- 8 janvier 2009, n° 07-15.676 Bull. 2009, II, n° 8 ;- 11 octobre 2002, n° 11-23.078).

Il résulte des dispositions des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale que les contestations d'ordre médical opposant la caisse à l'assuré relatives notamment à l'état de ce dernier, donnent lieu à une expertise médicale technique dont les conclusions si elles procèdent d'une procédure régulière et sont claires, précises, dénuées d'ambiguïté, s'imposent aux parties ainsi qu'au juge du contentieux général de la sécurité sociale, qui ne dispose pas du pouvoir de régler une difficulté d'ordre médical.

Selon l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, devenu l'article R. 142-17-1, II, du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L.141-1, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande. Dans ce cas, les règles prévues aux articles R. 141-1 à R.141-10 s'appliquent sous réserve des dispositions du présent article.

Il résulte de ce qui précède que :

- soit les juges du fond, disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation, estiment que les conclusions de l'expert sont claires et précises, ils sont alors tenus de tirer les conséquences légales qui en résultent sans pouvoir les discuter, sans préjudice de la possibilité d'ordonner une nouvelle expertise dont les conclusions s'imposeront dans les mêmes termes,

- soit ce n'est pas le cas et il leur appartient de recourir à un complément d'expertise, ou, sur la demande d'une partie, d'ordonner une nouvelle expertise technique.

En l'espèce, il sera rappelé que le certificat médical initial établi le 5 juillet 2018 faisait mention de « chute de sa hauteur, douleur cervico-dorsale et du coccyx ; douleur des deux épaules, des deux poignets et bras et cheville droites » .

A la date de consolidation au 2 septembre 2018, le médecin-conseil de la Caisse estimait qu'il demeurait des séquelles persistantes consistant en une « Gêne modérée au niveau du rachis cervical ». Il constatait « l'absence de séquelle indemnisable au niveau du rachis lombaire, coccyx, des épaules, des poignets, bras, ni cheville droite » et proposait un taux d'incapacité permanente partielle de 6 %.

Le 1er avril 2019, Mme [M] adressait à la Caisse un certificat médical de rechute établi par le docteur [T] [G] mentionnant « depuis la chute sur les fesses, se plaint de fessalgies bilatérales des pertes de la sensibilité au niveau de la plante des pieds, douleurs (illisibles). L'IRM montre des kystes de Tarlov qui peuvent décompenser suite à un traumatisme (suite avis neurologue) ».

Soumis à son médecin-conseil, le docteur [O] [F] [L], celui-ci rendait, le 17 juillet 2019, un avis défavorable à la prise en charge de ces lésions au titre dû risque professionnel relevant que « les lésions décrites sur le certificat médical sont imputables mais il n'y a pas d'aggravation de l'état de la victime justifiant des soins dans le cadre de la rechute ».

Mme [M] ayant contesté cette décision, une expertise technique a été mise en oeuvre et confiée au document [R] qui a considéré qu'il ne pouvait être retenu de lien de causalité direct entre les séquelles de l'accident du trajet et les troubles mentionnés dans le certificat médical du 1er avril 2019. Il motivait son avis en relevant que « si l'accident pouvait être à l'origine de la décompensation des kystes, cette décompensation aurait du se produire au décours de l'accident du travail en 2017. En raison de la consolidation en septembre 2018, la symptomatologie ultérieure ne peut être imputée à l'accident du travail. L'accident peut aggraver ou révéler de façon transitoire la symptomatologie en lien avec une pathologie antérieure, mais à la consolidation, la symptomatologie en lien avec l'accident est épuisée et les symptômes ultérieurs sont en lien avec une pathologie antérieure et qui évolue alors pour son propre compte ». Il concluait que « ni le médecin traitant ni le neuro-chirurgien ni de l'état actuel de la médecine ne permettaient de dire que les kystes de Tarlov et les symptômes en lien avec les kystes ont été révélés ou aggravés par l'accident du travail pour cette rechute. Nous pouvons affirmer qu'à la date du 01/04/2019, il n'existait pas de symptômes traduisant une aggravation de l'état dû à l'accident ».

Pour contester ces avis, Mme [M] fait valoir qu'aucune autre explication ne vient justifier la décompensation de ces kystes qui ont été décelés en août et octobre 2017, soit juste après l'accident du travail. Elle verse aux débats :

- le compte-rendu d'une IRM médullaire réalisée le 16 octobre 2017 selon lequel se retrouvait « une discopathie dégénérative à l'étage cervical comportant une saillie discale médiane du disque C4-C5 sans conflit radiculaire patent. Absence d'anomalie à l'étage lombaire en dehors de kystes de Tarlov des émergences radiculaires de S2, intégrité de la moelle »,

- le compte-rendu du docteur [K] [Y], Neurologue, rédigé le 20 décembre 2018 qui indique que Mme [M] « présente depuis 07/2017 suite à une chute sur le bassin : paresthésies et dysesthésies des 2 pieds avec une hypoesthésie en selle sans fuite urinaire ni fécale »,

- un courrier établi le 18 mars 2019 par le docteur [S] à son confrère selon lequel « comme vous le savez, l'apparition des kystes de Tarlov est souvent congénitale, mais ils peuvent décompenser lors d'un traumatisme effort de soulèvement, d'éternuement, etc... », propos réitérés dans un courrier établi le 14 mai suivant dans les termes suivants : « comme vous le savez, son EMG périnéale montre des signes de souffrance au niveau des racines sacrées en rapport avec les kystes méningés sacrés » et encore le 12 mai 2021 « elle a constaté à la suite d'une chute en juillet 2017 l'installation de douleurs cervico-dorsales, des membres inférieurs et du coccyx, d'algies cervico-brachiales et de troubles sphinctériens (...) Les atteintes sacrées de S1 à S4 sont consécutives aux kystes méningés sacrés de Tarlov. La chute sur la région fessière a provoqué une entrée de liquide céphalo-rachidien dans les kystes en S2, ce qui a augmenté la pression à l'intérieur des kystes et provoqué une atteinte des racines sacrées situées à proximité »,

- le compte-rendu d'un EMG réalisé le 23 avril 2019 accompagné d'un courrier établi par le docteur [J] [B] le 25 avril 2019 à l'intention du docteur [S] pour lui indiquer que Mme [M] « se plaint depuis juillet 2017 d'un déficit sensitif périnéal et d'algies S1 bilatérales. Elle signale également la diminution de la sensation de besoins mictionnels et une constipation (...) Il est possible que les atteintes S1 aux membres inférieurs et S3 au périnée soient consécutives aux kystes méningés sacrés de Tarlov »,

- un certificat médical établi le 21 juin 2019 par le docteur [C] selon lequel Mme [M] « a été victime d'un accident de travail le 04/07/2017, dont le diagnostic a été diffus et retardé par la prescription d'un EMG pelvien tardif. Actuellement, cette patiente souffre d'une neuropathie des deux membres inférieurs et des deux membres supérieurs pouvant être en rapport avec la fuite du liquide rachidien lors de la l'écrasement des kystes de tarlov », ce même médecin attestant, le 4 juin 2021 « que l'état de santé de Madame [M] [X] présente une aggravation progressive et constance de sa chute de juillet 2017 »,

- un certificat médical établi le 11 juin 2019 par le docteur [S] indiquant que « depuis la chute sur la fesse le 4 juillet 2017 et depuis cette date, elle se plaint de fessalgies bilatérales, de troubles sensitifs au niveau des plantes des pieds et des troubles sphinctériens. Son IRM lombosacrée était en faveur de kystes méningés sacrés. Il est fort probable que cette chute a occasionné une décompensation de ses kystes »,

- le courrier rédigé le 13 novembre 2020 par le docteur [U] [W], qui a réalisé un bilan électro physiologique « en raison de la persistance d'algies cervicales, d'algies lombaires et de douleurs des membres inférieurs ainsi que des troubles sphinctériens survenus à la suite d'une chute en juillet 2017 chez une patiente qui a des kystes méningés sacrés de Tarlov en S2 » et qui précisait que Mme [M] « avait été opérée en juillet 2019 de kystes méningés sacrés de Tarlov en S2 et qui a pour antécédent en juillet 2017, une chute qui a été responsable de l'installation d'un déficit sensitif périnéal, de troubles sphinctériens et de lombo-sciatiques S1 bilatérales ainsi que des algies cervicales » puis le 12 mai 2021 en ces termes « les atteintes sacrées de S1 à S4 sont consécutives aux kystes méningées sacrés de Tarlov. La chute sur la région fessière a provoqué une entrée de liquide cephalorrachien dans les kystes en S2, ce qui a augmenté la pression à l'intérieur des kystes et provoqué une atteinte des racines sacrées située à proximité »,

- le certificat médical du docteur [S] établi le 13 novembre 2020 qui indique que « les kystes de Tarlov correspondent à une poche contenant du liquide céphalo-rachidien se trouvant au niveau du sacrum. Plusieurs théories expliquent l'apparition de ces kystes. Dans la grande majorité des cas, ces kystes ne sont pas symptomatiques mais parfois, à l'occasion d'un traumatisme, d'un effort pouvant augmenter la pression du liquide céphalo-rachidien qui peut être un effort de charge, un effort d'éternuement, d'accouchement. (...) On peut penser que ce traumatisme de chute sur les fesses a pu décompenser ces kystes qui sont devenus symptomatiques »,

- l'avis du médecin du travail proposant dans le cadre de la visite de pré-reprise du 1er avril 2021, une inaptitude à son poste,

- un rapport d'expertise effectuée à la demande de Mme [M] le 5 janvier 2022 par le docteur [E] [P] dans le cadre de l'évaluation de l'incapacité permanente partielle, qui explique, après avoir rappelé l'ensemble des examen pratiqués, qu'à partir de l'accident du travail du 4 juillet 2017, les arrêts étaient prolongés essentiellement pour des douleurs du rachis lombaire et du coccyx et divers examens complémentaires étaiententrepris. Il conclut que « dans la mesure où la décompensation a été imputée par les différents praticiens et par le neurochirurgien à la chute prise en charge en accident de travail, qu'il convient d'apprécier le taux de DFP par rapport à la symptomatologie persistante. L'intervention neurochirurgicale doit être prise en charge au titre de cet accident de travail. Nous laissons à l'Expert désigné par le Tribunal, la détermination de la date de consolidation et du taux de DFP qui devrait être compris, compte-tenu du barème des accidents de travail, entre 20 et 25%, non compris le retentissement professionnel »,

- le rapport médical établi le 18 mars 2021 par le docteur [V] [Z], expert commis par ordonnance du 1er décembre 2021 par le pôle social dans le cadre de la contestation du taux d'incapacité permanente partielle retenu par le médecin-conseil à la date de consolidation de l'état de santé de Mme [M] rappelle que «Les kystes de Tarlov ou kystes péri-neuraux se développent généralement à la jonction du ganglion dorsal et de la racine postérieure et sont dus à une dilatation remplie de liquide céphalo-rachidien au niveau de la racine nerveuse postérieure et communiquent avec l'espace sous arachnoïdien. Leur localisation est essentiellement au niveau lombo-sacré. L'immense majorité de ces kystes sont asymptomatiques et seulement 1 % sont décrits comme symptomatiques. Les causes du passage de kyste asymptomatique en kyste symptomatique ne sont pas certaines mais des hypothèses ont été avancées en particulier la possibilité d'un traumatisme» et que « les signes décrits par Mme [X] [M] sont tout à fait compatibles avec des kystes de Tarlov devenus symptomatiques et retrouvés à l'imagerie ». Il indique également «Il semble qu'entre juillet et décembre en 2018, il y ait eu une aggravation car Mme [X] [M] signalaient des signes périnéaux à savoir une pollakiurie, des douleurs pelviennes et une tendance à la constipation mais, il faut bien le reconnaître, ces signes sont bien banaux. Il existe, par contre, à l'examen une anesthésie en selle sur le territoire de S3 mais on ne sait pas depuis quand elle remonte puisqu'il n'est pas signalé d'examen de la sensibilité fessière dans le rapport du Médecin Conseil». Il concluait «, la symptomatologie présentée par la requérante (à savoir des paresthésies et des dysesthésies des deux membres inférieurs en particulier au niveau de la plante des pieds) était en rapport non pas avec une atteinte du rachis lombaire proprement dite mais à des kystes de Tarlov qui sont devenus symptomatiques suite à la chute. Nous nous retrouvons donc dans le cas d'un état antérieur qui a été décompensé et/ou révélé par l'accident du travail. Nous proposons d'attribuer et ce en nous plaçant à la date de consolidation du 01/09/2018 au vu du barème indicatif d'invalidité (accident du travail/maladie professionnelle) d'un taux d'IPP de 18 % à Mme [X] [M] : 6 % pour la limitation douloureuse et active du rachis cervical, 12% pour les douleurs neurologiques à type de 'fessalgies' et dysesthésies des plantes deux pieds associées à des signes périnéaux mineurs (pollakiurie, constipation et hypoesthésie en selle) ».

Il résulte de l'ensemble de ses avis que s'il ne se dégage pas une unanimité à la question de savoir si une chute sur les fesses peut provoquer des kystes de Tarlov, sur les cinq médecins et experts consultés, seul le docteur [R] l'exclut. Même le médecin-conseil avait admis ce lien d'imputabilité puisqu'il estimait que « les lésions décrites sur le certificat médical sont imputables mais il n'y a pas d'aggravation de l'état de la victime justifiant des soins dans le cadre de la rechute », justifiant uniquement sur ce dernier élément le refus d'une prise en charge.

De même, contrairement à ce que l'expert a indiqué, ce n'est nullement la symptomatologie qui a été révélée tardivement, mais son origine. Une confusion semble être faite entre l'instantanéité de la lésion et le moment de sa constatation médicale. Or, en l'espèce, il résulte clairement des certificats médicaux de prolongation établis avant la date de consolidation que Mme [M] s'était plainte, dès la survenance de l'accident, d'une douleur au rachis et d'une insensibilité pelvienne, ce qui avait d'ailleurs été relevé par son médecin. Seule l'objectivation médicale de l'atteinte est intervenue plus tardivement, ce qui ne saurait remettre en cause la date de survenance du dommage ni d'écarter, par principe, un lien de causalité.

Il est ainsi constant que dans les suites de l'accident Mme [M] s'est plainte de douleurs aux dos, des douleurs cervico-dorsales des membres inférieurs et du coccyx, de paresthésies des membres inférieurs, d'algies cervico-brachiales et de troubles sphinctériens dont la cause n'était pas retrouvée aux examens physiques. Après plusieurs examens exploratoires, a été réalisée, le 16 octobre 2017, une IRM médullaire retrouvaient « une discopathie dégénérative à l'étage cervical comportant une saillie discale médiane du disque C4-C5 sans conflit radiculaire patent. Absence d'anomalie à l'étage lombaire en dehors de kystes de Tarlov des émergences radiculaires de S2, (...) ». D'autres examens ont confirmé l'existence d'importants kystes, kystes 'méningés sacrés', mais aussi et surtout des kystes 'radiculaires' c'est-à-dire se situant à l'endroit des lombalgies prises en charge au titre du risque professionnel. Pour autant, ce n'est que le 18 mars 2019 que le docteur [S] a fait explicitement un parallèle entre la décompensation des kystes et l'accident du trajet.

C'est donc bien avant la date de consolidation, contrairement à ce qu'a mentionné l'expert, que les lésions sont apparues de sorte que son avis défavorable à l'imputabilité de la lésion à l'accident au motif que « si l'accident pouvait être à l'origine de la décompensation des kystes, cette décompensation aurait du se produire au décours de l'accident du travail en 2017. En raison de la consolidation en septembre 2018, la symptomatologie ultérieure ne peut être imputée à l'accident du travail. (...) A la consolidation, la symptomatologie en lien avec l'accident est épuisée et les symptômes ultérieurs sont en lien avec une pathologie antérieure et qui évolue alors pour son propre compte » n'apparaît pas pertinente.

Il sera alors constaté que les docteurs [G], [S], [C] et [W], au regard des examens exploratoires, font explicitement un parallèle entre la décompensation des kystes et l'accident en proposant une argumentation qui n'apparaît ni abscons ni dénuée de fondement.

La demande de Mme [M] mérite donc d'être soumise à un nouvel expert désigné cette fois en application de l'article L.141-2 du code de la sécurité sociale selon les termes du dispositif, avec une mission similaire à celle confiée au premier expert.

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par Mme [X] [M] recevable,

ORDONNE, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale confiée au docteur

[H] [A]

[8],

[Adresse 2]

[Localité 4]

Tél : [XXXXXXXX01],

expert, avec pour mission de :

- convoquer les parties et aviser le médecin traitant de Mme [M] ;

- examiner Mme [M] et recueillir ses doléances ;

- prendre connaissance des éléments produits par les parties, à charge pour l'expert de les inventorier, en particulier du rapport d'expertise médicale du docteur [R] et du docteur [P] ainsi que les avis des docteurs [S], [P] et [G];

- dire s'il existe un lien de causalité direct ou par aggravation entre l'accident du travail dont Mme [M] a été victime le 1er avril 2018 et les lésions invoquées par le certificat du 4 juillet 2019 ;

- dans l'affirmative, dire si à la date du 1er avril 2019 existaient des symptômes traduisant une aggravation de l'état dû à l'accident du travail en cause et survenue depuis la guérison des séquelles fixée au 15 janvier 2016, et si cette modification justifiait au 12 novembre 2019 :

¿ un arrêt de travail '

¿ un traitement médical '

- dans la négative, dire si l'état de l'assurée est en rapport, au moins partiellement, avec un état pathologique indépendant de l'accident, évoluant pour son propre compte ;

DIT que l'expert devra déposer son rapport dans les trois mois de la notification de la présente décision au greffe du pôle social du tribunal judiciaire, qui en assurera la transmission aux parties ;

DIT que les frais d'expertise sont pris en charge conformément aux dispositions des articles L. 142-11 et R.141-7 du code de la sécurité sociale ;

DIT que l'affaire sera à nouveau évoquée après expertise à l'audience du :

Mardi 04 Février 2025 à 13h30

en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,

PRÉCISE que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties ou de leurs représentants à ladite audience et enjoint aux parties de se communiquer au moins quinze jours avant cette date, leurs conclusions en réouverture de rapport ;

RÉSERVE les dépens ;

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/03259
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;21.03259 ?
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